Intervention de Jean Bizet

Réunion du 8 juillet 2020 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le ministre, permettez-moi de m’associer aux propos de bienvenue exprimés dans cet hémicycle pour saluer votre prise de fonctions !

Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est bien désigné par son titre : il agrège un ensemble divers de mesures. Sa cohérence ne tient guère qu’à l’adaptation de notre droit économique et financier aux évolutions législatives décidées par le législateur européen.

Initialement touffu et technique, le contenu du texte a été rendu d’autant plus complexe à appréhender par le recours à deux ajouts successifs par lettre rectificative. S’y ajoutent le report de l’examen du texte en séance en raison de la crise sanitaire, qui a rendu obsolètes certaines dispositions, et les amendements déposés tardivement par le Gouvernement pour y introduire certaines dispositions du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.

Dresser un panorama complet du texte est donc une gageure ! Nous aurons l’occasion d’examiner en détail certaines dispositions ; pour le reste, je vous renvoie à mon rapport et à celui de mon collègue Laurent Duplomb.

Dans sa version définitive, le projet de loi comporte vingt-cinq articles, dont treize ont été examinés par la commission des finances. Leur contenu se concentre sur deux domaines principaux : la réglementation douanière et le droit bancaire et financier.

Néanmoins, je m’arrêterai sur un article plus spécifique, ajouté le mois dernier par le Gouvernement. Il s’agit de l’article 24, qui porte sur la gestion des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, plus connu sous l’acronyme Feader.

Cet article apporte une modification essentielle : il corrige une incohérence de la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, ou loi Maptam, qui a confié la gestion de ces crédits aux régions jusqu’en 2020. Si la programmation financière échoit bien à la fin de l’année, l’exécution des crédits s’étend jusqu’en 2023. Il faut en tenir compte pour permettre aux régions de gérer ces fonds jusqu’au terme de leur exécution.

Cela étant, l’article en question ne se contentait pas de traiter de la programmation en cours. Il envisageait initialement la répartition des rôles entre l’État et les régions pour la programmation future, pour laquelle les négociations se poursuivent à Bruxelles.

En commission, nous avons, d’une initiative partagée et avec l’appui des régions, décidé de supprimer cette disposition. En effet, elle renvoyait à une ordonnance sans préciser les intentions réelles du Gouvernement, laissant entrevoir le spectre d’une recentralisation de la gestion des crédits. Quelle que soit notre opinion sur la répartition des rôles dans la gestion du Feader, nous considérons tous que le sujet requiert un débat.

À mon sens, nous sommes davantage face à un problème de forme que de fond. §On ne peut pas, à quelques heures d’intervalle, entendre le Premier ministre parler de décentralisation, vanter les territoires, puis défendre une forme de recentralisation en invitant le Parlement à habiliter le Gouvernement à prendre toutes les dispositions par ordonnance ! Le débat devra avoir lieu. Je sais que notre temps est contraint. Mais si l’ancien ministre de l’agriculture avait apporté les clarifications nécessaires en temps voulu, nous ne serions pas dans cette situation : il faut avoir l’honnêteté de le dire.

Monsieur le ministre, à charge pour nous, et surtout pour vous, de trouver à cette fin un véhicule législatif qui s’adaptera le moment voulu : tout l’enjeu est là.

Plus largement, le recours aux habilitations à légiférer par ordonnance constitue le principal écueil de ce projet de loi. En procédant de la sorte, vous dépossédez doublement le Parlement de sa compétence. Les sujets faisant l’objet d’une harmonisation européenne ne sauraient ensuite être introduits en droit national sans examen réel par le Parlement.

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