Monsieur le président, je vous félicite de votre élection et me réjouis de présenter ce rapport sous votre présidence.
La covid-19 est la troisième grande épidémie virale depuis le début de ce siècle. Il y en aura d'autres. Par conséquent, les dispositions dont nous nous dotons actuellement doivent à la fois nous permettre d'être efficaces dans la lutte contre l'épidémie du moment et nous armer pour faire face aux défis épidémiques de l'avenir. Ainsi, le but des commissions d'enquête mises en place par l'Assemblée nationale et le Sénat n'est pas de faire le procès des autorités sanitaires : il s'agit de dégager les voies et moyens d'une organisation de la Nation en temps de paix sanitaire pour faire face à ces phénomènes épidémiques, dont on voit aujourd'hui les ravages sanitaires, mais aussi économiques et sociaux.
Au cours des derniers mois, notre pays a fait mieux que la Grande-Bretagne et les États-Unis, mais moins bien que la Corée du Sud et l'Allemagne. La marge de progrès est certaine.
Je rappelle que nous avons déjà examiné trois lois. Nous avons voté les deux premières, mais nous n'avons pas adopté la troisième. La première a défini, en mars, un régime d'état d'urgence sanitaire auquel les pouvoirs publics peuvent recourir jusqu'au 1er avril 2021. Ce régime a été prolongé en mai, dans la deuxième loi. Puis, en juillet, le Gouvernement nous a demandé d'adopter une loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire, curieuse loi qui reprenait l'ensemble des dispositions applicables en cas d'urgence sanitaire dans une version atténuée, sauf la possibilité du confinement généralisé. Nous vivons actuellement sous ce régime, qui donne au Gouvernement et aux préfets de la République des capacités d'action étendues, et qui permet en particulier de restreindre la liberté de circulation, l'accès aux établissements recevant du public et la possibilité de rassemblement.
Le Gouvernement nous saisit, avant le terme de cette loi, pour nous demander de la reconduire pendant cinq mois. Cette durée m'inspire une objection : alors que nous avons jusqu'à présent été saisis tous les deux ou trois mois de pouvoirs très étendus restreignant l'exercice des libertés individuelles, pourquoi laisserions-nous le Gouvernement libre d'adapter sa politique à l'évolution de l'épidémie pendant cinq longs mois ? Je vous proposerai de ramener ce délai à trois mois.
Au fond, la différence entre le régime de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, qui se prolongerait encore cinq mois, et le régime de l'état d'urgence sanitaire c'est que nous sommes passés d'un confinement généralisé à un isolement individualisé facultatif, grâce à la mise en place de nouveaux instruments. En mars, il n'y avait ni masques, ni tests de dépistage, ni possibilité de remonter les filières de contamination par un système d'information national débouchant sur une plateforme de l'assurance maladie pour contacter les personnes ayant été en relation prolongée avec des personnes contaminées. Tous ces dispositifs existent désormais, même s'ils fonctionnent plus ou moins bien. Par conséquent, on a pu passer d'un confinement interdisant la poursuite de la plupart des activités des forces vives de notre pays à un dispositif plus adapté à la poursuite de l'activité. Cet enjeu est devenu primordial compte tenu des difficultés économiques et sociales très importantes que nous traversons.
Je veux souligner que, malgré les inquiétudes croissantes, la situation n'est pas la même qu'en mars. La situation s'est dégradée depuis quelques semaines, mais le nombre de contaminations quotidiennes est loin de celui que nous avons connu au plus fort de la propagation de l'épidémie. Le conseil scientifique, dans une note du 22 septembre, a estimé le nombre d'infections quotidiennes à 100 000 au moment du confinement, voire plus. Ces derniers jours, c'est en moyenne une dizaine de milliers de cas de contamination qui ont été confirmés chaque jour. La dimension du phénomène est donc moindre qu'en mars.
Nous devons bien sûr continuer à appliquer des mesures de restriction. Je crois que nous ne pouvons pas nous en passer. On a réclamé que ces mesures soient territorialisées. On se plaint maintenant qu'elles ne soient pas unifiées... Il me semble qu'il vaut mieux plaindre ceux qui ont la responsabilité de la politique sanitaire que contester la qualité de leur action, malgré tous les ratés, dont nous sommes pleinement conscients.
En mars, le taux de reproduction du virus était de 3 pour 1 personne contaminée. En septembre, il s'élevait à 1,3, et il n'est plus aujourd'hui que de 1,1. Soyons donc exacts dans l'appréciation du phénomène. En mars, le nombre de personnes contaminées doublait en trois jours, contre plus de quinze jours aujourd'hui. Le doublement du nombre d'hospitalisations se fait désormais en vingt-cinq jours. Si une vigilance accrue s'impose, ces données peuvent justifier l'accord que je vous proposerai de donner à la prolongation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire - régime évidemment mal nommé, puisque c'est une sortie qui n'en finit pas... En tout état de cause, les autorités sanitaires doivent continuer à pouvoir exercer des prérogatives dérogatoires du droit commun, tout en prenant des mesures strictement proportionnées aux exigences de la situation.
Le délai de trois mois que je vous proposerai au travers de mes amendements vaudra également pour les outils numériques : il convient de ne pas laisser dans la nature des fichiers contenant des données personnelles qui seraient exploitables trop longtemps.
Nous voulons également corriger le fameux article L. 3131-1 du code de la santé publique. Cet article ancien a été beaucoup discuté, car il donne les pleins pouvoirs au ministre chargé de la santé pour prendre, par arrêté, toute mesure pour faire cesser une menace sanitaire, sans garantie et sans en préciser la nature. Des arrêtés qui restreindraient fortement les libertés publiques seraient très probablement annulés par la juridiction administrative, mais l'ambiguïté même de ces dispositions a incité le Gouvernement à passer par la loi pour décréter le confinement généralisé. Ne laissons pas subsister un article qui semble permettre une restriction exagérée de l'exercice de nos libertés.
Je vous proposerai aussi des amendements relatifs aux fichiers, afin de continuer à encadrer strictement les informations traitées.
Je vous proposerai enfin de donner votre accord à une disposition, prévue par l'Assemblée nationale, qui permet aux conseils municipaux de se tenir ailleurs qu'en mairie lorsque la salle est trop petite.