Monsieur le président, monsieur le ministre – je vous souhaite la bienvenue d’autant plus fraternellement que nous sommes tous deux des Hauts-de-France –, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen cet après-midi est essentiellement technique, destiné à mettre notre droit national en conformité avec le droit européen. De nombreux sujets sont abordés : protection des consommateurs, lutte contre le dumping commercial, mise aux normes de nos règles fiscales et financières, adaptation de notre droit bancaire et financier, gestion des fonds européens, médecine vétérinaire.
Que dire de ce texte d’apparence très aride ?
Premièrement, je note un choix que nous regrettons, celui de recourir une nouvelle fois massivement aux ordonnances. Treize articles sur les vingt-cinq que compte le texte déposé au Sénat comportent des demandes d’habilitation. Je n’ignore pas la technicité de certains sujets, mais peut-on vraiment se passer d’un débat parlementaire de fond sur des projets aussi importants que l’union bancaire ou l’union des marchés de capitaux dans l’Union européenne ? De même, peut-on se passer d’un débat de fond lorsque la grande réforme de l’audiovisuel public, promise depuis des mois, refait son entrée par la petite porte à la faveur de ce texte ?
Après avoir beaucoup tardé, vous n’avez d’autre choix que de réformer par ordonnance, le délai de transposition de la directive dite SMA étant fixé au 19 septembre prochain. C’est le Parlement qui en paie le prix et doit subir les conséquences de cette mauvaise gestion calendaire. Il n’est pas acceptable de travailler ainsi !
Deuxièmement, j’observe que ce texte est une sorte de « voiture-balai » législative, permettant au Gouvernement de pallier, en urgence, d’importants retards de transposition. La Commission européenne a mis en demeure la France sur différents sujets pour non-respect des délais. Dans ce contexte, le choix de recourir aux ordonnances n’est pas le plus indiqué, étant entendu que cette procédure est souvent plus longue que le débat parlementaire régulier.
Notre rapporteur l’a rappelé : nous devons être prêts pour la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre de 2022. Nous comprenons les objectifs du Gouvernement qui fondent ce texte, mais nous regrettons fortement qu’il faille des menaces de sanction de la Commission européenne pour que nous respections nos obligations.
Le projet de loi comporte, sur le fond, des dispositions bienvenues pour renforcer la solidité du marché intérieur contre les pratiques anticoncurrentielles, dans une période qui a montré un fort besoin de protection et d’équité dans les échanges. Certaines dispositions vont ainsi permettre d’améliorer la transparence et l’équité pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, qu’on appelle PtoB. Il est prévu d’interdire ou de réputer déloyales certaines clauses entre un fournisseur tel qu’une PME et un acheteur de plus grande taille.
Dans la lutte contre la mondialisation dérégulée, le renforcement des sanctions contre les manquements déclaratifs sur le statut des conteneurs est bienvenu. Il y a un vrai sujet avec la Chine, notamment en ce qui concerne le contournement de droits antidumping, sur les panneaux solaires par exemple. L’Office européen de lutte antifraude a ainsi mis au jour de sérieuses irrégularités, pour un préjudice qui avoisine les 135 millions d’euros.
De la même manière, le renforcement des moyens de l’Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles était nécessaire. La transposition de la directive European Competition Network +, ou ECN +, permettra de simplifier les procédures de l’Autorité en lui octroyant un principe d’opportunité des poursuites. Elle pourra, grâce à cela, cibler ses enquêtes sur les contentieux les plus importants.
Le projet de loi renforce par ailleurs les obligations déclaratives des transporteurs de fonds et améliore les moyens de prévention contre le blanchiment de capitaux. Il ne s’agit pas simplement de préserver les intérêts financiers de l’Union ; il est aussi question de lutte contre le financement du terrorisme et du grand banditisme. Toute amélioration sur ce sujet est donc nécessaire.
Enfin, le texte renforce la surveillance des maladies animales et harmonise les normes de fabrication, de transport et d’utilisation des médicaments vétérinaires. Chacun mesurera l’importance de ces dispositions, notamment en période de crise pandémique ; cela doit nous conduire à muscler nos politiques de prévention sanitaire.
Je terminerai mon propos en abordant différents points du texte que notre groupe a souhaité améliorer grâce au travail de nos rapporteurs.
S’agissant de la réforme audiovisuelle, notre collègue Jean-Pierre Leleux, spécialiste de ces sujets et rapporteur pour avis des crédits dédiés à l’audiovisuel public, présentera un sous-amendement relatif à l’application de la directive SMA et visant à garantir qu’il n’y ait pas de déséquilibre entre les droits accordés aux plateformes. Notre groupe veut ainsi maintenir un principe d’équité entre plateformes du numérique et acteurs de l’audiovisuel français.
Concernant le volet économique, notre rapporteur a tenu à introduire en commission des mesures de soutien à l’installation des vétérinaires en zone rurale grâce à des mécanismes laissés à la main des collectivités. Cette mesure doit permettre de remédier au problème de désertification médicale tout en contribuant à l’attractivité des territoires.
Les travaux en commission ont permis de supprimer différentes demandes d’habilitation, notamment pour des sujets déjà traités dans des textes précédents, comme l’adaptation de notre pays au Brexit, ou parce que ces sujets méritent un débat plus approfondi. C’est notamment le cas de la gestion du Feader. Comme l’a rappelé Jean Bizet, il n’est pas acceptable qu’une réforme aussi importante se fasse en dehors de tout contrôle parlementaire. En effet, nous craignons – les présidents de région le craignent également – que la gestion du fonds européen ne se fasse au détriment des collectivités et au profit de l’État. Nous parlons tout de même de plusieurs milliards d’euros : cela mérite une vraie concertation !
Le groupe Les Républicains a enfin tenu à réduire plusieurs délais d’habilitation, notamment pour mieux correspondre aux exigences de transposition des textes européens. Nous ne pouvons que regretter une nouvelle fois les retards accumulés par le Gouvernement sur ce point.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera ce texte technique enrichi par le travail de ses rapporteurs. Je souhaite cependant réitérer un appel à un plus grand respect du Parlement par un moindre recours aux ordonnances, tout en invitant le Gouvernement à porter une vigilance particulière au respect des délais de transposition des directives européennes.