Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 30 juin 2020 à 14h30
Fonds d'urgence pour les français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est effectivement la deuxième fois que nous nous réunissons en quelques semaines pour examiner un texte d’initiative sénatoriale relatif aux Français établis hors de France. C’est chose heureuse.

J’adresse mes remerciements aux sénateurs Ronan Le Gleut, Christophe-André Frassa, Jacky Deromedi, Robert del Picchia, Damien Regnard et Évelyne Renaud-Garabedian, notamment, auteurs de cette proposition de loi, ainsi qu’aux auteurs d’autres textes dans le passé. Je pense à Richard Yung en 2008, à Olivier Cadic, à Joëlle Garriaud-Maylam cette année. Ronan Le Gleut a évoqué ces nombreuses propositions de loi.

Je n’oublie pas dans cet hommage le rapporteur de la commission des finances. C’est méconnu, mais il fut romain avant d’être sénateur ! §Il est devenu un véritable spécialiste des Français de l’étranger en quelques mois.

Cette proposition de loi vise donc à instituer un mécanisme d’urgence pérenne, inspiré d’ailleurs de fonds existant déjà en France pour venir en aide aux Français victimes de catastrophes naturelles, de menaces sanitaires graves, telle la pandémie que nous connaissons, ou encore d’événements politiques majeurs, comme les guerres civiles ou les conflits. Ce texte est fondé sur le principe du secours, expression naturelle de la solidarité nationale, plutôt que sur le principe assurantiel, dont on sait que la mise en œuvre peut être difficile ou tardive.

Je tiens également à saluer le travail de la commission des finances, qui a contribué à améliorer la proposition de loi qui vous est présentée aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

La crise sanitaire mondiale que nous traversons nous a rappelé combien la solidarité envers nos compatriotes établis hors de France était un devoir, mais aussi un réflexe. Nous répondons présents depuis l’évacuation d’un certain nombre d’entre eux de Wuhan au mois de janvier. La crise allant se poursuivre encore plusieurs mois partout dans le monde, nous continuerons de répondre présents.

Dans ce contexte, l’examen de cette proposition de loi nous donne l’occasion de porter un regard à la fois sur la réponse rapide, massive et conjoncturelle que nous avons apportée à la crise, mais aussi sur les réponses structurelles que le Gouvernement souhaite apporter à long terme, afin de venir en aide aux Français en difficulté, réponses que vous n’avez eu de cesse, mesdames, messieurs les sénateurs, de chercher à améliorer.

J’évoquerai d’abord la réponse immédiate.

Le Parlement, singulièrement le Sénat, ayant pour rôle le contrôle de l’action du Gouvernement, j’en profiterai pour vous communiquer un certain nombre de données sur la mise en œuvre du plan de soutien, afin que vous disposiez des toutes dernières informations sur ce sujet.

Cette réponse immédiate a pris la forme, cela a été rappelé, d’un plan massif d’assistance à nos compatriotes comprenant plusieurs volets, présenté par Jean-Yves Le Drian, Gérald Darmanin et moi-même.

D’un point de vue sanitaire d’abord, 20 millions d’euros ont été mobilisés pour déployer plusieurs dispositifs dans 80 pays, par exemple pour suivre et conseiller nos compatriotes vulnérables dans leur pays de résidence. Des mécanismes de télésuivi et de téléconsultation ont été mis en place, cinquante-quatre médecins ayant été formés. Aujourd’hui, soixante patients bénéficient de ces dispositifs.

L’acheminement de certains médicaments, en cas de rupture de stocks, étant un problème, 4 tonnes de médicaments ont d’ores et déjà été prépositionnées. Ces médicaments permettent, en cas de pénurie dans les pays concernés, de traiter la plupart des pathologies de médecine générale, qu’elles soient aiguës ou chroniques, y compris en pédiatrie.

Par ailleurs, 79 postes ont été équipés de lots comportant du matériel d’oxygénothérapie et des équipements de protection individuelle, afin de permettre la prise en charge de patients ayant besoin d’oxygène lorsque ce matériel est peu ou pas disponible. Au total, 11 générateurs et 128 extracteurs d’oxygène avec les consommables nécessaires ont été envoyés. Cela mérite d’être signalé. Une cinquantaine de postes sont à ce jour dotés de tous ces matériels.

En outre, un mécanisme d’évacuation sanitaire a été mis en place, avec des avions dédiés, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, prêts à évacuer soit une personne seule, soit un groupe, petit ou grand. À ce jour, 18 évacuations sanitaires ont été organisées pour nos compatriotes par le Centre de crise et de soutien (CDCS), dont je salue l’action précieuse durant la crise, auprès non seulement de nos compatriotes établis hors de France, mais également d’un certain nombre de Français de passage bloqués lorsque les frontières ont été fermées.

Pour répondre aux besoins accrus des plus démunis de nos compatriotes, des moyens supplémentaires dédiés à l’enveloppe d’aides sociales ont été mis à disposition des ambassades et consulats, à hauteur de 50 millions d’euros.

Où en est-on dans la mise en œuvre de ces aides ?

À ce jour, 2 727 personnes ont été aidées, pour un montant global de 390 000 euros, soit une somme moyenne de 150 euros par personne, comme l’a rappelé le rapporteur.

Pour faire face à certains besoins à long terme, je rappelle, certains dispositifs étant méconnus, qu’il existe une allocation à durée déterminée. Le conseiller consulaire Jean-Hervé Fraslin m’a ainsi alerté sur le fait que celle-ci était insuffisamment connue à Madagascar, où son montant s’élève à 168 euros par mois pendant six mois. Je le signale, car ce dispositif est effectivement peu mobilisé, alors qu’il n’est pas qu’une simple réponse ponctuelle.

Ces 50 millions d’euros d’aides sociales ont été inscrits en abondement du programme 151 dans le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné ici même dans quelques jours. Parole tenue !

Enfin, je dirai un mot de la préservation de notre réseau d’enseignement français à l’étranger, même si nous avons déjà eu l’occasion d’en parler lors de précédents débats.

Le troisième projet de loi de finances rectificative sera l’occasion de soumettre à votre vote 50 millions d’euros supplémentaires destinés à aider les établissements et à bonifier les bourses scolaires, ce qui permettra de porter cette enveloppe à 155 millions d’euros.

Ces 50 millions d’euros supplémentaires seront utiles, car l’ensemble de l’enveloppe a déjà été consommé alors que nous ne sommes que fin juin, en raison des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Vous le savez, nous avons autorisé des critères dérogatoires pour tenir compte de la situation des parents d’élèves en 2020. Je précise d’ailleurs que ces décisions ont été prises dans le cadre d’un dialogue fécond avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France lors de différentes séances de travail.

J’en viens maintenant aux réponses structurelles que le Gouvernement souhaite apporter à long terme.

Dans un premier temps, nous nous sommes focalisés sur les réponses urgentes à la crise, mais, et Ronan Le Gleut l’a dit, cela fait déjà plus de quarante ans que la France apporte une aide substantielle à ses ressortissants installés à l’étranger. Elle est ainsi le seul pays de l’OCDE à avoir mis en place un système aussi complet, dont nous n’avons pas à rougir, car il permet une véritable solidarité nationale, grâce à un certain nombre d’allocations, une aide au rapatriement, un soutien aux associations françaises locales de bienfaisance à l’étranger.

Chaque année, près de 17 millions d’euros sont consacrés à nos compatriotes les plus en difficulté, à travers une gamme d’allocations ciblées. Je pense à l’allocation de solidarité pour nos aînés, aux allocations adulte et enfant handicapés, à l’allocation à durée déterminée que je viens d’évoquer, au secours mensuel spécifique en faveur des enfants en détresse, aux prestations d’assistance consulaire, aux secours occasionnels ou aux aides ponctuelles. Ces outils très précieux permettent de prendre en compte des situations parfois très diverses, mais très précaires.

L’aide au rapatriement permet de faciliter chaque année le retour de 200 de nos compatriotes qui se retrouvent dans l’incapacité de revenir en France. Cette année est extraordinaire de ce point de vue, compte tenu de ce qu’il se passe depuis le mois de mars.

J’évoquerai enfin les aides aux associations. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères soutient un réseau d’organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES), qui sont des partenaires de l’action de l’État. Certains gèrent des maisons de retraite. Ils jouent tous un rôle précieux et complémentaire de nos consulats en faveur de nos compatriotes. C’est à ce titre que des subventions leur sont octroyées.

Nous soutenons 78 OLES. Cette année, nous avons pu venir en aide à ces associations grâce aux crédits du dispositif de soutien associatif des Français à l’étranger (Stafe). Au total, 632 000 euros ont été versés, soit 240 000 euros de plus que ce qui était prévu.

Par ailleurs, 188 000 euros ont également été versés aux centres médico-sociaux (CMS). Dix-huit dossiers ont d’ores et déjà été examinés. Ces aides sont tout à fait précieuses pour nos compatriotes établis hors de France.

Ce système, s’il est perfectible, a le mérite d’exister. Je porterai donc, au nom du Gouvernement, un regard tout à fait bienveillant sur la proposition de loi, laquelle devrait, je pense, faire l’unanimité. Tel est en tout cas le vœu que je forme.

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