Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat est appelé ce matin à examiner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier après-midi pour élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine.
J’ai déjà insisté dans cet hémicycle, il y a seulement deux jours, sur l’utilité de ce texte. En effet, d’ici à 2022, plus de 150 terroristes sortiront de détention, alors que les pouvoirs publics ne sont pas dotés aujourd’hui des moyens juridiques suffisants pour assurer leur surveillance efficace. Il nous fallait donc agir avec célérité et efficacité : c’est l’ambition de cette proposition de loi.
En première lecture, députés et sénateurs ont travaillé dans un état d’esprit identique en vue d’un objectif commun. Cela explique que nous soyons parvenus à trouver sans difficulté un compromis sur les quelques points de divergence qui subsistaient entre nous. Sur ce sujet majeur pour la sécurité de notre pays, il était d’ailleurs essentiel que l’Assemblée nationale et le Sénat affichent leur unité, comme ils l’ont toujours fait jusqu’à présent en matière de lutte contre le terrorisme. Il me semble que le contraire aurait été difficilement concevable pour nos concitoyens.
Au terme de cette commission mixte paritaire, nous avons confirmé notre préoccupation commune d’introduire un dispositif efficace tout en restant protecteurs des libertés. L’exercice n’était pas aisé, mais je suis convaincue que nous sommes parvenus, ensemble, à un texte équilibré.
La commission mixte paritaire s’est tout d’abord accordée sur une série de garanties visant à assurer la conformité à la Constitution de la mesure de sûreté.
Parmi ces garanties, on relève en particulier la limitation du champ de la mesure aux personnes condamnées à des peines lourdes, supérieures à cinq ans d’emprisonnement, ou trois ans en cas de récidive, comme l’avait souhaité le Sénat. Il s’agit d’un élément essentiel, qui est de nature à renforcer la proportionnalité du dispositif.
S’agissant de la durée de la mesure, la commission mixte paritaire a également fait le choix de la sécurité juridique en revenant à la durée d’un an qui figurait dans la version initiale de la proposition de loi. Nous nous étions montrés favorables à une durée plus longue, de deux ans. Toutefois, les échanges que nous avons pu avoir avec les différents acteurs judiciaires ont permis de lever les craintes qui étaient apparues quant aux contraintes procédurales.
Au vu de ces éléments, la solution finalement adoptée me semble donc satisfaisante, dès lors qu’elle ne risque pas de nuire à l’applicabilité de la mesure, ce qui était ma principale préoccupation.
La commission mixte paritaire a également trouvé un compromis sur l’articulation de la mesure avec les dispositifs de suivi existants ; ce compromis garantit que la mesure ne sera prononcée que lorsqu’elle est strictement nécessaire et adaptée au suivi de ces profils.
Enfin, l’ensemble des garanties procédurales introduites au cours des travaux parlementaires afin de garantir les droits de la défense comme le droit à un recours juridictionnel effectif ont été conservées. S’agissant plus particulièrement de la modification des obligations en cours d’exécution de la mesure, une rédaction de compromis a été trouvée, qui maintient une collégialité pour les modifications importantes tout en conférant une capacité d’adaptation au juge de l’application des peines.
La commission mixte paritaire a également été guidée par le souci d’élaborer un texte opérationnel.
Elle a tout d’abord retenu la définition de la dangerosité que le Sénat avait adoptée.
En ce qui concerne le contenu de la mesure de sûreté, la commission mixte paritaire a conforté notre volonté de renforcer – c’est important – le volet d’accompagnement à la réinsertion, qui était absent du texte initial. Les obligations nouvelles introduites par le Sénat ont donc été conservées.
De la même manière, l’intervention du service pénitentiaire d’insertion et de probation a été maintenue. Il s’agit d’un apport auquel j’étais personnellement très attachée et qui est essentiel, à mes yeux, si nous voulons gérer efficacement ces profils et prévenir la récidive.
Sur ce point, je voudrais également préciser que la commission mixte paritaire a réservé la compétence du suivi des mesures au juge de l’application des peines spécialisé en matière de lutte antiterroriste plutôt qu’au juge territorialement compétent. Il s’agit d’un choix de cohérence et d’efficacité qui permettra un suivi spécialisé et adapté aux profils concernés.
Sur l’obligation de placement sous surveillance électronique mobile, la commission mixte paritaire a retenu, pour l’essentiel, la rédaction du Sénat, à laquelle elle a reconnu une plus grande opérationnalité. Elle a en revanche rétabli la possibilité d’un cumul avec une obligation de pointage par semaine. Votre amendement, monsieur le garde des sceaux, a ainsi finalement connu le succès : vous voyez, tout peut changer !