Nous disposons de l'ensemble des informations nécessaires pour nous faire une opinion sur ce qui s'est passé avec les masques en 2018.
L'alerte, que Geneviève Chêne qualifie de très précoce, a été donnée au mois de janvier. Un premier échange entre Santé publique France et la DGS a lieu le 3 janvier, à la suite duquel une alerte, que vous qualifiez d'assez forte, est publiée. Le mois de janvier est jalonné d'évènements qui témoignent d'une alerte.
Au cours du mois de janvier, on apprend qu'il s'agit d'un coronavirus - on connaît les coronavirus, même s'ils n'ont pas tous les mêmes caractéristiques - ; sa transmission par voie respiratoire est donc établie. Il allait falloir alors, au minimum, protéger les personnes touchées et les professionnels de santé de la chaîne de soin par la fourniture, notamment, de masques. Il a fallu des semaines et des semaines pour qu'une doctrine sur les masques en grand public s'élabore. Bien entendu, en janvier, la doctrine n'était absolument pas que chacun porte un masque ; j'en ai bien conscience.
Une fois les alertes données, on se dit que vous allez commander des masques pour reconstituer le stock insuffisant. Vous avez fourni les chiffres, que Santé publique France confirme : vous en avez commandé 1,1 million le 30 janvier, une quantité très faible. Vous en commandez à nouveau 28,4 millions huit jours plus tard, le 7 février : un niveau significatif, mais pas très élevé non plus, alors que l'épidémie se profile. Il faudra attendre le 25 février pour qu'une commande de 170 millions soit réalisée, puis les commandes vont s'enchaîner à des niveaux très élevés. Pourquoi les commandes de janvier et de début février ont-elles été si tardives et si faibles ? Pourquoi a-t-il fallu attendre la fin du mois de février pour passer une commande significative, alors que le marché mondial était déjà en grave déséquilibre, voire en situation de pénurie.
Monsieur Salomon, le 26 février au matin, vous avez participé à une table ronde au Sénat au cours de laquelle notre président Alain Milon s'est inquiété du manque de masques et de l'inflation des prix compte tenu du déséquilibre entre l'offre et la demande. Vous lui avez répondu : « Santé publique France détient des stocks stratégiques importants de masques chirurgicaux. Nous n'avons pas d'inquiétude sur ce plan. Nous ne distribuerons des masques que lorsque cela s'avérera nécessaire. Bien évidemment, nous privilégierons la distribution de masques aux malades et aux contacts dans les zones où le virus pourrait circuler. » Vous avez ajouté : « Il n'y a donc pas de pénurie à redouter ». Le 10 mars, le ministre de la santé a utilisé exactement la même expression : « Il n'y a pas de pénurie ». Or nous avons auditionné beaucoup d'acteurs de terrain et tous nous disent : il y a une pénurie ; on n'a pas eu assez ; nous n'avions pas les équipements de protection.
Le 26 février après-midi, j'ai interpellé le ministre de la santé lors des questions d'actualité au Gouvernement au sujet des professionnels de ville qui s'alarmaient de l'absence d'équipements de protection et de l'insuffisance du nombre de masques. Le ministre a été rassurant et a affirmé que des équipements de protection individuelle allaient être fournis. Or ils ne l'ont pas été. On le comprend bien en considérant l'état insuffisant du stock et le niveau des commandes des semaines précédentes !
Alors que l'alerte a été sérieuse et précoce, comment expliquer qu'il n'y ait pas eu de rapide mise en commande de masques ?
Alors que la carte d'identité du virus est diffusée vers le 10 janvier par les Chinois, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour commander des tests en nombre significatif ? Cela n'était-il pas prioritaire ? Quelle a été votre analyse ?
La création de l'Agence nationale de santé publique relevait de la volonté de doter notre pays d'une grande agence de santé publique. Le format actuel est-il abouti ou reste-t-il inachevé ? Se pose également la question de ses moyens, car projet de loi de finances après projet de loi de finances, nous nous émouvons de la réduction du nombre de postes dont est doté Santé publique France. Pour être le lieu où s'élabore notre stratégie nationale de lutte contre une épidémie, cette agence ne devrait-elle pas être dans une meilleure situation ? Ou d'autres lieux sont-ils à imaginer ?