Intervention de Charles Guené

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 juillet 2020 à 9h35
Contrôle budgétaire — Refonte de la péréquation - communication

Photo de Charles GuenéCharles Guené, rapporteur spécial :

La situation que vient de décrire Claude Raynal est d'autant plus inquiétante que l'ampleur de ces variations des potentiels fiscal et financier n'est pas homogène entre les collectivités territoriales.

Ainsi, les communes dont la population est inférieure à 3 500 habitants pourraient voir leur potentiel financier diminuer de 10 % à 14 %.

Dans le même temps, alors que le potentiel fiscal des métropoles et des communautés urbaines augmenterait de 9 % à 12 %, il diminuerait de 2,7 % pour les communautés d'agglomération.

Enfin, l'ampleur de la variation du potentiel fiscal des départements - résultant là du remplacement des recettes de taxe foncière par une fraction de TVA - pourrait être comprise entre - 43 % et + 39 %.

Comme l'ont montré les plus récents travaux présentés au comité des finances locales le 30 juin et le 7 juillet derniers, ces variations induites par la réforme de la taxe d'habitation sur le potentiel fiscal et financier des collectivités auront des conséquences sur leur éligibilité à certains dispositifs et sur les montants prélevés ou perçus au titre de la péréquation.

À titre d'exemple, en appliquant les paramètres de la réforme « toutes choses égales par ailleurs », 1 900 communes auraient perdu en 2019 leur éligibilité à la dotation de solidarité rurale tandis que 1 900 autres se seraient trouvées éligibles alors qu'elles ne l'étaient pas auparavant.

De telles entrées ou sorties d'un dispositif d'année en année sont habituelles, mais ce qui doit ici retenir l'attention c'est l'ampleur de ces mouvements. En effet, en 2019, ce n'étaient en réalité que 800 communes - et non 1 900 - qui avaient perdu ou gagné leur éligibilité à la DSR.

En d'autres termes, la réforme de la taxe d'habitation de traduira, si aucune correction n'est faite et malgré les intentions régulièrement rappelées par le Président de la République ou le Gouvernement, par des transferts de ressources entre collectivités.

Tout autant pour permettre à cette promesse de neutralité financière d'être respectée que pour éviter des mouvements dont l'ampleur pourrait mettre en difficulté les collectivités territoriales, nous estimons qu'il est nécessaire de travailler à des dispositifs de neutralisation.

Plusieurs options pourront être envisagées et expertisées : faudra-t-il garantir un montant de dotation ? Ou, alors, devrait-on plutôt prévoir un couloir d'évolution des valeurs des indicateurs de péréquation comme le potentiel fiscal ou l'effort fiscal ? Peut-être un coefficient de correction des bases d'imposition pourrait-il être institué ?

À ce stade, nous demeurons ouverts à l'ensemble des pistes susceptibles de protéger les collectivités locales des effets de la réforme sur la péréquation et nous ne manquerons pas de vous associer et de vous tenir informés de l'avancement de nos réflexions, sachant que le Gouvernement doit aussi produire un rapport.

Le second axe de nos travaux concerne, lui, une réflexion plus prospective quant à l'avenir des dispositifs de péréquation. Celle-ci nous a, en particulier, conduit à nous interroger sur la pertinence des indicateurs et sur la manière dont ils pourraient être améliorés et mieux mobilisés.

Nous pensons, notamment, qu'une plus grande attention doit être accordée aux charges auxquelles les collectivités territoriales sont exposées. Les indicateurs de charges tiennent, d'ailleurs, une place croissante dans la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation puisque, comme l'a montré l'observatoire des finances et de la gestion locale, ils représentent actuellement 60 % de l'ensemble des indicateurs. Cette tendance est notamment vérifiée pour les départements puisque 35 indicateurs de charges sont retenus contre 15 indicateurs de ressources.

S'il faut saluer cette prise en compte plus attentive des charges des collectivités locales, les indicateurs pourraient être améliorés. Ainsi, dans la continuité des réflexions que nous avons conduites sur le sujet en étudiant, en particulier, l'exemple italien, il paraitrait utile de définir des coûts standards pour les équipements et les services locaux.

Une première expérimentation pourrait être conduite dans le cadre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) en intégrant, par exemple, le coût moyen pour les collectivités locales des locaux dédiés à l'enseignement et au périscolaire dans le calcul des montants prélevés et versés au titre du FPIC, puisque l'observatoire des finances et de la gestion locales (OFGL) en a fait l'étude exhaustive.

Un meilleur ciblage des dotations nous semble également devoir être étudié afin, par exemple, que les dotations de solidarité rurale et urbaine parviennent davantage à soutenir les territoires au profit desquels elles ont été instituées.

Enfin, il faudra parvenir à mieux articuler entre eux les différents dispositifs de péréquation horizontale et verticale dont les effets se cumulent et parfois se contredisent.

Comme vous le constatez, nos travaux ont vocation à se poursuivre et à s'amplifier notamment dans la perspective du projet de loi de finances pour 2021 qui sera l'occasion de proposer des dispositifs de neutralisation des effets de la réforme de la taxe d'habitation et, sans doute, des premières pistes d'amélioration pour l'avenir du fonctionnement des dispositifs de péréquation, sachant que nous avons encore un an pour mener ces opérations.

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