Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à saluer la présence en tribune de Bruno Studer, auteur de cette proposition de loi et président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Je remercie très chaleureusement notre collègue et ami Jean-Raymond Hugonet pour le travail de grande qualité qu'il a réalisé dans des délais, disons-le, particulièrement courts. Le fait qu'il ait été désigné rapporteur et, surtout, son approche résolument constructive de l'examen du texte en commission témoignent du caractère éminemment transpartisan de cette proposition de loi. Je trouve personnellement essentiel que nos deux chambres, quelle que soit leur coloration politique respective, soient capables d'œuvrer en pleine syntonie lorsqu'il y va de la protection de nos enfants, de leur épanouissement et de leur santé mentale.
La soumission à une mode d'un jour qui perdure dans le temps pour devenir le symbole d'une génération ne doit pas nous faire oublier « la cause des enfants », pour reprendre le titre d'un des plus fameux ouvrages de Françoise Dolto.
Il y a maintenant quinze ans apparaissaient pour la première fois, sur les plateformes de partage de vidéos nouvellement créées, des vidéos mettant en scène des enfants dans leur vie quotidienne.
Il y a quelques années, partout dans le monde, de jeunes enfants, à l'instar du désormais célèbre Ryan Kaji, commençaient à être filmés presque quotidiennement par leurs parents, les vidéos ainsi réalisées totalisant des millions, parfois même des milliards, de visionnages.
L'année dernière, le « jeter de fromage » au visage de bébés, provoquant souvent, hélas ! l'hilarité des parents qui les filment, est devenu un phénomène viral sur ces mêmes plateformes et sur les réseaux sociaux.
Il faut d'ailleurs rappeler que ce type de vidéos prétendument novateur n'est en réalité qu'une reprise au goût du jour, pour ne pas dire au mauvais goût du jour, de l'émission américaine America's Funniest Home Videos, adaptée en France sous le nom de Vidéo Gag et qui a fait les beaux jours d'une de nos chaînes de télévision pendant près de dix-huit ans. Comme le dit l'Ecclésiaste, « ce qui fut sera, ce qui s'est fait se refera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil ». J'aurais pu citer les principes d'éducation de Krishnamurti, mais j'aurais eu moins de succès dans cet hémicycle. §
Ce rapide rappel chronologique fait apparaître, vous l'aurez compris, ce que l'on pourrait appeler un « vide juridique » et, surtout, les tristes dérives qui en découlent. Ce vide juridique qu'il faut combler et ces dérives qu'il faut empêcher nous renvoient, nous, parlementaires, à notre responsabilité de législateur.
Le législateur est pleinement dans son rôle lorsqu'il met en lumière des situations de travail qui demeurent inconnues de nombre de nos concitoyens. Il est dans son rôle quand il s'agit d'étendre le régime protecteur des enfants du spectacle et de la mode aux enfants dits « youtubeurs » et lorsqu'il place les plateformes face à leurs responsabilités en les contraignant au retrait des contenus lorsque les diffuseurs de ces derniers font fi de l'obligation d'autorisation préalable. Il est également dans son rôle, chers collègues, quand il instaure un droit à l'oubli que les mineurs peuvent solliciter pour obtenir le retrait des vidéos où ils apparaissent. Il est dans son rôle comme il l'était déjà, il y a près de quatre ans, lorsque vous avez accepté de voter la proposition de loi que je présentais visant à interdire la publicité dans les programmes jeunesse du service public de l'audiovisuel. En somme, vous l'aurez compris, le législateur est dans son rôle quand il protège !
J'aimerais d'ailleurs, à ce titre, rappeler combien ce texte est consubstantiel de l'esprit qui anime notre République, la République des droits de l'homme, la République qui protège les plus fragiles, la République qui montre le chemin à suivre aux autres pays quand il s'agit de garantir les droits de chacun, particulièrement des plus vulnérables. La France est en effet le premier pays au monde à s'emparer de ce sujet. La France est intransigeante quand il s'agit de garantir les droits de tous ; elle l'est a fortiori quand il s'agit de garantir les droits des plus jeunes enfants.
J'entends dire, ici et là, que cette proposition de loi ne sanctionne pas assez, qu'elle ne résout pas tous les problèmes. À cela, je réponds que l'avènement du monde numérique et des plateformes de partage de vidéos a engendré une myriade de problèmes que nous ne réglerons pas d'un seul coup, que ce texte représente une avancée majeure, qu'il faut progresser pas à pas et que notre pays est pionnier en la matière.
Soyons donc fiers de ce texte innovant qui constituera, espérons-le, la première pierre d'un édifice plus vaste et plus protecteur encore, qu'il nous faudra bâtir ensemble.
Les chers collègues, je vous invite, à l'instar des autres membres du groupe LaREM, à adopter l'ensemble des amendements et la totalité de ce texte, déjà excellent en l'état.