Intervention de Viviane Artigalas

Réunion du 8 juillet 2020 à 21h30
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Viviane ArtigalasViviane Artigalas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transposition de directives européennes dans notre droit ne peut être prise à la légère malgré sa grande technicité. Elle demande une attention particulière de la part du Parlement. Or, en la matière, je ne peux que rappeler, comme l’ont déjà fait mes collègues, les conditions de travail qui ont présidé à l’examen de ce texte.

Ce projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 12 février dernier, alors qu’il devenait urgent pour la France, qui assurera à partir du 1er janvier 2022 la présidence de l’Union européenne, de n’afficher aucun déficit de transposition. Malheureusement, son examen intervient dans un contexte particulièrement tendu d’après covid-19. On peut donc regretter de devoir une fois de plus travailler dans l’urgence et par le biais d’habilitations à légiférer par ordonnance sur des sujets qui constituent des enjeux politiques complexes nécessitant l’avis du Parlement, alors que ce texte aurait pu être travaillé dès l’automne 2018.

Par ailleurs, l’introduction de quatre nouveaux articles par lettre rectificative en date du 17 juin dernier, soit quelques jours avant l’examen du texte en commission, souligne une fois de plus le manque de considération du Gouvernement pour le Parlement.

Malgré ces difficultés de forme, sur le fond, ce texte apparaît comme globalement positif, car il permet la transposition de nombreuses dispositions très attendues.

Les dispositions relatives à la protection des consommateurs renforcent la lutte contre les mauvaises pratiques de commerce en ligne, notamment face aux sites frauduleux, et rendent obligatoire la garantie de conformité pour les biens et données numériques. Elles obligent également les plateformes numériques à répondre à un certain nombre d’exigences en matière de transparence et de loyauté.

Quatre directives – contre les pratiques commerciales déloyales, relatives aux droits des consommateurs, aux clauses abusives dans les contrats ou encore à l’indication des prix – imposent de nouvelles règles d’information et d’encadrement des pratiques.

Les dispositions relatives à la lutte contre le blocage géographique injustifié au sein du marché intérieur et, surtout, sur le territoire national étaient particulièrement souhaitables. En effet, il était anormal que persistent certaines pratiques discriminatoires envers les consommateurs, en raison par exemple de leur lieu de résidence.

Concrètement, ces directives empêcheront que des utilisateurs voient leur accès à un site internet ou à une application développés dans un autre État membre limité pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu de connexion de l’ordinateur. Ces dispositions restent importantes pour nos concitoyens, en particulier pour ceux des outre-mer.

Pour autant, les États membres ne sauraient faire l’économie d’un véritable plan de régulation du numérique qui garantira la liberté de choix des internautes et les protégera en tant que citoyens et consommateurs, notamment face à la montée en puissance des Gafam et de leur équivalent chinois. C’était tout le sens des travaux rendus par la commission d’enquête sénatoriale sur la souveraineté numérique, qui préconisait de définir une véritable loi d’orientation et de suivi et d’user des leviers du multilatéralisme pour encourager les innovations au niveau européen.

Les dispositions relatives à la zootechnie et à la santé animale appellent peu de commentaires, tant il est vrai que les États disposent de peu de marge de manœuvre pour transposer ces règlements hypertechniques. À ce stade, nous savons fort peu de choses et nous ignorons les intentions du Gouvernement sur le fond. Nous estimons donc que le projet de loi de ratification nécessitera une vigilance accrue du Parlement.

Enfin, je tiens à saluer la décision de la commission des finances, qui a adopté les amendements concordants du rapporteur et du groupe socialiste visant à supprimer l’article 23 relatif au Brexit et la moitié de l’article 24 relatif à la répartition future des compétences entre l’État et les régions sur la gestion du Feader.

Dans ce cas précis, il est totalement anormal que le Gouvernement utilise un projet de loi de transposition pour aborder la question des compétences des régions sans aucun débat ni consultation préalable. Est-ce par le biais d’ordonnances que l’État entend traiter un sujet aussi sensible que celui de la décentralisation ?

Contrairement aux conclusions de l’étude d’impact du projet de loi, certaines régions, comme l’Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine, s’opposent à la volonté du Gouvernement de retirer totalement aux régions la responsabilité des mesures surfaciques – ICHN, soutien à l’agriculture biologique et mesures agroenvironnementales et climatiques liées à la surface. Il est donc faux de dire que les principaux acteurs concernés y sont favorables.

J’ose espérer, monsieur le ministre, qu’un sujet aussi crucial pour l’équilibre de nos territoires fera l’objet d’un véritable débat parlementaire, et non d’un examen au détour d’un projet de loi dont l’objet en reste assez éloigné.

En tout état de cause et malgré les difficultés que j’ai soulignées, nous voterons ce projet de loi.

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