Intervention de Yvon Collin

Réunion du 21 juillet 2020 à 14h30
Mesures de sûreté contre les auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine — Discussion générale

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Sur la rétention de sûreté, on se souvient également de l’argument des pénalistes : créer une « peine après la peine » risque d’affaiblir le sens de la peine.

En 2005, le groupe RDSE s’était pourtant prononcé en faveur de la rétention de sûreté, considérant qu’il s’agissait d’un pis-aller, faute de moyens adaptés à la prise en charge de personnes psychiquement dangereuses. De la même manière, il est aujourd’hui en majorité favorable à ce texte, afin de protéger la population faute d’autres moyens.

Monsieur le garde des sceaux, nos deux réserves concernent, d’une part, la durée des mesures de sûreté initiales susceptibles d’être ordonnées, afin de trouver un meilleur équilibre entre prévention de la récidive et préservation des libertés, d’autre part, la définition de la particulière dangerosité, qui ne convient pas aux magistrats qui seront chargés d’appliquer ce texte. En effet, un grand nombre d’entre eux restent par essence opposés au maintien d’une forme de contrainte à l’issue de la peine. Nous partageons leurs inquiétudes face à la multiplication tous azimuts des instruments judiciaires et administratifs de lutte contre le terrorisme, dans un contexte de moyens de fonctionnements dégradés pour la justice. Les modifications intervenues en commission des lois sur l’initiative de Mme la rapporteure – et il faut l’en remercier – permettent déjà quelques clarifications entre les différents régimes.

Toutes les modifications introduites depuis 2015 ne doivent pas nous laisser croire à la possibilité d’un « risque zéro ». De ce point de vue, le cas des personnes radicalisées en prison, mais non condamnées pour des actes de terrorisme, ne constitue-t-il pas un trou dans la raquette ? Faut-il rappeler que celles-ci ne pourront pas se voir appliquer les mesures de sûreté prévues par cette proposition de loi ?

Toutefois, notre position générale a été confortée par le fait que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est entre-temps venue préciser le cadre de conventionnalité des mesures de sûreté susceptibles d’être ainsi prises. Le 4 décembre 2018, elle a ainsi validé le placement en détention d’un individu condamné pour meurtre à caractère sexuel, en raison de la nécessité et dans l’optique de traiter le trouble mental.

Monsieur le garde des sceaux, comment étendre cette jurisprudence appliquée aux personnes atteintes de troubles psychiatriques aux personnes adhérant à une idéologie terroriste ? Je pose la question. Il faudrait pour cela comprendre le phénomène de radicalisation, qui reste aujourd’hui très opaque. Nous ne disposons en réalité que de peu d’informations sur les profils des personnes concernées. Les investigations conduites après 2015 ont ainsi mis au jour la perméabilité des milieux du crime en bande organisée et du terrorisme, auxquels s’ajoutent quelques illuminés et quelques déséquilibrés.

De ces trois catégories, les « idéologues » du terrorisme sont sans doute les plus imprévisibles et les plus difficiles à combattre sur le terrain du droit. Face à eux, l’arme la plus puissante reste peut-être d’approfondir toujours davantage notre démocratie et de faire de la justice sociale une réalité, tout en rappelant que, dans notre pays, les individus sont jugés selon les règles de l’État de droit, c’est-à-dire établies par eux et pour eux.

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