Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi avant tout de saluer le travail de notre présidente, Mme Catherine Troendlé, avec qui nous avons partagé beaucoup de moments importants et inoubliables au cours des dernières années. Je pense en particulier au groupe d’amitié France-Allemagne, que Mme Troendlé a animé avec beaucoup de diplomatie et de passion.
Les deux chambres du Parlement se sont accordées sur une version commune du présent texte. Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer que nous partageons pleinement l’objectif de cette proposition de loi, qui vise à instaurer des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Le terrorisme est une menace qu’il nous faut combattre. Nous avons néanmoins toujours quelques réserves quant aux moyens prévus pour ce faire.
La plus emblématique des mesures de sûreté dont il est question est le port du bracelet électronique, qui n’est en rien une géolocalisation. Cette mesure pourra être ordonnée seulement si la personne concernée y consent. Les autres mesures proposées figurent déjà dans d’autres dispositifs et ne nous paraissent pas suffisantes pour garantir une absence de récidive.
Le gain de sécurité pour les Français nous paraît trop mineur pour justifier le coût juridique de ces mesures. Ce texte a en effet soulevé de nombreuses critiques, notamment de la part des avocats et des magistrats. Ils dénoncent ainsi la contradiction entre ce texte et plusieurs principes juridiques fondamentaux, comme le principe non bis in idem, ou encore celui de non-rétroactivité de la loi pénale.
Dans son avis, le Conseil d’État a qualifié les dispositions envisagées de mesures de sûreté, et non de peines, même s’il reconnaît que, en raison de l’empilement des dispositifs en la matière, la frontière entre peine et mesure de sûreté n’est « pas toujours nette ».
Comme ses mesures sont seulement restrictives, et non privatives de liberté, le Conseil d’État ne voit pas d’obstacle à leur application rétroactive. Il est cependant problématique de relever, dans le même avis, que ces mesures ont vocation à remplir la fonction du suivi socio-judiciaire pour les personnes détenues pour terrorisme qui n’y auraient pas été condamnées. C’est problématique, parce que le suivi socio-judiciaire est une peine complémentaire ; comme toute peine, son application ne devrait pas être rétroactive.
Enfin, l’arsenal juridique permettant de lutter contre le terrorisme a été rendu trop complexe par un empilement de mesures éparses, comme vous l’avez indiqué, monsieur le garde des sceaux. Cette complexité nuit à l’efficacité de l’action de l’État, comme le rappelle le Conseil d’État.
Nous ne souhaitons pas ajouter aujourd’hui une nouvelle mesure exceptionnelle à un arsenal qui souffre déjà d’une trop grande complexité.
Le sujet de la lutte contre le terrorisme mérite toute notre attention et un travail approfondi. Nous souhaitons que les dispositifs existants fassent l’objet d’une évaluation et qu’ils soient, le cas échéant, harmonisés pour être rendus plus efficaces. Nous voulons également davantage de moyens matériels et humains pour la justice et pour les services d’enquête. C’est ainsi que nous pourrons combattre efficacement la menace terroriste.
Plus généralement, il faudra réfléchir, à terme, aux moyens de renforcer l’efficacité de la réinsertion des personnes condamnées. La récidive est l’un des défis les plus importants pour notre politique pénale. Nous devons nous assurer que la sanction pénale concourt à la diminution de la criminalité en permettant la réhabilitation du citoyen.
La présente proposition de loi nous semble être en contradiction avec des principes essentiels de notre droit sans pour autant apporter les solutions nécessaires à la sécurité des Français. Le groupe Les Indépendants s’abstiendra donc majoritairement.