Commission des affaires sociales

Réunion du 17 juin 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous examinons la proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes du covid-19.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives : au champ des bénéficiaires du fonds d'indemnisation et aux critères d'éligibilité à une réparation de leurs préjudices ; à la nature des préjudices indemnisables et à la notion de seuil de gravité de ces préjudices ; à la gouvernance du fonds et aux modalités d'instruction des demandes d'indemnisation par le fonds ; à l'articulation de l'indemnisation par le fonds avec les procédures d'indemnisation de droit commun des maladies professionnelles par les régimes de sécurité sociale ; aux modalités de financement du fonds.

En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs : aux conditions d'engagement ou d'exonération de la responsabilité des employeurs publics ou privés ou des autorités publiques dans la gestion de la crise sanitaire ; aux obligations des employeurs en matière de sécurité et de santé au travail.

L'engagement professionnel et bénévole de nombreux de nos concitoyens avant, pendant et après la phase aiguë de l'épidémie de covid-19 a suscité l'émotion et l'admiration de l'ensemble de la population. Dès le début de l'épidémie, les soignants et personnels d'établissements de santé et médicosociaux se sont en effet mobilisés pour prendre en charge les malades et ont, à cette occasion, été exposés à un risque accru de contamination par le SARS-CoV-2, d'autant que des équipements de protection individuelle en quantité suffisante faisaient défaut.

Pendant le confinement, au-delà du soin, d'autres secteurs d'activité ont continué de fonctionner afin d'assurer la continuité de services essentiels à la vie de la nation, dont les premiers secours, les ambulanciers, les forces de sécurité, les personnels de l'éducation nationale et des crèches chargés d'accueillir les enfants de soignants, les services d'aide à domicile, les services de propreté et de salubrité publique, les salariés des pompes funèbres, les salariés de la grande distribution, des transports, de la logistique et de la livraison, du secteur postal ou encore les salariés des abattoirs...

La proposition de loi déposée par notre collègue Victoire Jasmin part du constat que ces nombreux travailleurs et bénévoles, qui ont poursuivi leur activité professionnelle ou associative pendant le confinement, ont également été exposés à un risque accru d'infection par le SARS-CoV-2. Certaines de ces personnes ont développé des formes graves de la covid-19 qui ont pu donner lieu, notamment à l'issue d'une hospitalisation dans un service de réanimation, à des séquelles invalidantes ou incapacitantes, telles que des atteintes respiratoires, neurologiques, cardiaques ou dermatologiques, ou ont pu conduire à des décès.

La reconnaissance de la covid-19 comme maladie professionnelle pour les seuls soignants annoncée par le ministre des solidarités et de la santé le 23 avril ne permet donc pas de reconnaître le service rendu à la nation par l'ensemble de ces travailleurs qui n'ont pu rester confinés. C'est pourquoi la proposition de loi entend instituer un fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19 destiné à offrir une réparation intégrale de leur préjudice.

Cette initiative parlementaire, qui répond à des demandes de simplification des procédures d'indemnisation exprimées tant par les associations de victimes que par les organisations syndicales, n'est pas isolée. Deux propositions de loi tendant à permettre la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de la covid-19 ont en effet également été déposées à l'Assemblée nationale : l'une par les députés Les Républicains Daniel Fasquelle et Jean-Pierre Door, l'autre par les députés socialistes et apparentés Régis Juanico et Christian Hutin.

L'ensemble des auditions que j'ai conduites, y compris celles de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la direction de la sécurité sociale, ont mis en lumière la nécessité d'instituer un processus d'indemnisation simplifié et équitable des travailleurs qui auraient été exposés à un risque accru de contamination pendant le confinement, au-delà des seuls personnels soignants.

J'ai bien entendu les réserves légitimes initialement exprimées par notre président. La création d'un fonds d'indemnisation des victimes d'une maladie infectieuse ayant très largement circulé dans la population, bien au-delà des seules situations professionnelles, serait en effet une première. De même, le principe d'une réparation intégrale des préjudices liés à une contamination par le SARS-CoV-2 peut sembler prématuré au regard de l'état encore très parcellaire des connaissances scientifiques sur ses effets à long terme sur la santé. Je m'attacherai donc à vous convaincre du caractère exceptionnel de ce dispositif et à démontrer qu'il est possible de le circonscrire dans son champ et son horizon temporel.

Si l'on s'en tient à l'exposé des motifs de la proposition de loi, le fonds a vocation à répondre à une situation exceptionnelle en indemnisant intégralement des personnes qui, pour assurer la continuité de services vitaux pour la nation, ont maintenu leur activité professionnelle ou bénévole en dehors de leur domicile et ont pu, dans ce cadre, être exposées à un risque accru de contamination, pendant une période où le reste de la population était appelé à demeurer confiné. Ce fonds est également censé garantir une simplicité d'accès à l'indemnisation, fondée sur des critères standardisés et objectivables afin de limiter autant que faire se peut les risques d'inégalité de traitement entre les victimes et donc de contentieux.

Or il est vrai que l'article 1er de la proposition de loi ne reflète pas pleinement le lien entre la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de la covid-19 et le fait que celles-ci ont rendu un service à la nation dans des circonstances exceptionnelles. Par ailleurs, il fait peser sur la victime l'intégralité de la charge de la preuve de l'acquisition en milieu professionnel ou bénévole de sa contamination, les contacts réguliers avec des personnes ou objets contaminés étant matériellement impossibles à établir.

C'est pourquoi, afin de mieux définir les contours de la présomption de l'origine professionnelle ou en milieu bénévole de la contamination, je vous proposerai de circonscrire le champ des bénéficiaires à deux niveaux.

Tout d'abord, il apparaît nécessaire de définir les éléments qui permettront d'établir une présomption irréfragable de contamination en milieu professionnel ou bénévole, dans le souci d'alléger la charge de la preuve pesant sur les victimes. Ces éléments reposeront, d'une part, sur une liste d'activités professionnelles ou bénévoles ayant exposé à un risque accru de contamination et, d'autre part, sur des critères objectivables permettant de présumer avec une assurance raisonnable une contamination en milieu professionnel ou bénévole. Bien entendu cette liste ne saurait se limiter aux activités en milieu de soins et nous préciserons qu'elle devra tenir compte du maintien en activité de secteurs indispensables à la vie de la nation.

Ensuite, je vous proposerai de fixer une borne temporelle au risque d'exposition professionnelle ou bénévole à la contamination justifiant une indemnisation intégrale, afin de prendre acte du fait que, pendant la phase aiguë de l'épidémie, des personnes ont été plus exposées à un risque d'infection pour assurer la continuité de certains services que celles qui ont pu être maintenues à leur domicile. Cette période irait du début du confinement, soit le 16 mars 2020, à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit le 10 juillet 2020.

Cette borne temporelle ne s'appliquerait bien entendu pas aux personnes, notamment les soignants, qui auraient déjà obtenu la reconnaissance de leur contamination par le coronavirus par les voies de droit commun, que ce soit par le dispositif de reconnaissance automatique envisagé par le Gouvernement ou par la voie dérogatoire des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Ces personnes pourront ainsi prétendre à une réparation intégrale de leurs dommages au titre du fonds, quel que soit le moment présumé de leur contamination, puisque l'origine professionnelle de leur atteinte aura déjà été établie.

On peut bien entendu regretter l'adossement du fonds à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) qui a plutôt vocation à réparer les dommages nés de dysfonctionnements de notre système de soins. Il aurait été préférable d'intégrer le fonds à la CNAM dont la branche concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP) dispose d'une expertise solide en matière de reconnaissance de maladies professionnelles. Ce transfert d'établissement porteur n'est toutefois pas envisageable par voie d'amendement parlementaire, en raison de l'article 40 de la Constitution.

En revanche, je vous proposerai de veiller à ce que participent à la gouvernance du fonds, au niveau de son conseil de gestion, non seulement des représentants de l'État et des personnes qualifiées, mais également des représentants des partenaires sociaux siégeant à la commission AT-MP de la CNAM et des représentants des associations de victimes de la covid-19.

Enfin, il est bien entendu difficile à ce stade d'estimer le nombre de bénéficiaires potentiels du fonds et son coût. Nous ne disposons que de données parcellaires qui concernent essentiellement les personnels soignants hospitaliers et médicosociaux. Néanmoins, les modifications que je vous proposerai d'adopter à l'article 1er sur le champ des bénéficiaires et les critères d'éligibilité devraient permettre d'en maîtriser le coût.

S'agissant du financement du fonds, la création d'une taxe additionnelle à la taxe « Gafam » sur les géants du numérique peut surprendre. Toutefois, sauf à créer une taxe complètement nouvelle, il n'apparaît pas illogique de faire contribuer un secteur numérique qui, au moins en partie, a pu bénéficier pendant le confinement d'un recours plus important au e-commerce, aux livraisons à domicile, aux paiements sans contact ou encore aux outils de visioconférence. La création d'une nouvelle taxe sur les contrats de prévoyance, fortement critiqués pour leurs clauses restrictives pendant la crise sanitaire, aurait pu être envisagée, mais le risque existe qu'une telle taxe se répercute sur le montant des cotisations payées par les salariés adhérents et les employeurs.

Par ailleurs, asseoir le financement du fonds principalement sur une contribution de la branche AT-MP pourrait fragiliser encore plus la logique d'une branche assurantielle fondée sur la responsabilisation des employeurs dans la protection de leurs salariés, protection qui reste a fortiori difficile à garantir face à une maladie infectieuse qui a largement circulé dans la population générale bien au-delà des seules situations de travail.

En outre, l'exposition au virus d'agents de l'État et l'indemnisation des ayants droit de personnes décédées plaident pour une mobilisation de la solidarité nationale par un engagement financier de l'État. Dans ces conditions, je vous proposerai que le financement du fonds s'appuie également sur une contribution de l'État.

Au bénéfice de ces observations, j'invite donc la commission à adopter ce texte modifié par les amendements que je vous soumets.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Cette proposition de loi a le mérite de répondre aux attentes de toutes celles et ceux qui - soignants, mais aussi bénévoles, salariés du privé, fonctionnaires, indépendants ou autres - se sont mobilisés pendant l'épidémie, ont contracté la maladie et en portent des séquelles. Pour eux c'est la double peine : non seulement ils ont apporté leur aide aux autres, mais ils ont aussi été malades. C'est aussi la conséquence de l'austérité qui frappe notre système de santé depuis des décennies. Il est donc primordial de reconnaître le caractère professionnel de cette maladie pour récompenser leur dévouement et pour que justice soit faite. Nous voterons ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Malgré les aménagements de notre rapporteure, le dispositif continue à s'inscrire dans le cadre des maladies professionnelles. Or, celles-ci sont établies en fonction des risques encourus dans le cadre d'une activité économique définie. Si l'on s'engage dans cette voie, nous créons un précédent pour les prochaines épidémies qui frapperont notre pays. Il semble donc difficile de créer un tel fonds, à moins que l'État ne le décide et ne fixe les conditions d'indemnisation des personnes qui se sont engagées, soit dans le cadre de leur profession - mais dans ce cas une indemnisation est déjà prévue -, soit dans un cadre bénévole. L'assimilation à une maladie professionnelle me semble difficile à justifier, même si l'engagement des personnes qui se sont dévouées et qui en ont pâti doit être reconnu. D'où mes réserves sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Si l'on peut comprendre la reconnaissance du caractère de maladie professionnelle pour les personnes en contact avec le public, cela semble plus délicat dans les autres cas. Pourriez-vous nous préciser les modalités de financement de ce fonds ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Sans surprise, mon groupe votera ce texte. Cette proposition de loi est juste, équilibrée et adaptée. La situation suffit à en montrer l'intérêt. Le financement proposé est judicieux, car le secteur du numérique n'a pas été affecté par la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Je salue le travail de notre rapporteure pour cadrer le dispositif. Il ne s'agit pas de remettre en cause la noblesse de l'intention en direction de tous celles et ceux qui ont été au front pendant l'épidémie, mais nous nous interrogeons sur l'application de la notion de maladie professionnelle à une maladie contagieuse. Le sujet est complexe et explique nos réserves.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Mes amendements visent à encadrer le champ d'application de la proposition de loi et précisent le périmètre des bénéficiaires du fonds. Il s'agit d'une situation exceptionnelle liée à l'épidémie et au confinement. Certains ont pu rester chez eux et être moins exposés, tandis que d'autres ont dû maintenir leur activité en dehors de leur domicile pour assurer la continuité des services essentiels à la nation et ont été, dès lors, davantage exposés au risque de contamination, d'autant plus que les équipements de protection manquaient.

Le fonds ne se substitue pas au régime d'indemnisation des maladies professionnelles, mais plutôt le complète. Les deux mécanismes ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. Il n'est par ailleurs pas nécessaire de bénéficier de la reconnaissance de maladie professionnelle pour être éligible au fonds. Le Gouvernement a déjà annoncé la reconnaissance du caractère de maladie professionnelle pour les soignants. D'autres professions ont fait la même demande. Quant à ceux qui ont été contaminés sans contact avec le public, ils n'entrent a priori pas dans le champ de cette proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-1 précise que l'accès au fonds sera automatique pour les personnes ayant déjà obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle liée à une contamination par le virus de la covid-19.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Mais cette maladie n'apparaît pas dans les tableaux des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale...

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Le Gouvernement a annoncé son intention de les modifier pour inscrire la covid-19 comme maladie professionnelle pour les soignants. Sinon, les CRRMP peuvent aussi, à titre dérogatoire, permettre de reconnaître une maladie professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Cette démarche est dangereuse, car on risque d'être confronté au même problème à chaque épidémie. Pour les soignants, la maladie fait partie du risque lié à la profession. Il me semble vraiment difficile de qualifier une maladie contagieuse de maladie professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Si le Gouvernement a annoncé la reconnaissance automatique de la covid-19 comme maladie professionnelle pour les soignants, il me semble plutôt réservé pour les autres professions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

De nombreuses personnes, des bénévoles, d'anciens médecins sont venus spontanément apporter leur concours pour aider. Je pense à tous ceux qui, comme les ambulanciers ou les personnels des pompes funèbres par exemple, n'avaient pas d'équipements de protection. Cette pandémie est exceptionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Il est peu probable que l'on connaisse un tel confinement tous les ans ! Nous devons rendre justice à toutes les personnes qui ont dû travailler, et sans équipements de protection, car ces derniers n'ont été distribués que dans un second temps. Il convient de reconnaître le caractère de maladie professionnelle pour tous ceux qui ont aidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Les auxiliaires de vie ou les aides ménagères, qui interviennent à domicile, sont-elles considérées comme des soignants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Mme Gréaume a raison. Cette proposition de loi est juste au regard des annonces du Gouvernement à l'intention des soignants. Beaucoup d'autres professionnels sont intervenus et ont été en contact avec les malades : la justice voudrait que le caractère de maladie professionnelle soit aussi reconnu dans leur cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

J'ai l'impression que le débat porte aussi sur le caractère exceptionnel de cette pandémie, qui n'est d'ailleurs pas terminée. Nous sortons à peine de deux mois de confinement. Cette épidémie a mis à bas l'économie mondiale, créant des centaines de milliers de chômeurs en France. Le caractère exceptionnel me paraît donc indiscutable. Or à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Nul ne conteste son caractère exceptionnel ! Simplement, en créant un lien entre maladie contagieuse et maladie professionnelle, on risque d'ouvrir un champ de contentieux considérable. Nul ne nie que certaines personnes ont dû travailler, en étant mal protégées, tandis que d'autres sont restées chez elles à cause du confinement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous avons vécu une période de confinement exceptionnelle, provoquée par une épidémie sans précédent au XXIe siècle. Le confinement était nécessaire. Certains de nos concitoyens ont dû, malgré tout, continuer à travailler. Si l'on reprend le terme de « justice », il faut voir où cette logique nous mène : dans la mesure où ceux qui ont travaillé l'ont fait sans protection, il faudrait alors condamner ceux qui devaient leur assurer cette protection...

Je rejoins les propos de MM. Henno et Dériot. Je vous propose de ne pas adopter les amendements, mais de conserver les articles dans leur rédaction initiale, afin que nous puissions avoir le débat en séance sur le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Les auxiliaires de vie ou les aides ménagères pourraient bénéficier du fonds. Elles ont assuré un accompagnement et un soutien précieux auprès de bon nombre de personnes âgées ou handicapées qui étaient à domicile et non en établissement spécialisé. Le Gouvernement a annoncé la reconnaissance automatique de la covid-19 pour les personnels soignants. Une discussion est en cours pour définir le périmètre de cette reconnaissance, préciser notamment si elle inclut ceux qui interviennent à domicile, qui ne prodiguent pas nécessairement des soins médicaux mais fournissent un accompagnement indispensable pour les personnes aidées.

Pour lever les malentendus, mon amendement COM-1 précise de manière explicite, dans un souci de clarification, que l'accès au fonds serait automatique pour celles et ceux qui ont obtenu la reconnaissance du caractère professionnel de leur maladie. Mais, je le répète, les deux mécanismes sont indépendants. On peut bénéficier du fonds sans avoir obtenu la reconnaissance de maladie professionnelle. Inversement, cette dernière n'empêche pas d'être éligible au fonds. Les deux dispositifs sont complémentaires et ne se substituent pas l'un à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Nous nous abstiendrons sur les amendements.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-2 rectifié précise le champ des bénéficiaires et les critères d'éligibilité au fonds d'indemnisation de la covid-19.

L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-3 prévoit l'adossement du fonds à l'Oniam et précise sa gouvernance.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-4 clarifie la charge de la preuve pesant sur le demandeur pour l'accès à une indemnisation par le fonds.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté, non plus que l'amendement rédactionnel COM-5.

L'amendement COM-6 vise à faciliter les procédures d'indemnisation des personnes ayant déjà bénéficié d'une reconnaissance de leur contamination par le virus comme maladie professionnelle.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

L'amendement rédactionnel COM-7 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté sans modification

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-8 prévoit la participation de l'État au financement du fonds.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

L'amendement COM-9 concerne la contribution de la branche AT-MP au financement du fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

La branche AT-MP est alimentée par des contributions des employeurs et a pour vocation à financer les prestations versées, si nécessaire, à leurs salariés. Il est donc curieux de solliciter cette branche et d'en faire bénéficier des personnes à qui elle n'est pas destinée.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Certes, mais le texte prévoit aussi un financement de l'État et une mise à contribution des entreprises du secteur numérique.

L'amendement COM-9 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-10 précise le contenu du certificat médical initial.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté sans modification.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 10

L'article 10 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

L'amendement COM-11 modifie l'intitulé de la proposition de loi : comme l'a rappelé l'Académie française, covid-19 est du genre féminin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Dès lors qu'il s'agit d'une maladie, c'est féminin...

L'amendement COM-11 est adopté et l'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Mes chers collègues, nous avons le plaisir et l'honneur d'accueillir ce matin Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour une audition consacrée aux projets de loi organique et de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, dont l'Assemblée nationale a terminé l'examen le lundi 15 juin, et que notre commission devrait examiner le 24 juin prochain.

Cette audition se tient en visioconférence et a été ouverte à la presse.

Votre audition, madame Montchamp, est l'une des premières à laquelle nous avons procédé, le 8 avril dernier, dans le cadre de nos travaux sur la pandémie de la Covid-19 afin d'examiner notamment les conséquences de celle-ci sur les Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Vous aviez alors regretté « que le Gouvernement n'ait pas donné la priorité au texte sur le grand âge et l'autonomie avant la crise, préférant consacrer son énergie à la réforme des retraites ».

Nous vous entendons aujourd'hui sur ce qui a été une surprise, à savoir l'adjonction, au dernier moment, d'un volet consacré à l'autonomie dans un texte relatif à la dette sociale.

Certes, la situation présente quelques similitudes avec la prise de conscience qui a suivi la canicule de 2003. Pour autant, le volet autonomie de ces projets de loi est tout à la fois modeste et impressionniste.

Il est modeste car, si l'article 2 du projet de loi ordinaire prévoit effectivement une perte de recettes de CSG pour la CADES au profit de la CNSA, à hauteur de 0,15 point, soit environ 2,3 milliards d'euros, il n'opère ce transfert qu'à compter de 2024, pour un montant qui ne représente qu'un quart environ des besoins identifiés.

Il est assez impressionniste, car en dépit des annonces gouvernementales et des modifications apportées par l'Assemblée nationale, l'article 4 du projet de loi ordinaire crée certes désormais une nouvelle branche de la sécurité sociale consacrée à l'autonomie, mais en renvoie le contenu à un rapport au Parlement à l'horizon du mois de septembre prochain.

Le projet de loi organique ne nous renseigne pas davantage, puisqu'il se borne à prévoir, en son article 2, une annexe dédiée du PLFSS. Gouvernance, financement, prestations, tout reste donc à définir sur ce cinquième risque, sur lequel vous aurez certainement des précisions à nous apporter.

Madame la présidente, vous avez la parole.

Debut de section - Permalien
Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Merci beaucoup de m'accueillir au sein de votre commission pour échanger avec vous sur ces projets de loi organique et ordinaire que vous allez examiner la semaine prochaine en commission.

À l'issue de cette adoption en première lecture, nous avons vu émerger dans le paysage de la protection sociale une cinquième branche, la CNSA, dont j'ai l'honneur de présider le conseil dans sa forme actuelle, étant désignée comme cheffe de file de celle-ci.

Que de nouvelles ! Quelle accélération de l'Histoire ! Je le dis en souriant, mais je dois vous avouer que la présidente du conseil que je suis ne boude pas son plaisir, quinze ans après que la loi portant création de la CNSA a été adoptée, de considérer le chemin parcouru. Notre pays se dotera en effet, après que les assemblées se seront définitivement prononcées, et si la haute assemblée le juge utile, d'une cinquième branche de protection sociale dont le nom ne se réfère pas à la perte d'autonomie ni à la dépendance, mais à l'autonomie. Pour la CNSA, partie prenante de cette politique, ce n'est pas un détail !

Je vais donc essayer de retracer la position du conseil de la CNSA, qui s'est exprimé tout récemment dans le cadre de sa cellule d'urgence, et qui aura l'occasion de rendre très rapidement sa position publique sur le sujet. Le conseil s'est par ailleurs exprimé sous forme d'avis, après avoir été saisi sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire, dans le cadre d'un conseil exceptionnel, par l'intermédiaire d'une motion qui a été adoptée à la quasi-unanimité des votants.

Nous avions, à la suite d'une grève historique dans les Ehpad, entendu le Président de la République, à l'été 2018, lors du congrès de la Mutualité française, à Montpellier, faire part de sa volonté de consacrer une réforme à la question de la dépendance, alors même que cet élément ne faisait pas partie de son programme électoral.

Cette intention politique d'ampleur, destinée à répondre à la question de l'avancée en âge de la société française, a donné lieu à une très vaste concertation, portée à l'époque par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Nous y avons tous contribué, de près ou de loin, par voie numérique et par les travaux de la commission présidée par Dominique Libault.

Le rapport Libault a fait bouger les lignes puisqu'il a propulsé une acception un peu différente de celle contenue dans les propos du chef de l'État en 2018. Des notions comme la vie à domicile, le vivre chez soi, l'accompagnement de la personne, ont fait partie du corpus de référence qui a fait du rapport Libault un marqueur dans la réflexion collective sur la question.

Dominique Libault a en effet pointé un certain nombre de sujets sur lesquels il ne s'est pas avancé, comme la question de la convergence avec la politique du handicap, sur laquelle le conseil de la CNSA est bien plus allant, considérant que les dispositions de la loi du 11 février 2005, dans ce domaine, doivent être mises en oeuvre.

Il a également identifié une forme de périmètre budgétaire, conforté en cela par Bertrand Fragonard au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et, sans doute, ultérieurement, par le rapport El Khomri ainsi que les travaux du conseil de la CNSA, estimant l'effort financier de la Nation à consentir à l'avancée en âge de la population entre 8 et 12 milliards d'euros d'ici 2030 - premier horizon du choc du vieillissement.

Entre-temps, nous avons tous été foudroyés par l'arrivée du coronavirus, qui a poussé notre pays à adopter l'état d'urgence sanitaire et le confinement généralisé durant une longue période, avec des conséquences évidemment très lourdes sur la situation de nos compatriotes, mais également sur la situation économique et sociale de notre pays. Nous avons dû faire face à un nombre considérable de décès, d'abord chez les personnes âgées, en situation de handicap ou fragiles, qui sont les premiers touchés à chaque fois qu'une crise climatique, sanitaire ou environnementale se produit.

Nous avons appris de 2003. Nous nous sommes organisés pour cela mais, malgré cet effort, qui s'est traduit par des dispositions favorables pour les publics âgés et en situation de handicap, convenons qu'on ne peut dire qu'on a assuré une protection à égalité des chances de nos compatriotes âgés et en situation de handicap.

Imaginons qu'entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, nous nous soyons dotés d'une véritable politique de l'autonomie, plus volontariste encore que celle que les lois de 2004, 2005 et 2015 ont permis de mettre en oeuvre. Aurions-nous alors été obligés d'instaurer le même type de confinement à Mont-de-Marsan et à Mulhouse ? Peut-être pas...

Dès lors, si nous voulons tirer un enseignement de la covid-19, il nous faut intégrer vite l'idée qu'une politique de l'autonomie placée dans le champ de la protection sociale n'est pas une coquetterie ou un supplément d'âme mais un véritable pilier pour apporter une réponse aux besoins de nos concitoyens souvent déclassés lorsqu'ils sont touchés par de longues maladies, qu'elles soient psychiatriques, oncologiques, ou autres. Si nous ne mettons pas en oeuvre une politique volontariste de l'autonomie face aux grands risques climatiques, sanitaires et environnementaux, ne risquons-nous pas, dans quelque temps, de faire le même constat que celui d'aujourd'hui et de 2003 ?

C'est pourquoi je pense que nous devons saisir l'apparition de la cinquième branche dans la loi organique - et je me félicite de la désignation de la CNSA comme cheffe de file -, car cela crée une ouverture législative que nous devons, par nos travaux communs, remplir, nourrir d'un certain nombre de dispositions qui doivent traiter de sa gouvernance, de son périmètre financier et des modalités de sa mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nicolas Sarkozy a vécu une crise financière qui a relégué la politique de l'autonomie à l'arrière-plan. François Hollande a vécu une crise terroriste qui a eu les mêmes effets. Emmanuel Macron vit quant à lui aujourd'hui une crise sanitaire qui l'obligera à mener une politique en faveur de l'autonomie...

La parole est au rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, je laisserai à Bernard Bonne, avec qui nous nous sommes réparti le travail, le soin de compléter mes questions.

Je centrerai celles-ci sur les aspects financiers. J'ai bien noté ce que vous venez de dire sur l'évolution de la pensée présidentielle, ainsi que sur la prise de conscience progressive de la population et des parlementaires de la nécessité d'agir.

Personnellement, cela ne me choque pas que l'on mette pour le moment entre parenthèses la réforme des retraites et qu'on se recentre sur la dépendance et l'autonomie. Vous avez même répondu en partie à une interrogation que j'ai entendue soulevée hier par un certain nombre de partenaires sociaux au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale concernant la nécessité de créer une cinquième branche. Tous sont favorables au cinquième risque. J'ai entendu M. Libault sur ce point : il est prudent. Il est d'accord s'agissant du cinquième risque. La question va cependant se poser de l'intérêt de le formaliser dans une cinquième branche sans avoir encore défini la gouvernance, le périmètre, toutes choses que le projet de loi voté à l'Assemblée nationale confie à un rapport le soin d'éclairer d'ici au mois de septembre.

Quel regard portez-vous sur le principe d'un transfert de 0,15 point de CSG aujourd'hui dévolu à la CADES ? Cela apparaît assez étrange à beaucoup de monde de prévoir un tel transfert en 2024 pour un risque qui va nécessiter 8 à 12 milliards d'euros en 2030.

Par ailleurs, à quoi vous semble devoir être destiné ce surplus de recettes de CSG ? Comment sera-t-il être réparti dans les différentes sections du budget de la CNSA ?

Troisièmement, quel regard portez-vous sur la création d'une annexe spécifique aux lois de financement consacrées portant sur un périmètre élargi de dépenses relatives à l'aide à l'autonomie des personnes et en situation de handicap ?

Enfin, quel périmètre de dépenses la CNSA jugerait-elle opportun d'attribuer à une future cinquième branche, et quel panier de ressources souhaiteriez-vous y affecter ?

Debut de section - Permalien
Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Pour être franche, au moment du rapport Libault, les questions de branches me paraissaient superfétatoires. Il me semblait fondamental de définir le risque. Du fait de la pandémie de la covid-19 et de la persistance des conséquences délétères sur nos concitoyens âgés ou en situation de handicap, je me suis convaincue que ne traiter que la question du risque était un peu court, et qu'une organisation spécifique de notre système de protection sociale consacrant ce risque spécifique par la création d'une branche pouvait être vertueuse à maints égards.

Par ailleurs, l'affectation de 0,15 point de CSG en 2024 à la CNSA est forcément une bonne nouvelle s'agissant d'un financement de 2,3 milliards d'euros d'apports pérennes, même si 2024 « c'est beau mais c'est loin », comme disait quelqu'un que j'ai bien connu ! La question de savoir comment s'y prendre d'ici là est évidemment dans tous les esprits.

Cette ressource fiscale est constituée sur la base d'une assiette particulièrement large dont le produit est extrêmement favorable et pourra, de manière assez légitime et naturelle, sans créer de choc de prélèvement obligatoire pour nos compatriotes, bénéficier au risque autonomie.

Pourquoi 2024 ? Cette ressource est une ressource de la CADES et on ne peut imaginer la réaffecter prématurément. C'est le principe même de la loi organique de 1996 de garantir les ressources de la caisse de défaisance de la dette sociale. Cela ne peut être autrement. Je me souviens de débats au cours desquels certains avaient déjà pu supputer que les ressources de la CADES pourraient être fléchées ailleurs. Ce sont là des réflexions inopérantes. Il ne peut donc y avoir d'effet d'anticipation.

À quoi cela pourra-t-il servir en 2024 ? Que faisons-nous en attendant ? Si la branche est constituée, je suppose que l'ossature budgétaire de la CNSA sera transformée. La lisibilité du budget de la CNSA n'est pas excellente, d'autant que la construction même en sections budgétaires est en contradiction avec l'esprit de ce que doit être une branche consacrée à l'autonomie. Elle doit en effet solvabiliser des réponses fondées sur l'approche domiciliaire, des prestations de compensation, le financement de la recherche et de l'innovation.

Il sera fondamental que les membres du conseil de la CNSA travaillent sur la construction budgétaire et sur les priorités d'affectation en fonction des politiques publiques qui nous seront fixées. Il est évident qu'un certain nombre de sujets sont déjà posés, comme la revalorisation des personnels d'Ehpad et à domicile, l'évolution du taux d'encadrement, la qualité de la réponse en soins et de la prévention, la mise en oeuvre effective de la perte d'autonomie, l'amélioration de la prestation de compensation - l'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles doit à ce propos être refondue parce qu'elle exclut de son bénéfice toute une partie de nos concitoyens lourdement handicapés.

On ne peut selon moi se prononcer sur le sujet que dès lors qu'on se sera vraiment interrogé sur la structure de la branche, mais aussi sur la tuyauterie budgétaire. J'ai compris que ces 2,3 milliards d'euros constituaient une ressource propre et une capacité pour la CNSA d'avoir demain une certaine marge de manoeuvre. Nous sommes dans une situation qui appelle beaucoup de créativité et nécessite une véritable réflexion de fond pour savoir quel doit être le périmètre de la branche.

Un certain nombre de considérations me semblent fondamentales : aujourd'hui, le budget de la CNSA représente environ 27 milliards d'euros. Il est vrai que nous allons avoir, je pense, quelques mauvaises surprises en matière de recettes propres. La crise économique frappant tout le monde, nous anticipons une baisse d'environ 8 % de nos recettes provenant de la contribution solidarité autonomie (CSA). C'est moins net pour la CSG et la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), liées aux pensions des retraités.

Mais 27 milliards d'euros ne font pas la branche. C'est pourquoi je me réfère à une annexe qui existe déjà dans le PLFSS, l'annexe 1, qui contient le programme de qualité et d'efficience relatif aux aides à l'autonomie : invalidité, interventions de la CNSA, et autres dispositifs destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Cette annexe retient un périmètre de 66 milliards d'euros. Cela signifie que la Nation consacre aujourd'hui 66 milliards d'euros au soutien de l'autonomie de nos concitoyens - et je ne suis pas sûre qu'ils s'en rendent compte.

La vraie question est celle-ci : la branche doit-elle piloter l'affectation ou contrôler l'affectation de ces sommes pour qu'elles le soient de façon vertueuse, plus efficiente, plus transparente, avec des effets de leviers plus forts ? À ces 66 milliards d'euros, il me semble indispensable d'ajouter l'effort que les politiques publiques, hors champ de la protection sociale, doivent consentir aux politiques de l'autonomie. Par exemple, quand Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, annonce un milliard d'euros pour refaire les salles de bains, je me dis que si l'on veut être efficace, il faudrait que quelqu'un pilote cet effort pour que les travaux soient réalisés efficacement. Il est important de faire en sorte que les personnes qui n'ont d'autre choix que de rester chez elles puissent bénéficier d'une adaptation pertinente de leur logement.

Je me tourne également vers Bruno Le Maire, qui a décidé d'apporter un soutien à des secteurs économiques comme le tourisme, l'automobile, l'aéronautique. Le secteur médico-social n'est-il pas un secteur économique ? Bien sûr que si ! Il compte des millions d'emplois et des travailleurs pauvres. Rappelons qu'une aide à domicile touche un salaire moyen d'environ 900 euros.

Le plan de relance doit également concerner une partie de la politique de l'autonomie, notamment pour renforcer les capacités d'investissement sectoriel. Beaucoup d'Ehpad sont à refaire entièrement, et pas simplement à repeindre. La CNSA branche devrait percevoir les fonds et, à tout le moins, copiloter leur affectation.

Il en va de même pour la cohésion des territoires. L'État a décidé d'aider les collectivités locales temporairement du fait de la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) afin qu'elles passent le cap. Tout cela participe de la solvabilisation des politiques pour l'autonomie conduites par les départements.

Il faut que nous apprenions à raisonner autrement, moins en caisse et plus en termes de logiques d'agence et de pilotage. L'agrégat pertinent, de mon point de vue, peut assez vite se monter à quelque 70 milliards d'euros : les 66 milliards existants plus la part des politiques publiques déjà affectées à l'autonomie ou qui pourraient l'être davantage.

Nous aurions ainsi très vite la possibilité d'apporter des réponses à nos concitoyens, en leur garantissant que ces sommes vont bien vers le risque autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Le ministre nous a dit qu'il ne pouvait verser directement la prime concernant les aides à domicile. J'ai toujours pensé que s'il versait une subvention supplémentaire à la CNSA, celle-ci pourrait contribuer au versement, à travers les départements ou les organisations d'aides à domicile, de cette prime promise par le Premier ministre. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Le conseil de la CNSA considère que cette prime doit constituer une reconnaissance de la Nation aux professionnels de l'aide à domicile qui, comme les autres, ont été en première ligne et qui, pour ceux qui ont pu travailler pendant cette période, ont protégé les personnes âgées, leur évitant d'être hospitalisées ou infectées par le coronavirus, le domicile s'étant parfois révélé bien plus protecteur que les Ehpad, qui ont pu se transformer en clusters.

Dès lors, pour le conseil de la CNSA, ceci relève d'un effort exceptionnel et ponctuel de la Nation. La manière de faire n'est pas des plus compliquées à mettre en oeuvre, mais on a connu, durant cette période, un certain nombre d'hésitations. À l'heure actuelle, les professionnels du domicile et les travailleurs pauvres dont je parlais, qui ont été présents pendant toute la crise, n'ont pas reçu de réponse concernant l'octroi de la prime.

Je fais une différence entre la question de la prime et celle de la rémunération. La rémunération appelle un soutien économique, et je veux rappeler que la cellule d'urgence du conseil de la CNSA a mis en oeuvre, avec Dominique Bussereau et l'Assemblée des départements de France, un groupe de travail ad hoc qui travaille à définir ce que pourrait être une évolution significative de la rémunération des personnels des Ehpad. On est là dans la fonction agentielle qui pourrait s'exercer dans le cadre de la cinquième branche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

J'ai bien compris l'essentiel de l'argumentation de Mme Montchamp. Nous sommes donc à peu près sur la même longueur d'onde.

Mon interrogation porte cependant sur la façon dont elle envisage la position que nous pourrions prendre sur ces projets de loi. Le texte qu'on va nous présenter ne devait représenter qu'une extension de la durée de vie de la CADES pour y intégrer les déficits résultant de la baisse des cotisations sociales. Or j'ai l'impression qu'on prend la CADES pour une auberge espagnole : on veut lui transférer les déficits des hôpitaux, qui n'ont rien à voir avec le fonctionnement de la sécurité sociale, et en profiter pour afficher, ce qui est tout à fait vertueux, la naissance de cette fameuse cinquième branche, sur laquelle on a travaillé ensemble à une certaine époque.

Ma position - et nous en discuterons lors du débat - serait de ne pas tout mélanger et d'attendre d'y voir plus clair pour avoir un texte sur la création de cette cinquième branche et savoir comment la financer. Je sais que Bernard Bonne a des idées en la matière, mais il me semble que c'est une fois de plus du bricolage. On nous fait miroiter un transfert de 2,3 milliards d'euros en 2024. Que se passera-t-il entre-temps ?

Pensez-vous que nous devions remettre l'église au centre du village, en nous cantonnant au transfert des déficits de la sécurité sociale, et en reportant au PLFSS l'émergence d'une cinquième branche ainsi que le transfert des dettes des hôpitaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

La création de la cinquième branche - ou du cinquième risque - est plus rapide que prévu, ainsi que la nomination de la CNSA comme gestionnaire de celle-ci. Il faudra clarifier le rôle de chacun.

La plupart de nos interlocuteurs ont regretté la multiplicité des financeurs, l'absence de gouvernance commune et la difficulté éprouvée par beaucoup d'établissements médico-sociaux à résoudre leurs problèmes.

Dans l'hypothèse de la création de ce cinquième risque, comment la CNSA conçoit-elle les rôles dévolus respectivement aux départements et aux ARS - ainsi qu'aux mairies, avec leurs CCAS ?

Par ailleurs, comment continuer à rechercher une plus grande cohérence en matière d'autonomie tout en préservant les spécificités respectives des personnes handicapées et des personnes âgées ?

Comment envisagez-vous le rôle de la CNSA en matière de statuts, de compétences, de gouvernance, toutes choses qui font aujourd'hui défaut au niveau local ?

Enfin, quelle place devrait selon vous être laissée à l'assurance privée pour la couverture du risque de perte d'autonomie, en dehors des financements de CSG ou autres, qui pourraient être proposés demain ?

Debut de section - Permalien
Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Vous avez raison concernant la dette des hôpitaux : il y a là quelque chose d'étrange, mais cela tient à la rédaction de l'exposé des motifs. Le ministre des comptes publics a été assez clair sur le sujet. Lors de sa première audition, il faisait état d'un déficit de la sécurité sociale pour 2020 d'environ 40 milliards d'euros. À l'Assemblée nationale, le déficit constaté dans les comptes sociaux et les livres de l'ACOSS était passé à 52 milliards d'euros, soit plus de 10 milliards d'euros supplémentaires en un mois.

Cela permet de se dire qu'au-delà du transfert de ces 50 milliards d'euros à la CADES, dès lors qu'il ne s'agit plus pour l'ACOSS d'un déficit de trésorerie, la situation est particulièrement évolutive. On ne connaît pas, compte tenu des prévisions d'évolution du PIB, les conséquences que cela aura sur les comptes sociaux, d'autant que nous ne connaissons pas la manière dont l'activité va être relancée après le confinement, ni quelles seront les pertes définitives d'emplois. Tout ceci affecte très lourdement les comptes sociaux, à la fois en recettes, mais aussi en dépenses, puisque des mesures de prolongation du chômage partiel sont intervenues pour essayer d'éviter une catastrophe.

Cela étant, l'idée de transférer une dette acquise et de créer une provision pour dettes à hauteur de 92 milliards d'euros n'est pas totalement hors de propos. On peut en effet être sûr que le périmètre va être bien supérieur au déficit constaté. Cette provision, qui n'est pas encore une dette avérée mais à venir peut permettre d'alléger la dette des hôpitaux à hauteur de 13 milliards d'euros, n'est pas totalement hétérodoxe, même si, je vous l'accorde, ceci mérite d'être suivi avec attention.

Vous avez évoqué les objections de la Haute Assemblée sur ce que pourrait être la réaction à ce projet de loi organique, en suggérant qu'il existe deux solutions dans le cadre du projet de loi organique, soit le transfert de dettes à la CADES, considérant le reste hors sujet, soit la possibilité de s'intéresser aux deux sujets à la fois.

En ce qui me concerne - j'espère que le sénateur Bonne, membre du conseil de la CNSA, ne sera pas trop éloigné de ma position -, je dresserai ici un plaidoyer pro domo, sachant qu'il ne s'agira pas seulement d'une branche et que la CNSA devra porter celle-ci. Je trouve donc l'idée plutôt sympathique.

Le problème n'est pas tant de créer la branche et de la faire porter par la CNSA que de savoir ce qui va se passer après. Si la branche reste un élément décoratif, on aura manqué notre rendez-vous avec l'Histoire. Si, en revanche, elle bénéficie du périmètre budgétaire que j'ai évoqué, d'une organisation de pilotage plus souple et crée rapidement un agrégat autour des politiques de l'autonomie, indépendamment de ressources qui interviendront ultérieurement, il est plutôt intéressant d'y travailler - sous réserve de se prononcer ensuite sur les modalités des textes futurs, qui pourront faire l'objet d'objections. Il s'agit en soi d'une ouverture, et cette possibilité intervient maintenant.

Monsieur le sénateur Bonne, vous avez évoqué la question de la gouvernance déconcentrée ou décentralisée de ladite branche en rappelant la place des départements et des ARS, des communes, des CCAS et des aides extralégales, qui pèsent leur poids et qu'il ne faut pas négliger. C'est une conviction que certains de mes collègues du conseil de la CNSA partagent avec moi : selon moi, en l'état et compte tenu de ce que la pandémie de la Covid-19 nous a appris, les politiques de l'autonomie ne sont pas hors-sol. La seule manière de conduire des politiques dignes de ce nom est de les mener en partenariat avec les départements, dont c'est la compétence.

J'aimerais qu'on m'explique comment on a fait en milieu rural pour accompagner les habitants des zones tendues du fait de la pandémie et pour passer le cap du confinement. Seuls les conseils départementaux pouvaient conduire cette relation de proximité territoriale.

Dans le cadre d'opérations de prototypage de la gouvernance future que le conseil de la CNSA a engagées avec une douzaine d'entre eux, nous avons pu voir que la capacité d'adaptation des présidents de conseils départementaux et de leurs équipes administratives a permis d'apporter des réponses extrêmement réactives et pertinentes à des situations très compliquées.

Chaque fois que le président du conseil départemental a pu, en tant que chef de file, travailler avec un directeur d'ARS qui acceptait d'entrer dans ce jeu agentiel, que le préfet du département a accepté de définir une forme de conférence de l'autonomie en période de crise, qui a aussi toute sa valeur par temps calme, il me semble que les décisions de ces organisations de proximité ont été vertueuses et réactives.

J'ajoute que cette question du pilotage et de la gouvernance d'une politique de l'autonomie telle qu'on la pense « en central » n'est pas très différente dans l'esprit de celle qu'un président de conseil départemental se pose lorsqu'il doit piloter à distance des communes dont les maires ne sont pas forcément de son bord politique mais avec lesquels il assure pourtant la continuité.

C'est ce à quoi nous invite cette réflexion sur la gouvernance de la branche. J'ai confiance dans la capacité des présidents de conseils départementaux d'entrer dans ces fonctionnements agentiels, dans des partenariats avancés, des modes de contractualisation non contraignants, consentis, coproduits avec une branche qui a déjà fait l'expérience, dans le passé et dans ses modes de fonctionnement, de cette possibilité de piloter différemment des politiques publiques.

Il me semble que c'est la leçon qu'on peut tirer du coronavirus, même s'il a pu y avoir des problèmes de pilotage - mais je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie. Je pense que nous avons tous été témoins de petites difficultés en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Tout comme vous, madame la présidente, je me réjouis qu'il existe à présent un cinquième risque et que le financement de la dépendance relève de la politique de solidarité nationale.

Je considère également, s'agissant des 2,3 milliards d'euros, que l'année 2024 est lointaine et qu'il faudrait commencer en 2021. Vous nous avez dit que vous pourrez trouver des crédits, je l'espère.

Vous avez également souhaité que M. Le Maire participe à la réhabilitation des Ehpad dans le cadre de la relance. Vous avez cependant indiqué que le personnel veut la revalorisation des salaires, l'augmentation du taux d'encadrement et de la prévention. Vous avez beaucoup consulté, mais je rappelle que Philippe Bas, alors ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, indiquait en 2006 qu'il faudrait passer dans les cinq à six ans à un encadrant par pensionnaire. Or on compte actuellement 0,6 personne par pensionnaire dans les Ehpad. Il est donc nécessaire de montrer rapidement à 0,7 et 0,8 en embauchant des aides-soignants et du personnel infirmier.

J'espère que vous obtiendrez des crédits supplémentaires en 2021 pour prendre en charge la dépendance et les soins.

Allez-vous, comme le souhaitent les personnels en Ehpad et à domicile, augmenter les salaires et l'encadrement en 2021 ?

Vous avez par ailleurs plaidé en faveur du conseil départemental. On a bien fait de conserver les départements dans le cadre de la loi NOTRe. Leur réponse a été réactive, notamment en Corrèze, et a permis de tester le personnel médico-social et les pensionnaires avec l'aide des laboratoires d'analyse départementaux. Nous n'avons constaté aucune contamination en Ehpad. Il faut souligner combien le personnel s'est montré dévoué.

Enfin, s'agissant du partenariat avec l'ARS, ne serait-il pas bon que le département, sous le contrôle de l'ARS, reçoive délégation pour les budgets consacrés aux soins et à la dépendance, tout en continuant à assurer l'hébergement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, vous vous exprimez toujours sans ambiguïté et c'est toujours agréable, car ce n'est pas le cas de toutes les personnes que nous auditionnons.

J'aimerais partager une réflexion avec vous et l'ensemble de mes collègues. À partir du postulat de la création d'une cinquième branche, nous sommes allés à l'encontre de la logique de notre système de protection sociale tel qu'il a été créé. Je pense qu'il faut s'adapter, mais je m'interroge à propos de l'universalité et de la solidarité.

Pourquoi parler d'une cinquième branche, alors que notre système de sécurité sociale a été conçu pour protéger de la naissance à la mort ? Vieillir n'est ni un handicap ni un risque supplémentaire. C'est inscrit lorsque nous venons au monde. Pour quelle raison l'autonomie devrait-elle être prise en charge par l'assurance maladie ?

Se pose donc la question du financement : pour permettre à la branche maladie de prendre ces nouveaux défis en charge, il faut arrêter de tarir les recettes de la sécurité sociale. On en revient à l'exonération des cotisations sociales, etc.

Par ailleurs, vous avez parlé de la gouvernance. Ne doit-on pas revenir sur la gestion paritaire, telle qu'elle était initialement conçue, qui permet une participation des organisations patronales et syndicales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la présidente, la commission ayant décidé de continuer ses auditions sur la dépendance sous l'optique de la prévention, nous aurons l'occasion de vous auditionner à nouveau.

Comment appréciez-vous la décision annoncée par le Président de la République de rouvrir les Ehpad dès lundi ?

Enfin, je suis d'accord avec vous sur le fait que la crise a bien démontré que le couple maire-département a globalement mieux fonctionné que le couple préfet-ARS.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, je m'associe aux propos de Laurence Cohen concernant la qualité de votre intervention et de vos réponses.

Le Gouvernement prévoit de prolonger la CRDS, qui devait s'éteindre en 2024, jusqu'en 2033, après avoir étendu la CSG à la majorité des retraités et propose de leur faire payer la facture de l'autonomie. Je rappelle que la CRDS est largement financée par le prélèvement des personnes assujetties à la CSG, principalement salariées et retraitées.

Ne pensez-vous pas de l'utilisation de la CRDS pour financer l'autonomie soit une erreur ? Que pensez-vous de la proposition faite par notre groupe depuis 2015 lors de la loi sur le vieillissement de créer une contribution de solidarité sur les actionnaires du même montant que la CSG payée par les salariés afin de mettre à contribution les revenus financiers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Madame la présidente, les Ehpad vous demandent un plan d'investissement pour améliorer l'hébergement. Allez-vous le mettre en place ?

Par ailleurs, êtes-vous d'accord pour clarifier les tutelles entre départements et ARS ? Je vous remercie de donner un rôle particulier aux départements, mais ne peut-on imaginer de clarifier le financement des Ehpad avant 2024 ?

Debut de section - Permalien
Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Mme Cohen a évoqué l'idée qu'en créant une cinquième branche autonomie, on pourrait défaire la sécurité sociale. Je comprends l'attachement qu'on peut avoir à ce système tel que l'ont construit Ambroise Croizat et Pierre Laroque au lendemain de la guerre. Ambroise Croizat, ministre communiste dont le père avait été victime d'un accident du travail redoutable, avait vécu dans sa chair et sa famille une crise découplée par les circonstances de la guerre. C'est alors que, dans une forme de concorde nationale, tous ceux qui avaient participé à la Résistance ont créé ce programme incroyable qui porte ce nom magnifique : « Les jours heureux ». À ce moment-là, ils ont fait le choix d'interroger les risques qui fragilisaient les Français d'alors.

Aujourd'hui, parmi les sources de fragilité des Français figure la perte de leur autonomie du fait de l'avancée en âge ou du handicap, question qui existait autrefois pour le handicap mais qui ne se posait pas pour l'âge. Après-guerre, on mourrait en effet très jeune dès lors qu'on avait cessé son activité, et la question de la perte d'autonomie liée au phénomène même du vieillissement ne se posait pas.

Lorsqu'on est très malade, très âgé ou très fortement handicapé, on a le sentiment de voir sa citoyenneté subir une décote. Il n'est qu'à essayer de solliciter son banquier ou tenter de manger ce que l'on veut quand on en a envie pour en être convaincu.

Renforcer l'autonomie pour affirmer la citoyenneté quel que soit l'âge ou l'endroit où l'on vit constitue un grand dessein. Encore faut-il être au rendez-vous, je vous l'accorde ! Considérer que cela ne relève que de l'assurance maladie est quelque peu étroit.

Aujourd'hui, l'assurance maladie finance 22 milliards d'euros au titre de ce risque. C'est beaucoup, mais il ne s'agit pas de défaire l'assurance maladie. Il faut faire en sorte que les dépenses qui soutiennent la santé de la personne âgée lui permettant de bénéficier des meilleures préventions soient bien mises en oeuvre, en lien avec la philosophie d'une vie autonome. Quand on vit très âgé, il faut éviter d'aller à l'hôpital par tous les moyens, car on sait que cela se termine très mal. Au bout de huit jours, les personnes âgées commencent à déprimer. Elles ne mangent plus au bout de quinze jours et, au bout de trois semaines, ont perdu l'autonomie résiduelle qui était la leur à leur arrivée.

Cela montre pourquoi il faut mettre en oeuvre ce nouveau risque et cette nouvelle branche. Je milite pour cela.

Bien sûr, il faut revoir le taux d'encadrement dans les Ehpad, mais l'amélioration passe selon moi par la redéfinition du modèle. Le conseil de la CNSA est en discussion permanente avec les directeurs d'établissement et les associations de personnes âgées. Je crains que ce modèle n'ait un peu de « plomb dans l'aile » après le coronavirus.

Des personnes âgées, en Corrèze ou ailleurs, vivent dans de bonnes conditions, dans des Ehpad bienveillants, proches de chez eux, avec des personnels formidables, et il faut bien sûr soutenir le taux d'encadrement mais, pour autant, le modèle des Ehpad est néanmoins un modèle de la relégation. Relisons l'avis du Comité consultatif national d'éthique sur ce sujet : il est privatif de liberté !

Il faut qu'il se transforme en un modèle domiciliaire, tout à la fois pour modifier ses usages, ses modes de fonctionnement, mais aussi pour venir en soutien au domicile et aux acteurs qui interviennent chez les gens. Il ne s'agit pas d'envoyer l'Ehpad à la maison, mais d'en faire de véritables plateformes-ressources. C'est dans ce cadre qu'il faut penser les besoins en personnel, leurs qualifications, leurs rémunérations et leurs taux d'encadrement. Il faut maintenir le modèle existant parce qu'on le lui doit, mais ne prorogeons pas hors de propos un modèle dont les Français ne veulent pas. Il suffit de les interroger.

À la sortie de cette crise, il y aura moins de clients en Ehpad qu'avant. C'est d'ailleurs l'un des sujets que doit traiter la CNSA pour compenser le manque à gagner des établissements qui, du fait des décès d'une part et de l'absence de désir d'y entrer d'autre part, se trouvent dans une impasse en termes de financement.

Pour ce qui concerne les questions qui touchent au financement du cinquième risque, Mme Apourceau-Poly objecte qu'il va déjà y avoir une prorogation de la CRDS. Ce n'est pas une augmentation, mais une date d'extinction de la CADES au 31 décembre 2033 pour cause d'augmentation de la dette à apurer. Il n'existe que deux solutions : soit on allonge l'horizon d'extinction, soit on augmente les recettes de la CADES, qui sont d'origine fiscale. On peut faire les deux, mais il n'existe fondamentalement que deux voies. Le Gouvernement a choisi celle de l'allongement.

Pour être honnête, je ne vois pas comment on aurait pu soutenir l'idée qu'il fallait augmenter les prélèvements obligatoires à la sortie de la pandémie de la Covid-19, avec des citoyens en grande précarité, ayant perdu leur emploi ou n'ayant toujours pas retrouvé une vie normale.

Je veux rappeler ici la largeur de l'assiette de la CSG, qui permet d'obtenir 2,3 milliards d'euros en 2024. C'est une CSG qui porte sur énormément de revenus, dont les revenus du capital, les oeuvres d'art, les chevaux, etc. Elle a, à mes yeux, le mérite d'être juste au sens où tout le monde y contribue. Je pense donc que cette disposition est plutôt raisonnable et liée à l'obligation d'apurer la dette sociale. L'idée d'une contribution sur les revenus financiers est un débat légitime, mais on trouve déjà dans les recettes de la CRDS et de la CSG une contribution de ces revenus à la CADES.

Je voudrais revenir sur la question de la tutelle. La branche ayant des tutelles multiples - solidarité, santé, comptes publics, cohésion des territoires, intérieur, justice -, elle sera capable de contribuer à un pilotage équilibré des compétences des départements, auxquelles je suis particulièrement attachée, qui sont totalement incontournables concernant les politiques de l'autonomie.

Les tutelles peuvent également enjoindre aux ARS d'entrer enfin dans des fonctionnements agentiels dans lesquels elles auraient dû investir bien plus qu'elles ne l'ont fait. Chaque fois que les ARS se considèrent comme des organes déconcentrés de la DGCS, cela fonctionne moins bien que lorsque des directions générales éclairées - il y en a - se voient comme les gestionnaires d'une agence ouverte sur les territoires et capable de dialoguer avec les présidents de conseils départementaux, chefs de file de ces politiques de l'autonomie.

Enfin, s'agissant de l'assurance, que je n'ai pas évoquée dans mon intervention liminaire, et à propos de laquelle je n'ai pas répondu à Bernard Bonne, on ne peut selon moi, dès lors qu'on est dans une logique de branche, considérer la question comme un élément constitutif. Soit on crée une branche de sécurité sociale et on raisonne dès lors dans l'épure de la protection sociale, soit on entre dans une autre dynamique et c'est un autre projet.

Ce qui nous est proposé d'étudier ici, c'est effectivement une logique de protection sociale. Cela ne signifie pas que la dimension assurantielle doit être absente de la réflexion. Vous m'avez peut-être déjà entendu le dire : pour moi, la question de l'assurance doit être réorientée vers une partie du risque qui a besoin de cette approche, notamment lorsque la question du choix de la personne est déterminante.

Si je veux avoir le choix entre transmettre ma maison ou l'utiliser pour payer mon hébergement en cas de perte d'autonomie, je dois être solvable. Pour organiser cette solvabilité, en particulier en matière d'hébergement, je peux faire le choix de m'assurer. On peut même imaginer - et j'aimerais beaucoup avoir ce débat avec les assureurs - pouvoir bénéficier d'une dimension assurantielle grâce à une forme de fonds garantie, sans que ce soit lourd pour les Français.

Les Français attendent de la solidarité nationale qu'elle soit au rendez-vous en matière de santé et d'autonomie. En revanche, ils peuvent rester libres s'agissant de leur choix de vie privée, concernant la manière dont ils se logent ou dont ils décident de conduire leur vie. On peut toutefois les y aider en veillant à ce que les assurances des groupes de protection sociale ou des mutuelles, avec rente d'appui, etc., ne soient pas réservées aux seuls citoyens qui en ont les moyens.

Le débat, me semble-t-il, doit être recentré sur cette idée de choix, de droit d'option, et sur les aspects de la politique de l'autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Merci, madame la présidente.

La réunion est close à 12 heures 30.