Le dépôt de la présente proposition de loi est donc bien dû à une réalité alarmante et vise à faire face à un enjeu clair : apporter une réponse à un manque.
Les lacunes ont déjà été mentionnées, je ne m’y attarderai pas. Elles tiennent notamment à l’inapplicabilité du suivi socio-judiciaire aux personnes condamnées pour des faits commis avant 2016. Elles tiennent également à l’inadéquation de la surveillance judiciaire, les personnes condamnées pour des actes terroristes ayant été exclues en 2016 des dispositifs de réduction de peine dans le cadre de laquelle s’applique cette surveillance.
D’un point de vue administratif, les mesures individuelles de contrôle et de surveillance paraissent pour leur part insuffisantes parce que leur durée est limitée à douze mois et parce qu’elles n’offrent pas d’accompagnement à la réinsertion.
Pour ce qui concerne la réinsertion, le travail a été fait. Il s’agit là d’ailleurs d’un volet essentiel du texte. Quant à la durée des mesures, une prorogation est tentante, mais une période de vingt-quatre mois pourrait poser un problème de constitutionnalité.
La présente proposition de loi permet donc de répondre utilement à ce vide paradoxal et préoccupant.
À l’article 1er est créée une nouvelle mesure de sûreté, qui donne la faculté au juge, dans le respect du contradictoire, d’imposer des obligations en matière de surveillance et de suivi aux condamnés pour terrorisme présentant, à l’issue de leur peine, une particulière dangerosité.
Ce texte renforce utilement, dans son article 2 adopté conforme par notre commission des lois, la mise en œuvre du suivi socio-judiciaire en visant l’automaticité du prononcé de ce dernier.
Il prévoit enfin, après l’adoption d’amendements en ce sens par la commission, l’inscription bienvenue de certaines obligations résultant de la mesure de sûreté au fichier des personnes recherchées, ainsi que l’application du dispositif dans les territoires ultramarins.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le présent texte, cela a été dit, nous place effectivement sur une ligne de crête en matière de libertés publiques.
L’utilité du dispositif ne saurait éluder la nécessité de s’assurer du respect des principes fondamentaux de notre droit, notamment en matière pénale.
Certains sur ces travées ont exprimé la crainte que les obligations de la mesure de sûreté ne se révèlent être des peines après la peine, contrevenant par là même au principe du non bis in idem.
Non seulement le Conseil d’État affirme, dans son avis, que les mesures visées par la proposition de loi « ont exclusivement la nature de mesures de sûreté », non seulement le Conseil constitutionnel n’exclut pas, par principe, la possibilité pour le législateur de créer des mesures de sûreté, mais les rapporteures à l’Assemblée nationale et au Sénat se sont justement employées à renforcer les garanties du dispositif et sa nécessaire rigueur.
Je pense aux modifications, introduites à l’Assemblée nationale, par exemple sur la réduction de la durée maximale globale de la mesure de sûreté, à la suite des observations du Conseil d’État. Ces modifications, que notre commission a conservées, renforcent l’assise juridique du dispositif.
Je pense également aux garanties introduites en matière de placement sous surveillance électronique mobile, à savoir le consentement de la personne et la réduction de la fréquence de l’obligation de pointage.
Pour la majorité à l’Assemblée nationale, l’enjeu était bien – nous aurons l’occasion d’y revenir lors des débats entre les deux chambres – de concilier le caractère opérationnel avec la sécurité juridique du dispositif.
Notre rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio, que je salue pour son travail, a également procédé à des clarifications bienvenues sur l’articulation de la mesure de sûreté instituée avec les autres dispositifs de suivi et de surveillance en vigueur. Elle nous a indiqué vouloir veiller à l’indispensable proportionnalité de la mesure de sûreté et à sa constitutionnalité. Nous y reviendrons certainement.
Finalement, et les éléments que je viens de mentionner l’illustrent bien, un double objectif a guidé les travaux des deux assemblées : l’opérationnalité et la constitutionnalité de la mesure de sûreté instituée. Ces points continueront, je le pense, à éclairer les échanges entre les deux chambres jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire, qui, je l’espère, sera conclusive, afin de répondre à l’enjeu de protection de la société, dans le respect de notre État de droit.
Bien évidemment, le groupe La République En Marche votera ce texte.