Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du 8 juillet 2020 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

… mais je déplore que vos collègues vous aient confié comme premier texte un projet de loi aussi peu respectueux des droits du Parlement. Au moins les prochains textes que vous pourriez défendre auront-ils l’avantage de vous sembler beaucoup plus simples…

Pourquoi toutes ces critiques ? Non seulement parce que ce recours démesuré aux ordonnances oblige le Parlement à céder à l’exécutif ses pouvoirs législatifs, ce qui fragilise le principe de la distinction des pouvoirs, mais aussi parce que cette profusion prive le Parlement, et donc nos compatriotes, de débats indispensables pour éclairer leur jugement et leur capacité à exercer le métier de citoyen.

Ainsi, je partage la critique de notre rapporteur pour avis, qui regrette vivement que l’une des ordonnances prévues constitue « un contournement du Parlement sur un sujet pourtant fondamental : celui de la protection des consommateurs ». Le Gouvernement explique ce recours à une ordonnance par les retards pris pour la rédaction des textes, mais les délais de transposition courent jusqu’au 1er juillet 2021…

Il aurait été plus opportun de soumettre au Parlement un projet de loi consacré uniquement à cette transposition. Ce débat était indispensable pour informer nos concitoyens des nouveaux droits que donne aux consommateurs la législation européenne. Plus grave : vous les privez d’une occasion – rare – de comprendre ce que peut leur apporter de concret et d’utile le Parlement européen.

Les mêmes critiques s’appliquent à la transposition de la directive dite « Omnibus », dont le Gouvernement n’a repris que quelques dispositions, qu’il nous présente en paraphrasant la directive, alors qu’il a jusqu’en novembre 2021 pour la transposer dans notre droit.

Sans entrer dans le détail, j’aimerais évoquer, avec le même esprit, plusieurs dispositions européennes relatives aux services numériques gratuits, comme les réseaux sociaux. Ce sujet aurait mérité un débat approfondi, permettant au Gouvernement d’expliciter sa doctrine en la matière. C’est une nécessité politique absolue, car je n’ai toujours pas compris la cohérence des textes et dispositions qu’il a soumis au Parlement.

Ainsi, plutôt que de nous demander de voter un texte que le Conseil constitutionnel a censuré dans sa quasi-totalité, la loi dite Avia, il aurait été préférable qu’il organisât un débat sur la transposition de cette directive, pour nous exposer enfin sa doctrine sur le statut et les obligations des opérateurs de plateforme.

La forme que vous avez adoptée pour la discussion de toutes ces dispositions ne nous permet pas de vous exprimer notre satisfaction pour certaines d’entre elles. Nous le regrettons vivement. D’autres nous semblent au contraire très pernicieuses. Je pense, par exemple, au rétablissement de la nullité des clauses interdisant les cessions de créances, qui contribue à la création d’instruments financiers toxiques participant à la spéculation financière.

Lors d’un discours dans cet hémicycle, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe nous avait déclaré avoir besoin du Parlement… Ce texte et la méthode détestable qui a présidé à son élaboration montrent tout le contraire. Nous voterons donc contre. La façon dont vous traitez le Parlement est un danger pour la démocratie !

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