Intervention de Laurent Duplomb

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 24 juin 2020 à 9h50
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Les articles 1er à 4 traitent de la protection des consommateurs. L'article 1er transpose par ordonnance deux directives. La première crée une garantie de conformité pour les contenus et services numériques, étendue par la seconde aux objets connectés.

L'article 2 transpose la directive dite Omnibus qui définit des règles qualifiant les faux avis en ligne comme pratique commerciale trompeuse et encadre les réductions de prix.

Les articles 3 et 4 portent sur le blocage géographique injustifié dont usent les plateformes afin de segmenter les marchés au détriment du marché unique. L'article 3 habilite la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à enquêter et à sanctionner ces pratiques. L'article 4 vise à éviter la situation absurde de consommateurs qui seraient moins protégés dans une transaction nationale que dans une transaction transfrontière au sein de l'Union européenne. Les amendements que la commission a adoptés corrigent les divergences de rédaction entre le dispositif applicable au niveau national et celui édicté par le règlement européen.

L'article 5, qui octroie des pouvoirs supplémentaires à la DGCCRF pour restreindre l'accès à des interfaces en ligne en cas de manquement, est déjà en vigueur depuis la loi du 17 juin 2020. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer.

Les articles 6 et 7 relèvent de mesures de régulation de marché. L'article 6 renforce les pouvoirs de la DGCCRF dans le cadre d'enquêtes sur la conformité des produits. L'amendement que la commission des affaires économiques propose assouplit le dispositif de consigne en permettant une consigne des produits après analyse de risque. L'article 7 transpose deux textes européens régissant des relations entre professionnels dans les secteurs alimentaire et numérique. Le premier introduit, au niveau européen, une liste de pratiques commerciales déloyales entre un fournisseur agricole ou alimentaire et son acheteur. Il se traduira par une réduction des délais de paiement en France, ce dont il faut se féliciter, sauf peut-être pour les acteurs viticoles, mais la directive est claire : nous ne pouvons pas aller moins loin que le texte européen. Sera également renforcée la lutte contre les annulations de commande à brève échéance, la modification unilatérale des conditions d'un accord de fourniture ou le refus de confirmation d'un accord écrit. J'ai donc proposé de corriger un manquement : la directive, d'harmonisation minimale, ne s'applique qu'aux relations asymétriques entre un fournisseur et un distributeur, uniquement quand le distributeur a un chiffre d'affaires supérieur à celui du fournisseur. Elle exclurait certaines pratiques, comme celles des centrales de référencement qui, n'étant pas des centrales d'achat, ont un très faible chiffre d'affaires. L'amendement couvre ce cas en prévoyant une transposition sans critère de chiffre d'affaires. L'article 7 transpose également le règlement dit Platform to Business, qui encadre les litiges entre les plateformes et les professionnels et impose davantage de transparence dans les conditions d'utilisation, ainsi que la mise en place, pour chaque plateforme, d'un dispositif de traitement interne des plaintes et de médiation indépendante en cas de litige. Le Gouvernement souhaite, par voie d'ordonnance, désigner une autorité compétente d'enquête et définir les modalités de la sanction par ordonnance. Nous avons donc supprimé l'habilitation à transposer cette ordonnance. J'appelle le Gouvernement à nous présenter un texte d'ici la séance.

Les articles 18, 19 et 22 abordent des sujets agricoles. L'article 18 transpose un règlement européen harmonisant les règles relatives à la génétique animale. Nous avons souhaité maintenir la possibilité, pour les opérateurs qualifiés, d'accéder aux données de la base zootechnique nationale.

L'article 19 adapte le droit français au règlement européen relatif à la législation sur la santé animale qui harmonise les procédures de surveillance des maladies transmissibles des animaux à l'homme. Nous avons réduit le champ d'habilitation qui laissait au Gouvernement le soin de prendre des mesures nationales supplémentaires.

Enfin, les règlements transposés par l'article 22 harmonisent les règles relatives à la fabrication, au commerce et à l'utilisation des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux. Parmi les modifications induites par la réglementation européenne doit être mentionnée l'évolution de la chaîne de responsabilité administrative sur les aliments médicamenteux, qui passera au préfet. En outre, ces règlements permettent une meilleure coordination européenne en matière de pharmacovigilance. La durée de validité des ordonnances des médicaments vétérinaires sera plus courte.

Trois amendements poussent l'adaptation du droit français en matière vétérinaire un peu plus loin. L'amendement COM-36 autorise les publicités pour les seuls vaccins vétérinaires à destination des professionnels. L'amendement COM-37, réfléchi avec l'ordre national des vétérinaires, ratifie des ordonnances, abroge une loi obsolète et corrige une anomalie du droit français au regard des stages réalisés en France par des étudiants français ou étrangers inscrits dans une formation vétérinaire européenne. Ils ne peuvent, au terme de l'article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime, pratiquer d'actes chirurgicaux ou de médecine vétérinaire, mais le font en pratique, ce qui fragilise juridiquement leur tuteur. Il convient de régulariser ce point et de les y autoriser, ce que le droit européen nous impose. L'amendement COM-39 crée des zones caractérisées par un suivi sanitaire insuffisant des animaux d'élevage. J'invite le Gouvernement, seul à même de le faire en application de l'article 40 de la Constitution, à autoriser les collectivités territoriales à attribuer des aides pour l'installation ou le maintien de vétérinaires en élevage dans ces zones.

L'article 20 supprime le statut d'entité centrale de stockage (ECS), attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (Sagess), qui intervient dans la constitution et la conservation des stocks stratégiques pétroliers. Ce statut n'est pas conforme au droit européen, qui ne permet d'attribuer une telle fonction qu'à un organisme ou un service sans but lucratif, et peu utile dans l'organisation française des stocks stratégiques, étant donné l'absence de recours par notre pays aux stocks dits spécifiques. Nous avons corrigé une erreur de transposition en évitant un effet de bord. L'abrogation pure et simple de la convention, approuvée par l'État, définissant les prestations réalisées par la Sagess pour le compte du comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), est de nature à déstabiliser le cadre juridique et fiscal applicable aux stocks stratégiques. Cela irait plus loin que le droit antérieur à la loi du 16 juillet 2013, qui faisait mention d'une telle convention et rendrait inopérant le régime fiscal afférent à la Sagess, dont le champ est précisément défini par référence à cette convention. Cela fragiliserait, à terme, l'organisation des stocks stratégiques. Or le contexte de crise doit nous inciter à la prudence dans ce domaine sensible. L'amendement que nous avons adopté revient donc au droit antérieur à cette loi, en maintenant le principe d'une convention pouvant lier la CPSPP tout en rendant conforme le droit français au droit européen.

Enfin, l'article 25 traite des pouvoirs de l'Autorité de la concurrence en transposant par ordonnance la directive dite ECN+, qui renforce et harmonise les pouvoirs des autorités nationales de concurrence, notamment pour lui confier un pouvoir général d'injonction structurelle. Sont également prévues, par ordonnance, des mesures de simplification des procédures de l'Autorité de la concurrence, sans rapport avec la directive. Nous avons directement opéré la transposition de ces mesures dans la loi et permis au rapporteur de l'Autorité de la concurrence de recourir plus facilement à la procédure simplifiée, tout en lui octroyant la possibilité, au regard de la complexité de l'affaire, d'accorder plus de temps aux parties pour répondre à la notification des griefs. Notre amendement étend également les cas dans lesquels le président de l'Autorité peut statuer seul, afin de gagner en célérité et en efficacité, dès lors que ses décisions ne concernent pas le pouvoir de sanction. En ce qui concerne ses pouvoirs d'enquête et de répression des pratiques anticoncurrentielles, l'amendement prévoit, enfin, un renforcement en outre-mer, afin de tenir compte des spécificités économiques liées à l'insularité.

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