Intervention de Marie Mercier

Réunion du 21 juillet 2020 à 14h30
Protection des victimes de violences conjugales — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Marie MercierMarie Mercier :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner cette après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie le 9 juillet dernier pour élaborer un texte sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales.

Sur ce sujet majeur, qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens, il aurait été difficilement concevable que nous ne parvenions pas à dégager un compromis. À mes yeux, il était indispensable que la représentation nationale affiche son unité au moment d’affirmer sa volonté de mieux protéger les femmes – ce sont le plus souvent elles qui sont en cause – et les mineurs victimes de violences.

Peu de désaccords subsistaient après l’examen du texte au Sénat.

Je commence par le volet pénal. La commission mixte paritaire a retenu les rédactions que nous avions adoptées sur la possibilité de déroger au secret médical et sur la saisie des armes.

Un compromis a été trouvé sur la délicate question de l’inscription, dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais), des personnes mises en examen. Cette inscription est aujourd’hui possible sur décision du juge d’instruction, mais elle est en pratique assez rarement effectuée.

Nous avions souhaité la favoriser en décidant qu’elle serait automatique, sauf décision contraire du magistrat. Cela a pu légitimement susciter des réserves au regard du principe de la présomption d’innocence. Nous avons trouvé, je crois, une solution d’équilibre en réservant l’inscription automatique aux affaires criminelles, c’est-à-dire aux infractions les plus graves, pour lesquelles il paraît justifié de faire primer le principe de précaution.

La commission mixte paritaire a ensuite supprimé un article additionnel, adopté contre l’avis de la commission, qui tendait à interdire les mains courantes, considérant que cette disposition était redondante avec celles qui figurent déjà dans le code de procédure pénale. Ce sont les pratiques qu’il faut faire évoluer sur le terrain. Des progrès ont été accomplis. J’espère que le nouveau gouvernement aura à cœur de continuer à mobiliser les forces de police et de gendarmerie sur le recueil de la parole des victimes et sur leur accompagnement au cours de la procédure.

La commission mixte paritaire a maintenu la circonstance aggravante que nous avions introduite pour le délit d’envoi réitéré de messages malveillants, sous réserve d’une modification rédactionnelle. Elle a précisé les conditions dans lesquelles certaines peines complémentaires d’interdiction de paraître ou de contact pourraient continuer à s’appliquer lorsque le condamné est incarcéré.

Certains conjoints violents parviennent à maintenir leur emprise depuis leur lieu de détention. Il est donc nécessaire de prévoir dans certaines circonstances que l’agresseur ne pourra pas entretenir de relation avec la victime.

J’en viens au volet civil. La commission mixte paritaire est d’abord revenue sur la question de la procédure applicable lorsqu’une femme victime de violences conjugales demande au juge aux affaires familiales de lui délivrer une ordonnance de protection.

Le 27 mai dernier, le Gouvernement avait promulgué un décret donnant à la victime un délai de seulement vingt-quatre heures à compter de l’ordonnance fixant la date de l’audience pour remettre au greffe l’acte permettant d’établir que cette date avait bien été signifiée au conjoint violent, le non-respect de ce délai entraînant la caducité de la demande.

Nous avions donc jugé ce délai de vingt-quatre heures extrêmement difficile à tenir. Il risquait de faire obstacle à la délivrance des ordonnances de protection, alors que nous avions souhaité encourager le recours à cette procédure au moment du vote de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, ou loi Pradié.

Ce constat nous avait conduits à adopter en séance un amendement présenté par nos collègues du groupe socialiste tendant à confier au ministère public et aux forces de l’ordre la charge de signifier au défendeur la date de l’audience.

Fort heureusement, le Gouvernement a depuis lors modifié le décret litigieux, après avoir entendu l’ensemble des parties prenantes, notamment les associations de défense des femmes victimes de violences.

Le nouveau décret, publié le 3 juillet, nous a paru acceptable. Il prévoit désormais que la signification est à la charge du ministère public si la victime n’est pas assistée par un avocat. Il porte le délai de vingt-quatre heures à quarante-huit heures et supprime la disposition qui entraînait la caducité automatique de la demande en cas de dépassement de ce délai. Enfin, il revoit les conditions de versement de l’aide juridictionnelle pour couvrir les frais d’huissier.

En conséquence, la commission mixte paritaire a estimé qu’il n’était plus nécessaire de conserver l’article additionnel que nous avions adopté, son objectif étant désormais atteint.

Toujours à propos de l’ordonnance de protection, la commission mixte paritaire a retenu, dans la rédaction du Sénat, l’article que nous avions adopté pour autoriser le juge aux affaires familiales à prononcer une interdiction de rapprochement. Elle a complété une autre disposition pour préciser que si l’ensemble des ordonnances sont notifiées au procureur de la République, les situations dans lesquelles un mineur est en danger doivent faire l’objet d’un signalement spécifique.

Sur la décharge de l’obligation alimentaire, visée à l’article 6, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction du Sénat. Sur l’article 6 bis, relatif à l’indignité successorale, elle a précisé le périmètre de la mesure sans remettre en cause l’essentiel de nos apports.

Une disposition autorise la victime de violences à résilier plus rapidement son bail. Sur proposition de la rapporteure de l’Assemblée nationale, nous avons décidé de subordonner son application à l’engagement de poursuites, à des mesures de substitution aux poursuites, à une condamnation ou à la délivrance d’une ordonnance de protection, de préférence au simple dépôt d’une plainte, qui aurait pu donner lieu à des abus.

En ce qui concerne l’aide juridictionnelle, nous avons abouti à une solution de compromis, qui préserve les éléments positifs du système actuel, notamment le fait de permettre au bureau d’aide juridictionnelle ou à la juridiction elle-même d’accorder en urgence une aide lorsque cela lui paraît opportun, tout en autorisant le Gouvernement à fixer par décret une liste de contentieux pour lesquels l’aide sera accordée automatiquement mais à titre provisoire. Nous avons fait du « en même temps » !

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