Intervention de Céline Boulay-Espéronnier

Réunion du 25 juin 2020 à 9h00
Exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Céline Boulay-EspéronnierCéline Boulay-Espéronnier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parfois la loi anticipe, parfois elle s'adapte. Dans le domaine du numérique, pour de multiples raisons notamment liées à la protection de la liberté d'expression et à la mondialisation, force est de constater que la législation a un retard considérable sur l'innovation.

YouTube a été créé en 2005, a atteint le milliard d'abonnés en 2010 et compte plus de 2 milliards d'utilisateurs en 2020. Chaque minute, plus de 300 heures de vidéos sont mises en ligne. Chaque mois, plus de 1 milliard d'utilisateurs uniques se connectent à YouTube et visionnent près de 6 milliards d'heures de vidéo.

Parmi les chaînes YouTube ayant produit le plus de revenus en 2019, on compte celles de deux enfants de moins de huit ans. À eux deux, ils auraient perçu près de 44 millions de dollars en un an. Que ce succès soit le fruit d'un buzz accidentel, d'une opportunité exploitée ou d'un business plan élaboré, la diffusion de vidéos constitue désormais une activité professionnelle à part entière pour ces deux enfants.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui constitue donc une avancée indispensable en la matière, en ce qu'elle vise à encadrer l'exploitation commerciale de l'image des mineurs. Je remercie mon collègue Jean-Raymond Hugonet pour son travail et son implication en tant que rapporteur, ainsi que l'ensemble de la commission, très mobilisée sur ces sujets.

L'article 1er crée, pour les mineurs de moins de seize ans, le cadre légal d'exercice de la profession d'« influenceur » sur l'ensemble des plateformes en ligne. Il s'agit d'une avancée considérable pour la reconnaissance de la professionnalisation de cette activité, mais aussi et surtout en matière de lutte contre le travail dissimulé des mineurs.

Les dispositions relatives à l'information des parents sur les droits de l'enfant, les modalités de réalisation des vidéos et les conséquences de l'exposition de son image sont également essentielles et leur effectivité sera, je l'espère, appuyée par la nouvelle mission attribuée au CSA par l'article 4.

L'article 3 constitue également une avancée importante, puisqu'il pose les bases législatives permettant de dissocier l'usage récréatif de l'usage professionnel des plateformes en ligne pour les mineurs de moins de seize ans, tout en garantissant la protection de leurs revenus.

L'article 5 vient compléter le droit à l'oubli en précisant son application stricte, sans condition de consentement des titulaires de l'autorité parentale, pour les mineurs. Par là même, il répond à une problématique de plus en plus récurrente dans le monde entier.

Ce texte est un excellent premier pas, mais il faudra se poser, à terme, la question beaucoup plus large de la protection de la vie privée des mineurs dans un monde toujours plus connecté et numérisé.

Pour ma part, dès 2017, avec le concours de notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois, j'avais déposé une proposition de loi prévoyant la création d'un cadre légal définissant la notion de vie privée des mineurs. La création d'un cadre pénal fixant les sanctions d'un délit d'atteinte reposant sur la présomption de consentement me semble indispensable à l'avenir. Ce mécanisme imposerait de rendre les parents pénalement responsables de la protection de la vie privée de leurs enfants mineurs. Comme dans tous les domaines relatifs à la protection de l'enfance, il est nécessaire de s'interroger sur le rôle du responsable légal et sur ses devoirs à l'égard du mineur.

Dans quelle mesure les parents sont-ils responsables en cas d'atteinte à la vie privée de leur enfant, mais également en cas d'atteinte à la vie privée d'un autre mineur commise par leur enfant ? La réponse me semble comprise dans la question.

Alors que la dictature de l'image devient omniprésente dans la vie des enfants, et ce dès leur plus jeune âge, que nous assistons à une progression fulgurante de troubles mentaux et comportementaux liés à l'anxiété qui en découle – je pense au phénomène du cyber-harcèlement – et que les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de tous les aspects de leur existence, cette problématique me paraît fondamentale. J'appelle de mes vœux une évolution en ce sens de la législation relative à la protection de l'enfance. §

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