Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Commission des affaires économiques — Réunion du 8 juillet 2020 à 9h30
Marché intérieur économie finances fiscalité — Évolution de la politique européenne de concurrence - examen du rapport et de la proposition de résolution européenne

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je suis un peu embarrassée, parce que le rapport s'inscrit dans le cadre du traité actuel. Or, j'estime que la situation est très grave pour la France, vu les déséquilibres intra-européens dans les échanges, en particulier en termes industriels, et que notre faiblesse découle largement des conditions actuelles du marché unique. On évoque beaucoup la concurrence mondiale et la Chine mais, en France, ce sont surtout des délocalisations intra-européennes qui nous ont pénalisés, notamment dans l'automobile : nous parlons de libre concurrence alors que nous constatons un dumping social et fiscal extrêmement défavorable à notre pays. Les Allemands ont fait un meilleur choix stratégique, qui consiste à travailler avec leur Hinterland, avec les pays de l'Est, pour ce qui est des faibles coûts, tout en conservant chez eux une partie des centres décisionnels, stratégiques ou technologiques.

Je déplore aussi l'insuffisante prise en compte du concept de service public. La notion de services d'intérêt économique général (SIEG) organise en fait un système de concurrence, alors que notre histoire nous conduit à penser que le service public doit constituer un tout, où les profits doivent servir aux investissements d'avenir ou à des politiques sociales. Enfin, les conditions actuelles de la commande publique, qui nous obligent à faire des appels d'offres pour des productions qui ne sont pas locales, ne favorisent pas un développement de proximité, et obèrent notre capacité à soutenir des secteurs stratégiques.

Si l'on ne fait pas du rééquilibrage des échanges à l'intérieur de l'Union européenne le préalable à toute discussion des règles de concurrence, nous n'allons faire qu'accroître des déséquilibres gravissimes. Et si la France continue à s'affaiblir pendant que l'Allemagne continue à dominer, la conséquence politique sera un éclatement de l'Union européenne et du projet européen. Ce rapport, quoiqu'intéressant, n'est pas à la hauteur de la gravité des déséquilibres actuels du marché intérieur.

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