Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du président Milon, retenu dans son département.
J'ai le plaisir d'accueillir ce matin M. Rémi Pellet, professeur à la faculté de droit de l'Université de Paris et à Sciences Po Paris.
Monsieur Pellet, vous êtes spécialiste de droit financier public, de droit de la santé et de droit de la protection sociale. Les spécialistes des finances sociales sont rares ; certains contestent cette appellation même, ainsi que la singularité de cet objet au sein des finances publiques. Il est vrai que cette discipline est relativement jeune, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale ayant porté sur l'exercice 1997.
Nous vous entendons aujourd'hui sur une autre singularité : celle de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
Je rappelle qu'à sa création, en 1996, la Cades avait pour objectif de rembourser la dette accumulée par la sécurité sociale à l'échéance de 2009. La création d'un impôt dédié, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), visait à rembourser non seulement les intérêts des emprunts, comme le fait l'État avec la charge de la dette, mais aussi le capital, conformément au principe suivant : les dépenses de la sécurité sociale étant des dépenses de fonctionnement, leur financement ne devait pas reposer sur les générations futures, mais bien sur ceux qui avaient exposé ces mêmes dépenses.
Je crois pouvoir dire sans risque que ces principes vertueux ont été mis en échec par l'incapacité de la sécurité sociale à revenir à l'équilibre entre deux crises. La Cades a donc été prolongée à plusieurs reprises, sans toutefois qu'aucun gouvernement ne se résolve à augmenter la CRDS à due concurrence. Cela fait maintenant vingt-quatre ans ; on peut dire désormais que la dette a bel et bien été reportée sur une autre génération. Et les textes qui nous sont soumis aujourd'hui proposent une énième prolongation de la Cades, à l'heure où la dette publique s'apprête à dépasser 120 % de la richesse nationale.
En termes de finances publiques, la Cades a une vertu : les remboursements en capital ont pour effet comptable une diminution du déficit public présent, même s'il s'agit du remboursement de déficits passés. Faut-il y voir une raison de l'attachement du Gouvernement à la prolongation de la durée de vie de la Cades ?
Monsieur le professeur, nous souhaitons recueillir votre analyse sur cette singularité et sur les textes soumis aujourd'hui à l'examen du Parlement, qui prévoient d'ailleurs un élargissement du champ des lois de financement de la sécurité sociale.