Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 24 juin 2020 à 15h00
Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à clarifier et à améliorer la rédaction de l’article 706-5 du code de procédure pénale concernant les délais de forclusion applicables à la saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour bénéficier du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

En effet, il apparaît que, dans sa rédaction actuelle, cet article est source d’un contentieux défavorable aux victimes et contraire à l’esprit de la loi du 15 juin 2000.

L’article 706-3 du code de procédure pénale encadre le droit d’indemnisation des victimes. Actuellement, toute personne ayant subi un préjudice « peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne », dès l’instant que ces faits ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ou relèvent des infractions suivantes : viol et autres agressions sexuelles, réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage, traite des êtres humains, proxénétisme, travail forcé et réduction en servitude, atteintes sexuelles sur mineurs. Sont exclues du champ d’application de cet article les infractions relevant de régimes spécifiques, comme ceux qui sont applicables aux préjudices liés à l’amiante ou aux actes de terrorisme.

Quand elle est saisie, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions transmet la demande au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, lequel doit, en retour, proposer un montant d’indemnité sous deux mois. La commission valide alors l’accord approuvé par la victime ou, à défaut d’approbation par celle-ci, détermine le montant de l’indemnisation.

La demande d’indemnité doit être présentée dans un délai de trois ans à compter de la date de l’infraction. En cas de poursuite pénale, le délai est prorogé et expire un an après la décision de la juridiction ayant statué définitivement. Une fois la victime indemnisée, le Fonds de garantie peut se retourner contre l’auteur des faits afin de lui réclamer le remboursement des indemnités qu’il a versées.

Le régime de la forclusion applicable à ce dispositif a été modifié par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Ce texte a fixé, à l’article 706-15 du code de procédure pénale, l’obligation pour la juridiction pénale d’aviser la victime de son droit de présenter une demande d’indemnité à la commission, et ce dans un délai d’un an. En effet, les victimes apprenaient souvent subitement, bien plus d’un an après le jugement, l’existence même de la commission. Il fallait donc remédier à ce manque d’information des victimes.

En complément, le Parlement a voté une disposition qu’il a voulue protectrice : la suppression du délai d’un an pour saisir la commission en l’absence d’avis donné par la juridiction.

Il s’avère que cette interprétation n’a pas été retenue par la Cour de cassation. Selon celle-ci, pour les victimes auxquelles une juridiction a alloué des dommages et intérêts, le délai d’un an court à compter non pas de la décision ayant statué définitivement, mais de l’avis donné par la première juridiction allouant les dommages et intérêts, même si la décision de cette juridiction n’est pas définitive. Cette interprétation est, bien sûr, au désavantage des victimes auxquelles ont été alloués des dommages et intérêts, qui ne peuvent pas, dans ces conditions, attendre la fin de la procédure judiciaire pour saisir la commission.

C’est pourquoi la présente proposition de loi procède à une nouvelle rédaction de l’article 706-5 du code de procédure pénale. Elle vise à créer un délai unique d’un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l’action publique et sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive pour présenter la demande d’indemnité. Cette nouvelle rédaction maintient l’obligation qui incombe à la juridiction d’informer les victimes ayant reçu des dommages et intérêts de leur possibilité de saisir la commission. Enfin, elle crée un cas permettant de relever automatiquement la forclusion si cette information n’a pas été donnée. Cette solution supprime toute ambiguïté juridique.

Pour l’ensemble de ces raisons, certes techniques, mais essentielles pour les victimes, le groupe Les Indépendants soutient cette excellente proposition de loi. Il votera bien évidemment ce texte.

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