Aujourd’hui, en évoquant avec force la récidive probable, n’envoie-t-on pas aux condamnés qui ont purgé leur peine le signal qu’ils seront suspectés à vie et, en quelque sorte, rejetés de la République ?
Il faudrait réaliser une vaste étude sur les risques réels de récidive des personnes condamnées pour actes de terrorisme en France. La Belgique en a effectué une, qui a été publiée cette année : elle révèle que le taux de récidive de ces détenus est très faible comparé à celui des détenus dits « classiques », ces taux s’établissant respectivement à 3 % et 50 %.
Aussi, dans la mesure où la spécificité des crimes et délits terroristes reste à démontrer en termes de passage à l’acte et de réitération, n’aurait-il pas été plus efficace de maintenir ces condamnés dans le droit commun et de leur permettre d’accéder aux aménagements de peine ? Comprenons-nous bien : je parle d’aménagements préparés, adaptés à leur personnalité et individualisés, sachant que tout manquement pourrait être rapidement repéré ou sanctionné. De tels aménagements ne seraient-ils pas plus à même de prévenir la récidive que des mesures de pur contrôle et de stigmatisation ? Je m’interroge.
En outre, nous pensons que cette proposition de loi révèle l’échec du temps pénitentiaire et qu’elle ne répond pas aux véritables et nombreuses questions qui se posent.
Autant que faire se peut, comment prévenir les actes de terrorisme ? De quels moyens doivent disposer nos services de renseignement, par exemple ?
Comment réinsérer dans notre société des individus condamnés pour de tels faits ? Ce n’est sûrement pas en les obligeant pendant plusieurs années à se rendre jusqu’à trois fois par semaine dans un commissariat pour justifier leur présence, obstacle évident à la reprise d’une vie active et socialisante. C’est pourtant l’une des obligations que tend à mettre en œuvre cette proposition de loi, obligation dont nous proposerons la suppression.
Quels moyens sont octroyés aux services pénitentiaires pour assurer le suivi des personnes condamnées ? Quelles sont les modalités de ce suivi ?
De nombreux rapports ont été faits sur la question du traitement de la radicalisation, notamment sur l’initiative de parlementaires. Chaque fois, ils ont retenu l’attention de la Chancellerie, mais jamais – jamais ! – aucune recommandation ne s’est traduite par la mise en œuvre de mesures idoines. Cette fois encore, aucune recommandation n’est reprise dans cette proposition de loi. Je pose la question : pourquoi ?
Monsieur le garde des sceaux, lors de la première séance de questions d’actualité à laquelle vous assistiez dans nos murs, vous évoquiez la difficile préservation de l’équilibre entre liberté et sûreté dans le cadre des mesures postpénales. Selon vous, les mesures qui nous sont aujourd’hui proposées permettront-elles de parvenir à un équilibre satisfaisant ?
« La punition n’a jamais constitué un moyen de dissuasion et n’apporte qu’un mince réconfort à une victime déjà morte » explique l’un des personnages dans l’introduction de Minority report de Philip K. Dick.
De la fiction à la réalité, le pas est presque franchi avec les dispositions que prévoit ce texte.