Intervention de Dominique Vérien

Réunion du 25 juin 2020 à 9h00
Exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Dominique VérienDominique Vérien :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, en préparant mon intervention, je suis tombée sur une chaîne YouTube, « Gabin et Lily », mettant en scène un frère et une sœur de moins de dix ans. Cette chaîne ne compte pas moins de 800 000 abonnés et certaines vidéos de « prestation » des enfants ont donné lieu à plus de 8 millions de visionnages –c'est le nombre d'entrées du film E.T., l'extra-terrestre ! Pour comparaison, Titanic, le numéro un au box-office, comptabilise 20 millions d'entrées. Cela permet de mettre en perspective la publicité et les revenus que peuvent générer de telles activités.

Si j'ai parlé de « prestation », c'est bien parce que ces vidéos doivent être considérées comme telles. Les enfants comédiens, qui sont protégés par la loi lorsqu'il s'agit d'activités artistiques de l'« ancien monde » – je veux parler du cinéma, du théâtre, du cirque, de la danse, de l'art vivant en général, mais aussi du mannequinat –, doivent l'être également, et même surtout, quand ils se produisent sur le net.

En effet, un enfant qui tourne dans un film n'est pas en relation directe avec ceux qui vont le voir, tandis que, sur le net, les enfants peuvent communiquer en direct avec leurs followers. J'ai à l'esprit l'exemple d'une jeune fille qui s'enregistrait régulièrement sur TikTok, plateforme sur laquelle des jeunes reproduisent des chorégraphies. Elle a été victime de harcèlement et a dû arrêter ses vidéos.

Je rappelle que les pédocriminels sont friands de ces vidéos. La chaîne de télévision qu'ils regardent le plus en prison, c'est Gulli. Ce n'est pas ma collègue Catherine Deroche, qui a présidé la mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions, qui me contredira !

Je m'éloigne du sujet de cette proposition de loi, me direz-vous ? Et pourtant… Le seul fait d'évoquer TikTok nous amène au cœur du sujet !

Nous attendons des plateformes qu'elles régulent la diffusion des contenus qui ne seraient pas conformes au respect de la personne humaine, et de l'enfant particulièrement.

Nous attendons des plateformes qu'elles signalent, à l'avenir, le fait que la diffusion des images d'un mineur génère des revenus sans qu'il ait été procédé à la déclaration prévue par cette proposition de loi.

YouTube semblait, lors des auditions, disposé à s'inscrire dans cette démarche, mais quid des autres ? S'il leur venait la mauvaise idée de ne pas s'y conformer, c'est au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, qu'il appartiendrait de faire le gendarme, puis au juge si cela ne suffisait pas. Je considère qu'il faut donner ce pouvoir au CSA, mais je redoute que l'on ne découvre rapidement qu'un juge français n'a pas grand pouvoir sur une multinationale dont le siège est implanté bien loin de chez nous !

Une nouvelle fois, ce sujet nous renvoie à la nécessité de traiter la question de la souveraineté numérique au niveau européen, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Cette réflexion européenne a d'ailleurs débuté, elle a même déjà donné de premiers résultats, mais la route est encore longue, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas la poursuivre. À ce titre, nous vous remercions de votre engagement, monsieur le ministre.

Pour autant, ce texte est utile ; il comporte de très bonnes mesures.

Je pense à la création de statuts spécifiques pour encadrer l'exploitation de l'image des mineurs, à savoir un statut professionnel et un statut semi-professionnel correspondant assez bien aux pratiques des créateurs de contenus sur les plateformes numériques.

Je pense aussi à la déclaration obligatoire a priori pour le statut professionnel et a posteriori pour le statut semi-professionnel. Ce système de déclaration a d'ailleurs été amélioré en commission par le rapporteur.

Je pense également à la sécurisation des revenus et à la garantie que les enfants bénéficieront, à leur majorité, du fruit de leur travail. Je salue, au passage, l'amendement de mon collègue Laurent Lafon visant à améliorer l'information des parents à ce sujet.

Je pense à la communication à destination des utilisateurs sur la réglementation en vigueur et les risques associés à la diffusion de l'image d'un enfant. C'est une excellente mesure, qui permettra de faire un peu d'éducation et de prévention au numérique.

Je pense enfin à la reconnaissance comme tel d'un enfant acteur ou danseur, quel que soit le média sur lequel il se produit.

Avec ce texte, la loi intègre les outils du XXIe siècle. De surcroît, elle nous offre, en matière de protection des mineurs, une arme de plus. Le groupe Union Centriste votera ce texte sans réserve. §

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