Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi paraît à première vue d’essence procédurale, mais elle représente un symbole fort pour l’ensemble des victimes d’actes terroristes et de leurs proches.
Le texte tend vers une simplification administrative importante, en favorisant l’accès des victimes au droit à la réparation. Il faut saluer l’objectif d’uniformisation d’une procédure perçue comme floue et imprécise par les victimes.
La légitimité de la proposition de loi est bien réelle, puisque le Fonds de garantie continue de recevoir de nouvelles demandes d’indemnisation. Ainsi, bientôt quatre ans après l’attentat de Nice, plus d’une centaine de demandes ont été enregistrées en 2019. Ce texte est donc bien une nécessité, mais c’est aussi une initiative parlementaire qui renforce le lien entre la communauté nationale et les victimes.
Alors qu’un consensus s’est dégagé au Parlement sur cette proposition de loi renforçant les droits des victimes, je souhaite, madame la garde des sceaux, que le Gouvernement puisse aller plus loin et donner une impulsion plus forte encore, car, si le temps passe, l’émotion reste vive – vous le savez – et les attentes demeurent particulièrement fortes.
Pourtant, des outils existent et des propositions ambitieuses et concrètes ont été formulées.
Je pense, en premier lieu, au secrétariat d’État d’aide aux victimes du terrorisme, dont la suppression, en 2017, moins d’un an avant la première commémoration de l’attentat de Nice – le second attentat le plus meurtrier après ceux de Paris – a été, je vous l’assure, très mal perçue. Le remplacement de l’interlocuteur politique par une délégation interministérielle administrative, bien que celle-ci soutienne fermement l’évolution des protocoles, à l’instar de cette proposition de loi, n’aura jamais été véritablement compris par les victimes de Nice ou de nombreuses autres villes frappées par le terrorisme.
À cet égard, l’outil local, à travers le rôle bienveillant des collectivités territoriales, est primordial aujourd’hui pour conserver le lien. Je pense naturellement, là encore, à la ville de Nice, qui, dès 2012, en ouvrant la Maison pour l’accueil des victimes, pour accompagner les personnes victimes d’une infraction pénale grave, aura préfiguré ce qui est devenu le cœur du dispositif d’accueil des victimes et de leurs proches depuis l’attentat du 14 juillet. Cette structure, qui travaille main dans la main avec les associations d’aide aux victimes, accueille les personnes traumatisées, propose des ateliers sur la sécurité et apporte un véritable soutien juridique ou psychologique – je puis en témoigner.
Complémentaire, le Comité de suivi des victimes se réunit régulièrement à Nice – il l’a encore fait voilà quelques jours – pour entretenir une relation permanente. Cette démarche en continu est essentielle pour les victimes, qui ont besoin d’écoute afin de recenser leurs difficultés, leurs perceptions, leurs analyses, au-delà du temps des hommages et du recueillement.
Progresser dans l’accompagnement des victimes, ce serait aussi donner suite au rapport Comment améliorer l ’ annonce des décès ?, paru en 2019, qui fixe des référentiels afin d’améliorer la démarche délicate qui consiste à conjuguer le respect des proches et l’accompagnement des familles. Les victimes ont besoin d’être entendues et d’être au cœur du processus conduisant à des décisions prises avec humanité et dignité pour que l’on puisse éviter l’anonymat de procédures administratives ou judiciaires froides et désincarnées, comme on a pu en voir par le passé.
Je pense, par exemple, encore une fois dans le cas précis de Nice, à la restitution, un an après l’attentat de certains organes et de comptes rendus d’autopsie des victimes, laquelle a été faite au moyen d’une simple annonce administrative, par courrier, ce qui a bien évidemment été un véritable choc pour les familles concernées, qui n’étaient pas du tout au courant des prélèvements.
Enfin, progresser dans l’accompagnement des victimes, c’est l’esprit même du rapport de la Cour des comptes qui a été remis au Sénat en décembre 2018 sur la prise en charge des victimes de terrorisme. Celui-ci a montré qu’il y avait trop de numéros de téléphone, trop d’adresses e-mail, trop d’interlocuteurs et, au final, peu d’informations claires. « Simplifier le parcours des victimes » et « adapter les dispositifs de prise en charge financière » sont les deux axes préconisés par la Cour, qui, madame la garde des sceaux, encourage l’État à être plus vigilant face au sentiment d’injustice « très marqué » des victimes.
J’espère véritablement – les tristes événements qui ont eu lieu à Nice le méritent à eux seuls – qu’un certain nombre de ces mesures seront soumises à l’arbitrage du Gouvernement, afin que nous puissions obtenir des réponses, d’abord et avant tout pour les victimes et les familles.