Merci beaucoup de m'accueillir au sein de votre commission pour échanger avec vous sur ces projets de loi organique et ordinaire que vous allez examiner la semaine prochaine en commission.
À l'issue de cette adoption en première lecture, nous avons vu émerger dans le paysage de la protection sociale une cinquième branche, la CNSA, dont j'ai l'honneur de présider le conseil dans sa forme actuelle, étant désignée comme cheffe de file de celle-ci.
Que de nouvelles ! Quelle accélération de l'Histoire ! Je le dis en souriant, mais je dois vous avouer que la présidente du conseil que je suis ne boude pas son plaisir, quinze ans après que la loi portant création de la CNSA a été adoptée, de considérer le chemin parcouru. Notre pays se dotera en effet, après que les assemblées se seront définitivement prononcées, et si la haute assemblée le juge utile, d'une cinquième branche de protection sociale dont le nom ne se réfère pas à la perte d'autonomie ni à la dépendance, mais à l'autonomie. Pour la CNSA, partie prenante de cette politique, ce n'est pas un détail !
Je vais donc essayer de retracer la position du conseil de la CNSA, qui s'est exprimé tout récemment dans le cadre de sa cellule d'urgence, et qui aura l'occasion de rendre très rapidement sa position publique sur le sujet. Le conseil s'est par ailleurs exprimé sous forme d'avis, après avoir été saisi sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire, dans le cadre d'un conseil exceptionnel, par l'intermédiaire d'une motion qui a été adoptée à la quasi-unanimité des votants.
Nous avions, à la suite d'une grève historique dans les Ehpad, entendu le Président de la République, à l'été 2018, lors du congrès de la Mutualité française, à Montpellier, faire part de sa volonté de consacrer une réforme à la question de la dépendance, alors même que cet élément ne faisait pas partie de son programme électoral.
Cette intention politique d'ampleur, destinée à répondre à la question de l'avancée en âge de la société française, a donné lieu à une très vaste concertation, portée à l'époque par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Nous y avons tous contribué, de près ou de loin, par voie numérique et par les travaux de la commission présidée par Dominique Libault.
Le rapport Libault a fait bouger les lignes puisqu'il a propulsé une acception un peu différente de celle contenue dans les propos du chef de l'État en 2018. Des notions comme la vie à domicile, le vivre chez soi, l'accompagnement de la personne, ont fait partie du corpus de référence qui a fait du rapport Libault un marqueur dans la réflexion collective sur la question.
Dominique Libault a en effet pointé un certain nombre de sujets sur lesquels il ne s'est pas avancé, comme la question de la convergence avec la politique du handicap, sur laquelle le conseil de la CNSA est bien plus allant, considérant que les dispositions de la loi du 11 février 2005, dans ce domaine, doivent être mises en oeuvre.
Il a également identifié une forme de périmètre budgétaire, conforté en cela par Bertrand Fragonard au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et, sans doute, ultérieurement, par le rapport El Khomri ainsi que les travaux du conseil de la CNSA, estimant l'effort financier de la Nation à consentir à l'avancée en âge de la population entre 8 et 12 milliards d'euros d'ici 2030 - premier horizon du choc du vieillissement.
Entre-temps, nous avons tous été foudroyés par l'arrivée du coronavirus, qui a poussé notre pays à adopter l'état d'urgence sanitaire et le confinement généralisé durant une longue période, avec des conséquences évidemment très lourdes sur la situation de nos compatriotes, mais également sur la situation économique et sociale de notre pays. Nous avons dû faire face à un nombre considérable de décès, d'abord chez les personnes âgées, en situation de handicap ou fragiles, qui sont les premiers touchés à chaque fois qu'une crise climatique, sanitaire ou environnementale se produit.
Nous avons appris de 2003. Nous nous sommes organisés pour cela mais, malgré cet effort, qui s'est traduit par des dispositions favorables pour les publics âgés et en situation de handicap, convenons qu'on ne peut dire qu'on a assuré une protection à égalité des chances de nos compatriotes âgés et en situation de handicap.
Imaginons qu'entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, nous nous soyons dotés d'une véritable politique de l'autonomie, plus volontariste encore que celle que les lois de 2004, 2005 et 2015 ont permis de mettre en oeuvre. Aurions-nous alors été obligés d'instaurer le même type de confinement à Mont-de-Marsan et à Mulhouse ? Peut-être pas...
Dès lors, si nous voulons tirer un enseignement de la covid-19, il nous faut intégrer vite l'idée qu'une politique de l'autonomie placée dans le champ de la protection sociale n'est pas une coquetterie ou un supplément d'âme mais un véritable pilier pour apporter une réponse aux besoins de nos concitoyens souvent déclassés lorsqu'ils sont touchés par de longues maladies, qu'elles soient psychiatriques, oncologiques, ou autres. Si nous ne mettons pas en oeuvre une politique volontariste de l'autonomie face aux grands risques climatiques, sanitaires et environnementaux, ne risquons-nous pas, dans quelque temps, de faire le même constat que celui d'aujourd'hui et de 2003 ?
C'est pourquoi je pense que nous devons saisir l'apparition de la cinquième branche dans la loi organique - et je me félicite de la désignation de la CNSA comme cheffe de file -, car cela crée une ouverture législative que nous devons, par nos travaux communs, remplir, nourrir d'un certain nombre de dispositions qui doivent traiter de sa gouvernance, de son périmètre financier et des modalités de sa mise en oeuvre.