Les fondements de l’assurance maladie sont aujourd’hui menacés, et avec eux le principe même de solidarité. Un tel bouleversement mériterait un véritable débat associant tous les Français.
Les années passent et le constat est de plus en amer : on démantèle toujours plus la sécurité sociale. Les économies sont faites sur le dos des malades et des personnes les plus fragiles. Le système est devenu inégalitaire, alors que les ressources de près de 8 millions de ménages sont inférieures au seuil de pauvreté. Il apparaît urgent de maintenir et de renforcer une sécurité sociale solidaire.
Après la mise en place des franchises médicales, la hausse du forfait hospitalier, la multiplication des dépassements d’honoraires, nous assistons aujourd’hui à une baisse du taux de remboursement des médicaments à vignette bleue, qui passe de 35 % à 30 %, ainsi qu’au relèvement du seuil de la contribution de 18 euros. Il est certain que ce sont les personnes les plus modestes qui vont le plus souffrir de ces mesures.
Le PLFSS qui nous est présenté aujourd’hui est en complet décalage avec la situation économique et sociale. Les finances sociales subissent une crise structurelle qui appelle des réformes de fond, et non de simples ajustements paramétriques pour faire face à l’ampleur du déficit.
La politique du Gouvernement entretient une certaine inertie, elle contribue à la dégradation de la situation du pays.
Il s’agit d’abord d’une dégradation sociale, par la diminution des prestations de la sécurité sociale qui est engagée.
Il s’agit ensuite d’une dégradation financière, car les déficits continuent à s’accumuler et les réponses du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des problèmes. Plus les années passent, plus la dérive s’accentue.
Encore plus regrettables sont les mesures inégalitaires et injustes concernant la branche famille contenues dans ce PLFSS. Ces mesures, destinées à réaliser des économies de bouts de chandelles, ont été largement critiquées, y compris dans les rangs de la majorité.
En effet, la politique familiale n’est pas épargnée : la date d’ouverture des droits aux aides personnelles au logement ne bénéficierait plus d’une rétroactivité de trois mois. Cette mesure frappera, encore une fois, les plus démunis, les plus modestes. Il faut savoir que l’accès au logement conditionne la réalisation des projets familiaux, ainsi que l’accès au travail et le maintien dans l’emploi. La rétroactivité des aides au logement correspondait à certaines réalités de la vie des familles, pour lesquelles la demande d’une aide au logement n’est pas forcément la première démarche à accomplir lorsqu’elles accèdent à un logement. Entre le moment où un locataire déposait sa demande et celui où il recevait une réponse, plusieurs semaines pouvaient s’écouler. Cette rétroactivité de trois mois permettait, si le locataire était déjà dans les lieux durant cette période, de rétablir ses droits.
La suppression de la rétroactivité pose problème tant pour les personnes concernées que pour les associations faisant de l’intermédiation locative. En effet, une personne en situation d’exclusion – ou le travailleur social qui l’accompagne – peut rencontrer de très grandes difficultés pour réunir, dès son entrée dans les lieux, tous les papiers nécessaires à l’ouverture des droits. Elle peut en effet avoir à rassembler des justificatifs attestant de ses ressources ou des aides qu’elle perçoit et émanant de diverses administrations, de diverses régions de France, de divers employeurs ; or obtenir ces documents peut se révéler très difficile.
De plus, certaines associations qui font de l’intermédiation locative touchent l’aide personnalisée au logement, l’APL, au titre de tiers payant, à la place des personnes qui occupent les logements. Ces associations peuvent donc prendre le risque de ne pas toucher tout de suite l’APL pour les personnes qu’elles suivent. Cependant, jusqu’à présent, elles savaient qu’elles pourraient récupérer cette aide rétroactivement. Une suppression pure et simple de cette ressource peut conduire ces associations d’intermédiation locative à connaître de graves difficultés de trésorerie. La suppression de la rétroactivité de trois mois pour l’APL est une mesure tout simplement scandaleuse, qui va de nouveau affecter fortement le budget des familles, des jeunes célibataires et des étudiants.
Une autre « mesurette » que le Gouvernement a voulu faire passer en force par le biais de ce texte, mais qui, heureusement, a été supprimée au dernier moment, est le versement de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant dans le mois qui suit la naissance, et non plus à compter du jour de celle-ci. Un tel report serait complètement absurde car il rapporterait peu financièrement et pénaliserait les plus défavorisés de nos concitoyens. Est-ce aux populations les plus pauvres de ce pays de financer la crise ? Non !
Cette allocation a pour vocation d’aider les parents à prendre en charge les coûts liés à l’entretien de l’enfant dès son arrivée au foyer, jusqu’à son troisième anniversaire. Il est cohérent que son versement intervienne au moment où la famille en a le plus besoin, c’est-à-dire dès la naissance de l’enfant. Aujourd'hui, 13 % des Français ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté, et ce sont ces familles modestes qui seront touchées, en particulier les familles monoparentales, qui ont besoin de l’APL et de la prestation d’accueil du jeune enfant. Je me réjouis que les députés aient eu le bon sens de supprimer cette mesure.
Autre choix contre-productif du Gouvernement, celui de priver la branche famille d’une fraction de la part de la CSG qui lui était attribuée afin de financer la dette sociale, alors même que la branche famille s’enfonce progressivement dans les déficits.
Un récent rapport du Haut Conseil de la famille, adopté en septembre 2010, indiquait pourtant qu’à législation et à natalité constantes, la branche famille ne pourrait revenir à l’équilibre qu’en 2017 et n’effacer ses dettes qu’en 2023. En faisant le choix de lui retirer 0, 28 % du produit de la CSG, ressource qui l’alimentait de manière pérenne, au profit de la CADES, le Gouvernement retarde de plusieurs années à la fois le remboursement de la dette sociale et le retour à l’équilibre de la branche famille. Cette perte sera compensée par des recettes non pérennes, qui vont faire perdre à la branche famille 200 millions d’euros en 2012 et plus de 1 milliard d’euros en 2013. Il s’agit là d’un véritable passage en force du Gouvernement, opéré contre l’avis même des présidents des commissions des lois et des finances de l’Assemblée nationale.
Une fois encore, on ne règle pas le problème de la dette sociale, on reporte simplement la charge de celle-ci sur la jeune génération. Pour pouvoir passer le cap fatidique de 2012, le Gouvernement n’hésite pas à compromettre le financement de la branche famille. C’est tout simplement scandaleux !
Ainsi, on inflige une double peine à nos enfants : le règlement des dettes est renvoyé aux impôts de demain et les prestations familiales sont progressivement asphyxiées. Des solutions autres que celle qui consiste à distribuer environ 40 milliards d’euros aux plus privilégiés de nos concitoyens existent pourtant ! Il faut mener de véritables réformes et adapter au plus près les prestations aux besoins des familles.
Une autre politique est aujourd’hui nécessaire, passant par exemple par la taxation des banques, la suppression du bouclier fiscal, la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, l’augmentation de la taxation des stock-options, la lutte contre les dépassements d’honoraires, la promotion des actions de prévention pour éviter les soins coûteux.
Le Gouvernement a décidé de sacrifier la branche famille en prenant des mesures inégalitaires, qui auraient pu être évitées car les sommes récupérés sont dérisoires. Il est fort regrettable que le Gouvernement, pour faire face aux déficits, choisisse non pas d’avoir recours à des politiques structurelles ou de rechercher de nouvelles ressources, mais de mettre à contribution les assurés, c’est-à-dire bien souvent les Français les plus modestes.