Merci pour la clarté de vos propos. Je suis séduit par une très grosse partie de votre discours.
D'abord, j'entends quelqu'un qui ne pratique pas l'agriculture tous les jours, comme moi, prendre enfin en compte le critère essentiel de l'acceptabilité économique par le monde agricole. Vous n'êtes pas dans les incantations, vous n'êtes pas dans l'obscurantisme, ce qui vous démarque de tout ce qu'on peut entendre à longueur de journée. Vous êtes, et cela me plaît, un pragmatique. Vous n'avez pas non plus le regard fixé sur le rétroviseur. L'innovation, la recherche, le progrès ont toujours fait la force du monde agricole. Nous avons connu des famines, mais nous n'en connaissons plus aujourd'hui, parce que l'agriculture a progressé, a su se rénover, être inventive. L'agroécologie, l'intelligence embarquée seront demain, j'en suis sûr, les éléments qui permettront non pas d'interdire aveuglément certains produits phytosanitaires, mais de les utiliser le moins possible, avec les quantités les plus faibles possible. Voilà l'intelligence et le pragmatisme qu'on devrait mettre en avant plutôt que d'être dans les incantations et les interdictions !
Surtout, vous êtes l'un des seuls qui ne nous parlent pas uniquement du réchauffement climatique, de l'agroécologie et du changement de modèle, mais aussi des évolutions démographiques. La population mondiale est passée de 2,5 milliards d'habitants il n'y a que 50 ans à près de 7 milliards aujourd'hui et elle risque d'atteindre plus de 10 milliards demain.
Je vois dans cette évolution un parallèle avec ce que nous avons vécu pendant des décennies, dans la parole politique, à propos de la dette. Depuis trente ans, on nous répète chaque jour, en matière de décision publique, qu'il faut travailler sur notre dette, ce qui nous a poussés à prendre des décisions qui nous ont entraînés dans des situations difficiles, en particulier sur la diminution des lits de réanimation. Et voilà qu'en quelques mois, ce discours a complètement disparu à la suite d'une chose que nous n'avions pas prévue, la pandémie de covid-19. En clair, nous avons mis 40 ans pour constituer 2 300 milliards d'euros de dettes et en cinq mois nous en ajoutons 560 milliards, sans que nul ne s'en offusque !
Ainsi, nous pouvons être amenés à regarder uniquement une partie du problème, comme le réchauffement climatique ou l'évolution du système agricole, mais si nous ne prenons pas en compte l'évolution de la population, tous les efforts que nous aurons faits pendant des années peuvent s'écrouler du jour au lendemain, parce que des migrations forcées nous imposeraient une agriculture différente de celle que nous avons souhaité mettre en place.
Je veux bien vous apporter ma confiance, monsieur Mauguin, mais je veux que vous me fassiez une promesse : que les fonctionnaires de l'Inrae respectent tous la neutralité qui leur incombe. Je vois trop dans la fonction publique des gens qui, s'exprimant au nom de l'État, alors qu'ils devraient être neutres, laissent transpirer leur vision personnelle et leurs conceptions politiques.