Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 23 juillet 2020 à 14h30
Débat sur l'orientation des finances publiques

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Sept orateurs étant déjà intervenus, tout a été dit, ou presque ! Je me contenterai donc de formuler quelques observations.

Le débat sur l’orientation des finances publiques, c’est un peu une victoire de l’optimisme sur l’expérience, puisque, en réalité, comme le disait Henri VIII à son huitième mariage, les choses ne se passent jamais comme on l’avait prévu ! §Il est difficile d’orienter les finances publiques, et les lois d’orientation sont toujours très approximatives.

L’application de l’article 48 de la LOLF nous donne l’occasion, monsieur le ministre, de vous dire à quel point il est urgent de réformer cette loi qu’Alain Lambert avait portée sur les fonts baptismaux. En effet, en matière d’obsolescence, on a atteint, à mon sens, le bout du bout… Chaque fois que nous examinons les crédits d’une mission, nous sommes contraints de déshabiller Pierre pour habiller Paul et de compléter les dispositifs par des documents transversaux, pour essayer de retrouver une vision complète des choses. À cet égard, le travail entamé à l’Assemblée nationale sur ce plan devrait être poursuivi –au Sénat aussi, d’ailleurs.

En tant que rapporteur des engagements financiers de l’État, je suis évidemment très attentive au « coûte que coûte ». Je rappelle que l’on a bien failli adopter la règle d’or dans cette maison, au moment de la réforme constitutionnelle. Pour avoir voté l’amendement qui avait été présenté par Alain Lambert sous la présidence de Christian Poncelet, je ne suis même pas sûre que le vote intervenu dans cet hémicycle ait été un vote de rejet !

Quoi qu’il en soit, après un long débat, la règle d’or n’a pas été incluse dans la réforme constitutionnelle de 2008, et c’est vraiment dommage. Il serait intéressant de pouvoir y revenir, si réforme constitutionnelle il y a.

Je voudrais évoquer une question qui me tient particulièrement à cœur, celle des fraudes.

Concernant l’argent que l’Europe va pouvoir nous prêter pour l’investir, nous avons vu, à l’occasion de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative, que vous ne souhaitiez pas de mesures de contrôle a priori, pour ne pas prendre de retard. Je crois tout de même qu’il faudra y penser, notamment au regard de la fraude à la TVA, qui représente plus de 20 milliards d’euros en France et 137 milliards d’euros en Europe en 2017. La TVA, une des premières ressources de l’Union européenne, doit faire l’objet d’un contrôle. Je sais que votre ministère va déployer certains logiciels de détection précoce qui sont déjà utilisés dans plusieurs pays. C’est vraiment le moment de mettre en œuvre tous les outils d’intelligence artificielle et de data mining disponibles en matière de lutte contre la fraude à la TVA. Celle-ci, compte tenu du système en place depuis la crise sanitaire, doit en effet susciter des vocations : un fraudeur satisfait est un fraudeur qui recommence et, de ce point de vue, on n’a pas fini d’avoir des surprises ! Même si vos services ont déjà relevé plus de 1 000 infractions, le retour de l’argent fraudé dans le giron de nos finances publiques n’est pas pour demain.

Le dernier référé de la Cour des comptes, datant de novembre 2019, devait donner lieu à un débat dans cet hémicycle. Il n’a malheureusement pas pu se tenir à cause de la crise sanitaire. C’est extrêmement dommage. L’argent investi dans l’économie, dont le remboursement pèsera sur les générations futures, n’a d’efficacité réelle et sérieuse que si on lutte contre la fraude, que ce soit la fraude à la TVA ou la fraude fiscale.

Cela m’amène à évoquer la révision des conventions fiscales internationales. Un autre référé de la Cour des comptes, datant aussi de la fin de 2019, fixe comme priorité l’intérêt du contribuable. Il serait peut-être intéressant de passer en revue un certain nombre de conventions fiscales avec des pays étrangers qui, précisément, nuisent au contribuable national et au Trésor.

Je conclurai en revenant sur le rapport d’information relatif à la dette publique de Laurent Saint-Martin, le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, qui a eu l’obligeance de m’auditionner. Il serait extrêmement utile d’avoir, sous votre autorité, monsieur le ministre, et celle des présidents des commissions des finances des deux assemblées, un vrai débat sur la dette en début d’année budgétaire. Le montant de la dette française, l’identité des détenteurs de celle-ci et les marges de manœuvre dont nous disposons conditionneront évidemment tout le débat budgétaire à suivre. Jean Arthuis répétait à qui voulait bien l’entendre que le déficit annihile la liberté. Nous sommes, de ce point de vue, quelque peu menottés. Les marges de manœuvre sont vraiment faibles. Cela étant, nous sommes évidemment toujours à votre disposition pour travailler sur ces sujets hautement importants, monsieur le ministre.

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