La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Je rappelle que la discussion générale a été close. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Requier, Cabanel et Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 8° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique est complété par les mots : « et les montants des prix contrôlés sont rendus publics et notifiés aux professionnels concernés ».
La parole est à M. Joël Labbé.
Lors de l’examen de la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire du 11 mai dernier, le Sénat avait adopté l’amendement de notre collègue Véronique Guillotin, visant à renforcer les garanties contre tout effet d’aubaine concernant les produits sanitaires de première nécessité au moment d’une crise sanitaire. Il s’agissait de permettre une meilleure publicité des prix contrôlés, auprès des consommateurs, mais également des professionnels.
Au moment de l’épidémie, d’importants moyens de communication ont été déployés pour informer nos concitoyens des gestes barrières à appliquer, notamment via des messages radio ou des panneaux publicitaires. Les mêmes moyens pourraient être exploités à des fins de transparence sur ces prix contrôlés.
L’amendement adopté ayant malheureusement été supprimé en commission mixte paritaire, nous proposons de le réintroduire dans le présent texte.
Il existe un décret, public, fixant les règles de l’encadrement des prix ; l’information est donc assurée.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – À compter du 11 juillet 2020 et jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, hors des territoires mentionnés à l’article 1er bis, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :
1° Réglementer la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;
2° Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;
3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ;
4° Imposer aux personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, souhaitent se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire hexagonal ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage ne concluant pas à une contamination par la covid-19. La liste des zones de circulation de l’infection est établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
II. –
Supprimé
III. – Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I, il peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions.
Lorsque les mesures prévues au même I doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l’État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Cet avis est rendu public.
Le Premier ministre peut également habiliter le représentant de l’État dans le département à ordonner, par arrêté pris après mise en demeure restée sans effet, la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont imposées en application du 2° dudit I.
IV. –
Non modifié
IV bis. –
Non modifié
V. –
Non modifié
V bis. – Par dérogation à la dernière phrase de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, le comité de scientifiques mentionné au même article L. 3131-19 se réunit pendant la période mentionnée au I du présent article et rend périodiquement des avis sur les mesures prescrites en application des I et II du présent article ainsi que sur les mesures prises par le ministre chargé de la santé en application de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique.
VI. –
Supprimé
VII. – Les troisième à septième alinéas et les deux derniers alinéas de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique sont applicables aux mesures prises en application des I et III du présent article.
VIII. –
Non modifié
IX. – (Supprimé)
Mis en place le 23 mars dernier, l’état d’urgence sanitaire avait méthodiquement organisé le placement en quarantaine de nos libertés individuelles, fondamentales et politiques.
Face à la crise liée au Covid-19, nous avions accepté cet état de fait, tout en dénonçant les possibles dérives d’un tel droit d’exception. Force est de constater, hélas, que nos craintes étaient fondées : alors que le Gouvernement s’apprête à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire le 10 juillet prochain, il estime également nécessaire de s’approprier certains de ses outils jusqu’au 30 octobre !
Si cet article était adopté, en cas d’un risque nouveau de propagation du virus, le Premier ministre et le préfet se verraient notamment attribuer le droit de réguler la circulation des individus, d’aménager le fonctionnement des établissements recevant du public et, surtout, de réglementer la tenue des rassemblements.
Une telle volonté est incompréhensible ! Si l’exécutif demande la fin de l’état d’urgence, c’est qu’il estime que la crise sanitaire est sous contrôle. Dès lors, pour quelles raisons souhaite-t-il entraver la capacité de nos concitoyens à se réunir et à manifester ?
Entre droit d’exception et droit commun, le Gouvernement veut désormais définir une troisième voie transitoire, dans laquelle le premier se fondrait dans le second. Une telle situation n’est pas souhaitable. Avec la fin de l’urgence sanitaire, devrait arriver le déconfinement de nos droits et libertés.
L’exécutif ne saurait se livrer à une gouvernance solitaire par décrets, venant restreindre et réguler nos moindres faits et gestes.
Alors que nous abordons l’article 1er, la disposition la plus importante de ce texte de loi, je voudrais prendre quelques minutes, monsieur le ministre, pour bien vous expliquer l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons.
Tout d’abord, nous avons souhaité soutenir les deux premiers textes consacrant l’état d’urgence sanitaire, dans sa dimension juridique : la loi du 23 mars 2020, qui l’instaurait ; puis, deux mois plus tard, la loi du 11 mai 2020, qui le prolongeait.
Dans ce cadre, nous n’avons ni négocié ni mesuré notre soutien au Gouvernement. Nous pensions en effet – c’était notre ligne – que le devoir du Sénat, et plus largement du Parlement, était de lui donner les moyens nécessaires pour assumer sa mission, celle-ci étant évidemment, en cas de crise sanitaire, de protéger les Français.
Nous avons donc voté – les yeux fermés ou presque, allais-je dire – les deux textes relatifs à l’état d’urgence.
Dans le cas présent, il aura au contraire fallu toute la subtilité de notre président de la commission des lois – elle est grande –, toute la détermination des membres de cette même commission des lois – elle n’est pas moins grande – pour trouver un chemin qui, pour ne pas être nouveau, était très étroit, nous permettant de ne pas rejeter le texte.
Très franchement, lorsque nous avons constaté que ce projet de loi, dont le titre – « organiser la sortie de l’état d’urgence sanitaire » – est savoureux, pour ne pas dire sucré, avait pour seul but de prolonger de quatre mois des dispositifs contraignant la liberté de circulation ou de rassemblement, nous avons considéré que la demande présentée par le Gouvernement à la représentation nationale excédait ce que nécessitait l’état sanitaire actuel.
Il y aura, et j’en termine par cette observation, une singularité française qu’il conviendra d’étudier – pas ce soir, mais à l’avenir.
Nous avons eu le confinement le plus rugueux, le plus dur, le plus long. Nous avons sans doute eu, de toutes les économies occidentales et européennes, l’arrêt le plus brutal. Enfin, nous avons eu un état de droit parmi les plus contraints : le Parlement a travaillé difficilement, la justice s’est presque interrompue, et il y a eu un transfert massif des pouvoirs vers l’exécutif.
Le Sénat a profondément amendé ce texte, pour que les pouvoirs attribués à l’exécutif, notamment au Premier ministre, soient bien proportionnés à l’état réel de l’urgence sanitaire. Ce que je veux vous dire, monsieur le ministre, c’est que, malgré toute notre bonne volonté, nous sommes parvenus à la limite de nos capacités de souplesse et nous ne pourrons accepter des dispositifs plus contraignants.
Pour être encore plus clair, il ne faudra pas compter sur nous pour aller, en CMP, bien au-delà de ce que la commission des lois a fait et que nous allons voter ce soir.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par MM. Sueur, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol, Schoeller et Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 17 est présenté par MM. Labbé et Cabanel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 13.
Le 22 mars dernier, nous avons examiné un premier texte sur l’état d’urgence, adopté dans les conditions d’urgence que nous savons.
À cette occasion – j’ai relu mon intervention lors des explications de vote sur l’ensemble –, j’avais évoqué la notion d’« article 16 rampant à caractère sanitaire ». Je ne pensais pas avoir si bien dit, monsieur le ministre ! Le « en même temps et tout à la fois » que vous nous proposez ne convient pas, d’où cette demande, par le groupe socialiste et républicain, d’une suppression pure et simple de l’article 1er du projet de loi.
Nous pensions sortir de l’état d’exception. Quelle déception à la lecture du texte ! Être ou ne pas être… L’état d’urgence est en vigueur ou il ne l’est pas… Monsieur le ministre, un état d’urgence se déclare ou se lève. Si les conditions exceptionnelles définies par la loi sont réunies, on le déclare ; si elles ne le sont plus, on le lève. C’est noir ou blanc, blanc ou noir. Ce n’est pas gris ! Ou alors c’est que c’est flou, et vous connaissez la suite…
Sourires.
Une sortie de l’état d’urgence, monsieur le ministre, ne s’organise pas, ne s’aménage pas, ne se décline pas. C’est une levée totale. On met fin à l’exception, et le droit commun redevient, et doit redevenir, la règle. En tout cas, c’est ainsi que, selon tous les bons juristes, doit prendre fin une situation à caractère exceptionnel.
Avec ce projet de loi, vous maintenez le régime de l’état d’urgence dans sa substance, tout en consentant à sortir formellement du cadre de la loi du 23 mars 2020, et ce pour une durée de quatre mois minimum, qui pourrait donc être potentiellement indéterminée. Il y a là une contradiction !
Vous jugez nécessaire le maintien de certains pouvoirs exorbitants. À nos yeux, au contraire, dès lors que l’état d’urgence est levé, c’est la fin des textes d’exception et des pouvoirs exorbitants, y compris ceux qui sont accordés au Premier ministre ou à ses ministres.
C’est notre position, et Jean-Pierre Sueur l’a très clairement rappelée dans son intervention générale : si le Gouvernement lève l’état d’urgence, il doit le faire en totalité ; si, parce que le nombre de clusters augmente et que la pandémie reprend, il doit de nouveau décréter l’état d’urgence, il nous trouvera à ses côtés, pour revenir à un État assumant la protection des Français.
Néanmoins, le texte que vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, est un « milieu du gué » qui ne nous convient pas. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 1er.
Nous partageons avec vous, monsieur le président de la commission des lois, le constat de l’ambiguïté de ce texte proposant une fin d’état d’urgence sanitaire qui, en fait, n’en est pas une !
Dans la presse, vous avez annoncé que vous ne proposeriez pas « au Sénat d’adopter tel quel un texte qui est profondément ambigu ». Vous avez même ajouté : « Je dis attention ; ou bien on sort de l’état d’urgence, et alors on en sort vraiment, ou bien on y reste, mais alors il faut le dire ».
Or les modifications que vous avez proposées et fait voter par la majorité de la commission des lois ne permettent pas, selon nous, de sortir de l’ambiguïté que vous dénoncez. Elles sont elles-mêmes, en effet, ambiguës.
Vous proposez par exemple non plus d’interdire les manifestations, mais de les réglementer. Pourtant, vous savez comme moi que la réglementation peut déboucher sur une forte dissuasion, et nous pouvons faire confiance à un préfet comme M. Didier Lallement en ce domaine… Autrement dit, un excès de réglementation pourra parfaitement masquer une forme d’interdiction.
Comme vous l’indiquiez, ou nous sommes dans un état d’urgence, ou nous ne le sommes pas. L’attitude claire, courageuse, pour faire respecter les libertés publiques et les pouvoirs du Parlement est donc celle du rejet de ce texte, tout particulièrement de son article 1er.
Comment ne pas remarquer que la prolongation de mesures d’exception – le texte de la commission s’inscrit, malgré tout, dans ce cadre jusqu’au 30 octobre – diminue encore, par rapport à l’état d’urgence sanitaire, classique ou d’exception, le pouvoir d’intervention des parlementaires, députés et sénateurs.
S’y ajoutent, j’y faisais allusion, les pouvoirs exorbitants confiés aux préfets en matière de liberté publique, notamment avec les alinéas 7 à 9 de l’article 1er.
Pour toutes ces raisons, nous proposons nous aussi la suppression de cet article.
Cet amendement, comme les précédents, vise à supprimer l’article 1er du projet de loi. En effet, cet article prolonge des mesures restrictives des libertés fondamentales et des droits qui ont été mises en place dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ; il vient ainsi brouiller la frontière entre l’exception et le droit commun, avec tous les risques que cela comporte pour l’État de droit.
Alors que la population est appelée à voter pour le second tour des municipales, que les activités économiques reprennent – et c’est tant mieux – et que la situation sanitaire continue de s’améliorer – et c’est aussi tant mieux –, la proposition du Gouvernement de créer ce nouveau régime dérogatoire est à la fois disproportionnée et inutile.
En effet, le droit existant, cela a déjà été expliqué à plusieurs reprises lors de nos débats, est largement suffisant pour gérer la situation sanitaire. Et, en cas de résurgence de l’épidémie, le Gouvernement et le Parlement auraient la capacité de prendre les mesures nécessaires, et cela en urgence.
Certes, cela a été souligné, la commission des lois a limité fortement la portée de cet article en proposant de donner au Premier ministre le pouvoir de réglementer, plutôt que d’interdire. Cela atténue indéniablement les restrictions de libertés proposées par le texte.
Toutefois, même s’il est quasiment vidé de sa substance, c’est malgré tout un nouveau régime dérogatoire au droit commun qui nous est proposé, et c’est de ce fait un entre-deux pour nous inutile.
De plus, le contexte actuel doit nous amener à être plus que vigilants sur la question des restrictions apportées aux libertés ; je pense en particulier au droit de manifestation.
Rappelons que le Conseil d’État a considéré la limitation de ce droit fondamental prise dans le cadre de l’état d’urgence comme une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion et à la liberté de manifester, alors que, après plusieurs mois de limitation des libertés publiques et à l’heure où s’organisent les débats sur le monde d’après, les citoyens ressentent légitimement le besoin d’exprimer collectivement leurs idées, et cela en toute liberté.
J’aurais très bien compris le sens de ces amendements s’ils avaient porté sur le texte voté par l’Assemblée nationale…
Or la commission des lois du Sénat a supprimé cette rédaction, pour en adopter une autre. Toutes les mesures qui étaient le calque, à la virgule près, de celles qui avaient été prises dans le cadre du régime d’état d’urgence sanitaire – mesures relatives à la liberté d’aller et venir, à la fermeture d’établissements recevant du public, ou encore à d’autres libertés essentielles comme celle de manifester ou de se réunir – ont été purement et simplement retirées du texte par la commission des lois, qui a intégralement réécrit cet article.
Je ne renie rien des propos que j’ai tenus, chère présidente Assassi. En effet, et je l’ai dit à la tribune, je considère qu’un texte de sortie de l’état d’urgence sanitaire qui reproduit les mesures les plus importantes de l’état d’urgence sanitaire est un texte de prorogation de l’état d’urgence sanitaire !
En outre, je veux bien admettre que, comme l’indiquait le Gouvernement, s’il s’agit réellement d’un texte portant sur la sortie de l’état d’urgence sanitaire, alors il ne faut prendre que des mesures utiles à cette fin. Je crois que c’est ce que nous avons fait en réduisant le champ des mesures qui nous étaient proposées.
J’espère d’ailleurs, si vous vous rangez à la proposition de la commission des lois, que le Gouvernement s’y ralliera. En effet, nous lui permettons de prendre les mesures nécessaires pour les boîtes de nuit, d’imposer le port du masque dans les métros des grandes villes, mesures à mon avis assez raisonnables, auxquelles il faut certes donner une base légale, mais rien de plus.
Je ne vous demanderai pas de retirer vos amendements ; ils sont pour vous le moyen de marquer très clairement une position politique. Mais, pour ma part, j’essaie d’être pragmatique et d’apporter des réponses.
C’est notre rôle à nous, sénateurs, non pas d’adopter une position qui soit exclusivement politique, mais de chercher des solutions qui n’exposent pas les libertés individuelles et les libertés publiques à des restrictions aussi drastiques que ce que prévoit l’état d’urgence sanitaire, tout en permettant, malgré tout, de prendre, pendant une période qui est encore incertaine, dans l’intérêt général et dans l’intérêt de la santé publique, d’utiles précautions.
Bien entendu, s’il fallait prendre des mesures plus importantes, le Gouvernement pourrait toujours recourir à l’état d’urgence sanitaire.
Je crois que nous sommes sur une piste d’atterrissage, …
… et je vous convie donc à nous réunir autour de cette solution pratique, très respectueuse, me semble-t-il, des libertés. Je le sais bien, et vous avez raison de le dire, c’est la vocation du Sénat que d’affirmer dans la discussion parlementaire sa préoccupation des libertés, en même temps que celle de la santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, personne ne peut dire que le virus a disparu de notre pays.
Et personne ne le dit. Personne ne peut donc considérer qu’il faille aujourd’hui nous départir d’outils dont j’avais retenu des précédents débats qu’ils vous paraissaient, à vous qui avez rédigé ces amendements de suppression de l’article, indispensables dans la lutte contre la diffusion du virus.
Je vous donnerai un exemple : si vous supprimez cet article 1er, à la minute où l’état d’urgence prend fin, il n’existera plus aucune base légale pour imposer le port du masque dans le métro.
Je ne critique pas la légitimité de ces amendements, et il ne me revient pas de le faire. Mais j’avais cru comprendre, à la suite de récents échanges qui ont eu lieu au Sénat, que les sénateurs et sénatrices de l’ensemble des groupes, y compris ceux qui en sont signataires, étaient très sensibles à la question du port du masque.
J’avais cru comprendre, monsieur le sénateur, qu’un certain nombre de débats avaient eu lieu, dans tous les groupes et dans tous les partis, pour savoir si, oui ou non, il fallait imposer le port du masque dans la sphère publique.
Aujourd’hui, je vous demande de permettre au Gouvernement de continuer à rendre obligatoire le port du masque dans certaines situations, par exemple dans le métro.
Le Gouvernement vous demande aussi de lui donner la base légale pour interdire les rassemblements de 40 000 personnes les unes à côté des autres dans un stade ou dans un lieu fermé.
Je n’ai pas participé à la fête de la musique – j’aurais pourtant adoré –, mais j’ai lu de nombreux commentaires sur Twitter à propos des scènes de liesse populaire auxquelles elle a donné lieu, en particulier dans la capitale, monsieur le sénateur – dans certaines villes, des mesures de restriction ont été appliquées.
Des élus de tous bords s’étonnaient de voir quelques centaines de personnes danser les unes contre les autres, en plein air. Or, si cet article est supprimé, il n’existera plus aucune base légale pour interdire le rassemblement de milliers et de milliers de personnes, y compris dans des lieux clos, dont on sait, par expérience, qu’ils sont tout à fait propices à la circulation du virus.
Lors des différentes occasions où je me suis présenté devant vous, nous avons eu des débats à la fois intéressants et nécessaires sur la situation dans les outre-mer et sur les mesures de précaution que nous devions prendre à l’égard de ces territoires.
À l’heure où je vous parle, le facteur de reproduction du virus, son incidence et le nombre de tests positifs en Guyane suscitent de vives inquiétudes, et nous sommes totalement mobilisés. Or, si vous supprimez cet article 1er, il n’existera plus de base légale pour réguler les flux aériens entre la métropole et la Guyane, pour effectuer des contrôles, des tests de dépistage ou pour prendre des mesures d’isolement des personnes arrivant dans ce territoire, en particulier en provenance de l’étranger, par exemple du Brésil, un pays où le virus circule activement.
Deux possibilités s’offriraient alors à moi : ou je dis aux Français que, n’ayant pas obtenu la confiance du Parlement, je ne peux continuer à mettre en œuvre des mesures ajustées et adaptées à la situation de restriction des libertés, faute de base légale ; ou nous passons par la voie réglementaire, en prenant autant de décrets qu’il en faudra.
En tant qu’ancien parlementaire, je considère que le respect des règles démocratiques nécessite d’en passer par le Parlement et d’obtenir sa confiance. La voie du décret, sans doute plus rapide, n’est pas celle que le Gouvernement a retenue.
J’entends toutes les critiques et, au nom du Gouvernement, monsieur le président de la commission, je m’excuse des conditions et des délais contraints dans lesquels, une fois de plus, vous avez dû examiner ce texte. Croyez-moi, je passe plus souvent qu’à mon tour un certain nombre d’heures, de journées et parfois de nuits sur les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat, et je sais votre diligence, votre implication et le sérieux de votre travail.
Toutefois, je ne crois pas, au fond, que nous soyons ici dans un débat partisan et politique au sens classique du terme, parce que le virus n’a pas de parti, parce que les moyens de lutter contre lui n’ont pas de parti, et parce que j’ai toujours cru, et je continue de le croire, que, dans une période d’épidémie comme celle que nous traversons, nous devons aussi envoyer aux Français un signal de responsabilité collective.
Bref, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 1er, tout en soulignant, même si je n’y siège pas, que certaines des modifications apportées par la commission des lois du Sénat sont peut-être susceptibles de faire l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, il ne nous a pas échappé que nous examinions le texte de la commission des lois, et non pas celui du Gouvernement ; pour autant, cela ne nous empêche pas de critiquer ce dernier.
Vous parlez de l’obligation du port du masque. Mais vous-même à un moment n’étiez pas convaincu – je vous renvoie notamment aux déclarations que vous avez faites dans cet hémicycle – de l’utilité d’une telle mesure, certainement en raison des connaissances que l’on avait alors sur ce virus.
Il ne faut pas mélanger les genres ! Vous parlez de sujets qui ne sont pas ceux dont il est question ici.
Les critiques peuvent vous contrarier, vous irriter, mais il faut tout de même que vous les entendiez, monsieur le ministre. Quel est l’objet de votre texte ? Passer d’un régime de manifestations libres et déclarées – c’est la loi – à un régime de manifestations autorisées. C’est cela le problème. On en arrive ainsi à des mesures liberticides.
Monsieur le ministre, vous nous parlez des masques ou de la situation en Guyane. Moi-même, je ne suis pas autant au fait de celle-ci que certains collègues ici présents ; mais vous, vous savez ce qu’elle est et vous entendez les appels au secours de nos collègues de Guyane et des territoires ultramarins, qui disent le manque de masques, d’équipements, le besoin de médecins, les hôpitaux trop peu nombreux.
Aussi, ne mélangez pas les genres et tentez plutôt de nous convaincre en assumant les mesures que vous portez.
Nous sommes tous ici attentifs à l’efficacité de notre société dans la lutte contre la pandémie ; il n’y a aucun débat sur ce point. Doit-on pour autant en passer obligatoirement par un texte supplémentaire ? Voilà ce sur quoi porte le débat sur l’article 1er et sa possible suppression.
Pour répondre à cette question, nous devons connaître les moyens dont dispose à ce jour l’exécutif, à savoir les moyens traditionnels de tout pouvoir exécutif, mais aussi ceux qui lui ont été donnés par la loi du 23 mars dernier, non pas en autorisant la mise en place de l’état d’urgence sanitaire, mais en prévoyant les modalités transitoires de sortie de cet état d’urgence. Parmi celles-ci, l’article L. 3131-1 du code de de la santé publique vous donne, pour cette période, des moyens identiques à ceux qui sont prévus à l’article L. 3131-15 du même code.
Aussi, pour une part importante des membres du groupe Union Centriste, vous disposez de tous les moyens pour prendre les décisions utiles face au risque d’un retour de la pandémie, et un texte supplémentaire n’est pas nécessaire. En particulier, au regard de la question du port du masque, cet article autorise le Premier ministre à réglementer l’accès aux moyens de transport collectif ou – autre point que vous avez évoqué, monsieur le ministre – les rassemblements publics.
Aussi, j’aimerais vous poser la question en sens inverse : puisque, selon vous, ce texte est nécessaire pour vous permettre d’interdire, si besoin est, les rassemblements, pour réglementer les déplacements aériens, pour gérer les questions liées au port du masque, dites-moi alors, si l’on suit votre raisonnement, dans quelles circonstances seriez-vous amené à demander au Parlement de rétablir l’état d’urgence, et quels moyens supplémentaires cette mesure vous offrirait-elle ?
À mon avis, si je me réfère à l’exposé que vous venez de nous faire, vous nous demandez, par ce texte, de rétablir un état d’urgence qui n’en porte pas le nom. Pour une partie d’entre nous, ce n’est pas nécessaire et cela ne contribue pas à la nécessaire clarification dont a besoin notre société.
Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
Monsieur le ministre, j’ai été un peu surpris de vos explications. En tant qu’élu parisien, j’y ai vu la confirmation que quelque chose n’allait pas.
Vous avez parlé de la fête de la musique, qui a eu lieu hier. Certes, vous n’avez cité le nom d’aucune commune, mais j’imagine que vous faisiez allusion aux scènes qu’on a pu observer à Paris, en particulier dans l’arrondissement dont je suis l’élu.
Ces manifestations spontanées relèvent de la responsabilité non pas de la maire de Paris, mais du préfet de police, qui, alors que nous sommes encore en état d’urgence, n’a pas estimé devoir interdire purement et simplement la fête de la musique. Je ne conteste pas ce choix, d’autant que la police était présente pour faire son travail. Toujours est-il que ces rassemblements spontanés ont pris une trop grande ampleur au regard de la situation de crise sanitaire que nous vivons.
Pareillement, refusant de leur faire confiance, vous avez obligé les élus locaux à maintenir fermés les parcs et jardins de l’Île-de-France durant cette période d’état d’urgence, pour une durée qui, de l’avis général, a été beaucoup trop longue.
Par conséquent, le prolongement des mesures inscrites dans la loi relative à l’état d’urgence n’est pas une réponse adaptée à la situation et aux enjeux auxquels nous devons faire face. C’est particulièrement vrai en milieu urbain dense, comme nous l’avons bien vu notamment à Paris et en Île-de-France.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 13, 15 et 17.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 125 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le dimanche 14 juin dernier, le chef de l’État, Emmanuel Macron, nous annonçait que l’ensemble de la France métropolitaine passait en zone verte sur le plan sanitaire. Nous accueillions avec soulagement, mais prudence, cette nouvelle, qui laissait présager un prochain retour à la normale.
Dans ces conditions, il semble légitime que l’état d’urgence sanitaire, instituée par la loi du 23 mars 2020, prenne fin. Nous tenons donc à pointer du doigt l’incohérence du Gouvernement, qui souhaite ici créer un droit hybride entre le droit commun et le droit d’exception en vigueur pendant l’épidémie.
Monsieur le ministre, si vous estimez que la pandémie est suffisamment sous contrôle pour que nous puissions nous passer de l’état d’urgence sanitaire, agissez en conséquence !
Que des réglementations soient conservées un temps, notamment en matière de port du masque ou de respect des gestes barrières dans les transports en commun, nous l’entendons parfaitement. Ces précautions nous semblent tout à fait raisonnables. Mais il nous paraît excessif de conférer ces prérogatives au Premier ministre.
Une telle mesure, attentatoire à l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen sur la liberté de circulation, est disproportionnée à l’heure où l’exécutif souhaite assurer une transition vers la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Ainsi, par le présent amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 1er.
Le virus est toujours présent, mais il est latent. Nous sommes donc favorables à ce que des précautions soient de mise, mais sans disproportion.
L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou restreindre
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement du Gouvernement vise à préciser la portée des notions retenues au premier alinéa de l’article 1er, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois.
La faculté générale de réglementer la circulation des personnes et des véhicules doit permettre d’intégrer, le cas échéant, des mesures de restriction de la circulation des personnes ou des véhicules au-delà d’un certain périmètre géographique, sans donner pour autant la possibilité de prendre des mesures assimilables à des interdictions de sortie du domicile, comme le prévoyait l’état d’urgence sanitaire.
C’est ce qui permettrait d’ailleurs, en cas de cluster ou, plus largement, en cas de résurgence de l’épidémie, de limiter la circulation au-delà d’une zone, par exemple une ville, comme cela s’est fait dans beaucoup de pays, encore cette semaine.
Dans le cas d’un cluster avec dissémination du virus au sein d’une commune ou d’une intercommunalité, il serait alors possible de limiter les sorties en dehors de cette zone, afin d’éviter la diffusion non contrôlable du virus.
Je suis heureux de constater que la commission a retenu une position médiane, qui permet de calibrer exactement les mesures susceptibles d’être prises pendant la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Elle est donc défavorable à ces deux amendements.
Non, madame Benbassa, le texte de la commission ne contrevient pas à l’une des libertés fondamentales garanties par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Non, monsieur le ministre, nous ne souhaitons pas vous permettre de faire plus que réglementer la circulation de nos compatriotes, que, quant à vous, vous voulez restreindre. Nous voulons que vous puissiez imposer le port du masque dans le métro, bien sûr, mais nous ne voulons pas que vous puissiez interdire un certain nombre de déplacements. Si vous devez le faire, vous pourrez toujours prendre un décret pour déclarer l’état d’urgence sanitaire, même si vous n’en utilisez pas toutes les potentialités.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je puis comprendre, monsieur le président de la commission des lois, les restrictions que vous entendez apporter à ce texte.
Toutefois, est-ce à dire que, dans le cas où apparaîtrait un nouveau cluster, nous devrions prendre un décret pour déclarer l’état d’urgence sanitaire dans tout le pays, de peur de ne pouvoir maîtriser la chaîne de contamination, et ce afin de limiter la circulation des personnes contaminées en dehors de la zone géographique concernée ?
Vous savez, c’est non pas le virus qui circule, mais les personnes contaminées, la plupart du temps sans qu’elles sachent qu’elles le sont, et elles n’y sont pour rien. C’est ainsi que l’épidémie s’est propagée, à partir de foyers épidémiques dont, par définition, on ignorait l’existence, dès lors que les personnes contaminées ont commencé à circuler en nombre et quitté ces zones.
Or il peut arriver que l’on assiste à une résurgence en masse de cas épidémiques, ce qu’on appelle les clusters. Dès lors que l’on en est informé, il est possible de prendre des mesures d’anticipation. Je vous renvoie à l’exemple des Contamines-Montjoie en Haute-Savoie, où nous avons dû limiter la circulation, fermer les écoles, procéder à des hospitalisations, tracer les contacts de personnes contaminées et les placer à l’isolement. C’est ainsi que nous avons pu « éviter la balle », si je puis dire, c’est-à-dire éviter que le virus ne se propage dans toute la Haute-Savoie trois ou quatre semaines plus tôt.
Où avez-vous vu que, au cours des quatre mois qui viennent de s’écouler, nous aurions pris des mesures abusives et disproportionnées de limitation de la circulation des personnes, en ciblant un endroit particulier ? Quel serait le sens d’une telle mesure ?
Dès lors, pourquoi vouloir interdire ou retirer au Gouvernement la possibilité de limiter temporairement la circulation en dehors d’une zone d’activité du virus ? Quel usage considérez-vous que nous pourrions faire de cette faculté temporaire, si ce n’est protéger les personnes de tout risque épidémique en adoptant des mesures urgentes ? J’ai beau creuser la question, y compris en me mettant à la place de gens qui ne m’aimeraient vraiment pas, je ne trouve pas de réponse…
Par conséquent, je vais nécessairement émettre un avis défavorable sur cet amendement n° 18, tout en insistant sur l’amendement n° 23 du Gouvernement.
Même si, je le répète, je respecte les travaux de la commission, j’essaie – c’est bien pour cela aussi que je suis là ce soir – de vous rendre compte, de manière aussi pratique que possible, des situations de vie que j’ai rencontrées au cours de ces quatre derniers mois et des décisions que j’ai été amené à prendre, dans l’urgence, pour protéger les personnes.
Vous pouvez estimer que ces mesures ont été abusives et faire en sorte que notre pays et ses représentants ne puissent plus prendre aucune décision en ce sens. Encore une fois, si je suis ici ce soir, devant le Parlement, c’est bien parce que j’accepte le débat démocratique. Simplement, je veux vous avertir des conséquences potentielles sur notre arsenal de lutte conte la diffusion du virus des décisions que vous pourriez être amenés à prendre, mus par des craintes que j’ai du mal à concevoir ; mais, encore une fois, chacun est libre.
J’émets donc un avis défavorable sur amendement n° 18.
Monsieur le ministre, il est en effet heureux que vous soyez présent pour mener un débat approfondi sur toutes ces questions.
Vous dites ne pas concevoir quelle pourrait être une mesure de substitution à la limitation de la liberté de circulation des personnes en cas de cluster. Pourtant, les mesures que vous entendiez vous-même mettre en œuvre au mois de mars n’ont pas pu l’être, parce qu’elles demandaient des préparatifs, une organisation, nécessitaient que du matériel et des tests de dépistage soient disponibles.
À présent, vous savez bien que, quand des cas se déclarent, les plateformes qui ont été obligatoirement mises en place par l’assurance maladie permettent de remonter les filières de contamination, d’identifier les personnes atteintes et de les placer en quatorzaine.
Indépendamment de la question des autorisations de circuler ou non, ce qui permettra de lutter efficacement contre la propagation du virus, sans doute à une certaine échelle, ce sont des mesures de substitution aux restrictions majeures des libertés publiques que vous avez, avec notre accord, fait supporter au pays, faute de mieux, faute de meilleurs moyens disponibles.
Avions-nous les tests de dépistage ? Avions-nous les masques ? Avions-nous le système d’information que nous vous avons autorisé à mettre en place par la loi du 11 mai ? Non, nous n’avions rien de tout cela ! Maintenant, nous avons tout cela et nous conservons aussi la possibilité, si un territoire connaît de nombreux cas de contamination, de l’isoler en y déclarant l’état d’urgence sanitaire. C’est d’ailleurs ce que nous allons faire pour la Guyane et pour Mayotte.
Vous disposez de toute une panoplie, de tout un arsenal qui ne vous laisse pas les mains nues face à des contaminations locales. Je crois donc que vous pouvez maîtriser ces foyers de contagion autrement que par des mesures majeures de restriction des libertés publiques, comme la liberté d’aller et venir, qui est très importante.
Afin de prévenir la contagion, il sera naturellement plus efficace qu’une personne contaminée accepte de se placer en quatorzaine pour préserver son entourage de travail, sachant par ailleurs que son employeur ne l’acceptera pas sur son lieu de travail tant qu’elle n’est pas rétablie.
Je crois que l’on peut envisager une autre politique que celle que nous avons été condamnés à accepter, faute de mieux, depuis le confinement généralisé des Français. Il ne faut surtout pas se mettre dans l’idée que la première décision à prendre, quand des cas de contamination surviendront quelque part, sera de restreindre les libertés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le rapporteur, ce ne serait en aucun cas la première décision de cette nature : sinon, je serais conduit à la prendre cinquante fois par jour depuis le déconfinement !
Il ne vous aura pas échappé que des clusters sont détectés tous les jours ; heureusement, nous en maîtrisons les chaînes de contamination. Il ne vous aura pas échappé non plus que nous n’avons pas édicté d’interdiction de circulation : nous sommes parfaitement au fait de cet enjeu.
Je puis faire miennes certaines de vos analyses ; mais quand vous dites que, si nous avons confiné, c’est parce que nous n’avions ni masques ni tests, vous faites au mieux un raccourci. Il me semble que, dans cette assemblée, l’on a cité en exemple un certain nombre de pays ayant opté pour le confinement.
Ainsi, la Chine n’a jamais connu de pénurie de masques ou de tests : elle en est la première productrice au monde. Or, il y a trois jours, j’ai lu dans la presse que Pékin avait fermé ses écoles, suspendu son trafic aérien et interdit les sorties de la ville.
Je ne dis pas le contraire ! Je mentionne simplement des pays que vous avez régulièrement cités en exemple…
Alors Singapour, si vous préférez, ou encore l’Allemagne ! Quoi qu’il en soit, on ne peut pas voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Il faut avoir une vue d’ensemble.
Mesdames, messieurs les sénateurs, personne ici n’a envie de reconfiner. Nous mettons tout en œuvre pour ne pas être réduits à cette extrémité pour le pays tout entier, ni même pour une ville. Nous sommes donc tous d’accord quant à l’objectif. Néanmoins – j’y insiste –, il faut avoir de la suite dans les idées.
Vous avez été très nombreux à nous dire de suivre les avis du conseil scientifique. Or ce dernier nous certifie qu’il faut rester armé.
Je ne citerai pas de ville en particulier – dès que je le fais, tout le monde prend peur. Imaginez une magnifique ville de France qui s’appellerait Atlantide, avec ses rivières et ses parcs ; imaginons qu’elle connaisse un cluster, que ses habitants subissent une super-contamination. Tout d’un coup, on découvre que 150 personnes sont malades. Imaginez que la population inquiète se dise qu’il faut faire ses valises au plus vite, monter dans sa voiture et quitter la ville, alors même que nous mettons en place des opérations de traçage…
Monsieur le rapporteur, qu’ai-je entendu sur l’état d’urgence sanitaire dans cette assemblée ? Aujourd’hui, on m’assure qu’il y avait consensus. Mais, pour avancer, il a fallu reprendre l’ouvrage un certain nombre de fois, et – je le répète –, c’est tout à fait naturel.
Cela étant, si l’on déclenche l’état d’urgence sanitaire dans tout le pays, on donne aux autorités tous les pouvoirs qui vont avec, même localement ; on doit assumer une nouvelle limitation des libertés…
Je ne refais pas l’histoire, monsieur le sénateur : je l’ai vécue, avec vous !
Je souhaite bel et bien n’avoir jamais à appliquer une telle mesure, mais je pourrais être conduit à la mettre en œuvre. Si je vous affirmais le contraire, vous ne seriez pas les derniers à me dire : « Vous n’avez pas anticipé. » Autour de nous, plusieurs pays ont déconfiné, mais, temporairement, ont été obligés d’instaurer des mesures de limitation de circulation sans pour autant revenir à l’état d’urgence sanitaire.
Vous m’avez donné vos arguments, je vous donne les miens ; le Sénat va sans doute voter contre l’amendement du Gouvernement. Je reviendrai à la charge en seconde lecture, parce que j’y crois. Si je n’y croyais pas, je vous dirais : il est tard, passons à autre chose.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez toujours été très vigilants, parfois piquants, en nous disant de mettre en œuvre les mesures qui s’imposent pour protéger les Français. Il m’est arrivé un certain nombre de fois de vous demander un certain nombre de mesures, et vous ne les avez pas votées. Je reste cohérent !
La parole est à M. le rapporteur, que je remercie par avance de sa concision…
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le président, vous le savez, je suis toujours vos conseils avec beaucoup de déférence ; vous avez la charge de nous faire accoucher du texte avant que nous ne nous couchions.
Sourires.
Monsieur le ministre, je me contenterai de quelques remarques.
Tout d’abord, je citerai un grand pays moderne, celui qui obtient les meilleurs résultats dans la lutte contre le Covid-19 : la Corée du Sud. Cet État a maîtrisé l’épidémie sans confinement.
Je ne prétends pas qu’il s’agit d’un modèle pour nous : chacun sa culture. Toutefois, cet exemple le prouve : on pouvait obtenir ce résultat sans porter atteinte aux libertés publiques si fortement que nous avons dû le faire – je l’ai dit, nous avons donné notre accord à ce titre, faute de mieux, mais les libertés publiques ont été réduites dans des proportions sans précédent dans l’histoire de notre République – et sans mettre en péril l’économie, à un degré tel que nous nous attendons tous à une vague de chômage dont les conséquences sociales et sanitaires, liées à la précarité, sont l’horizon des Français pour les années à venir.
Si vous, ministre de la santé, considérez qu’il n’y a rien de mieux que le confinement face à une nouvelle propagation du virus, nous vous répondrons que nous avons encore beaucoup de travail à faire conjointement pour trouver de meilleures solutions !
Il n’est pas question de confinement, vous le savez très bien !
Ensuite, si, dans un territoire donné, il faut porter fortement atteinte aux libertés publiques, vous disposez de l’état d’urgence sanitaire. On ne l’a pas conçu pour rien, tout de même !
D’ailleurs, si la situation sanitaire du pays ne justifiait pas l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel ne vous permettrait pas de prendre des mesures attentant si fortement aux libertés publiques. Vous avez entendu un certain nombre de signaux forts venant du Conseil d’État comme du Conseil constitutionnel : il y a des limites à la restriction des libertés publiques !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
L’alinéa 3 de cet article confie au Premier ministre la capacité de réglementer le fonctionnement des établissements pouvant recevoir du public. Ce pouvoir lui serait confié après la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet, et jusqu’au 30 octobre prochain en cas de rebond du nombre de contaminations liées au coronavirus.
Ces dispositions pourraient notamment être appliquées aux monuments historiques, aux lieux de culte et aux restaurants.
Une telle mesure semble disproportionnée et peu raisonnable au regard de la conjoncture économique. Les secteurs du tourisme et de la restauration ont été durement frappés par la crise liée au Covid-19. Leurs pertes s’élèvent aujourd’hui à plusieurs milliards d’euros.
Il est vital que ces pans de l’économie puissent reprendre une activité normale dans les plus brefs délais. Si l’on peut concevoir de maintenir, quelque temps, certaines réglementations par précaution – je pense notamment au respect des gestes barrières –, il semble excessif de confier ces prérogatives au Premier ministre, à l’heure où le Gouvernement estime qu’il est temps de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire.
Nous appelons l’exécutif à faire preuve de cohérence : si la situation sanitaire est propice à la fin de l’état d’exception, elle l’est également à la fin des mesures qui y ont trait. Ainsi, nous proposons de supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er.
L’amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Avant le mot :
Réglementer insérer les mots :
Ordonner la fermeture provisoire et
La parole est à M. le ministre.
Comme tout à l’heure, le Gouvernement souhaite, à l’inverse, rétablir la faculté d’ordonner la fermeture provisoire de certaines catégories d’établissements recevant du public, laquelle figure dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une telle faculté est nécessaire pour maintenir fermés les établissements d’une certaine catégorie, compte tenu des risques sanitaires associés, au-delà du 10 juillet prochain.
Croyez-moi, nous ne faisons pas ce choix de gaieté de cœur. J’ai entendu que les responsables de lieux de sortie nocturne, comme les discothèques, devaient se mobiliser cette semaine, et je les comprends. Ils aspirent légitimement à vivre de leur activité en rouvrant leurs établissements. On sait aussi l’aspiration des Français à aller danser.
Madame Benbassa, on peut considérer qu’il n’y a plus de danger ni de situation à risque, et que tout va pour le mieux ! On peut aussi considérer que, même si c’est un crève-cœur, il faut prendre certaines mesures, car toute autre décision exposerait les Français à des risques beaucoup trop lourds.
Monsieur le rapporteur, vous avez cité l’exemple de la Corée du Sud. Vous le savez, nous n’aspirons absolument pas au confinement, et rien dans ce texte ne nous permet de confiner le pays, en aucune façon. C’est justement la grande différence entre ce projet de loi et l’état d’urgence sanitaire. Nous ne pourrons plus confiner et nous ne le voulons pas. Je le dis, et je le redirai autant que nécessaire.
En Corée du Sud, en fréquentant des lieux de sortie nocturne, un seul individu a contaminé plusieurs dizaines de personnes, qui en ont contaminé d’autres encore : l’épidémie, jusqu’alors parfaitement maîtrisée, est ainsi repartie. Certaines situations sont plus à risques que d’autres.
N’y voyez aucune volonté d’empêcher les gens de danser : moi-même, j’aime beaucoup danser, surtout quand l’été vient ! §Mais il est important de conserver une capacité d’action, tout en accompagnant les responsables de discothèques, pour leur permettre de les reconvertir en bars ou en salles de spectacles, et tout en les soutenant financièrement. Il est hors de question de laisser qui que ce soit au bord du chemin.
Ces dispositions sont importantes : elles permettent au Gouvernement de fermer des lieux a priori, même si l’épidémie a décru.
De surcroît, pour déclencher l’état d’urgence sanitaire, il faut être placé face à une catastrophe sanitaire. La contamination de quarante personnes dans une commune ne peut pas être considérée comme telle. Mais si l’on attend la catastrophe pour déclencher l’état d’urgence, on est sûr qu’elle surviendra. Encore une fois, mieux vaut prévenir que guérir : ce vieil adage médical se vérifie souvent !
Pour des raisons de principe, que j’ai déjà développées, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen de biologie médicale.
I. – Alinéa 17
Rétablir le IX dans la rédaction suivante : IX. – À la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le mot : « national » est remplacé par le mot : « hexagonal ».
La parole est à M. le ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à aborder un point important relatif au quatrième alinéa, qui a pour objet les rassemblements et manifestations.
À ce titre, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement pour modifier le texte de la commission, mais les enjeux sont importants : il faut s’assurer que nous en avons la même compréhension.
La commission propose d’écrire que, « sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure », le Premier ministre peut « réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ».
Nous comprenons ainsi que le Premier ministre pourra réglementer tous les rassemblements mentionnés au quatrième alinéa, y compris, le cas échéant, pour les soumettre, non à autorisation préalable, comme c’est aujourd’hui le cas en vertu de l’état d’urgence sanitaire, mais à une simple déclaration préalable.
Le préfet aurait dès lors la possibilité de les interdire en cas de troubles graves à l’ordre public, au sens de l’article L. 211-4, lequel inclut les risques sanitaires, comme l’a jugé le Conseil d’État dans son ordonnance du 13 juin dernier. §Nous sommes donc d’accord.
J’en viens à l’amendement n° 25, qui vise à rétablir la faculté d’imposer des tests virologiques avant l’embarquement en avion, sous conditions particulières, et la faculté de prescrire des mesures de mise en quarantaine pour les voyageurs arrivant dans l’Hexagone depuis l’outre-mer.
Ces mesures de précaution pour l’entrée en métropole sont justifiées par la situation épidémique dans certains territoires ultramarins, que je déplore sincèrement ; elles sont de nature à limiter les risques de reprise épidémique sur le territoire métropolitain.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Imposer aux compagnies de transport aérien de prévoir un examen de biologie médicale préalable pour les passagers en provenance du territoire métropolitain vers l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Introduit par l’Assemblée nationale, l’alinéa 4 de l’article 1er vise à imposer aux personnes ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection et qui souhaitent se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance de l’Hexagone ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage ne concluant pas à une recontamination par le Covid-19.
Bien sûr, toutes les mesures doivent être prises pour protéger les citoyens qui, en raison de leur situation aux confins du territoire national, sont particulièrement vulnérables face à un risque épidémiologique.
En revanche, comme l’a pointé notre collègue Stéphane Artano, qui a inspiré cet amendement, qui, en ce moment, nous écoute et que je salue, soumettre nos concitoyens ultramarins à un test avant d’entrer en métropole nous semble particulièrement discriminant. En effet, ces derniers n’ont pas d’autre solution de transport que l’avion.
À la veille des grandes vacances, nous nous interrogeons également sur la capacité actuelle de dépistage. Nous craignons que, faute de tests, beaucoup ne renoncent à leurs déplacements. Une telle entrave à la liberté d’aller et venir serait susceptible de porter atteinte au secteur touristique insulaire et d’infliger un grave manque à gagner aux compagnies aériennes.
C’est pourquoi nous proposons que ces compagnies contribuent à l’organisation des tests propres aux déplacements aériens : chacun semble y avoir intérêt.
L’amendement n° 22, présenté par M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Après le mot :
Dépistage
insérer le mot :
virologique
La parole est à M. Franck Menonville.
Cet amendement de précision vise à clarifier l’obligation de présentation d’un résultat d’examen biologique de dépistage lors d’un déplacement à destination ou en provenance du territoire national.
D’une part, le dépistage virologique semble le plus pertinent pour savoir si une personne est, ou non, contagieuse. Dans ce cas, le test sérologique serait trop complexe et son résultat serait trop long à obtenir.
D’autre part, un voyageur peut être déclaré positif par un test sérologique sans être encore contagieux pour autant. Il ne faut pas contraindre les déplacements de telles personnes, dont les tests ne font que révéler une contamination antérieure.
Pour prévenir de graves conséquences pour les déplacements des individus comme pour l’économie des territoires, nous proposons de simplifier le dispositif proposé, tout en gardant à l’esprit l’enjeu sanitaire.
L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty et Guérini, Mme N. Delattre, M. Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de s’y soumettre après leur déplacement
La parole est à M. Joël Labbé.
Les dispositions de cet amendement ont également été inspirées par notre collègue Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans la même logique – adapter les règles de santé publique aux besoins des populations les plus vulnérables –, cet amendement vise à imposer un test obligatoire sept jours après l’arrivée outre-mer.
Un tel dispositif est demandé par les résidents ultramarins. Il permettrait d’établir un filtre sanitaire en remplaçant la quatorzaine par une septaine.
Cette contrainte paraît nécessaire pour les populations ultramarines. Le test serait aussi sensible que celui qui est imposé avant de prendre l’avion. Dans la pratique, le passager s’engagerait à faire ces deux tests lors de sa réservation auprès de la compagnie aérienne.
Les informations apportées à l’Assemblée nationale concernant ce second test ne paraissent pas suffisantes à nos compatriotes ultramarins ; en l’état, il ne s’agirait que de simples recommandations des préfets. Pourquoi ne pas inscrire ce second test dans la loi ?
Monsieur le ministre, les mesures figurant dans notre texte nous paraissent suffisantes. Vous voulez imposer une obligation générale, sans distinction entre collectivités : présenter le résultat d’un examen de biologie médicale avant de se déplacer en avion, à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou d’une collectivité d’outre-mer. Mais cette rédaction est beaucoup trop large !
Il faut préciser que ce dispositif s’applique uniquement aux personnes venant de zones encore infectées ; c’est la règle pour les quarantaines ou pour les mesures d’isolement. En prenant une mesure générale, on s’exposera aux reproches que le Conseil d’État a pu faire à un certain nombre de restrictions décidées dans le cadre de l’urgence sanitaire.
Ainsi, le Conseil d’État s’est opposé à l’interdiction des cérémonies religieuses en général : il convenait – a-t-il indiqué – de les réglementer pour faire en sorte qu’elles n’entraînent pas de contamination. Nous sommes face au même enjeu : vous ne pouvez pas édicter une obligation de test pour tous les voyageurs circulant entre la métropole et l’outre-mer. Vous devez tenir compte des zones encore infectées.
Votre arrêté du 22 mai dernier met en œuvre une disposition de l’état d’urgence sanitaire relative aux zones infectées.
Or il couvre l’ensemble du territoire national, et même du monde. On peut le comprendre lorsqu’il y a beaucoup de contaminations, mais cet arrêté devrait très rapidement devenir illégal. Quand la loi impose de déterminer des territoires, on ne peut pas englober le monde entier ! Il faudra délimiter précisément les zones dangereuses.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 25, étant entendu que notre texte vous permet déjà d’appliquer les mesures qui s’imposent où elles sont nécessaires. Dans les territoires ultramarins en situation d’urgence sanitaire, comme la Guyane et Mayotte, vous pourrez évidemment interdire les déplacements : la sécurité sera donc assurée.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 5 rectifié bis de M. Artano. En vertu de ces dispositions, les compagnies aériennes seraient tenues de faire respecter l’obligation de procéder à des tests de dépistage, alors que c’est la responsabilité de l’État.
Avec son amendement n° 22, M. Menonville pose une question à laquelle je ne suis pas capable de répondre, n’ayant pas, à cet égard, de conviction personnelle. Monsieur le ministre, je ferai donc mienne votre réponse : faut-il préciser que le dépistage dont nous parlons est le dépistage virologique ?
Dans ce cas, je donne un avis favorable à cet amendement !
Enfin, l’obligation de réaliser un second test à l’arrivée sur le territoire, proposée via l’amendement n° 4 rectifié bis, nous paraît excessive : nous émettons donc un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 5 rectifié bis, 22 et 4 rectifié bis ?
Malgré leurs qualités, les dispositions de l’amendement n° 22 sont d’une portée moindre que celles de l’amendement n° 25.
Je suis donc défavorable à l’amendement n° 22, ainsi qu’aux amendements n° 4 rectifié bis et 5 rectifié bis.
Je souscris pleinement aux propos de M. Bas et je saisis cette occasion pour apporter quelques précisions.
Personne en France ne l’a contesté : le pouvoir de nous confiner est du ressort du Gouvernement. C’est indiscutable, même si nous, Ultramarins, pouvons regretter d’avoir été confinés alors même qu’aucun cas n’était recensé dans nos territoires.
Monsieur le ministre, à l’inverse, le déconfinement ne peut pas être appliqué de manière unilatérale aux outre-mer. Il doit être différencié, collectivité par collectivité – c’est absolument indispensable. Cette différenciation doit s’appliquer partout, y compris entre Saint-Barthélemy et Saint-Martin, même si ces deux îles ne sont séparées que par vingt kilomètres de mer. On ne peut pas imposer à tels ou tels des mesures qui ne sont plus valables chez eux.
Il y a quelques jours, je me suis rendu de Saint-Barthélemy à Saint-Martin : on ne m’a demandé ni test ni attestation. De Saint-Martin à Pointe-à-Pitre et de Pointe-à-Pitre à Paris, il en a été de même.
Or, si votre amendement était adopté, en retournant chez moi la semaine prochaine, je devrais fournir le résultat d’un test – j’ai bien l’intention de le faire – et, surtout, rester chez moi pendant quinze jours. Trouvez-vous que ce soit normal ?
De plus, serait-il normal d’imposer aux personnes se rendant dans nos territoires de subir des tests, puis d’être confinées pendant sept jours, lorsque, entre les territoires ultramarins eux-mêmes – je pense par exemple à quelqu’un qui partirait de Saint-Barthélemy pour aller à Pointe-à-Pitre ou à Fort-de-France –, l’on n’impose pas la même exigence ? Il y a une véritable difficulté : vous ne pouvez pas appliquer le déconfinement de manière unilatérale. Vous ne pouvez pas faire autrement que de le décliner collectivité par collectivité.
Actuellement, à Saint-Barthélemy, seul le BTP travaille : en d’autres termes, vous avez créé les conditions pour couler l’économie touristique. On ne peut pas se contenter du tourisme intérieur sur vingt-cinq kilomètres carrés : nous dépendons du tourisme extérieur.
Or vous dites à un Américain devant passer une semaine de vacances à Saint-Barthélemy qu’il devra d’abord rester quinze jours confiné. Cela n’a pas de sens ! De grâce, traitez les collectivités d’outre-mer de manière différenciée !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Antoine Karam applaudit également.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 20, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
En vertu de l’alinéa 12, le Parlement est informé « sans délai des mesures prises par le Gouvernement » dans le cadre de la mise en application de l’article 1er du présent projet de loi.
Bien sûr, il est nécessaire que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent exercer un suivi des lois votées.
Toutefois, avec cet amendement d’appel, nous dénonçons l’attitude du Gouvernement à l’encontre du pouvoir législatif. En effet, cet alinéa est particulièrement révélateur du rôle que l’exécutif souhaite confier au Parlement dans le cadre de la sortie progressive de l’état d’urgence sanitaire. Alors que le Premier ministre serait habilité à légiférer par décret, le Parlement, lui, serait cantonné dans un rôle d’observateur, que l’on informe par courtoisie institutionnelle.
Faut-il le rappeler ? C’est bien le Gouvernement qui est responsable politiquement devant le Sénat et l’Assemblée nationale, et c’est bien le Parlement qui a pour mission constitutionnelle de légiférer. Il n’est pas acceptable que les chambres soient réduites à un rôle d’enregistrement et d’habilitation de l’exécutif à légiférer par ordonnances ou par décrets.
En conséquence, nous demandons la suppression de l’alinéa 12. Le Gouvernement n’a pas, envers le Parlement, un simple devoir d’information : il doit garantir les conditions lui permettant d’exercer ses fonctions législatives et il est urgent que les élus de la Nation et des territoires retrouvent leur capacité d’édicter les lois !
La commission des lois préfère conserver un contrôle parlementaire digne de ce nom : elle est donc défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 11, présenté par MM. Sueur, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol, Schoeller et Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les avis du comité de scientifiques sont rendus publics sans délai.
La parole est à M. Patrick Kanner.
Cet amendement vise à renforcer encore le poids du conseil scientifique, sur lequel le Gouvernement se fonde pour prendre de nombreuses décisions. Son président, le professeur Delfraissy, a toujours considéré, à juste titre d’ailleurs, que son rôle était de conseiller et celui du Gouvernement de décider.
Or cette décision doit s’appuyer sur l’information la plus large et la plus rapide possible des Français. Dans cet esprit, nous proposons que les avis du conseil scientifique soient rendus publics sans délai, et non pas, comme nous l’avons constaté pour certains, après deux, trois, voire quatre jours.
Il arrive que le conseil scientifique ne soit pas consulté : ce fut le cas pour l’arrêt des compétitions sportives – j’en ai un souvenir ému… Quand il l’est, autant que les Français connaissent son avis le plus vite possible !
Plusieurs fois, monsieur le ministre, les avis du comité scientifique ont été retenus par le Gouvernement pendant plusieurs jours. S’il s’était agi d’un organe interne au Gouvernement, on aurait pu le comprendre ; mais les lois sur l’urgence sanitaire lui ont conféré un statut législatif.
Dès lors, il est plus démocratique d’assurer la transparence de ses avis. C’est pourquoi nous sommes favorables à la proposition, particulièrement heureuse, de nos collègues du groupe socialiste.
Je ne puis qu’être heureux que le Parlement souligne la transparence dont le Gouvernement a fait preuve… Je me félicite de la mise en place du conseil scientifique et j’en remercie les membres pour les appuis et les avis éclairés qu’ils nous ont donnés.
Je m’enorgueillis d’avoir fait de la transparence et de la mise en ligne de ces avis une constante, alors que rien encore ne m’y obligeait. Une fois, certes, une erreur de mise en ligne a été commise. Elle a été rectifiée quelque huit minutes après que l’alerte eut été donnée dans le cadre du débat sénatorial… Pour le reste, la plupart des avis ont été mis en ligne, je crois, dans des délais plus que raisonnables.
Je n’ai donc aucune difficulté à vous donner satisfaction sur le principe d’une mise en ligne sans délai. C’est une première dans la gestion d’une crise sanitaire : nous n’avons rien à cacher, depuis le premier jour !
J’émets donc un avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 21, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Par les lois des 23 mars et 11 mai 2020, le législateur a institué un certain nombre de dispositions pénales répressives, visant à garantir la sécurité de nos concitoyens pendant la crise sanitaire en sanctionnant le non-respect des règles édictées en vue de contrer la pandémie : le confinement, puis le port du masque et l’application des gestes barrières dans les transports en commun et les lieux publics.
L’alinéa 15 de l’article 1er du présent projet de loi permet au Premier ministre de recourir à ces dispositions après la sortie de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet prochain, si une augmentation du nombre de cas de Covid-19 est à déplorer. Les auteurs du présent amendement dénoncent la banalisation à laquelle s’adonne l’exécutif s’agissant de mesures coercitives et répressives : introduites dans notre législation en raison de la crise sanitaire, elles ne sauraient être utilisées en dehors du cadre dans lequel elles ont été édictées.
Figurant à l’article L. 3136-1 du code de la santé publique, ces dispositions pénales n’ont pas vocation à voir leur champ d’application élargi. Dans un État de droit, les mesures adoptées dans des circonstances sanitaires exceptionnelles ne peuvent devenir la règle !
Quand on énonce des règles, il faut bien prévoir des sanctions pour ceux qui ne les respectent pas… Sans quoi il n’y a plus de règles !
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À la seconde phrase du dernier alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, après les mots : « sont assurés », sont insérés les mots : « la mise en œuvre des constatations médicales préalables au placement à l’isolement, ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
La campagne de tests de dépistage du Covid-19 est une préoccupation partagée par l’ensemble de nos concitoyens, mais peut-être encore plus par ceux de l’outre-mer. Dans les territoires insulaires, en effet, la suspension des moyens de transport a des conséquences beaucoup plus importantes qu’en métropole sur toutes les chaînes d’approvisionnement, et réguler la saturation des hôpitaux y est encore plus problématique.
La quarantaine, seule solution de rechange aux tests, est très contraignante : elle risquerait de nuire gravement à la vie économique et familiale de nos concitoyens d’outre-mer, qui dépendent fortement des liaisons avec la métropole.
Des flottements ayant été observés au cours des premières semaines de campagnes de tests, notre collègue Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, propose que ces campagnes, compte tenu de leur importance, fassent l’objet d’engagements gouvernementaux au niveau réglementaire.
Mon cher collègue, je ne crois pas aux vertus d’un décret pour suppléer au manque de moyens et aux défauts d’organisation.
Si cet amendement a le mérite de poser le problème de la manière la plus claire, la solution proposée ne le réglera pas. M. le ministre va nous dire ce qu’il compte entreprendre pour régler cette difficulté : peut-être sera-t-il suffisamment convaincant pour que vous retiriez votre amendement ?…
Monsieur le sénateur, vous entendez que soient précisées par décret les conditions de mise en œuvre des constatations médicales préalables aux placements à l’isolement. La loi qui encadre ces mesures d’isolement renvoie déjà à un décret pour en fixer les conditions d’application.
L’amendement est satisfait, et je vous suggère donc de le retirer.
L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les attributions dévolues au représentant de l’État par le présent article sont exercées à Paris et sur les emprises des aérodromes de Paris-Charles de Gaulle, du Bourget et de Paris-Orly par le préfet de police.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. J’ose tenter de défendre de nouveau un amendement gouvernemental… Quelque chose me dit que celui-ci peut passer !
Sourires.
Il s’agit de donner compétence au préfet de police pour l’application des dispositions de sortie de l’état d’urgence sanitaire en Île-de-France à Paris et sur les emprises des trois aéroports parisiens – cela fait écho à certains débats…
De fait, c’est le préfet de police qui exerce dans ce ressort territorial les attributions du représentant de l’État en matière de menaces sanitaires et d’état d’urgence sanitaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. Vous avez convaincu la commission, monsieur le ministre !
Exclamations amusées.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
L’amendement n° 14, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, Sueur et Kanner, Mme Artigalas, M. Roger, Mme G. Jourda, MM. Raynal, Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, P. Joly, Jomier, Jacquin, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville, S. Robert, Rossignol et Schoeller, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire avait été déclaré, et jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen de biologie médicale.
Le premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux déplacements par transport public aérien en provenance de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution qui n’est pas mentionnée dans la liste des zones de circulation de l’infection mentionnée au II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Je défends cet amendement au nom de ma collègue sénatrice de la Martinique, Catherine Conconne.
Les territoires d’outre-mer ont été diversement touchés par l’épidémie de Covid-19 : si le virus circule encore fortement en Guyane et à Mayotte, il a relativement épargné la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion – à ce jour, on n’a détecté sur ces trois territoires que des cas importés, à l’exclusion de tout cas autochtone.
Dans ces trois territoires, l’enjeu est donc de permettre la reprise normale des liaisons aériennes, ainsi que le retour progressif des touristes et des Ultramarins de l’Hexagone qui rentrent passer les grandes vacances dans leur famille, tout en maintenant des mesures de contrôle sanitaire pour empêcher l’importation du virus.
Depuis le 9 juin dernier, un dispositif expérimental est en place. Pour chaque voyageur, la réalisation d’un test virologique est préconisée dans les soixante-douze heures qui précèdent son départ pour l’outre-mer : si le test est négatif, le voyageur doit respecter une période de confinement de sept jours, à l’issue de laquelle il doit réaliser un nouveau test ; si le second test est négatif, le voyageur peut se déplacer librement. Quant aux voyageurs qui n’ont pas réalisé de test avant leur départ, ils sont astreints à une quatorzaine stricte.
Ces mesures de septaine et de quatorzaine ont vocation à disparaître avec la fin de l’urgence sanitaire. C’est heureux, car, comme l’a souligné notre collègue Michel Magras, elles sont assez dissuasives pour la reprise du tourisme.
Néanmoins, il est nécessaire de maintenir un contrôle sanitaire pendant les prochains mois, sous la forme de tests virologiques obligatoires pour les personnes souhaitant se rendre en outre-mer, afin de permettre la reprise du tourisme tout en protégeant la population. Il s’agit d’une demande très forte des territoires concernés.
Dans cette perspective, le présent amendement vise à maintenir jusqu’au 30 octobre prochain la possibilité donnée au Premier ministre de prendre un décret pour imposer des tests virologiques aux personnes désireuses de se rendre dans les outre-mer.
Madame Artigalas, lorsque cet amendement a été rédigé, ses auteurs partaient du principe que l’article 1er serait supprimé.
Or il vient au contraire d’être adopté, avec, dans son alinéa 5, un 4° énonçant, certainement avec moins d’élégance que votre amendement et dans un style qui n’a pas le même souffle, le dispositif que vous avez défendu.
Cet amendement est donc inutile, et je vous demande de bien vouloir le retirer : je regretterais de devoir appeler au rejet d’un amendement que la commission approuve, mais nous ne pouvons pas laisser dans la loi le même dispositif formulé deux fois, en des termes et à des articles différents.
Monsieur le rapporteur, notre amendement me paraît plus précis et de plus grande portée que le dispositif inscrit à l’article 1er.
Néanmoins, je me range à l’avis de la commission et retire cet amendement, monsieur le président.
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par un I ainsi rédigé :
« I. – En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire :
« 1° Toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l’organisation et au fonctionnement du système de santé ;
« 2° Des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, dans les conditions prévues au II des articles L. 3131-15 et L. 3131-17.
« Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l’état d’urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent titre, afin d’assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
3° Le troisième alinéa est supprimé ;
4° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent. »
Ce projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire achemine doucement la société vers un retour à la normale, en la faisant sortir des règles d’exception. Sauf dans un domaine : le droit du travail. En effet, à la faveur de la loi du 23 mars dernier établissant l’état d’urgence, vous avez fait adopter un catalogue de mesures régressives pour les salariés, au prétexte de l’épidémie de Covid-19.
Vous avez ainsi autorisé les employeurs à imposer unilatéralement des jours de congé aux salariés et aux fonctionnaires, et les entreprises considérées comme « relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » à déroger au temps de travail maximal, au repos hebdomadaire et au repos dominical – sans que jamais aucune liste desdites entreprises ait été publiée…
Depuis trois mois, donc, les entreprises peuvent pleinement profiter du dérèglement du travail pour exploiter toujours plus les travailleuses et les travailleurs, sans compensation. Pourquoi le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ne prévoit-il pas aussi un retour à la normale pour les droits des salariés ? Pourquoi faudra-t-il attendre la fin décembre pour que soient rétablis le repos dominical et la liberté des jours de repos ?
Hier, vous nous expliquiez que les dispositifs mis en place par le Gouvernement étaient justifiés par l’urgence de la pandémie et l’impossibilité pour les entreprises de travailler normalement.
Aujourd’hui, à vous entendre, c’est la reprise économique qui justifierait de remettre en cause les règles essentielles de santé et de sécurité au travail.
Demain, les risques d’une seconde ou d’une troisième vague de Covid-19 justifieront le maintien de ces dispositifs dérogatoires temporaires. Ainsi le Gouvernement transformera-t-il des dispositifs exceptionnels en dispositifs permanents, transgressant largement les droits des salariés…
Nous demandons que la sortie de l’état d’urgence sanitaire concerne aussi les dérogations au droit du travail !
L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Nous ne disons pas qu’il ne faudra pas évaluer l’article L. 3131-1 du code de la santé publique et ses effets dans la gestion des crises sanitaires. En revanche, nous considérons qu’il est beaucoup trop tôt pour cela : en modifier les contours, fût-ce pour en renforcer certaines dispositions, serait extrêmement prématuré.
Nous aurons l’occasion de dresser le bilan de cette crise sanitaire et des outils juridiques, notamment législatifs, utilisés et utilisables. Nous avons fixé l’échéance du mois d’avril – au plus tard. Un peu de temps est nécessaire à la réflexion.
Pour le coup, monsieur le rapporteur, c’est le Gouvernement qui est pris de court par l’adoption en commission de modifications à un article fondamental, dans la mesure où il instaure des pouvoirs dérogatoires dont nous avons vu la portée dans une situation aussi inédite que celle que nous venons de traverser.
Très sincèrement, je ne crois pas que nous puissions, par le truchement d’un amendement à ce projet de loi, donner une portée nouvelle à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Nous souhaitons le conserver en l’état, tout en prenant l’engagement qu’il sera évalué et qu’une réflexion collective sera menée sur les modifications à introduire.
Je dois une explication à M. le ministre.
Nous aussi, nous travaillons, par la mise en place d’une commission d’enquête, à dresser le bilan de cette crise sanitaire, pour pouvoir mettre en place les instruments qui nous permettront à l’avenir, lorsque de nouvelles épidémies surgiront – car ce sera le cas –, de les surmonter sans porter d’atteintes trop graves aux libertés individuelles et collectives ni entraîner, par un confinement généralisé, des conséquences dévastatrices sur le plan économique et social.
Telle est la réflexion que nous devons mener, les uns et les autres, pour la faire converger. Au Sénat, nous n’instruisons pas de procès : nous avons été constructifs, pour donner au Gouvernement les moyens d’action dont il estimait avoir besoin et pour traverser cette crise.
Pourquoi ne pas attendre ? Telle est, en définitive, monsieur le ministre, la question que vous nous posez. Eh bien, pour une raison très simple. Si nous avions adopté votre article 1er, reprenant textuellement trois dispositions essentielles de l’état d’urgence sanitaire, vous auriez disposé de moyens que nous jugions excessifs, beaucoup plus importants que ceux que nous vous accordons dans l’article 1er que nous venons d’adopter.
Il nous a donc paru nécessaire de ne pas baisser la garde, en permettant au Gouvernement, dans cette période de sortie de l’état d’urgence sanitaire et non dans un an, de recourir à un instrument juridique qui s’est révélé, de l’aveu même du Gouvernement comme du point de vue du Conseil d’État, d’une très grande fragilité.
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique, que la France entière connaît par cœur tant et tant il a été cité, donne au ministre de la santé, en réalité, les pleins pouvoirs. Je pense que le législateur n’a pas entendu lui donner de tels pouvoirs, mais, comme vous avez dû décider le confinement toutes affaires cessantes, avant même le vote de la loi du 23 mars dernier – le confinement date du 16 mars –, vous vous êtes fondé sur les dispositions de cet article.
Or je crois que, s’il y avait eu des recours contre les textes réglementaires pris sur la base de cet article – de simples arrêtés ministériels, mais qui restreignaient les libertés individuelles comme on ne l’avait jamais vu en France –, vous auriez très probablement été confronté à de multiples annulations pour excès de pouvoir.
Nous avons donc considéré que, au cas où le Gouvernement, tout en sortant de l’état d’urgence sanitaire, devrait prendre, compte tenu de la persistance, même locale, de l’épidémie, un certain nombre de mesures, cet instrument s’étant révélé insuffisant à la lumière de l’expérience, il était nécessaire de le modifier maintenant.
Cela ne nous interdit pas de proposer, dans le cadre de notre commission d’enquête, d’autres dispositions dans quelques mois. Mais c’est maintenant que vous pouvez avoir besoin de recourir à cet article, lequel est trop fragile. Voilà pourquoi la commission a adopté cet article 1er bis A. Nous préférons le maintenir, quitte à ce que vous nous le fassiez modifier – nous y sommes prêts.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er bis A est adopté.
I. – L’état d’urgence sanitaire, déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, est prorogé jusqu’au 30 octobre 2020 inclus sur les seuls territoires de la Guyane et de Mayotte. Le 4° du I de l’article 1er de la présente loi est également applicable, jusqu’à cette date, aux déplacements par transport public aérien en provenance ou à destination de ces territoires.
II
Je profite de cette intervention pour remercier tous les sénateurs, de toutes tendances confondues, qui ont eu une attention particulière pour la Guyane, après en avoir eu une pour Mayotte.
Je le fais avec une profonde émotion, parce que, au moment où je vous parle, mes chers collègues, la situation se dégrade considérablement : 500 % d’augmentation en moins de quinze jours, la barre des 2 500 cas qui sera franchie demain, un huitième mort – et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas les plus de 70 ans qui meurent en Guyane.
Je me garderai bien de dire ce soir : c’est la faute de tel ou tel. Le temps des responsabilités viendra, et on déterminera pourquoi nous en sommes arrivés là. Nous avons vécu une situation à l’envers : au moment où il fallait que nous soyons confinés, on nous a déconfinés ; et au moment où il fallait que nous soyons déconfinés, on nous a confinés.
On a tendance à oublier que la Guyane est non pas en Europe, mais en Amérique du Sud ! Il est vrai que, ce matin, BFM a expliqué que l’hiver arriverait dans quelques jours en Guyane… Peut-être même va-t-il neiger sur ce département ?
Sourires.
Monsieur le ministre, vous le savez : le pic de l’épidémie de Covid-19 est attendu à la mi-juillet. En outre, nous sommes frappés terriblement par deux autres épidémies : la dengue et la leptospirose, une maladie véhiculée par les rats, semble-t-il. Tout cela vient alourdir la charge d’un système hospitalier très en retard : nous vivons dans un véritable désert médical ! Tout le monde le sait, et certains collègues présents ce soir peuvent en témoigner.
Néanmoins, je veux être optimiste : nous devons nous mettre en état de surmonter la vague et d’empêcher qu’elle ne se transforme en tsunami.
Au reste, Mme la ministre de l’outre-mer arrive demain en Guyane pour jouer les sapeurs-pompiers… On ne peut que s’en réjouir, mais j’espère qu’elle apportera des réponses aux questions que nous avons posées voilà trois mois. Qu’est-ce que cela coûtait de mettre en place un hôpital de campagne dans la région cayennaise, de passer de 400 ou 500 tests par jour à 2 000, voire 3 000 tests ? C’est parce que le nombre de tests a quintuplé que nous découvrons tous les jours ce qui se passe en Guyane.
Il faut maintenant que l’État soit à la hauteur et qu’il mette à notre disposition les moyens humains et matériels nécessaires pour tester massivement la population et éviter les évacuations sanitaires !
Le temps court, mais je voudrais encore vous dire ceci : ce n’est pas parce que Bolsonaro est fâché avec la France que nous ne devons pas traiter la question de nos relations avec le Brésil, où la pandémie frappe très fort, sur le plan international ; il y va de la survie des populations, qu’elles soient brésiliennes ou françaises !
Applaudissements.
L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et pendant la période mentionnée au même I
La parole est à M. le ministre.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 12, présenté par MM. Sueur, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol, Schoeller et Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
au premier alinéa
par les mots : aux premier et deuxième alinéas
La parole est à M. Patrick Kanner.
Comme je viens d’entendre Mme Assassi le faire remarquer, nous aurions bien aimé, monsieur le ministre, que vous répondiez à l’intervention, très forte, de M. Karam – peut-être le ferez-vous plus tard.
Cet amendement de confirmation vise à conforter le code de la santé publique en prévoyant une information immédiate du Parlement sur les mesures prises par le Gouvernement et en permettant à l’Assemblée nationale et au Sénat de requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation des mesures prises lors de l’état d’urgence sanitaire.
Comme nous en avons débattu en commission, je sais ce que M. le rapporteur va me demander ; j’annonce d’emblée que je lui donnerai satisfaction.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je vous remercie, mon cher collègue, car vous avez tout dit…
Sourires.
En cas de rétablissement de l’état d’urgence sanitaire, en effet, toutes les procédures seront également rétablies, notamment en matière de contrôle parlementaire. Il était bon que vous présentiez cet amendement pour que ce principe soit clairement réaffirmé, mais, comme le ministre peut vous le confirmer, le contrôle du Parlement étant prévu dans la loi du 23 mars dernier, il n’est pas nécessaire d’y revenir dans le présent texte.
Par conséquent, mon cher collègue, si vous retiriez votre amendement, j’en serais tout à fait heureux.
Monsieur Karam, j’attendais pour vous répondre la discussion de l’amendement visant les outre-mer.
Vous avez tout dit sur la situation en Guyane : l’incidence augmente, la positivité des tests et le facteur de reproduction du virus aussi – bref, les signes d’une alerte sérieuse.
D’après les dernières informations dont je dispose, les malades sont plutôt jeunes. Il y a donc moins de formes graves et moins de malades admis en réanimation.
Néanmoins, nous considérons la situation guyanaise avec une extrême attention. Nous sommes en mesure d’augmenter le nombre de lits en réanimation et d’envoyer des renforts supplémentaires ; il est envisagé qu’un A400M participe aux évacuations sanitaires qui ont commencé à destination des Antilles, ce qui sera nécessaire si ces évacuations doivent être multipliées.
La ministre des outre-mer, Annick Girardin, est sur le point d’arriver en Guyane, avec du matériel pour renforcer les capacités de test et de prise en charge médicale sur place.
Comme nous le répétons semaine après semaine, il y a deux situations inquiétantes en France : Mayotte et la Guyane. À Mayotte, le nombre de malades décroît, mais il augmente en Guyane.
De mémoire, près de soixante-dix personnes de la réserve sanitaire ont été dépêchées sur place, de même que des épidémiologistes et des médecins référents en matière de lutte contre les épidémies, déployés sur l’ensemble du territoire guyanais. Une surveillance particulière est assurée dans la région de Saint-Laurent-du-Maroni, jusqu’ici plutôt épargnée. De même, au niveau de la frontière avec le Brésil, des actions de dépistage sont menées le long des fleuves auprès des populations à risque.
La proximité du Surinam et du Brésil est un facteur de risque supplémentaire, compte tenu du nombre élevé de malades dans ces pays et de la difficulté de contrôler les flux de migrations. Néanmoins, comme vous l’avez justement souligné, monsieur le sénateur, si des personnes d’origine brésilienne sont malades sur le territoire guyanais, le droit et l’humanisme s’appliquent évidemment – la France, je crois, n’a pas à rougir à cet égard.
S’agissant de cet amendement, le Gouvernement demande lui aussi son retrait.
L’amendement n° 12 est retiré.
L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 1er de la présente loi est applicable dans les territoires mentionnés aux I et II du présent article, lorsque l’état d’urgence sanitaire n’y est pas en cours d’application.
La parole est à M. le ministre.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 1 er bis est adopté.
(Non modifié)
Le troisième alinéa du I de l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est complété par deux phrases ainsi rédigées : « La durée de conservation de certaines données à caractère personnel peut être prolongée, pour la seule finalité de traitement mentionnée au 4° du II et dans la limite de la durée mentionnée au premier alinéa du présent I, par décret en Conseil d’État pris après avis publics du comité mentionné au VIII et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise, pour les données collectées avant son entrée en vigueur, les modalités selon lesquelles les personnes concernées sont informées sans délai de cette prolongation. »
Voilà quelques mois, lors de la discussion du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, nous avions demandé des mesures préventives pour endiguer l’augmentation du nombre de cas de Covid-19 sur notre territoire ; mais à la production de masques et de tests le Gouvernement a préféré le confinement, puis la mise en place d’un système informatique retraçant les chaînes de contamination au sein de la population.
À l’époque déjà, nous vous avons alerté sur les dangers nés d’une telle collecte de données numériques personnelles : nous craignions de basculer progressivement dans une société orwellienne de tracking généralisé.
Autant vous dire que l’article 2 de ce projet de loi n’est pas de nature à nous rassurer… De fait, l’exécutif nous propose désormais d’allonger la durée de conservation des données collectées dans le cadre des systèmes d’information mis en œuvre pour lutter contre la pandémie.
Or la conservation des données pose un sérieux problème de confidentialité et porte manifestement atteinte à la vie privée des Français.
Pour seule assurance, le Gouvernement nous avait affirmé que la collecte et la conservation des données seraient strictement limitées à la durée de l’état d’urgence sanitaire. Si l’exécutif estime nécessaire que nous sortions le 10 juillet prochain de ce régime d’exception, pourquoi s’entête-t-il à vouloir conserver plus longtemps les informations liées à la pandémie ?
J’ai bien peur que, une fois de plus, le Gouvernement ne fasse fausse route : pour réussir la sortie de l’urgence sanitaire et prévenir le risque d’une recrudescence du virus, il faudrait plutôt dépister que pister !
L’article 2 marque un changement de pied assez important.
Dans la loi du 11 mai 2020 a été mis en place un fichier national centralisé, dont l’objectif était de lutter contre les chaînes de contamination. Nous avons eu, à son sujet, un débat assez vif, qui a été tranché, avec le soutien de plusieurs commissions de notre assemblée, dans le sens souhaité par le Gouvernement.
Considérant que la priorité était donnée à la casse des chaînes de contamination, il a alors été admis qu’un fichier centralisé sans anonymisation, mais ne comportant pas d’objectifs épidémiologiques – conduisant simplement à enregistrer les cas positifs et les contacts – était justifié.
Un certain nombre d’entre nous se sont élevés contre cette approche et ont demandé, si fichier il devait y avoir, que celui-ci soit respectueux du secret médical, donc, par définition, anonymisé.
C’est déjà avec vous que nous en avions débattu, monsieur le ministre. Vous nous avez alors indiqué qu’il fallait effectivement s’en tenir à la lutte contre les chaînes de contamination : peu importe de savoir si la personne est asthmatique ou diabétique et de connaître les autres caractéristiques de son environnement médical, nous avez-vous dit. Le choix qui a été fait à l’époque était donc un choix non épidémiologique.
J’avoue que j’apprécie l’évolution qui a eu lieu sur ce sujet, ce qui explique pourquoi je ne suis pas tout à fait Mme Benbassa sur la prorogation : celle-ci pose moins problème dès lors que l’objet du fichier a changé et qu’il contient désormais des données anonymes à vocation épidémiologique.
Je fais simplement observer à M. le ministre que la construction du fichier qui nous est proposé aujourd’hui, à l’article 2, s’inscrit à rebours de ce qui a été fait précédemment. Autrement dit, cela revient à reprendre à zéro des opérations déjà assez avancées… Je ne suis pas sûr que nous y ayons un grand intérêt, mais j’admets volontiers qu’il y a une évolution importante de l’appréciation du Gouvernement sur la question.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Requier, Cabanel et Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé.
L’amendement n° 16 est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
Cet amendement a été déposé par notre collègue Maryse Carrère, sénatrice des Hautes-Pyrénées.
Dans le projet de loi initial, l’article 2 visait à revenir sur l’accord trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat lors de la commission mixte paritaire sur le projet de prorogation à propos des données collectées par les brigades médicales. Les députés ont modifié cet article pour respecter cet accord.
L’exploitation de leurs données personnelles à des fins épidémiologiques inquiète grandement nos concitoyens, qui craignent qu’elle ne soit dévoyée. Récemment, un chercheur a accusé l’application StopCovid de collecter des données plus importantes que ce qui était annoncé, notamment le nom des utilisateurs se situant à plus d’un mètre.
Nous comprenons l’intérêt de la collecte de certaines données anonymisées pour la communauté scientifique. Cependant, l’examen du présent projet de loi se déroule dans des conditions de grande rapidité, qui ne nous paraissent pas satisfaisantes pour décider d’une nouvelle modification de ces règles quelques semaines seulement après l’adoption de la loi du 11 mai.
Nous souhaitons supprimer l’article 2, dans l’attente d’un examen approfondi et transversal de toutes les modifications intervenues dans ce domaine.
Nous demandons également la suppression de l’article 2.
Après l’article 1er, dont nous avons longuement discuté, nous abordons, avec l’article 2, un nouveau volet particulièrement controversé du texte.
Comme mon collègue vient de le dire, il soulève une vive inquiétude parmi nos concitoyennes et nos concitoyens, mais également au sein de l’Ordre national des médecins, puisqu’il permet de prolonger la conservation de certaines données collectées par des systèmes d’information de santé, alors que celle-ci devait être limitée à trois mois.
Le combat que nous sommes censés mener contre la pandémie ne justifie en rien ce débordement par rapport à ce qui a été annoncé.
Bien évidemment, nous ne saurions être favorables à ces amendements, qui visent à supprimer des articles que nous avons largement approuvés en commission des lois.
En effet, les données qui seront utilisées ne permettront pas d’identifier les personnes qui auront été atteintes de la maladie et serviront exclusivement à des enquêtes épidémiologiques. Nous sommes exactement dans le cadre des perspectives que nous avons tracées quand nous avons décidé de voter la possibilité d’enquêtes épidémiologiques.
En revanche, pour ce qui concerne l’exploitation des données à des fins de dépistage, nous avons approuvé les restrictions apportées par l’Assemblée nationale au texte du Gouvernement. D’ailleurs, nous les aurions apportées nous-mêmes si elle ne l’avait pas fait.
Lors de réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, nous avons veillé à ce que ces données ne puissent pas être conservées au-delà de trois mois. Il n’est pas question de céder sur ce point. Oui aux enquêtes épidémiologiques dépourvues de données permettant l’identification directe des personnes. Non à toute conservation de données personnelles à d’autres fins.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 2 est adopté.
I. – L’article L. 3841-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « À ce titre, ils peuvent notamment habiliter le haut-commissaire à adapter, après consultation des autorités sanitaires de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française, les dispositions du II de l’article L. 3131-15 portant sur les durées des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement, dans la limite des durées maximales prévues par le même article L. 3131-15, ainsi que sur le choix du lieu où sont effectuées ces mesures afin de lui permettre de s’opposer au choix du lieu retenu par l’intéressé s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences sanitaires qui justifient la mise en quarantaine de ce dernier. » ;
1° bis Au début du deuxième alinéa ainsi qu’au début et à la fin du dernier alinéa du même 2°, il est ajouté le signe : « “ » ;
2° Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° À la fin de la première phrase du premier alinéa du II du même article L. 3131-17, les mots : “du directeur général de l’agence régionale de santé” sont remplacés par les mots : “des autorités sanitaires compétentes”. »
II
L’amendement n° 6, présenté par M. Poadja, Mme Tetuanui et M. Bonnecarrère, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 3841-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa sont ajoutés les mots : « I. – À l’exception des articles L. 3131-15 à L. 3131-17, » ;
2° Le 2° est abrogé ;
3° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé : « II. – Lorsque la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française adoptent, au titre de leurs compétences en matière de santé publique et de contrôle sanitaire aux frontières, des mesures réglementaires et individuelles poursuivant le même objet que les dispositions des articles L. 3131-15 à L. 3131-17, ces mesures sont soumises, afin de garantir les libertés publiques, aux dispositions suivantes :
« 1° Ces mesures sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
« 2° Sont applicables aux mesures de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement décidées par les autorités compétentes de la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont soumises aux dispositions des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 relatives à la durée initiale, à la durée totale, aux conditions de prolongation, au choix du lieu où peut être effectuée la mesure, à l’obligation d’un diagnostic médical, à la garantie d’accès aux biens et services essentiels, aux possibilités de recours devant le juge de la détention et des libertés et à la protection des personnes et enfants victimes des violences.
« Toutefois, sur des durées limitées et sous condition d’une réévaluation régulière, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française peuvent adopter des mesures plus contraignantes que celles prévues par ces articles L. 3131-15 et L. 3131-17 dans les quatre premières matières citées au 2° du présent paragraphe, afin de tenir compte de leur situation préservée de l’épidémie, ainsi que de leur caractère insulaire et étendu. »
II. – Le IV de l’article 12 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est complété par les mots : « sauf en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ».
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 7.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 7, présenté par M. Poadja, Mme Tetuanui et M. Bonnecarrère, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après la première occurrence du mot : sanitaires
insérer les mots : territorialement compétentes
II. – Alinéa 5
Après le mot :
sanitaires
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
territorialement compétentes de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française”. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
L’amendement n° 6, comme l’amendement n° 7, qui est un amendement de repli, vise à soulever la question non pas d’une aggravation des mesures de confinement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, mais de l’articulation des pouvoirs dans ces deux collectivités.
Depuis il y a fort longtemps maintenant – ce mouvement a commencé en 1957 –, la compétence en matière de santé a été dévolue au gouvernement local.
Cet amendement tend à exprimer une critique. Il s’agit de dire au Gouvernement que la rédaction actuelle du texte donne au haut-commissaire le pouvoir de prendre un certain nombre de dispositions réglementaires, quand les autorités locales considèrent que ces décisions doivent être prises soit conjointement par le haut-commissaire et par l’autorité territoriale de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française, donc par le Congrès – c’est le sens de l’amendement n° 6 –, soit, a minima, après consultation des autorités locales – c’est le sens de l’amendement n° 7.
Cet amendement vise donc l’organisation des pouvoirs : il s’agit non pas tant de permettre une augmentation des mesures de confinement, même si celle-ci est demandée par la population – c’est un autre débat –, que de respecter les compétences, telles qu’elles ont été définies. Au-delà du sujet de police administrative ou sanitaire, il y va largement de l’exercice de la compétence en matière de santé, qui appartient aux autorités polynésienne et néo-calédonienne.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’y insiste, il faut vraiment entendre la demande unanime, tous mouvements politiques confondus, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, y compris dans la perspective du référendum du 4 octobre prochain.
Si nous n’entendons pas qu’il nous est demandé de respecter les pouvoirs accordés à la Nouvelle-Calédonie ou à la Polynésie française, cela nous reviendra à tous en boomerang le 4 octobre prochain ; ce sera un argument en faveur de l’indépendance.
Par conséquent, je vous remercie de voter ces amendements.
Il nous faut aborder des problèmes complexes dans un temps bref.
L’amendement n° 6 vise, tout d’abord, à permettre de prendre des mesures plus contraignantes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Nous ne pouvons le nier, mon cher collègue, ce qui est écrit dans le texte : sur des durées limitées et sous condition, « la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française peuvent adopter des mesures plus contraignantes que celles prévues » par le code de la santé publique.
Cela pose un problème particulier, dès lors que ces collectivités ont été moins atteintes par le virus que le reste de la France. Pourquoi faudrait-il leur permettre de prendre des mesures plus contraignantes ? Celles-ci seraient probablement inconstitutionnelles. Il faut le dire à nos amis !
Nous comprenons que ces îles aient été bien préservées et qu’elles veuillent se protéger, mais elles doivent elles aussi comprendre que la restriction des possibilités de circulation qui permettent aux visiteurs de s’y rendre ne sert pas leur développement économique.
Qui décide quoi ? Je veux rappeler que les mesures de quarantaine ou d’isolement qui peuvent être nécessaires sont prises par un arrêté conjoint du président de la collectivité et du haut-commissaire. En revanche, les mesures qui sont prises au nom de l’État, parce qu’elles touchent aux libertés, ne sauraient être déléguées, parce qu’elles relèvent, en réalité, de la police administrative. Nous considérons que l’État doit continuer à prendre de telles mesures, les élus de Polynésie comme de Nouvelle-Calédonie étant consultés.
Je ne dis pas que ce système est idéal, mais il est très difficile de le faire évoluer à la faveur de ces amendements, malgré toutes les susceptibilités qui s’expriment, compte tenu du très grand partage qui existe déjà. Je sais bien que la santé est dévolue aux territoires et que l’ordre public relève de l’autorité de l’État, mais les uns et les autres se rencontrent pour prendre les décisions en commun.
Dès lors, la commission, dans sa bienveillance sincère à l’égard des élus de ces territoires, a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 6. En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 7.
Par la suite, elle ne sera pas favorable à l’amendement n° 8 rectifié, qui vise à supprimer des sanctions pénales. En effet, ce serait un comble de vouloir à la fois plus de contraintes et moins de sanctions ! Ce ne serait pas cohérent.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 10, présenté par M. Poadja, Mme Tetuanui et M. Bonnecarrère, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
dans la limite des durées maximales prévues par le même article L. 3131-15,
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
L’amendement adopté en commission vise à supprimer la possibilité donnée au haut-commissaire de déroger aux mesures de quarantaine et d’isolement. On prive ainsi l’article 3, tel qu’il a été introduit à l’Assemblée nationale, de l’un de ses principaux objectifs, qui était justement de pouvoir envisager des durées plus importantes.
La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, ayant une compétence exclusive en matière de santé publique, revendiquent la possibilité de prendre, sur leur territoire, des mesures de quarantaine qui peuvent être différentes de celles qui sont prévues sur le territoire national.
De même, leur stratégie de prévention doit pouvoir être différente. À cet égard, monsieur le président de la commission des lois, ces collectivités souhaiteraient retrouver la main sur les sanctions pénales.
Fondamentalement, l’objet de cet amendement est d’autoriser une différenciation. Les Polynésiens comme les Néo-Calédoniens estiment que les résultats qui ont été obtenus sur leur territoire sont précisément liés à la qualité du travail qu’ils estiment avoir pu réaliser grâce à la compétence dont ils disposent en matière de santé. Ils voudraient conserver cette différenciation.
Dans le cas précis, ils souhaitent que l’on rétablisse la possibilité de recourir à des sanctions pénales en cas de non-respect.
Il s’agit d’augmenter les possibilités de restrictions apportées par les quarantaines, en les faisant passer de quatorze à vingt et un jours.
Le dispositif de cet amendement était compris dans celui de l’amendement n° 6, déposé par les mêmes auteurs, qui a été rejeté.
J’émets donc un avis défavorable.
Je rebondis sur les propos de notre collègue Philippe Bonnecarrère, que j’ai appréciés.
Notre débat met en évidence une réalité ultramarine. Pour avoir auditionné récemment les exécutifs de tous les départements d’outre-mer et de toutes les collectivités ultramarines et pour avoir écouté les présidents de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, je tire le bilan que cela ne s’est pas mal passé dans le Pacifique.
En effet, pour faire simple, le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie n’a pris aucune décision sans concertation avec le président de la collectivité et sans cosignature de celui-ci. En Polynésie française, la concertation a eu lieu, mais sans cosignature.
Sauf erreur de ma part, en votant l’état d’urgence, les parlementaires ont redonné à l’État le pouvoir sur l’ensemble du territoire de la Nation. Il était donc logique que l’État reprenne en main cette compétence et compréhensible qu’il gère la crise.
Monsieur le ministre, il faudrait penser à appliquer cette différenciation dans les autres territoires, en particulier – je prêche pour ma paroisse – dans les collectivités dotées de l’autonomie relevant de l’article 74.
Même si nous ne disposons pas de la compétence en matière de santé, il serait à tout le moins logique que les représentants de l’État se concertent avec les présidents des collectivités, qu’ils écoutent ce que ceux-ci ont à leur dire, ce qui n’est pas toujours le cas, et que les décisions, même signées par le seul État, soient prises d’un commun accord. En tant qu’élus, nous sommes tout de même les mieux placés pour connaître les réalités de nos territoires !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 3 est adopté.
L’article 1er est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, sous réserve des adaptations suivantes :
1° Après le 4° du I, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Habiliter le haut-commissaire à prendre des mesures de mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées et de placement et maintien en isolement des personnes affectées dans les conditions prévues au II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique et au II de l’article L. 3131-17 du même code. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I et les rend applicables à la Nouvelle-Calédonie ou à la Polynésie française, il peut habiliter le haut-commissaire à les adapter en fonction des circonstances locales et à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions, lorsqu’elles relèvent de la compétence de l’État et après consultation du Gouvernement de la collectivité.
« Lorsqu’une des mesures mentionnées au même I doit s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, le Premier ministre peut habiliter le haut-commissaire à la décider lui-même, assortie des adaptations nécessaires s’il y a lieu et dans les mêmes conditions qu’au premier alinéa du présent III. » ;
3° Le VII est applicable, sous réserve des adaptations prévues à l’article L. 3841-3 du code de la santé publique.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Poadja et Bonnecarrère et Mme Tetuanui, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après la première occurrence de la référence :
II
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique
II. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le VII n’est pas applicable.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
Le présent texte a été amélioré par la commission des lois, ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé à plusieurs reprises. Toutefois, mes chers collègues, il y a le texte et le contexte…
Nous nous sommes montrés responsables en votant, au mois de mars dernier, en faveur de la loi instaurant l’état d’urgence sanitaire. Nous ne pouvons néanmoins accepter que, une fois de plus, la gravité de la situation serve de prétexte pour faire entrer peu à peu un état d’exception dans le droit commun.
Ce n’est pas la première fois que l’on nous ferait le coup, si vous me permettez l’expression. Ainsi, en 2017, vous avez opté pour l’intégration de mesures d’exception dans le droit commun, au travers de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Je pourrais également citer l’effarante « loi Avia », justement censurée par le Conseil constitutionnel, sur l’initiative, d’ailleurs, de nos collègues du groupe Les Républicains, que je félicite. Je pense également au texte contre les fake news.
Je constate progressivement une disparition de ce que l’on pourrait appeler notre amour pour les libertés publiques. Cet amour laisse progressivement place à une tolérance inquiétante pour la tutelle de l’État, que l’on nous impose par petites touches.
Mes chers collègues, il ne faut pas s’habituer à cette grammaire, qui ne surprend plus grand monde, y compris parmi nos concitoyens… Bien évidemment, monsieur le ministre, il ne s’agit pas de minimiser la crise que nous traversons. Il s’agit de poser les bonnes questions.
L’urgence commande-t-elle de prendre des mesures dont les conséquences à long terme ne peuvent pas toujours être mesurées ? Plutôt que de mal faire, n’est-il pas possible d’utiliser ce qui existe déjà, comme le code de la santé publique ?
Mes chers collègues, je vous incite à méditer sur cette belle phrase d’André Breton : « On ne prend pas sans danger des libertés avec la liberté. »
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Le projet de loi est adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 23 juin 2020 :
À quatorze heures trente :
Débat sur la situation du logement et du bâtiment.
À dix-sept heures trente :
Débat sur le bilan de l’application des lois.
À vingt et une heures trente :
Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 18 et 19 juin 2020.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.
La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organisant la sortie de l ’ état d ’ urgence sanitaire a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Philippe Bas, Mmes Jacky Deromedi, Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Philippe Bonnecarrère, Jean-Luc Fichet, Jean-Pierre Sueur et Alain Richard ;
Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Marie Mercier, MM. Vincent Segouin, Hervé Marseille, Jean-Yves Leconte, Mme s Nathalie Delattre et Esther Benbassa.