Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la lignée des récentes dispositions adoptées par le Parlement visant à adapter notre législation aux évolutions rapides de notre société.
Qu’il s’agisse de la loi dite « Avia » contre les contenus haineux sur internet, de la loi relative à la modernisation de la distribution de la presse ou encore de la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, l’objectif est toujours d’adapter le cadre législatif existant au monde numérique. Ce processus de mise à jour de notre corpus juridique demande une attention soutenue pour ne laisser aucun domaine sans protection.
La proposition de loi « visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne » offre des réponses adaptées et mesurées au phénomène en pleine expansion des enfants « youtubeurs ».
Des vidéos sont réalisées, parfois quotidiennement, par des parents ou des proches, à un âge où les principaux intéressés ne sont pas en mesure d’apporter un consentement éclairé à la diffusion de leurs faits et gestes auprès de millions d’abonnés dans le monde entier, qui plus est lorsqu’il s’agit de faire la promotion d’un produit ou d’une marque.
Qu’il s’agisse de vidéos monétisées ou visant au placement de produits, certaines situations seraient qualifiables de travail illicite d’enfants, d’autres pourraient donner lieu à des poursuites pour maltraitance. Par ailleurs, nous connaissons encore mal l’impact psychologique d’une exposition aussi précoce, régulière et massive de la vie privée d’un enfant aux regards de tous. Nous sommes d’ores et déjà conscients du risque de cyberharcèlement auquel les enfants filmés sont exposés.
L’autre versant de la question qu’il nous faut considérer, c’est l’impact de ces nouveaux modèles auxquels s’identifient des millions d’enfants. Leurs héros ne sont plus des personnages de la littérature pour la jeunesse – Le Petit Prince, Le Club des cinq, Matilda, Les Malheurs de Sophie –, désormais devancés par Swan et Néo, Kalys et Athena ou encore Josh et Jen. « La lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté », disait François Mauriac. La culture du livre se fonde sur une recherche de sens au moyen de la narration. La culture des écrans, elle, repose sur la délivrance immédiate d’une information disponible de façon illimitée. Le passage brutal de l’une à l’autre inquiète un certain nombre de chercheurs, qui craignent l’émergence d’une génération sans repères et sans discernement.
Un certain nombre de dérives et d’incertitudes existent. Il est grand temps de dissiper le flou législatif qui entoure la diffusion de vidéos de mineurs sur des chaînes familiales. Dans cette perspective, ce texte, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale – je remercie le président de sa commission des affaires culturelles et de l’éducation d’être présent en tribune aujourd’hui –, comporte trois avancées importantes en matière de protection de l’enfance.
Tout d’abord, l’article 1er vise à étendre le cadre juridique applicable aux enfants du spectacle aux enfants dont l’image est exploitée commercialement sur les plateformes. Ce cadre prévoit un encadrement des durées et conditions de travail, une demande préalable d’autorisation, ainsi que l’ouverture d’un compte à la Caisse des dépôts et consignations.
L’article 3 tend à mettre en place un dispositif intermédiaire entre le statut amateur et le statut professionnel de parent producteur. Il s’agit d’un cadre semi-professionnel, prévoyant une limitation de la durée des activités à laquelle le mineur participe, ainsi qu’un partage des revenus générés. Ce statut s’appliquera lorsque l’activité en question dépassera un certain seuil en termes de durée ou de rémunération.
Autre avancée importante de cette proposition de loi, l’article 5 vise à étendre l’exercice du droit à l’oubli aux mineurs. Je remercie la commission de la culture du Sénat d’avoir adopté mon amendement tendant à inscrire cette nouvelle possibilité dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978.
Je souhaite remercier le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, de son travail, en particulier sur l’article 2, qui tend à conférer au juge judiciaire la possibilité d’ordonner le déréférencement des vidéos illégales sur signalement de l’administration.
L’adoption de cette proposition de loi est une occasion importante de renforcer notre législation en matière de protection de l’enfance. Notre groupe y est favorable.