Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 21 juillet 2020 à 14h30
Mesures de sûreté contre les auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine — Discussion générale

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

C’est pourquoi, dans ce contexte si particulier, et au regard des efforts que nous déployons dans la lutte contre le terrorisme, nous ne pouvons courir le risque de remettre en circulation dans des conditions trop souples des personnes condamnées pour terrorisme.

Pour autant, et je crois que c’est le souci de tous dans cette enceinte, chacun a droit à une justice équitable. Vous avez été, monsieur le ministre, l’incarnation forte des droits de la défense. Chaque condamné a aussi le droit de pouvoir tourner la page une fois payée sa dette à la société.

Mais ces personnes sont-elles des criminels ordinaires au sens où elles n’agissent pas pour leur compte personnel ou par appât du gain ? La cause qui les anime les dépasse et revêt pour les islamistes un caractère quasi sacré et, hors le cas des esprits fragiles ou des individus influençables, ces personnes sont aussi – je le pense – habitées par une forme de haine de la France.

Par conséquent, la condamnation puis l’incarcération dans un dossier terroriste amènent rarement le condamné à faire amende honorable. Cela explique en partie l’échec des politiques de déradicalisation et le fait que des profils déjà défavorablement connus des services se retrouvent régulièrement dans de nouvelles affaires.

D’ailleurs, même lors de la détention, dans cet « incubateur » qu’est devenue la prison, leurs comportements sont parfois agressifs, voire ultraviolents, à l’égard du personnel pénitentiaire et prosélytes à l’endroit des autres détenus, ce qui augure mal de l’avenir.

Aujourd’hui, le nombre de personnes prévenues et condamnées qui sont détenues en France pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste s’élève à plusieurs centaines. Ceux qui sortiront – le moment venu – les derniers seront les plus endurcis. S’y ajoutent des centaines de détenus de droit commun signalés comme radicalisés.

Magistrats et policiers de l’antiterrorisme s’accordent sur la dangerosité de ces futurs libérables et les insuffisances des mesures de suivi. C’est aussi le constat de la commission des lois qui évoque des outils incomplets, inadaptés ou inapplicables. L’introduction, par le biais de cette proposition de loi, d’une nouvelle mesure de sûreté est donc bienvenue, d’autant qu’elle fait écho à certains travaux du Sénat allant dans le sens du renforcement des dispositifs de suivi judiciaire des condamnés terroristes.

La commission, avec le souci de qualité du travail législatif qu’on lui connaît, a fait quelques ajustements utiles au texte proposé pour en garantir la sécurité juridique et l’opérationnalité.

Monsieur le ministre, il faut être sans faiblesse avec ces personnes qui, au-delà du seul aspect terroriste de leur action, veulent désagréger notre société de l’intérieur. Nous ne devons donc avoir ni faiblesse dans la peine prononcée ni faiblesse dans le suivi post-incarcération

Par ailleurs, quel que soit le suivi prévu, il faudra aussi veiller – cela a été souligné – à la formation des personnels et à la réalité des moyens mis à disposition. Or vous arrivez, monsieur le garde des sceaux, dans un ministère « sinistré » en termes de moyens et c’est bien, en matière terroriste comme dans d’autres domaines relevant de la justice, la question des moyens qui se pose et celle des arbitrages financiers qui seront faits dans les prochains mois, au regard d’un contexte économique dégradé et des multiples priorités du pays.

À vous, monsieur le ministre, et peut-être pouvons-nous modestement vous y aider, de peser et d’agir sur l’exécutif comme vous avez si bien su le faire dans les prétoires.

Cette proposition de loi instaurant des mesures de sûreté est bienvenue, notamment en ce qu’elle permet de poser ce débat que l’opinion publique – j’en suis convaincu – attend.

En conclusion, je veux saluer le travail effectué par la commission des lois, par son président et par sa rapporteure, et soutenir les amendements et apports du Sénat. Il s’agit d’un vrai sujet de sécurité publique. Nous sommes attendus sur cette question. Ce dispositif, tel que proposé et amendé, a trouvé le bon équilibre entre liberté et sécurité, entre nos principes constitutionnels, notre État de droit et ce droit à la protection et à la sécurité que nous devons à nos concitoyens. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi ainsi modifiée par la commission.

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