La pandémie de Covid-19 représente un choc majeur aux conséquences socio-économiques très graves, et qui ne sont pas toutes connues. Alors que l'épidémie semble refluer sur le sol européen, l'Union européenne plonge dans la récession. Les pouvoirs publics ont réagi rapidement en adoptant, au niveau national comme au niveau européen, un arsenal complet de mesures, mais l'économie de l'Union européenne subira cette année un recul d'une ampleur historique, estimé à 7,4 % en 2020, et même 8,2 % pour la France.
Dans ce contexte, le sujet qui rassemble nos deux commissions aujourd'hui est particulièrement stratégique pour l'avenir de notre économie : comment la politique européenne de concurrence peut-elle devenir un levier pour la relance économique ? La politique de concurrence est une compétence exclusive de l'Union européenne et elle a marqué le marché unique de son empreinte. Mais la mondialisation est arrivée et a changé la donne.
C'est ce qui a guidé les travaux du groupe de suivi sur la stratégie industrielle commun à nos deux commissions, initié à l'automne dernier en réaction à la décision de la Commission européenne de refuser la fusion entre Alstom et Siemens. Cette décision avait suscité une incompréhension et nourri une suspicion envers la politique européenne de concurrence : socle du marché intérieur, n'est-elle pas devenue une balle que l'Union européenne se tire dans le pied ? Le sujet a pris une actualité nouvelle avec la prise de conscience qui émerge de la pandémie : l'Europe doit renforcer son indépendance économique, particulièrement en matière technologique et sanitaire. Cela implique, au niveau européen, de concevoir une véritable stratégie industrielle, de revisiter la politique commerciale, mais aussi de réformer la politique de concurrence. Tous ces leviers de l'action européenne, sont aujourd'hui pris isolément ; il est temps de les articuler entre eux au service d'une seule ambition : rendre l'Europe autonome et puissante dans l'économie mondiale.
C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à entendre la commissaire européenne à la concurrence, Mme Margrethe Vestager, le 16 juin dernier : tout en restant fidèle à la traditionnelle orthodoxie de la Commission dans ce domaine, qui accorde la primauté au bien-être du consommateur, elle a confirmé que des pistes d'évolution étaient à l'étude, à la fois sous l'impulsion franco-allemande et à la faveur de la crise économique engendrée par la pandémie. C'est cette brèche que nous voulons ouvrir : il s'agit de donner des objectifs plus larges à la politique de concurrence et d'en faire un outil au service de l'économie européenne, dans son fonctionnement interne, mais aussi dans la compétition mondiale. Il y a une dizaine de jours, j'étais à Bruxelles, j'ai rencontré le directeur général de la concurrence de la Commission européenne, le français Olivier Guersent, qui a accepté ma proposition de venir au Sénat, sans doute en septembre. Il n'y a plus beaucoup de Français à des postes clés : il faut donc en profiter.
Je suis heureuse de vous revoir et je salue tous les collègues qui nous suivent à distance. Après n'avoir évolué que marginalement pendant de longues années, la politique européenne de concurrence semble aujourd'hui à un tournant, du fait notamment des appels répétés à une modernisation de ses outils pour mieux prendre en compte les enjeux du numérique et de la mondialisation. La Commission semble plus que jamais prête à adapter ses outils, comme l'ont montré plusieurs des consultations qu'elle a lancées au cours de ces dernières semaines sur la définition du marché pertinent ou la lutte contre les distorsions de concurrence nées de subventions étrangères - des subventions que nous, Européens, refusons d'accorder à nos entreprises.
Le rapport d'information de nos collègues Olivier Henno et Alain Chatillon arrive donc à point nommé. Il formule douze recommandations très réalistes, car elles se font à traités constants, et pourraient donc être mises en oeuvre très rapidement, économisant les années qu'il faudrait pour renégocier des traités. Nous y voyons la marque de fabrique de notre institution, qui s'attache à verser au débat public des pistes concrètes, ancrées dans la réalité des entreprises et des marchés.
La relance de nos économies et la souveraineté numérique et industrielle de l'Union exigent que la Commission soit en mesure d'adapter sa politique de concurrence à ces nouveaux défis. Nous l'avons souvent rappelé, il est urgent de sortir d'une certaine forme d'aveuglement, voire de naïveté, qui peut se retourner contre nous en empêchant l'émergence de champions européens et en atrophiant notre base industrielle.
Il importe donc de doter la Commission de nouveaux outils, ou d'adapter ceux qui existent, afin d'encadrer au mieux les comportements de certains nouveaux acteurs, notamment du numérique, et de mieux prendre en compte la concurrence potentielle qui émane d'entreprises étrangères.
La pertinence du droit de la concurrence ne doit pas être remise en cause, puisqu'il est gage de compétitivité, d'incitation à l'innovation et de baisse des prix pour les Européens. Il s'agit au contraire de s'assurer qu'il est adapté à son époque et aux objectifs que s'est fixés l'Union européenne, notamment celui d'un renforcement de sa souveraineté économique.
Merci à tous de votre présence pour examiner le rapport d'information qui nous a été confié par le groupe de suivi sur la stratégie industrielle, à mon collègue Olivier Henno et moi-même, sur la réforme de la politique européenne de concurrence. Lorsque nous avons commencé nos travaux en milieu d'année dernière, le contexte politique était très différent : nous ne pressentions aucune ouverture franche de la part de la Commission européenne sur une éventuelle réforme. Le rejet de la fusion entre Alstom et Siemens et la compétition accrue entre blocs économiques avaient pourtant placé la politique de concurrence sous le feu des critiques. Un an plus tard, des évolutions concrètes se matérialisent enfin. La réflexion autour de l'avenir de la politique de concurrence européenne s'accélère. Quel rôle doit-elle jouer dans la politique économique dans les décennies à venir ? Quelle sera son articulation avec les autres leviers de la politique commerciale et surtout industrielle ? Ses outils sont-ils toujours pertinents dans une économie mondialisée et numérisée ? Nous espérons que nos douze propositions seront portées par la France auprès des institutions européennes et contribueront à nourrir les débats législatifs qui s'annoncent.
La politique de concurrence est une compétence exclusive de l'Union, exercée par la Commission européenne. Son objectif est d'assurer la concurrence libre et non faussée entre agents économiques au sein du marché intérieur, garantissant le bon ajustement des prix pour le consommateur et l'ouverture des marchés aux nouveaux entrants. Elle repose sur trois leviers : la lutte contre les ententes et abus de position dominante, visant à empêcher les manipulations de prix ou le partage des marchés par des entreprises au détriment des clients ; le contrôle des concentrations, introduit plus tardivement, par lequel la Commission contrôle les rachats ou fusions d'entreprises afin d'empêcher la constitution de monopoles ou de réduire la concurrence - pour Alstom et Siemens, une fusion n'aurait pourtant représenté que 13 % des parts de marché au niveau mondial, loin du champion mondial chinois à 30 %, et de son second américain à 17 % ; enfin, le contrôle des aides d'État accordées par les pouvoirs publics à leurs entreprises, qui seraient susceptibles d'engendrer des distorsions au sein du marché intérieur.
Il faut d'abord bien distinguer politique de concurrence et compétitivité. La politique de concurrence est un outil de régulation de la concurrence sur les marchés, tandis que l'effort de compétitivité est bien plus large et mobilise d'autres outils, comme la fiscalité, l'innovation, les normes ou les compétences. Politique de concurrence et politique industrielle ne sont donc pas synonymes. C'est au coeur du débat sur les champions européens : si un géant européen était sans nul doute plus compétitif, il réduirait néanmoins la concurrence au sein du marché intérieur.
Ensuite, si la plupart des pays développés ont mis en place une régulation de la concurrence, l'Union européenne a élevé celle-ci à un rang quasi constitutionnel. L'interdiction générale des aides d'État, par exemple, est sans équivalent dans le monde entier, et l'application de la réglementation apparaît plus stricte qu'ailleurs : pensons par exemple aux géants du numérique américains ou aux entreprises publiques subventionnées en Chine.
Ces deux exemples reflètent nos deux constats. La compétition internationale marquée par la montée des puissances émergentes comme la Chine ou l'Inde conduit les États à intervenir davantage en soutien à leurs économies. Les manipulations en matière de politique commerciale, le recours quasi systématique aux subventions publiques pour doper des industries émergentes sont utilisés comme outils de stratégie industrielle par nos concurrents. Je pense par exemple aux entreprises rachetées par des sociétés chinoises à des prix sans lien avec la réalité grâce à des subventions étatiques, ou aux importations facilitées par le dumping qui remplacent nos productions nationales et contribuent à la perte de capacité industrielle de l'Europe.
Ces pratiques, qui créent des distorsions au sein du marché intérieur, échappent le plus souvent au contrôle de la Commission. Celle-ci est contrainte d'examiner le marché pertinent, souvent européen, plutôt que le marché mondial. Elle se limite aussi à un horizon de court terme, rarement supérieur à deux ans, alors que nous anticipons déjà l'arrivée de concurrents étrangers sur le marché intérieur à cinq ans - souvenons-nous d'Alstom et Siemens -, voire à plus long terme... Enfin, certains estiment que la politique de concurrence fait obstacle aux objectifs de politique industrielle, lorsqu'il s'agit de soutenir l'émergence de nouvelles filières européennes : pensons à celle des véhicules électriques, que la Chine subventionne à coup de milliards d'euros, et à l'hydrogène. Si l'Europe ne joue pas le jeu sur l'hydrogène, nous aurons des difficultés.
Ce procès fait à la politique de concurrence doit néanmoins être nuancé. Certes, cette politique tempère l'ampleur de l'intervention publique en faveur des entreprises, et s'oppose à la création, par fusions, de géants européens monopolistiques. Mais elle a atteint ses objectifs : la concurrence sur le marché européen est plus élevée qu'aux États-Unis. Consommateurs et petites entreprises peuvent donc se procurer biens et services à des prix compétitifs. La concurrence encourage aussi les entreprises à innover, permettant à l'Europe de rester dans la course.
Second constat, la politique de concurrence, dont les principes sont simples, s'applique dans un monde de plus en plus complexe. Les secteurs traditionnels, tels que la distribution ou l'industrie, sont bouleversés par des évolutions sociétales et technologiques qui redessinent la structure des marchés. La naissance d'une économie digitale a rebattu les cartes et a donné naissance, en quelques années, à de nouveaux acteurs au pouvoir de marché considérable, notamment les Gafam - Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft. Ces phénomènes échappent en partie aux concepts et aux instruments historiques de la politique de concurrence. Les acquisitions prédatrices de petites start-up innovantes par les géants du numérique passent en dessous des seuils du radar de la Commission européenne. La gratuité des prestations, les avantages concurrentiels conférés par la détention de données, ou les effets de réseaux qui accentuent les positions dominantes ne peuvent pas être pris en compte à travers le seul prisme du prix. Pour que la régulation par la Commission reste pertinente, il faut adapter certains concepts traditionnels à ces nouvelles réalités économiques.
En outre, la politique de concurrence souffre d'une crise d'image. Elle est perçue comme un gendarme, un censeur, plutôt que comme un levier de développement économique et de compétitivité. L'impression de toute-puissance de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne nuit à l'acceptation de ses décisions. La Commission doit mettre en oeuvre un effort de pédagogie et de transparence vis-à-vis des acteurs économiques.
La politique de concurrence européenne doit évoluer pour rester pertinente et efficace dans notre monde en mutation rapide, sans pour autant remettre en cause ses objectifs et ses principes fondateurs. Nous avons formulé douze propositions en ce sens, et je vous remercie de l'intérêt porté à ce travail, dans l'intérêt des entreprises et de l'Europe.
Je rappelle que l'industrie représente 17 % du PIB en France, 20 % en Espagne et 27 % chez notre voisin allemand...
Travailler sur ces notions complexes et évolutives de formation des prix, de concurrence libre et non forcée, de normes européennes qui influent sur le marché, nous a semblé utile.
La France, et singulièrement notre assemblée, à travers plusieurs rapports récents, résolutions européennes et propositions de loi, appelle de ses voeux des évolutions sur certains points, en particulier le contrôle des concentrations dans un univers de concurrence mondialisé, et afin de prendre en compte les bouleversements générés par la numérisation de l'économie.
Certains États membres préconisent également des adaptations : l'Allemagne a signé avec la France, en février 2019, un manifeste pour une politique industrielle européenne ; l'Italie et la Pologne ont écrit, avec la France et l'Allemagne, à la commissaire européenne Margrethe Vestager ; et les Pays-Bas, ont diffusé, fin 2019, un non paper appelant à un encadrement des positions dominantes, avant de cosigner avec la France, en mai dernier, un appel au respect de la concurrence dans les relations commerciales internationales.
La stratégie industrielle européenne, présentée par la Commission à la mi-mars, a mis en exergue la nécessaire modernisation de la politique européenne de concurrence. Immédiatement après, la crise sanitaire a donné une actualité toute particulière à ce sujet, que ce soit en matière d'aides d'État ou de prise en compte des difficultés concurrentielles générées par le développement du numérique.
Début juin, la Commission européenne a lancé plusieurs initiatives qui s'inscrivent dans la logique de modernisation de la politique européenne de concurrence : la publication d'un livre blanc pour remédier aux distorsions de concurrence provenant de marchés tiers, le lancement de deux consultations sur la régulation des plateformes numériques dans le cadre de la préparation du Digital Services Act et, la semaine dernière, d'une consultation sur le marché pertinent.
Nos douze recommandations arrivent donc à point nommé. Nous proposons que la Commission européenne introduise une forte dimension préventive dans son approche des enjeux de concurrence, notamment en établissant des analyses sectorielles de l'état de la concurrence grâce aux expertises conjointes de ses différentes directions générales. Cette cartographie lui permettrait d'analyser plus efficacement et plus rapidement les projets de rapprochement et d'appréhender les risques de pratiques anticoncurrentielles. Elle pourrait ainsi prendre véritablement en compte les évolutions de la concurrence potentielle à moyen terme.
Nous appelons également à une révision des concepts clés d'analyse de la situation concurrentielle. Les composantes de la notion de bien-être du consommateur doivent être clarifiées et intégrer des éléments déterminants comme la compétitivité, le maintien de l'emploi, la protection de l'environnement, la protection des données personnelles ou encore l'autonomie stratégique.
De même, la définition de la notion de marché pertinent, au regard de laquelle sont appréciées les conséquences des projets de concentration, doit être actualisée pour adapter les notions de marché de produits et de marché géographique aux évolutions de la réalité économique.
De nouveaux concepts d'analyse adaptés au numérique doivent être introduits, pour prendre en compte les spécificités de cette nouvelle économie et du pouvoir de marché qu'elle génère, notamment la « gratuité » de certains services, les externalités de réseau, l'utilisation des données ou encore l'existence d'acteurs systémiques ou de plateformes verrouillant le marché.
Nous proposons d'introduire de nouveaux modes de régulation ex ante, dans la logique de l'approche du livre blanc que la Commission européenne vient de publier. Il est indispensable de protéger les acteurs européens contre les pratiques abusives d'entreprises extra-européennes fortement subventionnées par leurs États.
De même, face à des acteurs systémiques ou à des positions dominantes, nous recommandons un encadrement a priori de leurs comportements pour rétablir l'équilibre relationnel entre les plateformes et leurs utilisateurs ou leurs concurrentes. La situation actuelle, qui laisse perdurer ces comportements jusqu'à ce que la Commission soit en mesure de démontrer des abus de position dominante, est particulièrement préjudiciable à la concurrence, d'autant que la Commission répugne à prendre des mesures conservatoires. Une régulation ex ante peut être mise en place lors d'opérations de concentration. Plutôt que d'imposer des cessions d'actifs, préférons des remèdes comportementaux, qui peuvent être ultérieurement adaptés. Une telle régulation impose bien sûr la mise en place d'un suivi par la Direction générale concurrence et d'une évaluation de la pertinence des mesures.
Cette notion d'évaluation nous paraît centrale, c'est pourquoi nous préconisons la création d'un Observatoire européen d'évaluation de la politique la concurrence, indépendant de la DG concurrence, qui collecterait les données utiles et évaluerait la pertinence des décisions de la Commission en matière de concurrence et de leur suivi, au regard de leur impact sur les prix, la concurrence, le choix offert aux consommateurs, la compétitivité des entreprises ou encore l'innovation.
Nous vous proposons de reprendre ces recommandations dans une proposition de résolution européenne. Nous pourrions aussi les inclure dans un avis politique, afin que la Commission européenne en soit destinataire, notamment dans le cadre des consultations qu'elle vient d'ouvrir.
Permettez-moi d'insister sur la nécessaire articulation dynamique entre les différents outils de la politique européenne, à l'appui d'une concurrence équilibrée au niveau mondial, en particulier par les leviers de la politique de concurrence que nous proposons de renforcer, en cohérence avec la politique commerciale, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) comme dans les relations bilatérales, ou encore la politique fiscale, dans le cadre d'une approche multilatérale.
Vous pourrez amender cette proposition de résolution européenne qui a été déposée par nos deux rapporteurs. Pour le moment, seule la commission des affaires européennes peut la voter, avant sa transmission à la commission des affaires économiques, saisie au fond.
Cette proposition de résolution européenne serait doublée d'un avis politique, conformément au traité de Lisbonne, qui permet de nouer un dialogue avec les institutions communautaires, et en particulier le Parlement européen et la Commission européenne. Cet avis arriverait à point nommé, au moment du lancement du livre blanc. Le temps européen est long...
Vous êtes indulgents sur l'audition de Mme Vestager, dont l'évolution est millimétrique au regard de nos souhaits. Vos propositions sur l'instruction des dossiers et les cessions d'actifs en cas de concentrations constatées sont très utiles.
En matière d'enquête sectorielle, j'ai pu constater, dans ma vie précédente, que sur des petits marchés, même lorsque des dossiers étaient instruits et qu'on lui apportait des éléments, la Commission européenne n'avait pas la capacité de bien mesurer la situation. J'ai vu des concentrations se réaliser dans des secteurs considérés comme des sous-marchés, peu médiatiques, en dépit des problèmes qu'elles posaient à l'industrie européenne.
La Commission européenne n'a pas toutes les compétences pour cartographier la concurrence. Ce n'est pas qu'il ne faut pas le faire, mais n'en attendons pas de miracle.
Vos propos montrent les limites de ce que permettent les traités. L'extension de la notion de bien-être des consommateurs est utile, mais audacieuse, et peut se discuter.
Vous ne montrez pas que le droit de la concurrence et nos méthodes ont été mises en place à un moment où toute entreprise mondiale innovante et performante avait une place significative sur le marché européen. Cela pose la question de l'extraterritorialité et des subventions des États. Il existe actuellement des marchés non européens suffisamment structurants pour que le marché européen ne soit qu'annexe...
Faisons attention à la tolérance envers les aides d'État autorisées dans le cadre de la crise sanitaire. Ceux qui ont de belles marges de manoeuvre vont faire encore la course en tête, ce qui ne nous permettra pas de rattraper notre retard.
M. Henno a évoqué l'objectif d'un meilleur prix pour le consommateur, mais dans le secteur agricole, celui d'un meilleur prix pour le producteur pourrait être mis en avant.
La recommandation n° 5 préconise d'« actualiser les lignes directrices de la Commission relatives à la définition du « marché pertinent » afin d'adapter les notions de « marché de produit » et de « marché géographique » à la nouvelle réalité économique ». Ne serait-ce pas l'occasion d'adapter les règles de la commande publique applicables au secteur agricole et alimentaire pour relocaliser l'alimentation via la commande publique ?
Merci aux deux rapporteurs que je félicite pour le travail considérable qu'ils ont réalisé. La nécessaire évolution des règles de la politique de concurrence au sein du marché intérieur est une question stratégique. Il est dommage qu'aucun des visas de la proposition de résolution n'évoque l'excellent rapport de l'eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin, dont plusieurs des propositions sont convergentes et qui fait un travail remarquable au Parlement européen.
Je regrette également que nous n'évoquions pas l'articulation entre la politique de concurrence et le Pacte vert européen, qui est pourtant, aussi, un instrument de régulation de la concurrence - notamment sur les marchés agricoles - permettant d'éviter le dumping de certains pays européens.
Il est enfin dommage de ne pas articuler notre réflexion avec la question du contrôle des investissements stratégiques réalisés par des entreprises étrangères bénéficiant d'aides fiscales ou d'aides d'État considérables - je pense notamment à la Chine. Je participais hier à un webinaire avec nos collègues du Congrès américain : les Américains disposent depuis 1975 d'un comité pour l'investissement étranger aux États-Unis, le Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) et l'action du président Trump depuis deux ans a permis d'arrêter certains projets d'investissement, comme le rachat de la section ordinateurs portables d'IBM par le chinois Lenovo ; un travail considérable est actuellement réalisé autour de l'influence grandissante de l'entreprise chinoise TikTok. Nous devrions intégrer de tels objectifs dans notre politique de concurrence européenne. La Commission a d'ailleurs récemment dégagé des moyens pour éviter que certaines entreprises stratégiques - notamment en matière de recherche sur la Covid-19 - ne soient rachetées par des intérêts extra-européens.
Une grande partie des pays européens devrait connaître une récession de l'ordre de 12 % de leur PIB : il existe un risque très fort de prédation de nos entreprises stratégiques, notamment dans le numérique ou les biotechnologies, par des intérêts étrangers.
Cette proposition arrive à point nommé. Nous devons adapter nos outils dans le contexte de crise que nous connaissons. Notre groupe apportera son soutien à cette proposition de résolution européenne, assorti toutefois de quelques remarques. Il faudrait élargir la liste des secteurs retenus par la Commission - innovation, recherche, Green deal - au secteur de la santé. Le bien-être du consommateur ne saurait se limiter au seul prix : l'intégration de critères tels que le maintien de l'emploi nous semble une idée intéressante. Je regrette que les enjeux spécifiques aux PME soient insuffisamment soulignés, alors qu'elles sont souvent les premières victimes de ces prédations étrangères. Nous pourrions également aller plus loin en matière de transition écologique. La politique de concurrence doit rester un outil au service de la politique économique et de la stratégie industrielle, et ne pas tenir lieu de politique économique commune.
Je tiens à saluer le travail conjoint de nos deux commissions. Vous proposez d'améliorer la réactivité et la capacité de suivi de la DG Concurrence. Comment revoir son fonctionnement ? En revoyant le circuit préalable à ses décisions ? En simplifiant les procédures ? En lui allouant davantage de moyens ? La création d'un « Observatoire » ne risque-t-elle pas d'accroître encore cette lourdeur de fonctionnement ?
La question des entreprises étrangères trouve réponse dans nos recommandations : la Commission pourrait interdire les pratiques de ces entreprises en Europe si celles-ci ne sont pas conformes à nos règles relatives aux subventions, aux acquisitions d'entreprises ou à la commande publique.
Tout ne dépend pas de la Commission européenne. Par exemple, s'agissant des PME et des agriculteurs, les douanes et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) doivent mieux faire leur travail. Les importations de blé qui arrivent dans nos ports ne sont quasiment pas contrôlées, alors que nos agriculteurs le sont au quotidien. Mais cela relève du Gouvernement, du ministère de l'Économie et des Finances et du ministère de l'agriculture, pas de l'Union européenne ! Les produits importés doivent être conformes à la réglementation communautaire, mais aussi nationale. Je pense notamment à la question des porcs espagnols,... Demandons à nos gouvernants de se mouiller ! N'attendons pas d'avoir perdu toute capacité de produire dans notre pays !
Nous n'avons eu aucune indulgence à l'égard de Mme Vestager, dont les propos nous ont douchés froid. Mais les actes posés par la Commission et le bouillonnement européen sur cette question tranchent avec ses propos très académiques.
La notion de consommateur ne se limite pas aux particuliers : elle inclut aussi les entreprises. Les aides d'État doivent refermer les fractures : c'est tout l'enjeu du pacte de relance européen. Le rapport de Mme Yon-Courtin est effectivement excellent et pourrait être mentionné dans la résolution. Le Pacte vert n'est pas un objet stricto sensu de la politique de concurrence.
Lors de nos auditions et de notre déplacement à Bruxelles, nous avons très vite constaté que la DG de la concurrence était un État dans l'État. Nous avons pris le parti de réfléchir à des évolutions de la politique de concurrence européenne à traités constants : nos préconisations ont donc un caractère pragmatique. L'Observatoire serait le moyen d'intervenir sur la question de l'indépendance.
L'Observatoire ne représente pas une étape supplémentaire dans le processus de décision européen ou une couche supplémentaire de réglementation : il interviendra après la DG Concurrence, pour améliorer le suivi et l'évaluation de la politique de concurrence, au bénéfice de l'information des parlementaires et des citoyens.
Il ne s'agit pas d'un « machin supplémentaire » : l'Observatoire permettra de contrôler a posteriori l'efficacité des décisions en matière de la politique de concurrence. Le Parlement européen - chargé de contrôler l'action de la Commission - s'appuie pour ce faire sur le rapport de la Commission : il n'a pas d'accès indépendant à l'information ! Avec cet Observatoire, nous aurons un organe compétent, mais surtout indépendant de la DG Concurrence. Il permettra d'ajuste les décisions au fil du temps.
Ne pourrait-on pas imaginer, au moins sur les importations agricoles, d'imposer une taxe pour pénaliser l'éloignement des productions, une sorte de taxe carbone ?
Votre idée relève plus de la politique commerciale que de la politique de concurrence. Mais elle est pertinente et cette évolution me semble inévitable. Progressivement, les accords de libre-échange ont intégré l'accord sur le climat de Paris et les règles de l'OMC, l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit accord « SPS » ainsi que, en pointillé, le principe de précaution. Tout cela se construit au fil du temps. L'ajustement carbone aux frontières serait une dernière brique de cette harmonisation. Il n'y a pas de raison d'imposer aux producteurs européens, et surtout français, des contraintes qui ne s'appliqueraient pas à nos partenaires commerciaux.
Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, l'attention portée à l'intérêt, à court terme, du consommateur en Europe s'est souvent faite au détriment du producteur - y compris lorsqu'il s'agit de productions de souveraineté. Nous l'avons bien vu avec cette pandémie, lorsque l'on dépend de producteurs étrangers, on est très fragile et prêt à payer n'importe quel prix.
Je parlais des traités européens, et non des traités commerciaux. Nous avons introduit dans notre rapport et dans la proposition de résolution la notion d'enrichissement et de bien-être du consommateur, pour ne pas s'en tenir qu'au prix. La notion de consommateur renvoie aussi à l'entreprise, d'ailleurs, et pas uniquement à aux personnes physiques.
Y compris en termes d'emploi potentiel pour le consommateur ? Nous sommes mondialistes pour la consommation et nationalistes, ou européens, pour l'emploi. Compliqué !
Je suis un peu embarrassée, parce que le rapport s'inscrit dans le cadre du traité actuel. Or, j'estime que la situation est très grave pour la France, vu les déséquilibres intra-européens dans les échanges, en particulier en termes industriels, et que notre faiblesse découle largement des conditions actuelles du marché unique. On évoque beaucoup la concurrence mondiale et la Chine mais, en France, ce sont surtout des délocalisations intra-européennes qui nous ont pénalisés, notamment dans l'automobile : nous parlons de libre concurrence alors que nous constatons un dumping social et fiscal extrêmement défavorable à notre pays. Les Allemands ont fait un meilleur choix stratégique, qui consiste à travailler avec leur Hinterland, avec les pays de l'Est, pour ce qui est des faibles coûts, tout en conservant chez eux une partie des centres décisionnels, stratégiques ou technologiques.
Je déplore aussi l'insuffisante prise en compte du concept de service public. La notion de services d'intérêt économique général (SIEG) organise en fait un système de concurrence, alors que notre histoire nous conduit à penser que le service public doit constituer un tout, où les profits doivent servir aux investissements d'avenir ou à des politiques sociales. Enfin, les conditions actuelles de la commande publique, qui nous obligent à faire des appels d'offres pour des productions qui ne sont pas locales, ne favorisent pas un développement de proximité, et obèrent notre capacité à soutenir des secteurs stratégiques.
Si l'on ne fait pas du rééquilibrage des échanges à l'intérieur de l'Union européenne le préalable à toute discussion des règles de concurrence, nous n'allons faire qu'accroître des déséquilibres gravissimes. Et si la France continue à s'affaiblir pendant que l'Allemagne continue à dominer, la conséquence politique sera un éclatement de l'Union européenne et du projet européen. Ce rapport, quoiqu'intéressant, n'est pas à la hauteur de la gravité des déséquilibres actuels du marché intérieur.
Le dumping fiscal et social intra-européen existe, en effet. C'est aussi parce que le poids des charges, en France, est bien trop élevé, ce qui fragilise notre compétitivité. La semaine dernière, lors des questions d'actualité au Gouvernement, j'ai fait observer au secrétaire d'État aux transports que, dès janvier 2004, la Commission européenne avait élaboré des lignes directrices pour que, dans des secteurs très concurrentiels, notamment le transport maritime et aérien, la France puisse ne pas verser de charges patronales.
Ce n'est pas à l'Europe de décider ce que la France veut en matière fiscale ! Le peuple français est souverain, et a le droit de considérer que, dans ce secteur, la concurrence ne doit pas être l'arbitre, et qu'il faut un accord politique d'ensemble.
Peut-être, mais nous ne pouvons pas faire la course en tête en ce qui concerne le poids des charges sans nous remettre en question...
Tout cela appelle un vrai débat politique, que nous n'achèverons pas aujourd'hui. Je connais l'engagement de M. Chatillon sur la question industrielle, mais, à traités constants, nous ne nous en sortirons pas. Si nous restons focalisés sur le critère prix, la désindustrialisation de la France et de l'Union européenne ne pourra que continuer dans les dix prochaines années, car notre ambition n'est pas de payer les salariés et les ouvriers 150 euros par mois, comme dans le Sud-Est asiatique. L'Union européenne est la bonne échelle pour instaurer des taxes fondées sur des critères sociaux et environnementaux. Si nous ne le faisons pas, nous n'y arriverons pas.
D'ailleurs, au sein même de l'Union européenne, le problème se pose. Il y a dix ans, la moitié des voitures achetées par les Français était produite en France. Aujourd'hui, cette proportion est tombée à 17 %. Beaucoup sont produites en Roumanie et en Turquie, soit à l'intérieur même de l'Union européenne, ou à nos portes. Cela pose la question de l'harmonisation et du dumping fiscal et social, peu abordée dans le rapport, tout comme le débat autour d'Alstom : les champions européens ne peuvent pas être construits autour d'un projet financier, similaire à l'absorption d'Alstom par Siemens, sans véritable projet industriel. Pour construire des champions européens, il faut des projets industriels, avec des États en soutien, comme on l'a vu pour Airbus. Nous avons eu trop d'opérations financières consistant à plomber des entreprises, à les délocaliser, à fermer des usines...
Ce débat arrivera, et je vois que les lignes bougent : la semaine dernière, nous avons eu une vraie discussion sur la conditionnalité des aides publiques. Nous reposerons la question lors de l'examen du troisième budget rectificatif la semaine prochaine.
Je ne reviendrai pas sur la problématique de la concurrence aux frontières, mais j'évoquerai celle des différences de concurrence à l'intérieur même de l'Europe. En France, nous avons une étonnante façon de ne pas regarder nos bêtises en face. Prenez le plan de relance, par exemple, à la suite de la crise du coronavirus. Pour l'horticulture, il pèse 23 millions d'euros, contre 600 millions d'euros aux Pays-Bas. Pourquoi ? Parce que nous sommes fauchés, à cause de notre addiction à l'impôt et à la dette. Nous ne pouvons pas reprocher aux autres pays d'être meilleurs que nous... Les Pays-Bas ont compris que, dans deux ou trois ans, la disparition de toutes les entreprises françaises leur laissera la capacité de produire davantage dans leur pays.
Les différences de compétitivité sont incroyables : notre main-d'oeuvre dans le maraîchage coûte 1,5 fois plus cher qu'en Allemagne, 1,7 fois plus cher qu'en Espagne et de deux à trois fois plus cher qu'en Pologne. Nous sommes incapables de faire travailler les Français : pour ramasser des fruits ou des légumes, nous avons exclusivement recours à des salariés étrangers. Comment voulez-vous que nous soyons compétitifs ? Nous pourrions employer les Français qui ne travaillent pas, pour les faire travailler et diminuer le coût de l'indemnisation du chômage. Mais non, nous les laissons au chômage et nous faisons entrer des salariés étrangers pour travailler à leur place !
Concernant les charges, nous pouvons nous-mêmes, parlementaires, nous en prendre à nous même, puisque nous en avons ajouté pour les agriculteurs français, dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim), en leur faisant croire qu'on allait améliorer leurs revenus. Même remarque sur les normes. En interdisant les néonicotinoïdes, nous tuons la filière betterave, quand la Belgique a pris une dérogation avant le 1er juillet, ce qui lui permettra d'utiliser les produits interdits en France. Résultat : les Belges vont construire la plus grande sucrerie d'Europe, et nous ne pourrons que les regarder nous spolier la totalité de notre production de betteraves. Et nous allons continuer dans cette voie avec le glyphosate et d'autres molécules. Bref, nous organisons nous-mêmes le déménagement de la production agricole et industrielle.
Ce débat, très intéressant, dépasse de loin le sujet qui nous réunit ce matin, puisque nous examinons un texte qui concerne la concurrence et non la politique commerciale, fiscale, environnementale et normative de l'Europe. J'appelle pour ma part à initier, dans le plan de relance, une réflexion et une action sur la convergence intra-européenne. Il n'est pas question de payer les Français au rabais, mais, au contraire, d'améliorer la couverture sociale de l'ensemble des Européens.
Mais tout cela est hors sujet par rapport au texte. Cette proposition de résolution choisit l'efficacité, à traités constants, plutôt que de sortir le bulldozer afin de changer les traités, ce qui ne pourrait se faire rapidement. Elle donne des pistes pour infléchir la politique de concurrence et avoir des effets immédiats sur notre propre politique.
Je me réjouis en tous cas de lire dans Le Canard enchaîné que le nouveau patron d'une grande entreprise automobile française critique le plan de la précédente équipe en disant que c'était un projet financier et non pas industriel.
Merci pour ce recadrage. Cette proposition de résolution, dans un premier temps, n'est soumise qu'au vote des membres de la commission des affaires européennes. Elle sera ensuite transmise à la commission saisie au fond, avant que nous n'échangions avec sa présidente pour adresser un avis politique aux instances communautaires.
Il faut une articulation plus forte entre la politique de concurrence, la politique industrielle et la politique commerciale qui, jusqu'à présent, fonctionnent en silos. La concurrence et la politique commerciale sont des compétences exclusives de l'Union européenne.
L'Union européenne n'est pas, et ne sera sans doute jamais, une fédération. Le temps européen est un temps long. Je regrette toujours que les mesures conservatoires soient trop complexes à mettre en oeuvre - elles l'ont été une seule fois en dix-huit ans... Il faudra faire régulièrement des points d'étape. André Gattolin a évoqué le CFIUS. La présidence Trump semble particulièrement défensive, mais il n'y a jamais eu un État plus protectionniste que les États-Unis. Le CFIUS fait très attention à tout investissement étranger au sein d'une entreprise américaine.
L'extraterritorialité des lois américaines est un élément supplémentaire de déstabilisation de certains dossiers.
Concernant la concurrence entre États européens, je suis tout à fait d'accord avec Laurent Duplomb ; je suis même plus inquiet encore que lui. Compte tenu de nos moyens financiers, la France n'a pu mettre sur la table, en s'essoufflant, que 40 milliards d'euros pour atténuer les effets de la crise sanitaire, quand l'Allemagne y consacrait allègrement 130 milliards. Il s'ensuivra une fragmentation du marché unique très préoccupante.
Nous sommes appelés à des sauts technologiques tels que la 5G ou l'hydrogène, qui constituent des projets importants d'intérêt européen commun (PIEEC). Or on voit certains nouveaux maires de grandes villes françaises se préparer à interdire la 5G ! La digitalisation de l'économie est en marche ; les freins idéologiques qu'on pourrait lui apposer m'effraient, car c'est une nouvelle source de fragmentation du marché unique.
Rappelons-nous l'erreur commise dans les années 1990 : on a lancé la monnaie unique avant d'harmoniser les économies nationales. D'où l'ardente obligation, aujourd'hui, de procéder à l'union des marchés de capitaux. L'Allemagne vient de s'en rendre compte et met les bouchées doubles. Nous craignons tous un début de dislocation du marché unique.
Concernant les salariés, monsieur Gay, nous évoquons leur participation et leur intéressement dans le plan de relance proposé par la commission des affaires économiques.
Monsieur Duplomb, le risque auquel l'Europe est exposée découle de son élargissement : on est passé de six à vingt-huit États membres ! Cela sera très difficile à gérer. Les taux d'endettement de certains pays - l'Autriche, le Danemark, la Suède, ou encore les Pays-Bas - sont très faibles, entre 40 % et 45 % de leur PIB, alors que le nôtre sera cette année de 120 % : chaque Français supporte une dette d'environ 40 000 euros. Comment gérera-t-on une Europe à deux vitesses ? Certains États ne serrent pas assez les boulons sur les charges et ne gèrent pas assez rigoureusement leur pays.
La question est posée ; pour la réponse, il faudra attendre quelques années. Elle ne viendra en tout cas pas d'un nouveau traité.
Les pays du Nord accepteront-ils des emprunts européens visant essentiellement à rembourser les dettes contractées par les pays du Sud ?
Non, sans doute !
Le rapport du groupe de suivi est adopté par la commission des affaires européennes puis par la commission des affaires économiques.
À l'issue du débat la commission adopte la proposition de résolution européenne dans la rédaction issue de ses travaux, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Conformément au règlement du Sénat qui nous impose le respect d'un délai entre l'adoption par la commission des affaires européennes et l'adoption par la commission compétente au fond, la commission des affaires économiques examinera cette proposition de résolution européenne le mercredi 15 juillet prochain.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 55.
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
Nous examinons les amendements de séance déposés sur les articles délégués au fond à notre commission du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Ddadue).
Article 2
L'amendement n° 8 vise à supprimer l'article habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive Omnibus. Nous avons intérêt à transposer cette directive : je vous propose donc de lui donner un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
Article additionnel après l'article 4
L'amendement n° 7 rectifié vise à faire figurer dans ce texte les dispositions de la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, que le Sénat avait adoptée à l'unanimité. J'y suis donc évidemment favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7 rectifié.
Article 5 (supprimé)
Nous pourrions donner un avis favorable à l'amendement n° 10 du Gouvernement, sous réserve que soit adopté le sous-amendement n° 36, dont l'objet est de poser quelques limites au dispositif prévu par le Gouvernement et de clarifier ses dispositions.
Je rappelle qu'il est ici question de la responsabilité des entreprises dans le secteur du numérique et, notamment, des plateformes qui vendent des produits non conformes aux normes.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 36.
Article 6
L'amendement n° 9 a pour objet de rendre obligatoire, pour la DGCCRF, le fait de consigner en amont des échantillons en vue de réaliser des tests de conformité. Aujourd'hui, pour certains produits, un double test doit être réalisé par la DGCCRF lorsqu'elle vérifie leur conformité : le premier vise à détecter des malfaçons, le deuxième à infirmer ou confirmer le résultat du premier test. Afin d'éviter que le produit ne disparaisse du marché entre les deux tests, il faut que la DGCCRF puisse consigner des échantillons, si besoin, dès le début de la procédure. Revenir sur ce système souple, introduit en commission, conduirait à imposer à la DGCCRF une contrainte inutile et à limiter le nombre de premiers tests qu'elle pourrait réaliser : ce serait donc contre-productif. Je suis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
Article 7
L'amendement n° 11 du Gouvernement vise à allonger le délai de l'habilitation ; nous souhaitons plutôt le réduire : j'y suis donc défavorable.
Notre commission avait en effet décidé à l'unanimité de réduire ce délai.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
Les amendements n° 12 du Gouvernement et 3 de M. Canevet visent à rétablir une condition de chiffre d'affaires, alors que le principe devrait être de contrôler toutes les plateformes de référencement.
L'amendement n° 13 du Gouvernement vise à intégrer les dispositions du règlement européen « Platform to Business » dans les pratiques restrictives de concurrence et à définir un régime d'astreinte en cas de non-respect de l'injonction. Je suis favorable à son adoption, à la condition que le Gouvernement accepte le sous-amendement n° 34, dont l'objet est de prendre en compte le chiffre d'affaires consolidé pour le calcul de l'astreinte. Sinon, seul le chiffre d'affaires de la filiale en cause, très minime pour reprendre l'exemple des centrales de référencement ou de la filiale française d'Amazon, serait pris en compte, ce qui ôterait tout caractère dissuasif à l'action de la DGCCRF.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 34.
Article additionnel après l'article 7
L'amendement n° 4 de M. Canevet vise à interdire de pratiquer une discrimination par les prix en fonction de la taille du fournisseur. Si l'amendement appelle à ne plus discriminer négativement les petits par rapport aux plus gros, il empêcherait également toute discrimination positive. Je vous propose donc de donner un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Article 18
L'amendement n° 15 du Gouvernement vise à étendre de trois à cinq mois le délai d'habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le droit français au règlement européen 2016/1012. Nous avons pu examiner ce projet d'ordonnance et en discuter avec les partenaires professionnels. La transcription aurait dû être faite avant le 1er novembre 2018. Cela dit, après nos discussions, nous avons accepté le principe de l'allongement du délai, de manière à laisser au Gouvernement le temps de prendre les décrets d'application en même temps que les ordonnances. Je suis donc favorable à cet amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 15.
Article 19
L'amendement n° 16 du Gouvernement résulte d'une négociation que nous avons eue avec lui pour aboutir à une rédaction prenant bien en compte les dix-huit maladies vétérinaires non répertoriées à l'échelle européenne, alors qu'elles font l'objet d'un suivi important à l'échelle nationale. La rédaction retenue permet également d'éviter que l'entrée en vigueur du règlement européen ne réduise le degré de protection actuel sur certaines maladies, le règlement européen pouvant être moins disant. J'y suis donc favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16.
Article 22 quater
L'amendement n° 18 du Gouvernement a, lui aussi, fait l'objet d'une négociation portant sur les aides apportées par les collectivités territoriales à l'installation et au maintien des vétérinaires dans les zones où leur nombre diminue. En commission, nous avons permis au ministre de déterminer des zones de désertification vétérinaire et avons appelé le Gouvernement à autoriser les collectivités territoriales à attribuer des aides aux vétérinaires en élevage dans ces zones désertées. Nous ne pouvions pas le faire nous-mêmes en raison de l'article 40 de la Constitution. Le Gouvernement nous a entendus et souhaite autoriser cette faculté par le biais de cet amendement. Je suis donc favorable à cet amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 18.
Articles additionnels après l'article 25
L'amendement n° 20 nous est parvenu dans les derniers jours. Il porte sur de très nombreux sujets en matière de communications électroniques et de poste. Nous pourrions lui être favorables, à condition que soient adoptés les trois sous-amendements que je vous propose.
Le sous-amendement n° 32 vise à habiliter « en dur » l'Arcep à prendre des sanctions relatives aux services de livraison transfrontalière de colis.
Le sous-amendement n° 35 a pour objet de garantir l'information du maire en cas d'implantation d'antennes téléphoniques.
On est bien là dans l'épure de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), n'est-ce pas ?
S'ajoutent par ailleurs à la loi Élan les ordonnances qui ont été prises pendant la crise pour accélérer les autorisations de travaux. J'avoue avoir du mal à suivre comment tout cela s'articule.
On ne touche pas du tout ici à la loi Élan. L'ordonnance porte sur le code européen des communications électroniques. Ce sous-amendement vise simplement à préserver l'information du maire et les règles d'urbanisme qui correspondent à ces éléments : on ne saurait faire tout et n'importe quoi sans que le maire en soit informé ni les règles d'urbanisme respectées. Cette consolidation répond à une alerte des collectivités locales.
Le Gouvernement se propose de transcrire des dispositions européennes par ordonnance, si je comprends bien.
Tout à fait. Nous ne connaissons pas encore le contenu de cette ordonnance. Nous entendons limiter le champ d'action du Gouvernement pour que les maires et les règles d'urbanisme ne soient pas complètement évincés.
Selon lui, il était impossible de faire figurer cette demande d'habilitation, qui est relativement urgente, dans un autre texte.
J'aimerais examiner cette question avec Anne-Catherine Loisier. Il avait été question de cette ordonnance pendant le confinement, quand des mesures transitoires avaient été prises.
C'est vraiment « ceinture et bretelles » ! On s'assure que ce que nous avons déjà décidé ne pourra pas être écrasé par l'ordonnance.
Limiter ainsi le champ de l'habilitation est en effet la seule marge de manoeuvre dont nous disposions pour une ordonnance.
Il faut être vigilant pour éviter que les maires ne soient mis devant le fait accompli, sans pour autant retarder l'installation de ces infrastructures : les opérateurs n'attendent qu'un prétexte pour cela ! Le chemin est étroit...
Enfin, le sous-amendement n° 33 vise à apporter des précisions pour restreindre une habilitation trop large.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 20, sous réserve de l'adoption des sous-amendements n° 32, 35 et 33.
L'amendement n° 24 du Gouvernement vise à transposer « en dur » le volet du code européen des communications électroniques relatif au service universel des communications électroniques. J'y suis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 24.
L'amendement n° 21 du Gouvernement vise à ratifier l'ordonnance relative aux marques de produits ou de services. Cela va dans le bon sens ; j'y suis donc favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 21.
La réunion est close à 11 h 20.
Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :