Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez porte sur un sujet très sensible. À travers elle, on s’efforce de répondre à la problématique des personnes condamnées pour des actes de terrorisme, dont certains présentent toujours une situation de dangerosité en fin de peine. Sur ces questions, monsieur le président de la commission, comme vous le savez, j’ai évolué.
Permettez-moi d’abord de rappeler quelques données factuelles. En France, 260 personnes sont actuellement détenues après une condamnation pour une infraction terroriste en lien avec la mouvance islamiste. Certaines d’entre elles purgent des peines correctionnelles de plusieurs années – principalement entre sept et dix ans – qui ont été prononcées, pour beaucoup d’entre elles, après 2012.
Outre ces détenus condamnés, 252 personnes sont en détention provisoire après avoir été mises en examen pour des actes de terrorisme. Elles seront jugées dans les mois ou années à venir : 49 procès terroristes se dérouleront d’ici à 2021.
Parmi les condamnés, 31 seront libérés en 2020, 62 en 2021 et 50 en 2022, après avoir exécuté leur peine.
Les lois du 3 juin et du 21 juillet 2016 ont supprimé les crédits de réduction de peine pour les terroristes et restreint leur accès à la libération conditionnelle, mais ces dispositions ont sans doute repoussé la difficulté, voire l’ont renforcée, puisque ces mêmes détenus vont prochainement quitter la détention en « sortie sèche », selon l’expression convenue.
Je souhaitais faire ce bref rappel, car il résume le défi qui est le nôtre : apporter une réponse pénale au terrorisme.
Bâti depuis 1986, notre dispositif judiciaire de réponse à la menace terroriste est équilibré. Il repose sur un dispositif centralisé avec des aménagements procéduraux. Ce cadre a encore été complété l’an dernier avec la création d’un parquet autonome spécialisé, le parquet national antiterroriste (PNAT).
Dans son œuvre normative, le législateur a toujours cherché à articuler la spécificité qu’impose une criminalité complexe, dont la finalité est l’effondrement de notre modèle sociétal et de nos valeurs démocratiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en ayant à l’esprit cet impérieux besoin d’équilibre que vous devrez aborder ces débats.
Un travail important est réalisé dans nos établissements pénitentiaires afin de prévenir la radicalisation des détenus et de freiner tout prosélytisme délétère. Plusieurs rapports en ont rendu compte. Je pense au rapport d’information des députés Diard et Poulliat sur les services publics face à la radicalisation, qui comprend des propositions destinées à renforcer le suivi des personnes radicalisées, comme au rapport de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté sur la prise en charge pénitentiaire des personnes radicalisées et le respect des droits fondamentaux.
La remise en liberté de détenus condamnés, potentiellement toujours radicalisés en dépit du travail réalisé, appelle cependant une réponse.
Nous devons tout mettre en œuvre pour garantir la sûreté de nos concitoyens. Cette majorité s’y est déjà attachée. Ainsi, le dispositif de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, a ouvert la possibilité de soumettre ces personnes à une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas). Cependant, limitée à un an, la durée de ces mesures administratives peut paraître aujourd’hui insuffisante.
Pour autant, soumettre des personnes ayant purgé leur peine à un nouveau régime judiciaire restrictif de liberté appelle à la vigilance.