Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 25 juin 2020 à 9h00
Exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les « chaînes » mettant en scène des enfants se multiplient sur les plateformes de partage de vidéos en ligne. Elles sont souvent réalisées et diffusées par des membres de la famille. Ces nouvelles pratiques rencontrent un succès croissant en France comme à l'étranger.

De nombreuses questions se posent en termes d'éthique quant au contenu des vidéos, aux heures de tournage ou aux revenus produits.

La proposition de loi de notre collègue député Bruno Studer, que je salue, vise à combler le vide juridique existant, en mettant en place un cadre légal protecteur, pour les enfants de moins de seize ans acteurs de vidéos diffusées sur des plateformes en ligne, de l'exploitation de leur image sur internet.

Je tiens à remercier et à féliciter notre collègue rapporteur Jean-Raymond Hugonet, dont le rapport pose bien les enjeux sur ce sujet essentiel.

Cette proposition de loi offre des garanties en matière de durée du travail des enfants et de protection de leurs revenus ; c'est l'objet de l'article 1er.

L'article 2 oblige les plateformes de partage de vidéos à coopérer avec les autorités publiques.

Le texte crée, à l'article 3, un cadre juridique protecteur pour les enfants de moins de seize ans qui participent à des vidéos partagées sur des plateformes, mais qui ne relèvent pas des procédures d'autorisation ou d'agrément prévues par le code du travail.

L'article 5 autorise les mineurs à exercer eux-mêmes le droit à l'effacement des données institué par le règlement général sur la protection des données (RGPD) lorsque leur image est diffusée par un service de plateforme de partage de vidéos, y compris dans le cas où leurs représentants légaux s'y opposeraient. C'est une avancée salutaire.

Je concentrerai mon propos sur l'article 4, qui introduit l'obligation, pour les services de plateforme de partage de vidéos, d'adopter des chartes ayant notamment pour objet de favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus qui porteraient atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale ou physique des enfants et d'améliorer, en lien avec des associations de protection de l'enfance, la détection de situations qui porteraient atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale ou physique des mineurs.

En 2019, dans le cadre de la mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions, nous avions préconisé de nombreuses mesures, dont la création d'un observatoire des violences sexuelles et le lancement de campagnes de communication sur les risques et sur les canaux de signalement.

Diffuser sur internet l'image d'un enfant, que l'on en soit ou non le parent, engage la responsabilité et peut s'avérer dangereux. De sordides affaires ont fait l'actualité ces dernières années dans le monde entier, comme la découverte de sites hébergeant des millions de photos d'enfants, récupérées sur les réseaux sociaux puis classées dans des catégories ne laissant guère de doutes sur le caractère pédophile de la plateforme et son activité criminelle. Ne négligeons pas le traumatisme que subira un jour l'enfant en découvrant sur internet ses propres photos. On sait quel rôle jouent les réseaux sociaux dans le drame du suicide des jeunes !

Comme le précise Interpol, en matière de lutte contre la pédocriminalité, le meilleur moyen de protéger nos enfants est d'entretenir un dialogue franc et ouvert avec eux sur l'utilisation des médias sociaux, des applications, des jeux vidéo et d'internet. Il faut les sensibiliser aux dangers d'internet dès que possible, idéalement dès qu'ils commencent à le fréquenter. La protection des enfants est de la responsabilité des plateformes, des entreprises de placement de produits, mais aussi des parents.

Ce texte a fait l'objet d'évolutions lors de son examen à l'Assemblée nationale et a été largement amélioré par notre commission de la culture. Il va dans le bon sens en servant les intérêts des enfants, et c'est bien volontiers que le groupe Les Républicains le votera. §

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