Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 1er juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les projets de loi que nous examinons aujourd’hui visent deux objectifs bien distincts.

Premièrement, il s’agit de trouver une solution de moyen terme aux besoins urgents de financement de la sécurité sociale. Ses comptes ont été gravement déséquilibrés par l’épidémie de covid-19, qui a nécessité d’établir comme traitement un confinement qui a entraîné une baisse des recettes et une hausse des dépenses.

Il convient de sécuriser le fonctionnement de l’Acoss en transférant le montant de 136 milliards d’euros à la Cades. La commission des affaires sociales a souhaité soustraire de ce montant le tiers de la dette hospitalière, c’est-à-dire 13 milliards d’euros, considérant que ces dépenses relevaient de la responsabilité de l’État. C’est vrai que, avec un Ondam à 2 %, l’hôpital ne pouvait pas prendre en charge ses investissements. Comme l’a dit le rapporteur, il s’agit de toute façon d’investissements immobiliers de l’État.

Deuxièmement, il s’agit de préparer l’avenir de la sécurité sociale à travers la création d’une cinquième branche consacrée à l’autonomie. Cette disposition est la première pierre que nous posons pour la prochaine réforme du grand âge, qui permettra à notre société de s’adapter au vieillissement de la population, de prévenir et de traiter la perte d’autonomie, ce qui n’était pas du tout le cas avec la loi ASV de 2015.

Il est d’ores et déjà prévu d’attribuer une fraction de la CSG à la CNSA, soit un total de 2, 3 milliards d’euros à compter de 2024. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, il faudra financer la branche dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

J’aimerais, dans la perspective de la prochaine réforme de l’autonomie, rappeler quelques points importants, ce qui me paraît souhaitable.

Tout d’abord, les politiques de prise en charge de la dépendance relèvent du principe d’égalité territoriale et doivent être financées par la solidarité nationale – je me réjouis donc de la création de cette cinquième branche. Cela permettra de payer la totalité des aides-soignants, dont le salaire était pris en charge jusqu’à présent à hauteur de 30 % par les conseils départementaux.

Ensuite, il conviendrait de fusionner les sections tarifaires de la dépendance et des soins au niveau des Ehpad. Il ne resterait que deux sections : l’une, versée par la sécurité sociale, qui comprendrait le budget « soins » et le budget « dépendance », l’autre consacrée à l’hébergement, contrôlée par le conseil départemental.

Après la fusion des sections tarifaires « soins » et « dépendance », il conviendrait de faire du conseil départemental l’unique responsable de la gestion de l’ensemble de l’offre médico-sociale en Ehpad, avec la conclusion d’une délégation en matière de soins et d’autonomie de l’ARS au conseil départemental.

À domicile, l’ARS aurait pour rôle de contrôler les acteurs médico-sociaux et des missions d’inspection. Le département gérerait les Ssiad en plus des services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui relèvent déjà de sa compétence. Tout cela contribuerait à une meilleure coordination entre tous les intervenants à domicile, qui seront alors sous la responsabilité du département.

La mise en place d’un service départemental des aînés et des aidants, avec une déclinaison territoriale par canton, permettrait d’instaurer une équité et un guichet unique de coordination des intervenants à domicile auprès des personnes âgées dépendantes. Cela permettrait de renforcer la prévention, mais aussi de coordonner tous les intervenants à domicile et de prévoir les sorties d’hospitalisation en amont.

Par ailleurs, il convient de veiller à l’amélioration des conditions de travail en établissement, en créant plus d’emplois et en valorisant les professions d’infirmier et d’aide-soignant. Cela passera par la revalorisation des salaires, comme le ministre de la santé l’envisage, à hauteur de 6 milliards d’euros, ainsi que par un grand plan national de formation. En effet, la VAE est insuffisamment connue et l’apprentissage peu développé. Nous allons gravement manquer d’infirmiers et d’aides-soignants.

Vu le manque de personnel et la grande dépendance physique et cognitive des pensionnaires en Ehpad, accentuée par la pandémie de covid-19, il est nécessaire d’accroître le nombre d’emplois pour parvenir le plus rapidement possible à un taux d’encadrement de 0, 7 à 0, 8 employé par pensionnaire. Ce taux s’élève actuellement à 0, 6, ce qui ne permet pas une prise en charge correcte de nos aînés.

L’augmentation de 20 % du personnel doit se faire au niveau des aides-soignants et des infirmiers de manière progressive. Cela doit débuter dès 2021, et non en 2024 avec une enveloppe de 2, 3 milliards d’euros seulement, comme le prévoit le projet de loi. Il faut débuter en 2021 pour que le financement atteigne 6 milliards d’euros en 2024. La hausse des effectifs aurait bien sûr dû débuter il y a de très nombreuses années. Je voudrais rappeler que Philippe Bas, ministre de la santé de Jacques Chirac en 2006, préconisait de parvenir à un taux d’encadrement d’un employé par pensionnaire en 2012.

Enfin, la crise sanitaire a encore davantage mis en évidence la très grande fragilité et la précarité du secteur du maintien à domicile. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, serait-il nécessaire de trouver de nouvelles ressources pour pérenniser le personnel des services d’aide à domicile.

Notre groupe votera ces projets de loi.

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