Vous avez raison concernant la dette des hôpitaux : il y a là quelque chose d'étrange, mais cela tient à la rédaction de l'exposé des motifs. Le ministre des comptes publics a été assez clair sur le sujet. Lors de sa première audition, il faisait état d'un déficit de la sécurité sociale pour 2020 d'environ 40 milliards d'euros. À l'Assemblée nationale, le déficit constaté dans les comptes sociaux et les livres de l'ACOSS était passé à 52 milliards d'euros, soit plus de 10 milliards d'euros supplémentaires en un mois.
Cela permet de se dire qu'au-delà du transfert de ces 50 milliards d'euros à la CADES, dès lors qu'il ne s'agit plus pour l'ACOSS d'un déficit de trésorerie, la situation est particulièrement évolutive. On ne connaît pas, compte tenu des prévisions d'évolution du PIB, les conséquences que cela aura sur les comptes sociaux, d'autant que nous ne connaissons pas la manière dont l'activité va être relancée après le confinement, ni quelles seront les pertes définitives d'emplois. Tout ceci affecte très lourdement les comptes sociaux, à la fois en recettes, mais aussi en dépenses, puisque des mesures de prolongation du chômage partiel sont intervenues pour essayer d'éviter une catastrophe.
Cela étant, l'idée de transférer une dette acquise et de créer une provision pour dettes à hauteur de 92 milliards d'euros n'est pas totalement hors de propos. On peut en effet être sûr que le périmètre va être bien supérieur au déficit constaté. Cette provision, qui n'est pas encore une dette avérée mais à venir peut permettre d'alléger la dette des hôpitaux à hauteur de 13 milliards d'euros, n'est pas totalement hétérodoxe, même si, je vous l'accorde, ceci mérite d'être suivi avec attention.
Vous avez évoqué les objections de la Haute Assemblée sur ce que pourrait être la réaction à ce projet de loi organique, en suggérant qu'il existe deux solutions dans le cadre du projet de loi organique, soit le transfert de dettes à la CADES, considérant le reste hors sujet, soit la possibilité de s'intéresser aux deux sujets à la fois.
En ce qui me concerne - j'espère que le sénateur Bonne, membre du conseil de la CNSA, ne sera pas trop éloigné de ma position -, je dresserai ici un plaidoyer pro domo, sachant qu'il ne s'agira pas seulement d'une branche et que la CNSA devra porter celle-ci. Je trouve donc l'idée plutôt sympathique.
Le problème n'est pas tant de créer la branche et de la faire porter par la CNSA que de savoir ce qui va se passer après. Si la branche reste un élément décoratif, on aura manqué notre rendez-vous avec l'Histoire. Si, en revanche, elle bénéficie du périmètre budgétaire que j'ai évoqué, d'une organisation de pilotage plus souple et crée rapidement un agrégat autour des politiques de l'autonomie, indépendamment de ressources qui interviendront ultérieurement, il est plutôt intéressant d'y travailler - sous réserve de se prononcer ensuite sur les modalités des textes futurs, qui pourront faire l'objet d'objections. Il s'agit en soi d'une ouverture, et cette possibilité intervient maintenant.
Monsieur le sénateur Bonne, vous avez évoqué la question de la gouvernance déconcentrée ou décentralisée de ladite branche en rappelant la place des départements et des ARS, des communes, des CCAS et des aides extralégales, qui pèsent leur poids et qu'il ne faut pas négliger. C'est une conviction que certains de mes collègues du conseil de la CNSA partagent avec moi : selon moi, en l'état et compte tenu de ce que la pandémie de la Covid-19 nous a appris, les politiques de l'autonomie ne sont pas hors-sol. La seule manière de conduire des politiques dignes de ce nom est de les mener en partenariat avec les départements, dont c'est la compétence.
J'aimerais qu'on m'explique comment on a fait en milieu rural pour accompagner les habitants des zones tendues du fait de la pandémie et pour passer le cap du confinement. Seuls les conseils départementaux pouvaient conduire cette relation de proximité territoriale.
Dans le cadre d'opérations de prototypage de la gouvernance future que le conseil de la CNSA a engagées avec une douzaine d'entre eux, nous avons pu voir que la capacité d'adaptation des présidents de conseils départementaux et de leurs équipes administratives a permis d'apporter des réponses extrêmement réactives et pertinentes à des situations très compliquées.
Chaque fois que le président du conseil départemental a pu, en tant que chef de file, travailler avec un directeur d'ARS qui acceptait d'entrer dans ce jeu agentiel, que le préfet du département a accepté de définir une forme de conférence de l'autonomie en période de crise, qui a aussi toute sa valeur par temps calme, il me semble que les décisions de ces organisations de proximité ont été vertueuses et réactives.
J'ajoute que cette question du pilotage et de la gouvernance d'une politique de l'autonomie telle qu'on la pense « en central » n'est pas très différente dans l'esprit de celle qu'un président de conseil départemental se pose lorsqu'il doit piloter à distance des communes dont les maires ne sont pas forcément de son bord politique mais avec lesquels il assure pourtant la continuité.
C'est ce à quoi nous invite cette réflexion sur la gouvernance de la branche. J'ai confiance dans la capacité des présidents de conseils départementaux d'entrer dans ces fonctionnements agentiels, dans des partenariats avancés, des modes de contractualisation non contraignants, consentis, coproduits avec une branche qui a déjà fait l'expérience, dans le passé et dans ses modes de fonctionnement, de cette possibilité de piloter différemment des politiques publiques.
Il me semble que c'est la leçon qu'on peut tirer du coronavirus, même s'il a pu y avoir des problèmes de pilotage - mais je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie. Je pense que nous avons tous été témoins de petites difficultés en la matière.