Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 8 juillet 2020 à 21h30
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Cependant, plusieurs facteurs incitent à envisager les présentes transpositions.

Tout d’abord, il y a la nécessité de respecter les délais de transposition. La directive SMA doit être transposée d’ici au 19 septembre prochain – pour les deux autres directives, le délai est un peu plus tardif, mais encore faut-il trouver un véhicule législatif dans un calendrier déjà très chargé. L’adoption de ces dispositions par le Sénat permettrait leur promulgation fin juillet.

Ensuite, comme je l’ai expliqué, ces directives contribuent à réaffirmer notre souveraineté culturelle à l’ère numérique, à permettre la rémunération de nos auteurs et à faire participer les acteurs étrangers au financement de notre création. Or les acteurs français de l’audiovisuel et de la création ont d’autant plus besoin d’aide que les circuits de financement ont été gravement fragilisés par la crise sanitaire – je pense notamment à la chute des recettes publicitaires – alors que les plateformes, au contraire, ont pu augmenter leur chiffre d’affaires.

Enfin, la France, qui a toujours été pionnière sur ces sujets, serait le premier pays européen à assurer la transposition des directives, permettant aux autres pays de reprendre tout ou partie de sa rédaction. Encore faut-il se garder d’une transcription trop rapide qui ne respecterait pas l’équilibre recherché par le projet de loi Audiovisuel entre les plateformes, d’une part, et les acteurs nationaux, d’autre part.

Lors des auditions menées par le groupe de travail Médias audiovisuels au sein de notre commission de la culture, nous avons pu constater la déception des chaînes françaises face à la méthode retenue par le Gouvernement. En effet, la directive SMA intègre les plateformes dans le système de financement de la création française, mais il ne faut pas oublier que cette mesure devait avoir pour corollaire l’assouplissement des obligations pour les acteurs historiques. Or si le calendrier de la transcription de la directive est maintenant accéléré, votre prédécesseur, madame la ministre, avait renvoyé à une date ultérieure indéterminée les aménagements pour ces acteurs traditionnels.

Les éditeurs de programmes nous ont fait part de leurs inquiétudes, car les nouvelles productions locales, financées par les plateformes, auront pour effet paradoxal de renforcer leur attractivité, avec des productions premium sur lesquelles elles auront des droits élargis.

Si la directive SMA est une bonne nouvelle pour les producteurs, elle risque d’accroître l’écart entre les nouveaux acteurs et les anciens, qui restent soumis à un écosystème réglementaire exigeant. Aussi nous paraît-il essentiel d’affirmer le principe d’équité dans la réglementation appliquée aux différents acteurs afin d’assurer, à l’avenir, des conditions de concurrence plus justes. Je présenterai en ce sens un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement relatif à la directive SMA afin d’introduire dans le texte ce principe d’équité.

Madame la ministre, monsieur le ministre, nous avons conduit dans un temps réduit un dialogue constructif avec vos services sur cette idée d’équité – je salue la qualité de nos échanges. L’introduction du principe d’équité constitue un symbole politique fort, puisqu’il signifie que le Gouvernement devra veiller à rétablir des conditions de concurrence plus justes entre les acteurs historiques, dont les obligations ont été définies il y a plus de trente ans dans un univers fermé sans concurrence internationale. Ce principe aura également une portée juridique, puisqu’il s’imposera en particulier au pouvoir réglementaire et devra donc s’appliquer dans les mois à venir.

L’adoption par notre groupe de dispositions transposant cette directive sera conditionnée à l’adoption de ce sous-amendement issu des travaux de notre groupe de travail. Ce n’est pas seulement l’avenir de l’économie du secteur, mais également celui de l’exception culturelle française qu’il s’agit ainsi de préserver.

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