Intervention de Olivier Véran

Réunion du 22 juin 2020 à 21h30
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Article 1er, amendements 18 23

Olivier Véran :

Je puis comprendre, monsieur le président de la commission des lois, les restrictions que vous entendez apporter à ce texte.

Toutefois, est-ce à dire que, dans le cas où apparaîtrait un nouveau cluster, nous devrions prendre un décret pour déclarer l’état d’urgence sanitaire dans tout le pays, de peur de ne pouvoir maîtriser la chaîne de contamination, et ce afin de limiter la circulation des personnes contaminées en dehors de la zone géographique concernée ?

Vous savez, c’est non pas le virus qui circule, mais les personnes contaminées, la plupart du temps sans qu’elles sachent qu’elles le sont, et elles n’y sont pour rien. C’est ainsi que l’épidémie s’est propagée, à partir de foyers épidémiques dont, par définition, on ignorait l’existence, dès lors que les personnes contaminées ont commencé à circuler en nombre et quitté ces zones.

Or il peut arriver que l’on assiste à une résurgence en masse de cas épidémiques, ce qu’on appelle les clusters. Dès lors que l’on en est informé, il est possible de prendre des mesures d’anticipation. Je vous renvoie à l’exemple des Contamines-Montjoie en Haute-Savoie, où nous avons dû limiter la circulation, fermer les écoles, procéder à des hospitalisations, tracer les contacts de personnes contaminées et les placer à l’isolement. C’est ainsi que nous avons pu « éviter la balle », si je puis dire, c’est-à-dire éviter que le virus ne se propage dans toute la Haute-Savoie trois ou quatre semaines plus tôt.

Où avez-vous vu que, au cours des quatre mois qui viennent de s’écouler, nous aurions pris des mesures abusives et disproportionnées de limitation de la circulation des personnes, en ciblant un endroit particulier ? Quel serait le sens d’une telle mesure ?

Dès lors, pourquoi vouloir interdire ou retirer au Gouvernement la possibilité de limiter temporairement la circulation en dehors d’une zone d’activité du virus ? Quel usage considérez-vous que nous pourrions faire de cette faculté temporaire, si ce n’est protéger les personnes de tout risque épidémique en adoptant des mesures urgentes ? J’ai beau creuser la question, y compris en me mettant à la place de gens qui ne m’aimeraient vraiment pas, je ne trouve pas de réponse…

Par conséquent, je vais nécessairement émettre un avis défavorable sur cet amendement n° 18, tout en insistant sur l’amendement n° 23 du Gouvernement.

Même si, je le répète, je respecte les travaux de la commission, j’essaie – c’est bien pour cela aussi que je suis là ce soir – de vous rendre compte, de manière aussi pratique que possible, des situations de vie que j’ai rencontrées au cours de ces quatre derniers mois et des décisions que j’ai été amené à prendre, dans l’urgence, pour protéger les personnes.

Vous pouvez estimer que ces mesures ont été abusives et faire en sorte que notre pays et ses représentants ne puissent plus prendre aucune décision en ce sens. Encore une fois, si je suis ici ce soir, devant le Parlement, c’est bien parce que j’accepte le débat démocratique. Simplement, je veux vous avertir des conséquences potentielles sur notre arsenal de lutte conte la diffusion du virus des décisions que vous pourriez être amenés à prendre, mus par des craintes que j’ai du mal à concevoir ; mais, encore une fois, chacun est libre.

J’émets donc un avis défavorable sur amendement n° 18.

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