Les parlementaires apprécieront !
Aussi, s’il faut engager une bataille contre le temps pour permettre aux salariés privés d’emploi de redevenir actifs, ce n’est pas avec ce texte que vous engagez les hostilités.
Bien au contraire, de l’avis unanime des organisations syndicales que j’ai rencontrées, non seulement ce texte vise à stigmatiser les demandeurs d’emploi, mais il aborde le problème à l’envers : il faut d’abord définir l’offre de service proposée par la nouvelle instance !
Donc, oui, il y a urgence pour des milliers de nos concitoyennes et concitoyens à sortir de la précarité, de l’accumulation des petits boulots mal payés, du chômage dans lequel des employeurs, parfois peu scrupuleux ou malhonnêtes, les ont plongés ou que le marché de l’emploi maintient dans cette insupportable situation.
Mais rien dans votre projet de loi ne fait référence à cette réalité, dans lequel on ne tient pas compte non plus du calendrier des négociations sociales en cours. Je pense à la négociation sur la formation professionnelle, sur la pénibilité ou encore à la convention d’assurance chômage, qui doit être renégociée, les partenaires sociaux devant non pas seulement négocier les conditions d’indemnisation mais aussi les conditions de recherche d’emploi.
L’urgence ainsi déclarée ne sera donc d’aucun recours pour les demandeurs d’emploi.
Mon collègue Guy Fischer présentera dans un instant une motion tendant à opposer la question préalable, je ne m’attarderai donc pas plus sur le sujet, sauf pour relever que cette procédure d’urgence s’accompagne de la « non-intervention » parlementaire, au prétexte soit du respect d’accords interprofessionnels - je pense à l’accord national interprofessionnel, l’ANI, du 11 janvier 2008 -, soit au contraire, comme aujourd'hui, au prétexte de « non-accord » et du respect cette fois du Gouvernement et de sa prise de responsabilité ; monsieur le secrétaire d’État, vous nous l’avez rappelé tout à l’heure encore.
À quoi sert donc le Parlement ?
Mais j’en viens au projet de loi proprement dit.
L’article 1er vise à apporter une définition à l’offre raisonnable d’emploi, venue se substituer à l’offre valable d’emploi, après une annonce fracassante et médiatique du Président de la République.
Certes, cette notion non définie en droit interne devait faire l’objet d’une précision législative. Mais on ne peut que regretter votre façon de faire, dans la mesure où vous en profitez pour renforcer les obligations à l’égard des demandeurs d’emploi et renforcer votre politique de contrôle.
Cet article 1er détaille également les obligations à la charge du demandeur d’emploi : faire la preuve de sa recherche active continue et répétée d’un emploi– comme si ce n’était pas le cas jusqu’à présent –, accepter de se soumettre à une forme de dégressivité de ses droits, quitte à accepter un emploi très en deçà de ses qualifications et de ses compétences, très en deçà aussi de son ancienne rémunération, alors même qu’un rapport du Conseil économique et social sur la sécurisation des parcours professionnels, voté à la quasi-unanimité, repousse clairement cette solution !
De plus, vous envisagez de brader le « capital humain » – vous entendez bien les guillemets – en prévoyant qu’un salarié privé d’emploi inscrit depuis plus d’un an au chômage ne pourrait refuser un emploi rémunéré du montant de l’indemnisation perçue, au motif qu’un emploi sous-payé, c’est mieux que rien !
Mais mieux pour qui ? Pour le salarié ainsi embauché ? Un salarié à qui on explique que ses compétences et sa force de travail ne valent pas plus que la plus faible des allocations de substitution ? Mieux pour ce senior licencié à cinquante-cinq ans parce que trop cher, car trop « expérimenté » ?