Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte a pour objet d’appliquer un certain nombre de contraintes, appelées « mesures de sûreté », à des personnes qui viennent de purger des peines privatives de liberté pour des actes de terrorisme et qui présentent une dangerosité particulière à l’issue de l’exécution de leur peine. Cette dangerosité est définie comme un risque de récidive, adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes terroristes.
Ces mesures de contrainte seraient imposées par la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris. Initialement, il était prévu de confier cette tâche au tribunal d’application des peines. Cependant, à la suite de remarques du Conseil d’État, pour éviter la confusion avec les peines, ce choix a été modifié pour se calquer au maximum sur la rétention de sûreté, qui s’applique en particulier aux délinquants sexuels, alors même que la manière d’évaluer les risques n’a rien à voir. C’est pourquoi nous craignons que cela n’entraîne beaucoup de confusion.
La rapporteure a essayé d’améliorer un texte qui a fait l’objet d’un avis long et plus que mitigé du Conseil d’État. Elle a tenté de se faufiler entre nos engagements constitutionnels et conventionnels, et d’éviter que ces mesures de sûreté ne se confondent avec une nouvelle peine.
Faut-il vraiment aller dans ce sens ? La question se pose avec une acuité particulière depuis qu’à l’été 2016 le Parlement a voté l’impossibilité d’aménager les peines pour certains condamnés pour terrorisme, ce qui entraîne obligatoirement des sorties sèches, non préparées et potentiellement dangereuses.
Mes chers collègues, le rôle de la justice pénale est d’établir des faits et de prononcer des peines. Si, demain, nous attendons d’elle qu’elle se prononce non plus sur des actes, mais sur le risque que représente une personne, elle n’est plus la justice : elle deviendrait une sorte d’organisation de la société déresponsabilisant les gens, où la culpabilité s’estomperait devant la dangerosité.
Acceptons-nous cette évolution ? Acceptons-nous une peine après la peine, alors que les personnes visées n’ont pas vu ces mesures de contrainte prononcées par le tribunal qui a statué sur leur peine ? Bien entendu, le problème est réel, mais, face à 52 détenus sortant après exécution de la peine en 2020, 62 en 2021 et 50 en 2022, faut-il un nouveau texte de loi…