Je voudrais commencer en faisant part à chacun de mon plaisir de vous retrouver pour cette commission mixte paritaire, la troisième tenue sur le sujet de l'état d'urgence sanitaire depuis le début de la crise que traverse la France. Il me revient de vous présenter les lignes directrices qui ont présidé à l'action du Sénat dans l'examen de ce projet de loi.
Nous avons eu le sentiment, en étudiant le texte, qu'il s'agissait de maintenir un état d'urgence sanitaire sans en prononcer le nom. C'est ainsi que l'article 1er, de notre point de vue, se bornait à retranscrire l'existant.
Au contraire, nous souhaitions que les choix effectués soient clairs et se traduisent, sur le plan juridique, par une véritable différence entre le régime de l'état d'urgence sanitaire et le dispositif de sortie de crise. Nous estimons que, si les circonstances justifient encore des prérogatives de police exceptionnelles, celles-ci ne sauraient déroger à l'excès au droit commun. Si une résurgence de l'épidémie devait être à déplorer, le Gouvernement aurait toujours la possibilité de restaurer l'état d'urgence sanitaire, y compris de manière localisée, puisque ses dispositions ne disparaîtront du code de la santé publique qu'au printemps prochain.
Nous avons donc veillé à ce qu'une juste proportionnalité soit respectée entre les mécanismes exceptionnels prévus par le projet de loi et les conditions de la sortie de crise. Le Gouvernement nous semble suffisamment pourvu par les pouvoirs que lui procure le droit commun, notamment l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. Cette disposition, employée d'ailleurs dans les premiers temps de l'épidémie, a cependant été jugé fragile par le Conseil d'État, ce qui a précipité l'édiction de la loi dite d'urgence du 23 mars 2020. Nous nous sommes donc employés à lui apporter des modifications propres à assurer sa constitutionnalité, en prévoyant les garanties nécessaires pour les mesures les plus strictes.
Parce que les dernières heures ont permis de nombreux échanges avec les représentants de l'Assemblée nationale, je pense pouvoir affirmer que nous avons adopté deux approches radicalement différentes dans nos travaux, qui me semblent à la fois tout à fait légitimes et très difficilement conciliables.
Pour les sénateurs, la sortie de crise doit autoriser l'autorité administrative à imposer des mesures restrictives dans les foyers de contamination identifiés, mais aucune interdiction générale et absolue comparable à celles que nous avons vécues il y a quelques semaines. Si de telles prescriptions devaient s'étendre à l'échelle de tout un département, nous considérons qu'il serait de la responsabilité du Gouvernement de proclamer, à nouveau, l'état d'urgence sanitaire. Dans l'hypothèse inverse, nous pensons le droit commun suffisant.
Pour les députés, il me semble comprendre que les votes ont été guidés par la volonté d'épargner aux Français un retour à l'état d'urgence qui serait perçu comme un traumatisme pour la population, et comme un handicap certain pour la reprise naissante des activités. C'est une approche politique qui a sa pertinence. Mais le Sénat est d'avis qu'il s'agirait d'une décision inéluctable, sans alternative, que la population pourrait tout à fait comprendre à la condition qu'elle lui soit exposée avec franchise.