Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 22 juin 2020 à 17h00
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le ministre, cette crise est d’une gravité que vous connaissez – vous l’avez beaucoup dit – et la vigilance reste nécessaire aujourd’hui encore – vous l’avez aussi beaucoup dit.

Nous ne pouvons oublier toutes les épreuves qui ont été vécues et qui sont encore vécues actuellement ; nous ne pouvons méconnaître la situation du monde par rapport à ce fléau. J’ai parfois l’impression que certains de nos compatriotes dorment sur un volcan : tout semble aller bien, mais vous savez que le virus peut toujours se réveiller.

On sait aussi que de grandes épreuves en termes d’emploi, de vie quotidienne et en termes sociaux nous attendent. Pour nous, socialistes, elles appellent – je veux le dire ici – des mesures de solidarité et de redistribution très fortes.

Venons-en au présent texte. Monsieur le ministre, celui-ci ne nous paraît pas utile, du moins pour ce qui est de l’article 1er. Finalement, de deux choses l’une : soit l’on est dans l’état d’urgence, soit on le quitte. Notre collègue député Hervé Saulignac l’a dit à l’Assemblée nationale : vous créez quelque chose de neuf. On connaissait le droit commun, on connaissait l’état d’urgence, et vous créez une sorte de pseudo-état d’urgence à géométrie variable et à durée aléatoire, donc quelque chose de bizarre.

Ce texte, vous l’avez sans doute remarqué, monsieur le ministre, est un trompe-l’œil et un faux-semblant. En effet, comme l’ont indiqué M. le président Philippe Bas et M. Bonnecarrère à l’instant, vous nous dites que l’état d’urgence sanitaire est terminé, mais, derechef, vous nous dites qu’il se poursuit, puisque vous donnez l’ensemble des prérogatives de l’état d’urgence au Premier ministre.

Aussi, la question est simple : à quoi cela sert-il et pourquoi ? Cela fait un peu penser à ces chanteurs qui ont l’habitude – certains ne l’ont jamais fait, l’un d’entre eux notamment, qui m’est particulièrement cher, mais nous en parlerons un autre jour – de faire de fausses sorties : on sort de l’état d’urgence, mais, en fait, on n’en sort pas du tout, car il continue sous une autre forme.

C’est pourquoi, comme l’ensemble de la gauche et une bonne partie de la droite à l’Assemblée nationale, nous allons nous prononcer contre ce texte et voter résolument contre l’article 1er.

Je perçois les efforts de notre président Philippe Bas pour sauver un peu, mais finalement pas grand-chose, de l’article 1er. Pour notre part, nous avons déposé un amendement tendant à le supprimer : finalement, cela clarifierait les choses que de le voter, mes chers collègues.

Par prudence, nous avions également déposé des amendements de repli, l’un pour garantir la liberté de circulation – sur ce point, M. Bas est allé à notre rencontre ou nous sommes allés à la sienne, peu importe –, un autre pour garantir l’ouverture des établissements recevant du public, un dernier, enfin, pour garantir la liberté de manifestation.

À ce sujet, je tiens à insister particulièrement sur la décision du Conseil d’État, que chacun connaît : celui-ci a rappelé que la liberté de manifestation est une liberté fondamentale garantie par la Constitution. Il est bien sûr nécessaire de veiller à respecter toutes les exigences sanitaires, mais, dès lors qu’elles le sont, cette liberté doit être garantie.

Nous avions donc déposé un amendement, que la commission ne m’a pas fait l’honneur de retenir, mais auquel nous tenons, qui visait à ce que la liberté de manifestation soit garantie derechef, dès que la loi serait promulguée. Certes, on peut discuter des dates, mais nous pensons que cet amendement a une valeur symbolique et pratique.

Au total, l’article 1er est donc inutile, et ce pour les deux raisons qui ont déjà été explicitées.

Monsieur le ministre, vous êtes trop féru de la chose parlementaire et de la loi – comme souvent, je suis très gentil ; je le suis même parfois trop, mais enfin, la vie est courte

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