Intervention de Rémi Pellet

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 juin 2020 : 1ère réunion
Projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie — Projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie - Audition de M. Rémi Pellet professeur à l'université de paris et à sciences po paris spécialiste en droit financier public et social en téléconférence

Rémi Pellet, professeur à l'Université de Paris et à Sciences Po Paris, spécialiste en droit financier public et social :

Sur les taux, j'ai pris la précaution de citer ma source. Je ne peux en garantir la véracité, mais cela me paraît logique : si la Cades a une telle qualité de signature sur les marchés, c'est qu'elle jouit de la garantie de l'État. Que le responsable de la gestion de la Cades vante son établissement, c'est normal, mais cet établissement a toujours été admirablement géré parce qu'il bénéficie de la garantie de l'État. Je ne vois pas comment la Cades, garantie par l'État, pourrait emprunter à de meilleurs taux, sauf à ce qu'il y ait une particularité que j'ignore.

En outre, sous le premier mandat du président de la Cades, Jean-Louis Rey, cet établissement a été accolé à AFT. Par conséquent, selon mon point de vue, la Cades n'est aujourd'hui rien d'autre qu'une coquille vide ; c'est l'administration des finances, les spécialités d'AFT, qui la gèrent et on a maintenu, pour des raisons d'optique, l'existence de cette caisse. Il m'étonnerait beaucoup que les gestionnaires d'AFT aient, pour l'État, des conditions de refinancement inférieures à celles qu'ils obtiennent pour gérer la Cades. C'est un trompe-l'oeil juridique.

En ce qui concerne l'évolution des taux, personne ne peut la prévoir. J'ai évoqué, dans un article récent, le refinancement des États grâce au soutien des banques centrales. Tant que celles-ci rachètent la dette publique - cela constitue d'ailleurs une monétisation de la dette publique parfaitement contraire, de mon point de vue, aux traités européens -, on a une garantie et les investisseurs, qui sont tenus d'avoir dans leur portefeuille, pour des raisons prudentielles, des titres d'État, continueront de prêter aux États, en les payant, puisque les taux sont négatifs ; c'est comme s'ils mettaient de l'argent au coffre-fort.

Si les taux devaient remonter, ne serait-ce que sous l'effet de l'inflation, cela aurait des effets considérables sur le coût de la dette publique en général et de la dette sociale en particulier. Cela dit, comme on décide de reporter le remboursement de cette dette et de prolonger le prélèvement, rien n'interdirait de recommencer l'opération.

Je me suis livré à une étude historique sur les différentes caisses d'amortissement, en France et en Angleterre, puisque c'est dans ce pays que la notion a été inventée. En 1926, nous en avons créé une, en modifiant une des lois constitutionnelles de la IIIe République pour lui donner un statut constitutionnel. Cela n'a pas empêché que cette caisse d'amortissement serve à tout autre chose que ce pour quoi elle avait été fondée : amortir. Au lieu d'éteindre la dette, on lui a affecté une nouvelle charge et, in fine, on a récupéré les crédits de cette caisse. Il y a une sorte de malédiction des caisses d'amortissement, qui ne servent jamais à ce pour quoi elles sont créées.

On pensait que la Cades allait faire exception ; on était proche du but, il restait peu de milliards à amortir. On, aurait pu constater ce fait inouï, inédit dans l'histoire de nos pays : l'amortissement d'une dette par une caisse destinée à cela. Le projet de loi qui vous est proposé s'inscrit dans la continuité historique, mais ce n'est pas à l'honneur des gestionnaires.

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