Intervention de Julien Bargeton

Réunion du 22 juin 2020 à 17h00
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Julien BargetonJulien Bargeton :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de ce nouveau projet de loi, qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 et dans celui de la protection de la population face au virus, me pousse à employer un mot très utilisé au cours des différents débats sur l’état d’urgence, celui de responsabilité. Ce mot incarne une éthique, un état d’esprit qui anime ce projet de loi.

J’utilise le mot « responsabilité » comme l’employait Hans Jonas dans Le Principe responsabilité, qui décrit justement une attitude à prendre face aux crises. Cet auteur pensait plutôt aux crises écologiques, mais cette pensée sur la meilleure manière d’agir avec éthique, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, peut également s’appliquer aux crises sanitaires.

Alors que l’état d’urgence a été prorogé jusqu’au 10 juillet, il est nécessaire de créer toutes les conditions favorables à la confirmation, dans les semaines et les mois à venir, de l’amélioration de la situation sanitaire de notre pays. Pour ce faire, le texte s’articule autour de trois axes principaux.

Le premier axe consiste à instaurer un régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui confère au Premier ministre et aux préfets, pour une durée limitée, certains pouvoirs de police qui demeurent une faculté d’intervention – je tiens à le souligner.

Deux questions se posaient à cet égard : tout d’abord, la situation sanitaire justifie-t-elle que des mesures spécifiques soient encore prises ? Ensuite, si l’on répond à cette première question par l’affirmative, sur quels fondements juridiques prendre ces mesures ?

Il me semble que le Gouvernement, la majorité à l’Assemblée nationale et la commission, ce matin, par la voix du rapporteur, ont plutôt répondu favorablement à la première question : oui, nous avons encore besoin de mesures spécifiques. Certes, la situation s’améliore, mais le virus continue de circuler. On connaît les chiffres : il y a encore 715 cas graves nécessitant des soins en service de réanimation, par exemple.

Le chemin que nous traçons ne peut pas nier, gâcher et entrer en contradiction avec tous les efforts préalablement accomplis, je veux parler du confinement et de l’état d’urgence sanitaire qui ont permis de réduire la vitesse de prorogation du virus, mais aussi de l’investissement sans faille de nos personnels de santé. Je dirai que nous devons à nos concitoyens, bien sûr, mais aussi et surtout à nos personnels de santé de conserver cette vigilance. Certaines situations dégradées sur une partie du territoire, ainsi que la reprise de l’épidémie à l’étranger, nous y enjoignent aussi.

Nous sommes donc tous d’accord pour dire qu’il faut rester vigilant. Une fois ce constat partagé, la question qui se posait était de savoir comment le faire : prorogation de l’état d’urgence sanitaire, retour au droit commun ou instauration d’un régime transitoire ?

Il me semble contradictoire de dire à la fois, comme l’ont fait certains d’entre vous, que la situation n’est pas stabilisée et que plus aucune mesure ne se justifie. Il faut choisir parmi les critiques : à partir du moment où la situation n’est pas entièrement stabilisée, une sortie sèche de l’état d’urgence ne paraît pas satisfaisante ni responsable, pour reprendre le mot que j’ai utilisé.

Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont donc fait le choix, confirmé par la commission ce matin, d’un régime transitoire permettant de mobiliser certains instruments jusqu’au 30 octobre.

Il n’est évidemment pas souhaitable de maintenir un même registre de contrainte pendant l’état d’urgence et après. Ce serait tout à fait illégitime. Il faut donc saluer le travail qui a été accompli : je pense à l’encadrement des pouvoirs de police du Premier ministre en matière de rassemblement sur la voie publique, par exemple, ou au fait de supprimer l’obligation de présenter les résultats d’un examen de biologie médicale pour les personnes en provenance ou à destination de territoires ultramarins, qui ne font pas partie des zones de circulation de l’infection.

Je tiens aussi à saluer la démarche de notre rapporteur, Philippe Bas, qui a exprimé certaines réticences. Il a modifié l’article 1er pour mieux en encadrer les dispositions. J’espère que la commission mixte paritaire pourra être conclusive sur ce point à l’issue des débats.

Au terme de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale et en commission, nous pouvons affirmer qu’il ne s’agit pas d’un état d’urgence déguisé, qui tairait son nom en vertu d’une pudeur mal venue.

Si les deux régimes peuvent se ressembler, c’est aussi par les garanties qu’ils prévoient, comme le caractère proportionné, approprié et nécessaire des mesures prises, toujours sous contrôle du juge administratif, qui peut être saisi en référé. Je pense aussi à la faculté de contrôle et d’évaluation du Parlement sur les mesures prises, ce qui permet d’envisager un retour à l’équilibre obtenu en commission mixte paritaire pour la loi du 23 mars dernier et à la position alors exprimée par la majorité sénatoriale.

Je serai plus bref sur le reste du projet de loi, puisque l’article 2 fait l’objet d’un large consensus. Soulignons là encore le travail de la rapporteure à l’Assemblée nationale : celle-ci a restreint le champ d’application aux données pseudonymisées, au consentement des personnes aux seules fins de contribuer à la recherche et à la surveillance épidémiologiques. Il me semble que l’équilibre qui avait été trouvé précédemment est là aussi respecté.

Enfin, comme cela a aussi été dit, il faut s’arrêter un instant sur les dispositions relatives aux outre-mer, dont les situations sont parfois différentes.

Antoine Karam reviendra bien sûr sur la situation en Guyane : au regard de l’évolution de l’épidémie et du pic qui est attendu, il n’est pas possible de ne pas soutenir la prorogation de l’état d’urgence.

Sur la situation spécifique de Mayotte, cette fois, j’attire votre attention sur la vigilance qu’exercent les collègues de mon groupe, Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani, sur les inquiétudes légitimes des acteurs économiques mahorais dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, notamment.

Ce texte ménage les équilibres entre les objectifs de santé publique et la nécessité de rester vigilant, tout en retrouvant une vie normale. C’est pourquoi notre groupe le soutiendra.

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