La séance est ouverte à quinze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Par courrier en date du 24 juin 2008, le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Charles Guené, sénateur de la Haute-Marne, en mission temporaire auprès de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
Cette mission portera sur la place du vétérinaire libéral et sur son rôle dans le système français de surveillance et de gestion des risques tout au long de la filière animale.
Acte est donné de cette communication.
Monsieur le président, le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, particulièrement important et évolutif, a donné lieu, la nuit dernière, à des variations dans les prises de position sur l’ensemble, justifiées par l’adoption ou le rejet de telle ou telle mesure.
Comme je ne pouvais pas être présent la nuit dernière, on a voté pour moi, mais on m’a comptabilisé dans les votes pour, alors que je souhaitais m’abstenir, et ce à cause du maintien, tout au moins en l’état du texte, d’une disposition qui permet un traitement différencié des parlementaires, selon qu’ils appartiennent à la majorité ou non.
Je considère, pour ma part, que les parlementaires ont des droits et des devoirs identiques, quelle que soit leur appartenance politique.
Aussi, je souhaite qu’il soit acté que je m’abstiens, pour l’instant, sur ce texte.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
La parole est à M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, lors du scrutin public n° 116 sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, M. Philippe Dominati a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis s’inscrit dans ce qui constitue le cœur de l’engagement présidentiel, afin d’œuvrer, mois après mois, pour conduire notre pays vers le plein emploi. Toute notre politique est structurée autour de cette idée.
La France a un problème, l’emploi et la relation au travail. Aussi, le principal service à rendre à notre pays, au cours des cinq années du mandat présidentiel, consiste à veiller à rétablir cette relation et à le remettre sur le sentier du plein emploi.
Le combat pour le plein emploi est aussi le premier des combats pour le pouvoir d’achat. Un chômeur en moins, c’est un revenu supplémentaire pour le foyer et du pouvoir d’achat pour toute la famille.
Les résultats en la matière sont bons. Notre taux de chômage, de 7, 2 %, est au plus bas depuis vingt-cinq ans et, indicateurs tout aussi intéressants, notre taux d’emploi remonte à 65, 1 %, se rapprochant de l’objectif de 70 %, tandis que, surtout, nous avons enregistré un niveau de créations nettes d’emplois historique au cours de l’année 2007.
Ce sont de bonnes nouvelles, mais elles ne suffisent pas.
Pour atteindre le plein emploi d’ici à 2012, nous devons amplifier notre politique en la matière.
Cela passe évidemment par un effort vigoureux pour encourager la croissance et créer les emplois de demain. La loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat que vous avez votée à l’été 2007, mesdames, messieurs les sénateurs, y contribue. Le projet de loi de modernisation de l’économie, que le Sénat examinera prochainement, doit nous permettre de franchir un pas supplémentaire dans cette direction.
Reste un deuxième levier, largement aussi important, celui du fonctionnement de notre service public de l’emploi. Si créer des emplois est évidemment essentiel, encore faut-il s’assurer que ces emplois sont pourvus et que les demandeurs d’emploi sont correctement accompagnés.
Or nous vivons un paradoxe dont nous ne pouvons nous satisfaire : d’un côté, 1, 9 million de personnes sont au chômage et cherchent un emploi ; de l’autre, plusieurs centaines de milliers d’offres d’emploi – vraisemblablement 500 000 –, ne trouvent pas preneur.
Avoir ou non un service de l’emploi efficace, avoir ou non un marché du travail susceptible de répondre aux situations personnelles, voilà qui peut faire la différence dans notre capacité à avancer vers le plein emploi.
De ce point de vue, c’est tout le fonctionnement du marché du travail qu’il faut revoir, car il est trop administratif, trop lourd, trop anonyme, incapable de faire du sur-mesure.
Nous devons donc de plus en plus nous efforcer de faire du « personnalisé », avec le développement de formations adaptées, l’accompagnement efficace de chaque demandeur d’emploi en fonction de sa réalité et de son parcours personnels, la détection très précoce des personnes les plus en difficulté et, tout simplement, la modernisation de notre service public de l’emploi.
Pour cela, – vous le savez, parce que vous y avez contribué de façon déterminante –, de nombreux chantiers ont déjà été lancés.
Je les rappellerai avant que nous n’abordions plus précisément l’examen du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, car il s’agit non pas de se concentrer sur une tête d’épingle, mais bien de resituer le texte dans la politique d’ensemble que nous essayons de mener.
Tout d’abord, l’accord national interprofessionnel, intervenu le 11 janvier 2008, a permis à notre pays, grâce aux partenaires sociaux, de franchir un pas important en termes de sécurisation des parcours professionnels.
Ensuite, la loi du 13 février 2008, dont Mme Catherine Procaccia fut le rapporteur brillant que vous savez, a lancé le processus de fusion de l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, et du réseau des Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, les ASSEDIC. Avec Christine Lagarde, nous nous attachons maintenant à faire avancer ce chantier de façon concrète ; j’ai été amené à en rendre compte au Sénat.
À cet égard, notre obsession est non pas de mener une réforme administrative, mais bien de placer au cœur de notre action l’amélioration du service rendu aux usagers de ce nouveau service public de l’emploi.
Pour cela, nous avons besoin de changements concrets, dont certains sont déjà intervenus.
Je pense, par exemple, à l’accompagnement des seniors de plus de cinquante-cinq ans. Alors qu’ils ne bénéficiaient auparavant d’aucune attention particulière de la part du service public de l’emploi, ils font l’objet à l’heure actuelle d’un suivi personnalisé par un conseiller tout au long de leur recherche, et ce dès le premier jour. Car, on le sait bien, un demandeur qui coche en haut à droite du formulaire la case « plus de cinquante-cinq ans », n’a rien à voir avec un demandeur de quarante ans. Il faut que nous prenions en compte cette logique pour être plus réactifs.
Enfin, la réforme de la formation professionnelle est également en marche et les négociations sont en cours. Nous nous appuierons d’ailleurs largement sur le travail et les suggestions du Sénat à cet égard.
Si l’on prend un peu de champ pour définir le point commun entre ces chantiers, il importe d’analyser ce que sont les colonnes vertébrales de notre service public de l’emploi.
Mises en place entre la fin des années cinquante et la fin des années soixante, elles ont contribué à gérer la montée progressive du chômage de masse, devenue particulièrement éprouvante à la fin des années soixante-dix dans notre pays.
Parallèlement, le système a conduit à des choix, que nous payons aujourd'hui. On a ainsi choisi de traiter de façon massive les demandeurs d’emploi, mais la machine n’est plus adaptée à un marché du travail nécessitant beaucoup plus des actions sur mesure.
Voilà ce à quoi nous essayons de remédier aujourd'hui avec le projet de loi qui vous est présenté. Il s’agit pour nous de mieux définir les droits mais aussi, j’y insiste, les devoirs des demandeurs d’emploi, de construire les contours d’un service public de l’emploi moderne, chemin que tous les pays européens ont emprunté, quelle que soit l’orientation politique des gouvernements en place. Notre pays, parfois faute de courage politique, ne s’était pas encore lancé sur ce même chemin.
Je souligne également que nombre des dispositions qui vous sont ici soumises découlent des idées et des réflexions formulées par les partenaires sociaux depuis plusieurs années.
La question de l’équilibre entre les droits et les devoirs ne doit pas constituer un tabou, et c’est là l’une des idées-force de ce texte. Nous devons avoir le courage de dire qu’un demandeur d’emploi a droit à un service public de l’emploi efficace, que le Gouvernement a le devoir de mobiliser des fonds et de prévoir un budget permettant d’accompagner correctement chaque demandeur d’emploi, mais que, en contrepartie, le demandeur d’emploi a aussi des devoirs.
Nous devons être capables d’aborder ce sujet équilibré des droits et des devoirs sans céder à la caricature. Or cette question, tout comme celle de la fusion ANPE-ASSEDIC, a été ignorée pendant de trop nombreuses années : personne ne s’en était saisi !
Les partenaires sociaux avaient déjà été sollicités sur ce thème, notamment en 2000, lors des précédentes négociations sur les conventions d’assurance chômage, mais aussi en juin dernier, par un courrier du Premier ministre leur proposant de négocier sur le sujet.
Visiblement, et je le comprends très bien, il est difficile de demander aux partenaires sociaux de s’investir dans un dispositif qui aboutira à définir aussi les devoirs des demandeurs d’emploi.
C’est pour cette raison que le Gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités en vous soumettant le présent projet de loi, qui vise notamment à apporter une meilleure définition de ce qu’est une offre raisonnable d’emploi.
Pour autant, le projet de loi qui vous est soumis a fait l’objet d’une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, laquelle nous a permis de l’adapter sur certains points pour mieux prendre en compte les réalités du terrain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nos concitoyens ont parfaitement compris l’ampleur de l’enjeu qui se dessine et sont favorables à plus de 60 % à l’établissement d’une définition objective et précise des contours d’une offre raisonnable d’emploi en fonction de chaque demandeur d’emploi.
Avant de décliner les trois principes généraux sur lesquels est fondée cette réforme, permettez-moi quelques considérations de bon sens sur la situation actuelle.
La première idée – c’est sans doute celle à laquelle je tiens le plus – est celle de l’approche personnalisée, pour laquelle Christine Lagarde et moi-même nous sommes beaucoup investis.
Aujourd’hui, quand un demandeur d’emploi se présente devant le service public de l’emploi, la procédure qui lui est proposée est purement administrative.
Ses différents droits à indemnisation vont être définis par les ASSEDIC et un petit film va lui être projeté, qui définira très brièvement ce qu’on attend de lui.
Ensuite, il se rendra à l’ANPE pour un premier entretien plus ou moins formel. Mais à aucun moment, alors que chaque jour compte dans la recherche d’emploi, ne sont définis à ce stade les engagements que prendra le service public de l’emploi et le champ dans lequel le demandeur d’emploi effectuera sa recherche d’emploi.
Or je suis profondément convaincu que cette approche personnalisée est indispensable. Et ce n’est pas à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je l’apprendrai, on ne traite pas de la même façon un cadre célibataire de trente ans habitant en région parisienne et une mère de famille de cinquante ans qui est propriétaire de sa maison rurale où elle vit avec ses deux enfants : la mobilité n’est évidemment pas la même.
Ce qu’est une offre raisonnable d’emploi dépend donc de chacun et la situation de chacun suppose, de la part du service public de l’emploi, que l’on prenne le temps, dès le début, de définir concrètement le champ de la recherche d’emploi en fonction de la qualification de la personne, de son âge, de sa situation familiale et du territoire sur lequel elle vit.
Le premier principe sur lequel est fondé ce projet de loi consiste donc à définir, autant que possible et de façon personnalisée, les droits et les devoirs du demandeur d’emploi pour préciser ce que sera l’offre raisonnable d’emploi pour cette personne-là.
Le deuxième principe est celui d’un bon équilibre entre ces droits et ces devoirs. J’insiste sur ce point, il s’agit d’un engagement réciproque de part et d’autre, qui pèse non pas seulement sur le demandeur d’emploi, mais aussi sur le service public de l’emploi.
Nous sommes en effet en droit d’attendre que notre service public évolue dans le sens d’une plus grande efficacité, d’une plus grande attention portée au retour à l’emploi.
En disant cela, je ne veux pas caricaturer les agents de l’ANPE et des ASSEDIC, qui ont réalisé au cours des années qui se sont écoulées un énorme travail pour progresser au quotidien dans leur mission.
Mais je suis aussi lucide sur le fait que la structure administrative et la façon dont fonctionnait jusqu’à présent notre service public de l’emploi étaient une source d’inertie et de pesanteur auxquelles nous nous heurtions comme à un plafond de verre.
Le fait d’avoir eu le courage d’enclencher l’opération de fusion de l’ANPE et des ASSEDIC change complètement la donne et nous permettra d’être beaucoup plus efficaces en la matière. Pour y parvenir, nous serons vigilants et demanderons au nouveau service public de l’emploi de rendre chaque année des comptes ; nous pourrons à notre tour vous les présenter si vous le souhaitez, monsieur About, devant la commission des affaires sociales, afin de vous faire part très concrètement de l’amélioration, année après année, du fonctionnement du service public de l’emploi.
Dans le cadre de la définition de l’offre raisonnable d’emploi, il faut donc que les agents du nouvel opérateur prennent des engagements concernant les types de formations qui seront proposées, la régularité des entretiens, les moyens informatiques qui seront mis à disposition du demandeur d’emploi pour l’accompagner dans sa recherche, enfin, le champ géographique dans lequel la recherche s’effectuera. Tous ces engagements doivent être pris par le service public de l’emploi.
De l’autre côté, on attend que le demandeur d’emploi prenne lui aussi un engagement, celui d’accepter une offre d’emploi quand elle est raisonnable. Cet engagement me semble parfaitement légitime et de bon sens dans la mesure où le demandeur d’emploi a plus de droits mais doit en contrepartie accepter l’offre d’emploi quand elle est raisonnable.
Tout cela doit être formalisé dans un projet professionnel, qui permette de responsabiliser à la fois le conseiller du service public de l’emploi et le demandeur d’emploi. Il convient de sortir d’une logique purement administrative pour basculer vers une logique personnalisée.
Le troisième principe, qui est au moins aussi important, est celui du respect de l’équité.
Aujourd’hui, la définition de l’offre raisonnable d’emploi est livrée totalement à l’arbitraire, sans que le moindre critère objectif soit précisé. À l’inverse des autres motifs de radiation qui sont prévus dans le code du travail, le refus d’emploi ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune définition objective qui puisse servir de base de travail saine.
Les critères ne sont pas définis objectivement et ne sont pas adaptables à la situation de chaque personne. Cela laisse la place à des interprétations variables et à l’arbitraire. C’est pour cette raison qu’il était indispensable que la France prenne la peine, comme la plupart des pays européens, de définir un certain nombre de critères objectifs.
J’en viens, après la définition de ces principes, à leur traduction claire dans la loi.
Vous n’aimez pas les lois qui « bavardent », nous non plus ! L’objectif a été de vous présenter un texte simple, clair, qui repose uniquement sur deux articles et qui soit la traduction efficace de ces principes.
Le premier article, tout d’abord, prend acte de la définition d’un projet professionnel, à formaliser entre le service public de l’emploi et le demandeur d’emploi, après son inscription.
Les actions que le service public de l’emploi va mettre en œuvre pour le candidat retenu doivent être déterminées. De son côté, le demandeur d’emploi va définir, en fonction de ses qualifications, de son expérience, de sa situation personnelle et de la situation du marché du travail local, les offres d’emploi qu’il s’engage à accepter. Ce projet sera actualisé régulièrement, en fonction de l’avancement de la recherche.
Dans ce cadre, le candidat à l’emploi s’engage à ne pas refuser plus de deux offres raisonnables d’emploi, c’est-à-dire des offres qui répondent à un certain nombre de conditions.
Je voudrais préciser au préalable que ces conditions sont évolutives dans le temps, pour la simple raison que la recherche d’emploi s’inscrit dans une dynamique. Chaque jour qui passe est un mauvais jour qui rendra d’autant plus difficile l’accès à l’emploi.
Il est un seuil qu’il faut tout faire pour ne pas franchir : au-delà d’un an, le demandeur d’emploi bascule dans un chômage de longue durée dont il est beaucoup plus difficile de le sortir.
C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de réintroduire cette idée d’une dynamique du temps de la recherche d’emploi.
Durant les trois premiers mois de chômage, l’offre raisonnable d’emploi est définie uniquement sur le fondement du projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Après trois mois de chômage, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi compatible avec les qualifications du demandeur d’emploi et rémunéré à hauteur de 95 % du salaire antérieurement perçu. Il s’agit juste d’un petit signal destiné à attirer l’attention sur le « compteur qui tourne » et d’un service à rendre au demandeur d’emploi, qu’il ne faut pas laisser illusoirement s’endormir sur sa recherche d’emploi !
M. Jean Desessard s’exclame.
Or, et chacun d’entre nous a pu le constater localement à l’occasion de tel ou tel plan collectif de licenciement, une fois passé le choc de leur licenciement, les salariés ne se remobilisent pas tout de suite pour chercher un nouvel emploi. Le phénomène est inquiétant.
J’y viendrai.
Après six mois, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré à hauteur de 85 % du salaire antérieurement perçu et situé au plus à trente kilomètres ou à une heure en transports en commun du domicile du demandeur d’emploi.
Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, même si d’autres pays en Europe ont des critères beaucoup plus exigeants, y compris de ceux, comme la Suède, qui sont pourtant considérés comme des modèles sur le plan social. Dans une période où le pétrole et l’essence sont chers, il nous faut rester, me semble-t-il, sur des critères de mobilité qui sont raisonnables et non excessifs : trente kilomètres ou une heure dans les transports en commun, c’est la réalité de près de 70 % de nos concitoyens qui travaillent aujourd’hui.
Après un an de chômage – c’est un critère de bon sens pour éviter que le demandeur d’emploi ne s’enferme dans un chômage de longue durée –, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi qui permet une rémunération supérieure à l’indemnisation dont bénéficie le demandeur d’emploi. Cette idée encore une fois de bon sens doit permettre de « sortir par le haut » de cette situation de chômage.
J’entends les critiques qui peuvent être faites ici et là, surtout ici, d’ailleurs §Pour y répondre, il convient d’envisager les obligations qui pèsent sur les entreprises, sans chercher à fuir la réalité. Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, vous avez attiré notre attention sur deux domaines où nous avons des progrès à faire.
Il faut d’abord veiller à ce que les offres d’emploi soient effectives et qu’elles répondent à la réalité économique du bassin d’emploi dans lequel elles sont faites.
Autre critique, quand un demandeur d’emploi répond à une offre d’emploi, il est en droit de recevoir une réponse. Il est en effet très décourageant, pour un demandeur d’emploi, de répondre à des offres, mais de ne recevoir pour toute réponse qu’un grand silence Sur ce point, des améliorations peuvent être apportées.
La troisième critique est en réalité une caricature contre laquelle nous pouvons nous défendre.
Ce dispositif n’entraînera en aucun cas un effet de dumping salarial tirant les salaires vers le bas, car nous avons inscrit au cœur du dispositif législatif que, en tout état de cause, les salaires proposés correspondent à la réalité de l’emploi dans le bassin géographique duquel émanent les offres d’emploi.
La dernière critique concerne la question du temps partiel, qu’il s’agisse d’un intérim, d’un CDD ou d’un CDI. Là encore, je n’ai pas voulu que le projet de loi prévoie une obligation à l’avance. Pourquoi ? Tous ceux – vous en êtes ! – qui sont régulièrement confrontés à des demandeurs d’emploi le savent bien, la situation d’un demandeur d’emploi par rapport à son contrat de travail peut être très différente d’un individu à l’autre : une femme ou un homme qui doivent s’occuper de leurs enfants en même temps peuvent privilégier un contrat à temps partiel.
À l’inverse, certains demandeurs d’emploi peuvent accepter une proposition de mobilité, mais à condition qu’il s’agisse d’un CDI à temps plein. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité fixer à l’avance une obligation sur la nature du contrat qu’un demandeur d’emploi s’engagerait à accepter. C’est bien la démarche de personnalisation du projet qui a été retenue.
J’en viens à l’article 2 du projet de loi, qui prévoit les conséquences du refus successif de deux offres d’emploi raisonnables. Cela se traduira par une radiation de deux mois prononcée par le nouvel opérateur issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC et par une suspension provisoire de l’allocation perçue par le demandeur d’emploi.
Il faut accepter ce débat, sans le fuir, car nous devons assumer notre position sur le service public de l’emploi et ce qu’il est dans la réalité. Bien sûr, les demandeurs d’emploi sont d’abord des victimes et il est hors de question de stigmatiser ceux qui connaissent une situation difficile et qui recherchent un emploi.
Cela dit, nous le savons tous, il existe une petite minorité – elle est petite, mais il faut en tenir compte ! – qui profite d’un système relativement généreux dans lequel la question du contrôle et du bon équilibre entre les droits et les devoirs n’a jamais été posée.
Ce n’est pas parce que c’est une petite minorité qu’il ne faut pas s’en occuper ; c’est une question d’équité à l’égard de ceux qui travaillent tous les jours et qui acceptent un emploi parfois loin de chez eux et peu rémunéré.
C’est également une question d’équité à l’égard des demandeurs d’emploi qui mettent tout en œuvre pour trouver un travail : ils peuvent être découragés de voir que, dans le même temps, d’autres demandeurs refusent des offres qu’ils aimeraient bien se voir proposer.
C’est donc bien à un dispositif équilibré que tend ce projet de loi, grâce à la confrontation des différentes conceptions que nous nous faisons de ce qu’est une politique sociale moderne, alors que tous les pays européens, toutes tendances politiques confondues, se sont engagés dans la même voie : l’amélioration tant du service public de l’emploi que de l’accompagnement individuel.
Nous avons commencé à le faire, en établissant une définition plus précise des équilibres entre les droits et les devoirs de chacun, du service public de l’emploi comme du demandeur d’emploi.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais vous remercier très vivement, sur quelque travée que vous siégiez, du travail très approfondi que vous avez accompli.
M. Dominique Leclerc, prolongeant en cela la tradition du Sénat et de la commission des affaires sociales et s’appuyant sur la très grande expertise qu’il a acquise en la matière, nous a permis d’améliorer considérablement notre réflexion, notamment sur un certain nombre de points importants du projet de loi. Au fur et à mesure de l’avancement de nos débats, vous verrez à quel point ses éclaircissements ont été pour nous précieux.
Par ailleurs, je me félicite des échanges constructifs qui ont eu lieu au sein de la commission, y compris sur les amendements. Personne, ni du côté du Gouvernement ni du côté des différents groupes, ne s’est enfermé dans une position caricaturale sur un sujet qui, d’ailleurs, ne le mérite vraiment pas.
En conclusion, je voudrais attirer votre attention sur les évolutions que consacre le présent texte et sur la manière dont doit évoluer notre politique sociale au xxie siècle.
Nous avons trop souvent laissé se développer des politiques sociales, certes très généreuses en apparence, mais qui ne prenaient pas en compte les réalités personnelles de chacun. Elles étaient administratives, anonymes, reposaient sur une pure logique d’indemnisation et non sur un véritable accompagnement. Au total, elles étaient inefficaces. Or je crois profondément à la nécessité de revenir sur cette approche et de repenser ce que doit être une politique sociale.
Si nous voulons qu’elles restent généreuses et qu’elles continuent d’être acceptées par l’ensemble de nos citoyens, il est nécessaire que nos politiques sociales modernes clarifient mieux les droits et les devoirs de chacun. Surtout, elles doivent pouvoir faire du sur-mesure, prendre en compte une approche personnalisée, s’adapter au parcours personnel et aux réalités différentes de chacun plutôt que de demander à nos concitoyens de s’adapter à des logiques administratives trop complexes.
Cette évolution de nos politiques sociales, c’est à nous de l’écrire. Ce projet de loi y participe et je remercie par avance le Sénat de sa contribution.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de l’Assemblée nationale de la République socialiste du Vietnam, conduite par son président, M. Nguyên Phu Trong, et présente à Paris à l’invitation du Sénat.
Cette visite officielle, quelques mois après celle du Premier ministre vietnamien, témoigne des liens d’amitié qui unissent nos deux pays.
Je me réjouis de l’intensité des relations entre nos deux assemblées, qui entretiennent un dialogue régulier, renforcé par la signature, en 2003, d’un accord de coopération mutuellement enrichissant.
Je profite, enfin, de cette occasion pour saluer l’action dynamique de notre groupe interparlementaire France-Vietnam, présidé par notre éminent collègue M. le questeur Gérard Miquel.
M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le présent projet de loi complète les réformes du service public de l’emploi en cours en définissant une notion restée jusqu’à présent assez floue, celle de « l’offre raisonnable d’emploi ».
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, le service public de l’emploi s’est beaucoup modernisé ces dernières années.
M. Jean Desessard manifeste son scepticisme.
Depuis 2006, date de la signature de son dernier contrat de progrès avec l’État, l’ANPE met en œuvre une politique de suivi individualisé des demandeurs d’emploi. Ces derniers sont suivis, à compter du quatrième mois de chômage, par un conseiller « référent » qui les accompagne dans leur recherche d’emploi.
Cette politique a été rendue possible par le renforcement des moyens humains de l’Agence, qui compte aujourd’hui 28 000 agents, soit 55 % de plus qu’il y a dix ans, alors que – Dieu soit loué ! – le nombre des demandeurs d’emploi a baissé environ de un million au cours de cette même période.
L’ANPE est par ailleurs engagée dans un processus de fusion avec les ASSEDIC. Cette fusion est la conséquence logique des efforts de rapprochement engagés depuis 2004 entre les deux organismes, qui ont permis de multiplier les guichets uniques et, surtout, d’élaborer un système informatique commun entre l’ANPE et l’assurance chômage.
Ce projet de loi vise à préciser les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi dans leurs rapports avec le nouvel opérateur qui résultera de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.
Ce nouvel opérateur se voit d’abord assigner pour mission d’orienter et, surtout, d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leur recherche d’emploi. À cette fin, il élaborera avec chaque demandeur d’emploi un projet personnalisé d’accès à l’emploi, ou PPAE, qui précisera la nature et les caractéristiques des emplois recherchés.
Lors de l’élaboration conjointe de ce PPAE, le demandeur d’emploi pourra indiquer quel métier il souhaite exercer, s’il recherche un contrat à durée indéterminée ou un contrat à durée déterminée, un emploi à temps plein ou à temps partiel. Ce document sera révisé périodiquement pour élargir le champ de la recherche d’emploi si celle-ci se révèle infructueuse au bout d’un certain délai.
En parallèle, le demandeur d’emploi doit se conformer à trois obligations. D’une part, il doit participer à l’élaboration de son projet. D’autre part, il doit accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi ; cette disposition n’est pas nouvelle, puisqu’elle figure dans le code du travail depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Enfin, le demandeur d’emploi doit accepter les offres raisonnables d’emploi qui lui sont faites.
Au cœur du projet de loi réside précisément la définition de critères précis et évolutifs dans le temps pour déterminer ce qu’est une « offre raisonnable d’emploi ».
Premier critère, l’offre d’emploi doit être compatible avec les qualifications du salarié.
Deuxième critère, le niveau du salaire antérieur : pour une personne au chômage depuis plus de trois mois, une offre d’emploi est raisonnable si elle est rémunérée à hauteur de 95 % au moins de son salaire antérieur ; au-delà de six mois de chômage, ce taux est ramené à 85 % ; au-delà d’un an, devient raisonnable une offre d’emploi rémunérée au moins au niveau du revenu de remplacement perçu par le demandeur d’emploi.
Troisième critère, la distance entre le domicile du demandeur d’emploi et le lieu de travail : au-delà de six mois de chômage, une offre d’emploi est raisonnable si elle entraîne un temps de trajet, en transport en commun, d’une heure au plus ou si la distance domicile-travail est au plus de trente kilomètres ; si l’on raisonne sur un trajet aller et retour, le temps de transport peut donc atteindre deux heures ou la distance soixante kilomètres.
Il faut savoir que ces critères sont proches de ceux qui sont pratiqués par nos partenaires européens. Ils ressemblent en particulier, tout en étant beaucoup moins sévères, à ceux qui ont été introduits en Allemagne, à l’époque du chancelier Schröder, par la loi Hartz IV. Outre-Rhin, un demandeur d’emploi inscrit au chômage depuis plus de six mois doit accepter un emploi rémunéré à hauteur de 70 % au moins de son salaire antérieur et occasionnant un temps de trajet de deux heures et demie, au plus, aller et retour.
Un demandeur d’emploi ne pourra refuser, sans motif légitime, deux offres raisonnables d’emploi. Après un deuxième refus, il s’exposera à une sanction prenant la forme d’une radiation de la liste des demandeurs d’emploi.
Je rappelle que la radiation entraîne la suspension du versement du revenu de remplacement et qu’elle peut être suivie d’une sanction décidée par le préfet.
La commission des affaires sociales approuve pleinement ce projet de loi, qui présente à ses yeux plusieurs avantages.
D’une part, la définition de critères objectifs pour définir l’offre raisonnable d’emploi assurera mieux l’égalité de traitement entre les demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, la notion d’offre valable d’emploi étant laissée en grande partie à l’appréciation de chaque conseiller de l’ANPE, elle est potentiellement variable.
D’autre part, ce projet de loi crée une incitation supplémentaire à un retour rapide à l’emploi, qui est bénéfique tant pour le demandeur d’emploi que pour les entreprises et les comptes de l’assurance chômage.
Ensuite, le présent texte permettra également de mieux sanctionner des abus qui, pour être peu fréquents, n’en sont pas moins choquants pour l’opinion publique.
Enfin, en favorisant une meilleure rencontre entre offres et demandes d’emploi, ce projet de loi devrait permettre de réduire les difficultés de recrutement observées dans certains secteurs.
Mon cher collègue, vous les connaissez aussi bien que moi ! Sur le terrain, on les voit !
Ces difficultés résultent notamment d’une inadéquation de la qualification des demandeurs d’emploi aux besoins exprimés sur le terrain par les entreprises.
En conséquence, une lourde responsabilité pèsera sur le nouvel opérateur issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.
C’est pourquoi nous soutenons les efforts du Gouvernement pour réformer le service public de l’emploi, dans l’objectif de substituer un accompagnement personnalisé à des modalités de gestion de la liste des demandeurs d’emploi trop souvent bureaucratiques.
Dans la perspective de cette réforme, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais insister, au nom de mes collègues, sur deux points.
En premier lieu, nous sommes très favorables à une prise en charge précoce des demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, le droit d’être suivi par un conseiller référent ne leur est reconnu qu’à partir du quatrième mois de chômage. Nous le savons, le nouvel opérateur s’est donné pour objectif de faire bénéficier tous les chômeurs de ce suivi individualisé dès leur inscription.
Nous pensons qu’il faut aller encore plus loin et permettre à des personnes qui ont encore un emploi, mais qui savent qu’elles feront l’objet, dans un avenir plus ou moins proche, d’un plan de licenciement ou qu’elles seront victimes de la fermeture de leur entreprise, de bénéficier de cet accompagnement, mais anticipé ; de même, celles qui envisagent d’évoluer professionnellement devraient pouvoir avoir accès à ce service. Telles sont les recommandations de la commission.
En second lieu, nous demandons que l’effort de formation tout au long de la vie soit accentué et que l’offre de formation soit mieux adaptée aux besoins réels des employeurs.
Tous les pays qui ont réussi à sécuriser les parcours professionnels ont misé sur la formation.
Une concertation pour réformer notre système de formation professionnelle est en cours et nous vous encourageons à faire preuve d’ambition, mais nous savons que vous n’en manquez pas en la matière.
En conclusion, la commission des affaires sociales considère que ce projet de loi est un texte équilibré, qui impose aux demandeurs d’emploi des obligations tout à fait mesurées si on les compare à celles qui sont en vigueur dans différents pays étrangers. J’invite donc, en son nom, le Sénat à adopter ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Avec l’accord de la commission, monsieur le président, je souhaite, pour faciliter la compréhension de nos débats, disjoindre de la discussion commune prévue les amendements identiques n° 11 et 34, qui tendent à supprimer le texte proposé par le II de l’article 1er pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Raymonde Le Texier.
M. Jean Desessard applaudit vivement.
M. Jean Desessard. J’apprécie beaucoup ce que vous faites, madame Le Texier !
Rires
Mais s’agit-il pour autant d’applaudissements « raisonnables », mon cher collègue ?
Mme Isabelle Debré. J’espère que vous nous applaudirez de la même façon, monsieur Desessard !
Nouveaux rires.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous aura fallu attendre bien longtemps, plus de deux siècles après la Révolution et pas moins de cinq Républiques, pour qu’un projet de loi s’attache enfin à introduire de la raison dans la recherche de l’emploi, et mieux encore, dans l’esprit des chômeurs : après Quand l’esprit vient aux femmes, voici La raison vient aux chômeurs !
Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
En effet, ce texte dit relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi crée une nouvelle notion : l’offre raisonnable d’emploi, ou ORE.
Est considérée comme raisonnable une offre pour un emploi situé à moins de deux heures de transport par jour, ou moins de trente kilomètres, assorti d’un salaire tout d’abord égal à votre ancienne rémunération. Ensuite, la durée de chômage augmentant, le salaire passera à 95% puis 85% de votre ancienne rémunération, pour finir au plus bas, c’est-à-dire au niveau du revenu de remplacement.
En outre, au-delà de six mois de recherche d’emploi, les offres d’emploi n’ayant aucun rapport avec vos qualifications et votre expérience professionnelles seront, elles aussi, labellisées « raisonnables ».
Le chômeur qui osera refuser deux de ces offres se verra non seulement privé de l’allocation chômage pour laquelle il avait pourtant cotisé chaque mois, mais également rayé des listes de l’ANPE ! Même s’il cherche toujours activement un travail par ses propres moyens, le chômeur ainsi radié ne sera donc plus officiellement « un demandeur d’emploi ». Renvoyé du chômage pour faute grave, il ne pourra même plus prétendre au titre de demandeur d’emploi !
Ce système, mûrement réfléchi, cumule les deux avantages que tout gouvernement ultra communicant recherche en permanence : des économies que l’on peut afficher et des chiffres du chômage officiellement en baisse. Le coût humain et social, quantité somme toute négligeable, ne fera, lui, l’objet d’aucune communication !
La seule difficulté tient à la nécessité de trouver le bon habillage pour présenter ce dispositif comme juste, la bonne potion pour faire avaler la pilule. C’est là que l’idée d’« offre raisonnable » se révèle utile, car, dans les esprits, si c’est « raisonnable », c’est donc intouchable ! D’ailleurs, vous avez vite renoncé à votre première formulation, l’ « offre valable d’emploi ». Au pays de Descartes, « valable » est beaucoup plus attaquable que « raisonnable ».
L’usage du mot « raisonnable » sous-entend que le demandeur d’emploi ne saurait refuser une offre fondée sur la raison. S’il devait le faire, ce serait bien la preuve qu’il est dépourvu de raison, à la différence des auteurs de ce texte, bien entendu !
Mme Raymonde Le Texier. Il est réjouissant de voir le Gouvernement proposer un texte fondé sur l’idée philosophique de raison, car cela ne semblait pas être la référence majeure de ce quinquennat.
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
En France, la droite ressort cette idée de son chapeau chaque fois que le rapport de force devient trop favorable aux demandeurs d’emploi et que s’accroissent leurs capacités de négociation.
Mme Carole Tuchszirer, chercheur au Centre d’études de l’emploi, explique qu’il s’agit d’augmenter le volant de main-d’œuvre disponible pour réduire la marge de manœuvre de ceux qui offrent leur force de travail. Autrement dit, le principal objectif de ce texte pourrait être non pas de s’attaquer au chômage en profondeur, mais juste de fournir plus de main-d’œuvre bon marché aux secteurs d’activité sous tension.
En accroissant rapidement la main-d’œuvre disponible, on permet à la demande de rattraper l’offre, donc d’équilibrer le rapport de force au profit des entreprises. Même si cela a mécaniquement pour effet de maintenir les salaires à de bas niveaux, ce n’est pas la fin du monde. Ce n’est pas comme si le pouvoir d’achat était la préoccupation principale des Français !
Cependant, si ces emplois, qu’il faut pourvoir de gré ou de force, sont structurellement non pourvus, ce n’est pas un hasard ! Certains chefs d’entreprise regrettent ouvertement que ce texte conforte une absence de remise en question des employeurs des secteurs sous tensions. En sus des bas salaires, de la précarité généralisée qui les caractérise, ces emplois éternellement non pourvus imposent le plus souvent des conditions de travail difficiles : efforts physiques, travail à la chaîne, cadences, travail en extérieur ou à basse température, travail de nuit, dangerosité, absence de formation ou de plan de carrière, peut-être aussi absence de considération. Pourtant, vous en conviendrez, la considération n’est pas ce qui coûterait le plus cher !
Imposer ces emplois aux chômeurs en faisant fi de ce que vous appelez pudiquement leur compatibilité, c’est-à-dire en ne tenant plus compte, à partir de six mois de chômage, de leur qualification ou de leur expérience, sans même parler de leurs aspirations personnelles – cette prétention folle d’exercer un travail que l’on a choisi ! –, ce n’est pas nouveau. Souvenons-nous que, en 2000, déjà, lors des discussions sur le plan d’aide au retour à l’emploi, le PARE, le MEDEF avait œuvré dans ce sens. Il s’agissait alors de passer de la notion de « qualification » correspondant au poste offert, à l’idée de « capacité ». Huit ans plus tard, c’est la même intention, mais aggravée.
Votre offre d’emploi n’est pas raisonnable, elle est juste disponible et imposée.
Ce projet de loi est un texte de maintien des privilèges : choisir son métier, ne pas subir des conditions de travail trop difficiles, doit rester le privilège de quelques-uns.
Afin de mieux comprendre comment vous en êtes arrivés là, et avant de nous interroger sur l’efficacité de ce nouveau dispositif, il me paraît nécessaire de faire une brève incursion du côté de la théorie économique.
Ce texte semble s’inspirer de deux concepts récurrents dans la conception libérale du chômage. Il associe l’idée du chômage comme « trappe à inactivité » et la théorie du « chômage volontaire ».
Penser que plus longtemps on est au chômage, plus il est difficile de sortir de cette inactivité, cela se tient. Si tant est que l’on puisse considérer la recherche d’un emploi comme une inactivité. Mais penser que les demandeurs d’emploi choisissent d’être au chômage, choisissent l’extrême précarité, choisissent la peur du lendemain, c’est plus qu’une erreur, c’est un déni de réalité !
M. Jean Desessard applaudit.
Sauf dans une infime minorité de cas, on ne choisit pas le chômage, on le subit !
Évidemment, encore faut-il avoir été confronté aux affres du marché du travail pour le savoir.
Mais, dans la théorie qui anime ce texte, le chômeur est responsable de sa situation. Il est implicitement coupable d’avoir été déchu de son emploi pour des motifs sans doute obscurs, mais assurément légitimes, puisqu’il en est des licenciements comme du reste, « il n’y a pas de fumée sans feu ».
Le chômeur doit donc, c’est son devoir et sa pénitence, s’adapter au marché de l’emploi, quitte à abandonner toute prétention à un salaire décent et à des conditions de travail supportables.
Or les emplois disponibles, il y en a des quantités. Il faut donc les pourvoir coûte que coûte. S’ils ne correspondent ni à votre précédent niveau de rémunération, ni à votre formation, ni à votre expérience, ni, bien sûr, à vos souhaits, qu’importe ! Vous devez expier le crime originel que constitue la perte de votre emploi en acceptant ce chemin de croix.
Je tiens à souligner un aspect particulier de ce projet de loi : le principe des sanctions qui s’aggravent au gré des refus d’offres raisonnables d’emploi, c’est-à-dire au gré des « récidives » du chômeur, renvoie de manière inquiétante à la notion de récidive en droit pénal. À quand une amende pour refus d’offre raisonnable d’emploi ?
Monsieur le secrétaire d’État, votre politique se fonde sur l’affirmation que le travailleur, la main-d’œuvre dans son ensemble, est la seule variable d’ajustement de l’entreprise. Mais c’est faux ! Même dans un secteur d’activité où la main-d’œuvre est importante, l’automobile, par exemple, la part de la masse salariale représente aujourd’hui entre 9 % et 14 % seulement des coûts de production. Il faut donc chercher ailleurs la marge de manœuvre.
Fonder votre texte sur la théorie du « chômage volontaire » présente l’inconvénient majeur de finalement transférer complètement la responsabilité du chômage de l’entreprise sur le salarié. Si le salarié se retrouve au chômage, c’est qu’il l’a cherché, d’une façon ou d’une autre. Dès lors, cela revient à exonérer l’entreprise de toute responsabilité, notamment en termes de défaut de gestion prévisionnel des emplois, de formations qualifiantes, de précarité, tous aspects que vous avez préféré ignorer dans ce texte.
J’en viens à l’efficacité de ce dispositif. Faire peser une forte contrainte uniquement sur les demandeurs d’emploi, à l’exclusion des entreprises, c’est se fourvoyer tant sur l’efficacité de ce dispositif en termes d’embauche que sur ses bienfaits pour l’économie.
En ce qui concerne l’embauche, malgré la liste des États que vous citez régulièrement en exemple, des pays scandinaves au Royaume-Uni en passant par l’Allemagne, l’efficacité de telles mesures sur la réduction du chômage n’est pas avérée. Si tous ces pays ont réellement vu leur taux de chômage diminuer, alors qu’ils avaient instauré de lourdes pressions sur leurs demandeurs d’emploi, aucune étude ne permet à ce jour d’établir de lien direct entre la contrainte et la baisse du chômage.
À l’inverse, on a la certitude que les contraintes que subissent les chômeurs du fait du maintien des salaires au plus bas accentuent directement le phénomène de « travailleurs pauvres ». Ainsi, l’Allemagne a vu son nombre de travailleurs pauvres augmenter de près de 30 % en six ans ! Un article paru cette semaine sur ce sujet concluait ainsi : « Chômeur sans droit ou travailleur sans toit ? La démocratie te laisse le choix ». Est-ce votre ambition pour la France ?
Partout en Europe, il existe un consensus pour reconnaître que le retour durable à l’emploi dépend d’un ensemble de facteurs : d’abord une croissance forte, comme en Allemagne – les dernières prévisions de l’INSEE pour 2009 nous interdisent de trop y compter –, mais aussi des mesures de sécurisation des parcours professionnels et de formation.
Dans ce texte, vous n’actionnez qu’un seul levier, les sanctions contre les chômeurs. De la formation, il n’est pas trace. On sait juste que des négociations sont annoncées, mais vous n’avez pas estimé utile d’attendre leurs conclusions. M. Xavier Bertrand se plaît à nous citer le Danemark comme pays modèle en matière de politiques d’emploi. Pourtant, s’il y a bien un pays où la formation a joué un rôle capital dans la baisse du chômage, c’est le Danemark.
En France, la formation se porte mal. Sur les deux millions de chômeurs inscrits actuellement, seuls 5 % ont bénéficié d’un programme de formation en 2007 ! L’UNEDIC reconnaît n’avoir utilisé que la moitié du budget de formation dont elle dispose ! Est-ce parce que, chez nous, la formation ne marche pas ? Non, bien sûr ! Entre 50 % et 70 % des demandeurs d’emploi ayant suivi soit une formation conventionnée soit une formation d’aide à l’embauche – cela consiste principalement en une préparation aux entretiens d’embauche, à la rédaction de CV – ont retrouvé un emploi dans les trois mois.
Au vu de ces résultats, nous ne comprenons pas pourquoi vous ne centrez pas votre politique de l’emploi sur le pilier de la formation. Serait-ce parce que le pactole de l’UNEDIC est destiné à d’autres fins, les retraites par exemple ?
En ce qui concerne l’efficacité économique, ce projet de loi, qui entend « remettre la France au travail », favorisera-t-il l’activité économique des entreprises ? Relancera-t-il la croissance ? On peut en douter, car il semble ignorer deux fondamentaux de l’économie.
En premier lieu, il ne favorise pas, bien au contraire, l’innovation et l’esprit d’entreprise. Mme Labeille, présidente du syndicat professionnel des cabinets de recrutement, parfaitement au fait des questions d’embauche dans les entreprises, déclarait voilà peu : « En ne faisant peser la contrainte que sur le demandeur d’emploi, on n’incite pas l’entreprise à améliorer la qualité des emplois, à former les salariés, à prévoir les évolutions des métiers et carrières ».
L’innovation, la recherche de nouveaux marchés, premiers ressorts d’une économie bien portante, se nourrissent pourtant précisément de cela. Ne pas inciter les entreprises à mieux former leurs employés, ne pas les encourager à anticiper les évolutions des marchés, donc leurs besoins en personnels et en compétences, c’est le signe d’un refus de l’innovation : triste symptôme d’une économie arc-boutée sur elle-même !
En d’autres termes, votre politique de l’emploi est tout simplement une politique à court terme, qui privilégie la recherche systématique des profits et les résultats statistiques temporaires contre les solutions durables.
En second lieu, votre projet de loi oublie un second déterminant de la réussite entrepreneuriale : la motivation. Tous les chefs d’entreprise vous le diront, le premier critère à l’embauche, le premier facteur pour qu’un recrutement produise de la richesse pour l’entreprise comme pour le salarié, c’est la motivation ! Or les embauches que vous imposerez avec ce projet de loi, parce qu’elles seront fondées sur la crainte de la sanction et non sur le choix ou sur la volonté, annihileront toute motivation de la part du salarié. Ces futurs employés en souffriront, c’est sûr, mais les entreprises qui les auront recrutés également.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi, un rappel de méthode.
Vous nous présentez un texte censé s’attaquer au chômage en organisant les prétendus « droits et devoirs des demandeurs d’emploi », alors que, sur la question du chômage, tout reste à faire, tout est en chantier.
Toutes les négociations importantes sur le sujet sont encore à venir. C’est comme si vous entendiez faire commencer le match avant que l’arbitre ne soit entré sur le terrain, avant même que les règles du jeu n’aient été fixées !
Sourires
D’ailleurs, ce paradoxe a été relevé par l’ensemble des organisations que nous avons auditionnées, à l’exception du MEDEF. Toutes ont souligné que ce texte arrivait trop tôt !
Et, de fait, nous ne savons rien du nouvel organisme du service public de l’emploi auquel ce projet de loi fait référence à de nombreuses reprises. Cet organisme, qui naîtra de la fusion ANPE-ASSEDIC, sera pourtant au cœur du dispositif.
Les négociations entre les partenaires sociaux sur la réforme de l’assurance chômage n’ont pas commencé, mais vous passez outre. Est-ce à dire que la définition du revenu de remplacement et, surtout, des prestations d’aide à la recherche d’emploi sur lesquelles les demandeurs d’emploi pourront s’appuyer est, pour vous, un élément accessoire ?
Il en est de même des négociations sur la formation professionnelle et sur la gestion prévisionnelle des emplois. Elles ont beau être capitales dans l’élaboration d’une politique efficace de l’emploi, aujourd’hui, on fera sans !
Sur tous ces points essentiels, la concertation n’a pas commencé, mais la chasse aux fraudeurs et aux « paresseux », elle, est lancée, …
… lesquels fraudeurs et paresseux ne représenteraient, selon les statistiques de Matignon, que 2 % des chômeurs. Pourtant, c’est à tous les chômeurs que ce texte s’appliquera ! Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faudrait commencer par s’occuper des 98 % de chômeurs qui respectent les règles et n’aspirent qu’à retrouver un emploi ?
C’est pour cette raison que nous leur proposons un projet personnalisé !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
À moins que ce texte et son étonnant timing ne soient en réalité le fruit d’une nécessité, et d’une nécessité qui n’a rien à voir avec la situation de l’emploi en France ?
Dans un contexte de tensions sociales croissantes et après la défaite aux élections municipales, englué dans d’assez mauvais sondages, ce gouvernement fait ce qu’il sait faire, ce que son candidat à la présidence n’a pas arrêté de faire pendant la campagne : stigmatiser les Français, les diviser, les dresser les uns contre les autres…
… en pointant du doigt les profiteurs, les abuseurs, ceux qui se repaissent des efforts des « bons citoyens »…
Il vous fallait urgemment un texte démagogue, un texte se nourrissant des mécontentements.
Comme les filons de l’immigration et de l’insécurité ont déjà beaucoup servi, que le thème du pouvoir d’achat ne vous réussit pas vraiment – à tel point que vous en êtes réduits à dépenser 4, 3 millions d’euros de publicité pour tenter de faire croire aux Français que la vie n’est pas si chère et que leur porte-monnaie n’est pas si vide ! -, dans ce contexte, quoi de mieux que le registre des « chômeurs paresseux » ?
Évidemment, quand on joue sur ce registre-là, la négociation est hors de question. Ainsi, ce texte sur les demandeurs d’emploi n’a fait l’objet d’aucune négociation avec les syndicats, pas même d’une consultation avec les associations de chômeurs ! Après toutes les louanges sur le dialogue social, voici venue l’ère du passage en force… et elle a de beaux jours devant elle !
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, avant de conclure, que, si nous nous montrons très critiques envers ce texte, c’est à regret et sans en tirer aucune satisfaction, bien au contraire. Nous aurions souhaité croire au dialogue social ; mais ce texte l’ignore, et ceux qui sont en préparation, notamment sur le temps de travail, finiront de l’enterrer.
M. le rapporteur s’exclame.
Nous aurions aimé débattre ici d’une politique globale de l’emploi comprenant des dispositions ambitieuses sur la formation, en particulier en faveur des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ; mais il n’en est rien.
Nous aurions aimé soutenir toute initiative visant à développer l’accompagnement des chômeurs vers le retour à l’emploi. À ce titre, le projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE, aurait pu être intéressant, mais il est vidé de son sens par l’« offre raisonnable d’emploi », avec laquelle la police du chômage prend le pas sur l’accompagnement du chômeur.
Comme vous, comme tous les Français, nous souhaitons le retour au plein emploi ; mais le retour à l’emploi à marche forcée n’est pas la solution. Ce système de contrainte, en favorisant les bas salaires, risque d’augmenter considérablement le nombre de travailleurs pauvres.
Alors, l’emploi, oui, évidemment ! Mais pas dans ces conditions.
Enfin, avec ce texte, sous couvert de mesures pour le retour à l’emploi, vous œuvrez pour une France de la stigmatisation. Nous ne voulons pas de cette France qui oppose les bons citoyens, qui contribueraient à la solidarité, et les mauvais, qui en profiteraient. Nous ne voulons pas de cette France où ce sont toujours les plus modestes qui sont délibérément sacrifiés.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.
Ce texte est important pour une double raison. D’une part, il met en œuvre les engagements du Président de la République exprimés pendant la campagne pour l’élection présidentielle et approuvés par une large majorité de nos compatriotes.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Isabelle Debré. D’autre part, il s’inscrit dans le droit fil de la politique active qui est mise en œuvre par le Gouvernement pour tendre vers le plein emploi.
M. Guy Fischer s’exclame.
S’agissant de la lutte contre le chômage, beaucoup a été fait, et les statistiques publiées par l’INSEE démontrent la pertinence de la politique que nous menons pour mettre fin à cette anomalie qui fait de la France l’un des derniers pays d’Europe confrontés au chômage de masse.
Je le rappelle, mes chers collègues, le taux de chômage a baissé de 1, 2 point en un an, ce qui ramène à 2 millions le nombre de chômeurs en France métropolitaine. Je ne mentionnerai pas le chiffre que nous avons connu à une certaine époque, sous M. Jospin…
Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, ce sont les meilleures statistiques depuis 1980.
La première étape de la réforme du marché du travail engagée par notre majorité dans un but d’efficacité a été la fusion de l’ANPE avec les ASSEDIC, fusion qui doit être effective le 1er janvier 2009.
Permettez-moi ici de saluer le travail remarquable de notre collègue Catherine Procaccia concernant ce dossier.
Le nouvel opérateur né de cette fusion sera le fer de lance du service public de l’emploi, un service public plus attentif à la situation des demandeurs d’emploi, un service public également plus performant dans l’accompagnement vers l’emploi.
Nous lui avons assigné trois objectifs. D’abord, il devra améliorer le service rendu aux usagers, avec un réseau de guichets uniques accessible en tout point du territoire ; il s’agit d’améliorer le service rendu non seulement aux demandeurs d’emploi, mais aussi aux entreprises qui veulent recruter. Ensuite, il devra offrir une gamme de prestations complète et pour tous les demandeurs d’emploi, c’est-à-dire sans distinction de statut, indemnisés comme non indemnisés. Enfin, il devra organiser un accompagnement renforcé, notamment pour les demandeurs d’emploi qui sont le plus en difficulté, grâce à la mutualisation des moyens qui permettra de déployer plus d’agents sur le terrain.
Le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi constitue la deuxième étape de cette réforme en permettant de rendre parfaitement clairs les engagements réciproques des parties, ceux du nouvel opérateur comme ceux du demandeur d’emploi.
Il s’agit pour nous de rendre précis ce qui était auparavant imprécis : je pense tout particulièrement à la notion d’offre valable d’emploi, à laquelle sera substituée celle d’offre raisonnable d’emploi.
Il s’agit également de mettre de l’équité là où l’imprécision des règles engendrait des interprétations variables et parfois divergentes, source d’iniquité et d’inefficacité.
La logique qui prévaut dans cette réforme peut se résumer ainsi : davantage de droits pour les demandeurs d’emploi ; des engagements renforcés dans le cadre de leur recherche d’emploi.
Davantage de droits, tout d’abord.
Le demandeur d’emploi bénéficiera d’un suivi très personnalisé. Un référent unique l’orientera, s’engagera à mettre en œuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter son retour à l’emploi et l’accompagnera dans ses recherches d’un emploi durable.
Dans ce cadre, il élaborera avec lui un projet personnalisé d’accès à l’emploi qui précisera tout à la fois les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre, notamment les formations utiles pour parvenir au retour à l’emploi dans les meilleurs délais possibles.
Le projet personnalisé devra identifier la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée ainsi que le niveau de salaire attendu.
L’offre raisonnable d’emploi tiendra compte de la formation de l’intéressé, de ses compétences et de ses qualifications, de sa situation professionnelle antérieure, mais également de sa situation personnelle et familiale.
Notre ambition est parfaitement claire : nous voulons offrir aux demandeurs d’emploi les meilleures chances de réinsertion sur le marché du travail grâce à une approche très fine de leurs besoins et à une écoute personnalisée.
Le Gouvernement mobilisera tous les outils nécessaires à cette ambition. Je saisis cette occasion pour souligner le fait que nous sommes nombreux au sein de la Haute Assemblée à souhaiter une réforme profonde de la formation professionnelle.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Revenant au projet de loi qui nous est soumis, je voudrais bien faire comprendre qu’il ne s’agit pas, comme j’ai pu le lire ou l’entendre ici et là, d’obliger les demandeurs d’emploi à accepter des offres d’emploi sans rapport aucun avec leur talent propre et leurs compétences particulières.
Il s’agit pour nous non pas de contraindre, mais bien d’accompagner et de favoriser la progression de celui qui recherche un emploi.
Parce que la dignité humaine l’exige, parce que la motivation des individus est intrinsèquement liée à la qualité du projet professionnel qu’on leur propose, nous nous engageons fermement sur ce point.
Toutefois, le projet personnalisé d’accès à l’emploi ne doit pas être figé. Il pourra être adapté périodiquement afin d’accroître les perspectives du retour à l’emploi, ne serait-ce que parce que la réalité du marché local de l’emploi s’impose à nous.
Parce que le texte qui nous est proposé offre davantage de droits aux demandeurs d’emploi, il exige d’eux le respect d’un certain nombre de devoirs. En effet, dans la mesure où nous mobilisons davantage de moyens humains et matériels au service des usagers, nous sommes en droit d’attendre d’eux une motivation et un investissement personnels accrus dans les démarches qu’ils accomplissent en vue de retrouver un travail.
Participer activement à l’élaboration du projet personnalisé est une évidence qui s’impose à nous. Se rendre disponible pour un emploi correspondant à ses compétences est une exigence.
Sommes-nous déraisonnables lorsque nous prévoyons qu’un demandeur d’emploi devra accepter, après trois ou six mois de recherches infructueuses, l’emploi qui s’offre à lui et qui correspond à son expertise professionnelle, …
Mme Isabelle Debré. … même si l’emploi proposé impose une légère, voire très modeste diminution de ses prétentions financières ?
M. Jacques Gautier applaudit.
Sommes-nous déraisonnables lorsque nous demandons qu’après être resté une année au chômage, et malgré les actions déployées en sa faveur, un demandeur d’emploi soit tenu d’accepter un emploi rémunéré à hauteur du revenu de remplacement dont il bénéficie ?
Sommes-nous déraisonnables, enfin, lorsque nous suggérons que le demandeur d’emploi pourra être amené à accepter un emploi situé à trente kilomètres au plus de son domicile ou à une heure de trajet en transports en commun ?
Je ne le crois pas.
Le projet de loi qui nous est soumis est un texte équilibré, positif et, surtout, incitatif.
Il est équilibré, car il favorise le dialogue direct entre le demandeur d’emploi et son conseiller dédié du service public de l’emploi.
Il est positif, car il vise systématiquement le meilleur résultat pour le demandeur d’emploi, c’est-à-dire une réinsertion rapide sur le marché du travail, avec, à la clé, le cas échéant, une formation qualifiante qui lui permettra de mieux négocier ses évolutions professionnelles futures.
Il est, surtout, incitatif, car il place chacun devant ses responsabilités et impose de donner le meilleur de soi-même pour se sortir de situations parfois délicates et enfin rebondir.
À l’heure où de nombreux entrepreneurs s’inquiètent de ne pouvoir trouver les salariés dont ils ont besoin pour compenser les départs à la retraite, à l’heure où tant d’emplois, qualifiés ou non, demeurent non pourvus faute de candidats en nombre suffisant, le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi représente une chance.
Il nous offre la possibilité de réduire les tensions qui pèsent sur le marché du travail dans des secteurs clés comme ceux du bâtiment, des travaux publics, de la restauration, de la mécanique, de l’informatique, du gardiennage, de la sécurité… Je rappelle que ce ne sont pas moins de quinze métiers qui sont affectés par des difficultés techniques et chroniques de recrutement !
Il offre aux entreprises de nouvelles perspectives de s’attacher les services des salariés dont elles ont besoin pour se développer et conforter leurs marchés.
Enfin, il offre à la France la possibilité, depuis longtemps espérée, de retrouver un niveau d’emploi qu’elle n’a plus connu depuis trente ans.
Grâce au projet de loi qui nous est aujourd’hui proposé, nous avons l’espoir que la France se mette enfin au niveau des pays européens qui ont réformé, avec un volontarisme et une efficacité remarquables, leur marché du travail.
Il est en parfaite cohérence avec les textes récents consacrant la fusion de l’ANPE avec les ASSEDIC et la modernisation du contrat de travail.
Il s’inscrit dans un ensemble de réformes, déjà engagées ou à venir, qui concernent l’école, l’université, la recherche, la formation professionnelle, et qui conditionnent l’avenir de nos enfants.
Mme Isabelle Debré. Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le secrétaire d’État, le groupe UMP sera à vos côtés et votera le projet de loi que vous nous proposez.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme il en a pris visiblement l’habitude pour les textes concernant les droits des salariés, le Gouvernement a décidé de déclarer l’urgence sur ce projet de loi.
Pourtant, rien ne la justifie.
Mme Annie David. Après l’adoption du texte actant la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, la nouvelle instance doit voir le jour le 1er janvier 2009. D’ailleurs, à ce jour, on ne connaît ni son statut ni son nom
M. Jean Desessard applaudit.
Les parlementaires apprécieront !
Aussi, s’il faut engager une bataille contre le temps pour permettre aux salariés privés d’emploi de redevenir actifs, ce n’est pas avec ce texte que vous engagez les hostilités.
Bien au contraire, de l’avis unanime des organisations syndicales que j’ai rencontrées, non seulement ce texte vise à stigmatiser les demandeurs d’emploi, mais il aborde le problème à l’envers : il faut d’abord définir l’offre de service proposée par la nouvelle instance !
Donc, oui, il y a urgence pour des milliers de nos concitoyennes et concitoyens à sortir de la précarité, de l’accumulation des petits boulots mal payés, du chômage dans lequel des employeurs, parfois peu scrupuleux ou malhonnêtes, les ont plongés ou que le marché de l’emploi maintient dans cette insupportable situation.
Mais rien dans votre projet de loi ne fait référence à cette réalité, dans lequel on ne tient pas compte non plus du calendrier des négociations sociales en cours. Je pense à la négociation sur la formation professionnelle, sur la pénibilité ou encore à la convention d’assurance chômage, qui doit être renégociée, les partenaires sociaux devant non pas seulement négocier les conditions d’indemnisation mais aussi les conditions de recherche d’emploi.
L’urgence ainsi déclarée ne sera donc d’aucun recours pour les demandeurs d’emploi.
Mon collègue Guy Fischer présentera dans un instant une motion tendant à opposer la question préalable, je ne m’attarderai donc pas plus sur le sujet, sauf pour relever que cette procédure d’urgence s’accompagne de la « non-intervention » parlementaire, au prétexte soit du respect d’accords interprofessionnels - je pense à l’accord national interprofessionnel, l’ANI, du 11 janvier 2008 -, soit au contraire, comme aujourd'hui, au prétexte de « non-accord » et du respect cette fois du Gouvernement et de sa prise de responsabilité ; monsieur le secrétaire d’État, vous nous l’avez rappelé tout à l’heure encore.
À quoi sert donc le Parlement ?
Mais j’en viens au projet de loi proprement dit.
L’article 1er vise à apporter une définition à l’offre raisonnable d’emploi, venue se substituer à l’offre valable d’emploi, après une annonce fracassante et médiatique du Président de la République.
Certes, cette notion non définie en droit interne devait faire l’objet d’une précision législative. Mais on ne peut que regretter votre façon de faire, dans la mesure où vous en profitez pour renforcer les obligations à l’égard des demandeurs d’emploi et renforcer votre politique de contrôle.
Cet article 1er détaille également les obligations à la charge du demandeur d’emploi : faire la preuve de sa recherche active continue et répétée d’un emploi– comme si ce n’était pas le cas jusqu’à présent –, accepter de se soumettre à une forme de dégressivité de ses droits, quitte à accepter un emploi très en deçà de ses qualifications et de ses compétences, très en deçà aussi de son ancienne rémunération, alors même qu’un rapport du Conseil économique et social sur la sécurisation des parcours professionnels, voté à la quasi-unanimité, repousse clairement cette solution !
De plus, vous envisagez de brader le « capital humain » – vous entendez bien les guillemets – en prévoyant qu’un salarié privé d’emploi inscrit depuis plus d’un an au chômage ne pourrait refuser un emploi rémunéré du montant de l’indemnisation perçue, au motif qu’un emploi sous-payé, c’est mieux que rien !
Mais mieux pour qui ? Pour le salarié ainsi embauché ? Un salarié à qui on explique que ses compétences et sa force de travail ne valent pas plus que la plus faible des allocations de substitution ? Mieux pour ce senior licencié à cinquante-cinq ans parce que trop cher, car trop « expérimenté » ?
Mieux pour ce jeune, diplômé ou non, à qui l’on reproche son manque d’expérience ? Ou bien mieux pour l’employeur, qui pourra enfin bénéficier d’un salarié à bien moindre coût ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : poursuivre votre politique libérale de l’offre, dont on constate pourtant l’échec économique et social, en pesant à travers les demandeurs d’emploi sur les salaires !
À terme, ce ne sont pas seulement les chômeurs qui vont être pénalisés, mais bien l’ensemble des salariés ! Et je ne parle pas des dispositions scandaleuses, certes anciennes, mais maintenues ici, qui veulent qu’un demandeur d’emploi refusant un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation soit radié !
Mais j’y reviendrai lors de la présentation de l’amendement visant à supprimer cet alinéa.
En somme, cet article 1er vise à contraindre les demandeurs d’emploi à accepter toutes les propositions. Et ce n’est pas l’architecture de la nouvelle institution, nommée temporairement « France emploi » – encore une fois, le secret est bien gardé – qui nous rassure, ni même la rédaction « conjointe » du PPAE, ce fameux projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Là encore, comme dans d’autres textes, vous mettez les salariés, cette fois-ci ceux qui sont privés d’emploi, à égalité avec la nouvelle institution, alors que vous savez bien que tel n’est pas le cas.
M. le rapporteur nous présentera dans un instant un amendement qui donnera le ton de ce projet personnalisé d’accès à l’emploi, en prévoyant des sanctions dès sa conclusion ou plutôt sa non-conclusion !
L’article 2 fait écho à l’article 1er : après avoir contraint un demandeur d’emploi à accepter n’importe quelle offre sous peine de sanction, vous en précisez les causes et les modalités.
Rien de bien nouveau il est vrai, puisque les sanctions existaient déjà, si ce n’est l’apparition de l’offre raisonnable d’emploi, et sans doute l’adoption de l’amendement de M. le rapporteur !
Selon vous, ce texte devrait participer de manière active à la diminution du nombre de demandeurs d’emploi, permettant à la France d’atteindre la barre symbolique des 5 % à l’horizon 2012, …
… année durant laquelle – cela n’aura échappé à personne – devrait avoir lieu la prochaine élection présidentielle.
On risque donc fort d’assister à l’instrumentalisation des chiffres du chômage.
Votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, est d’ailleurs devenu maître en la matière. J’en veux pour exemple le chiffre de 300 000 emplois créés que vous avancez. Ce chiffre me paraît, comme à beaucoup d’experts, être bien supérieur à la réalité. Vous vous gardez toutefois de préciser la nature de ces emplois ; il vous faudrait alors avouer qu’il s’agit principalement de contrats atypiques, précaires, à temps partiel imposé, particulièrement conclus dans le secteur des services à la personne.
Ce secteur a d’ailleurs enregistré une hausse de 1, 5 % au premier trimestre 2008, …
… principalement dans les « services personnels et domestiques », alors que, dans le secteur de l’industrie, l’emploi régresse de 0, 4 % pendant cette même période, avec 12 100 postes supprimés ! Et ce n’est pas l’offre raisonnable d’emploi qui va inverser cette tendance !
Quels sont les emplois pourvus ? Quelle est la nature des contrats proposés ? Pour quelle durée ? Pour quelle rémunération ou encore pour quelle sécurité, tant juridique que sanitaire ?
Tout cela, naturellement, vous le passez sous silence, parce que vos outils statistiques ne vous permettent pas ces précisions !
Le Conseil national de l’information statistique, le CNIS, vient à ce propos de vous remettre un rapport dans lequel il demande d’enrichir les indicateurs existants en cernant mieux la précarité, par exemple, et d’en créer de nouveaux, notamment en matière d’« emploi insatisfaisant ».
Au moment où l’Organisation internationale du travail lance une campagne pour promouvoir le travail décent partout et pour toutes et tous les salariés, la question de l’emploi doit être analysée sous l’angle qualitatif et non pas seulement quantitatif.
Je vous invite à ce propos à lire un article de presse en date du 10 juin, où l’on apprend que, face à un taux de chômage dépassant les 11 %, le gouvernement allemand avait fait adopter les lois Hartz relatives au marché du travail, M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État les ont évoquées. Le quatrième volet de cette législation était relatif aux demandeurs d’emploi et prévoyait de diminuer par deux la durée de l’indemnisation, mais surtout, de contraindre le demandeur d’emploi, sous menace de radiation, à accepter toute offre de travail, là-bas qualifiée d’ « acceptable », même inférieure à son niveau de qualification ou à ses exigences salariales.
Quelles en ont été les conséquences outre-Rhin, monsieur le rapporteur ? Voici la réponse : 6 millions de travailleurs pauvres, soit 22 % du total des actifs, percevant moins de 70 % du revenu moyen allemand !
Une personne sur huit est pauvre ; les inégalités se creusent, alors que le pays bénéficie d’une forte croissance et que le taux de chômage est en baisse depuis deux ans ! quand on pense que, en France, la croissance n’est même pas au rendez-vous…
Quant à l’annonce d’un chômage à 5 % d’ici à 2012, elle n’est qu’illusion, car ce taux sera d’abord et avant tout le fait d’une politique de radiations massives, entamée dans les lois précédentes – je pense au PARE – qui sera renforcée ici.
Lors de son audition jeudi dernier, M. Geoffroy Roux de Bézieux, nouveau « patron » de l’UNEDIC, nous a parlé d’amélioration de la « productivité » de la part de la nouvelle institution, mais je n’ai pas eu de réponse claire sur la manière d’obtenir cette amélioration ! Je crains que ce ne soit par la multiplication non seulement des radiations mais aussi de ce que l’on appelle les « bad jobs ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Bien que je n’apprécie pas du tout cet anglicisme, il n’empêche que chacune et chacun en comprend parfaitement le sens !
Comme le confirme M. Tito Boeri, professeur d’économie, il faut regarder de plus près les flux pour cesser de se focaliser sur les stocks du marché du travail.
En disant ces mots, mes chers collègues, je pense à celles et ceux dont il s’agit et à l’inhumanité avec laquelle ces femmes et ces hommes sont traités.
Pour M. Boeri donc, si le chômage diminue, tel n’est pas le cas du taux d’entrée dans le chômage.
D’autre part, cette baisse du taux sera le fait du jeu démographique, qui ne doit rien à vos différentes réformes !
Si ce projet de loi précise les devoirs des demandeurs d’emploi, inclus dans son intitulé, il est bien silencieux sur leurs droits.
Droit à la formation, me direz-vous ? On en a beaucoup parlé. Encore faut-il que le demandeur d’emploi y ait accès. Car, curieusement, votre gouvernement, si prompt à créer des droits opposables, cantonne la formation à une simple éventualité.
Quant aux employeurs, ils n’ont aucune obligation, alors qu’ils portent une grande part de responsabilité dans la situation de l’emploi ! On pourrait légitimement penser que les droits des demandeurs d’emploi sont partiellement constitutifs des obligations des employeurs. Je pense à la transmission d’offres d’emploi à l’ANPE, qui n’en est destinataire que de 30 % ! Bon nombre d’entreprises préfèrent se dispenser de passer par la case « service public de l’emploi », préférant recourir aux sociétés privées de placement ou encore aux sociétés d’intérim, autorisées à proposer des CDI, et tout cela sans la moindre sanction.
Après avoir entendu les propos tenus par notre collègue Serge Dassault lors de votre audition, monsieur le secrétaire d’État, jeudi dernier, …
… je suis très inquiète quant au devenir de ces femmes et de ces hommes jetés à la rue par des patrons voyous, dans l’indifférence du Gouvernement !
Je vous épargnerai la liste des entreprises qui licencient sans vergogne, elle serait trop longue.
L’exemple d’Altadis est suffisamment éloquent et mon département est loin d’être épargné ; j’étais samedi dernier aux côtés des ouvriers papetiers de ma commune pour dénoncer une fermeture abusive, alors qu’un projet alternatif existe ! On est bien loin, avec ce projet de loi, de la responsabilité sociale des entreprises prônée par le Président Sarkozy et reprise dans le Grenelle de l’insertion !
Bien au contraire, votre texte – très cohérent, il est vrai – s’inscrit parfaitement dans votre projet de société : passer d’un État social à un État libéral et pénal !
Pour conclure, loin de votre politique de culpabilisation des demandeurs d’emploi, de stigmatisation de ces femmes et de ces hommes privés d’emploi, je voudrais vous rappeler les mots de John Morley, professeur à l’École de commerce de l’université de Nottingham : « Un travailleur qui ne peut pas trouver d’emploi est un personnage infiniment plus tragique que n’importe quel Hamlet ou Oedipe ».
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas votre texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, durant la campagne présidentielle qui devait précéder son élection, le Président de la République s’est engagé à ramener, en cinq ans, le taux de chômage à 5 % pour renouer avec le plein emploi, et surtout à réduire le délai de recherche d’emploi à cinq mois.
Personne ne le conteste aujourd’hui, et ce malgré le nouveau choc pétrolier, le taux de chômage en France n’avait atteint un niveau aussi bas depuis le début des années quatre-vingt. Baissant de manière continue depuis 2006, il s’élève à 7, 2 % cette année, soit 1, 2 point de moins qu’il y a un an, avec 14 % de chômeurs en moins.
Cette situation n’est pas uniquement due à l’augmentation du nombre de départs à la retraite et à l’évolution démographique du pays. En effet, au cours du premier trimestre, l’économie française a continué à créer de nombreux emplois - près de 70 000 emplois dans le secteur marchand de notre économie. Par ailleurs, le nombre de CDI est resté stable en 2007, à 86 %.
Toutefois, comment ramener le taux de chômage de 7 % à 5 % ? Atteindre cet objectif nécessite certainement aujourd’hui un nouveau type de mobilisation, de la part tant des demandeurs d’emploi que des services chargés de les aider à trouver un emploi.
La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, qui devrait être achevée au début de l’année 2009, permettra de redéployer les moyens du service public de l’emploi et devrait faire baisser le nombre de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller. Ne serait-il pas opportun également d’associer plus étroitement les services d’orientation de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, à l’organisme issu de cette fusion, ainsi que nous l’avions suggéré dans le rapport de la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle ? Les agents du nouveau service public de l’emploi devront également consentir un effort de formation pour être à la hauteur des exigences requises afin d’appliquer efficacement et, surtout, humainement ce projet de loi.
En effet, l’une des clefs de la réduction du taux de chômage est la mise en œuvre d’une double action associant accompagnement et stimulation du demandeur d’emploi.
Cette dualité de la démarche se calque en fait sur le principe retenu dans le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, lequel a été repris dans celle de 1958 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. »
Mais se pose la question de la mise en œuvre de cette double exigence.
Au-delà de cette déclaration solennelle, il s’agit de mettre en place une procédure pratique, efficace et humaine de cette réciprocité d’obligations qui pèsent, en premier lieu, sur le citoyen et, en second lieu, sur la nation, mais qui fondent au total la justice.
Ce projet de loi vise justement à suivre cette double démarche : à un effort personnel pour travailler s’associe un accompagnement pour trouver un emploi.
Il semble inspiré par le programme britannique du New Deal, qui fait bénéficier d’un accompagnement personnalisé les personnes au chômage depuis plus de dix-huit mois, délai ramené à six mois pour les jeunes demandeurs d’emploi.
Le temps de trajet considéré comme acceptable peut aller jusqu’à deux heures, et un suivi des actes de recherche d’emploi est par ailleurs assuré. Chaque demandeur d’emploi doit entreprendre dix démarches tous les quinze jours. Le demandeur peut réduire sa demande à un certain type d’emploi le premier trimestre. Au-delà, toute proposition doit être acceptée. Tel est le système britannique.
Le dispositif français que nous examinons est moins brutal. Il repose sur une définition beaucoup plus précise du projet personnalisé d’accès à l’emploi par le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi, projet à partir duquel se définit désormais l’offre raisonnable d’emploi.
Il introduit également une progressivité dans l’abaissement des exigences posées par le demandeur en fonction de l’échec des premières tentatives.
Ce texte permet ainsi d’introduire des critères modulables et évolutifs dans le temps pour déterminer une offre d’emploi raisonnable, partant du principe qu’il est normal d’élargir géographiquement le champ de la recherche et d’abaisser les prétentions salariales après une certaine durée de chômage, tout en conservant une prise en compte personnelle de la situation très précise de chaque demandeur d’emploi.
Le débat porte sur la définition de l’offre raisonnable, et l’important est de savoir ce qui doit être considéré comme une offre d’emploi que le demandeur ne peut refuser.
Afin d’éviter que ne se renouvelle l’aventure malheureuse du CNE, et la censure judiciaire qui s’est ensuivie, il faudra tenir compte, pour définir le concept d « offre raisonnable d’emploi », des débats qui se sont développés en Europe depuis les années quatre-vingt-dix, sur la notion de qualité de l’emploi, notamment avec l’introduction du concept d’ « emploi inadéquat », puis d’ « emploi décent » retenu par le Bureau international du travail.
Je pense que, à l’avenir, la personnalisation, caractéristique du projet de loi, nous mettra à l’abri de ce risque. Et je suis certain, monsieur le secrétaire d'État, que vous tiendrez compte de ces références européennes dans vos instructions.
Les agents du service public de l’emploi sont déjà tenus de sanctionner le chômeur qui ne recherche pas activement un emploi.
S’ils ne le font que très rarement, c’est parce que les sanctions leur paraissent trop lourdes et les offres insuffisamment adaptées à la qualification des demandeurs. Dans l’état actuel des choses, le système est grossier.
En revanche, la réforme proposée repose sur la logique, apparemment bien équilibrée, d’engagements réciproques : le service public de l’emploi s’engage à mettre en œuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter le retour à l’emploi du demandeur et lui propose des offres d’emploi considérées comme raisonnables. En contrepartie, le demandeur d’emploi s’engage à accepter ces offres selon un processus qui se durcit dans le temps, ce qui n’est pas en soi critiquable, car, ne l’oublions pas, le chômage est aussi destructeur pour la personnalité. La progressivité des efforts pour en sortir n’est donc pas incohérente en soi.
Ce projet de loi a le mérite de préciser l’élaboration d’une offre d’emploi raisonnable en partant de la situation même du demandeur : la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique dans laquelle le demandeur recherche un emploi, ainsi que le niveau du salaire attendu. L’offre raisonnable d’emploi ainsi définie dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi est adaptée à chaque demandeur d’emploi en fonction de sa formation, de ses qualifications, de son expérience professionnelle et de sa situation personnelle et familiale.
L’enjeu est de taille, car, si l’on admet que la fixation d’exigences est conforme au principe constitutionnel selon lequel tout citoyen doit travailler, il est un autre principe énoncé au onzième alinéa° du même préambule de la Constitution de 1946, repris en 1958 : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Les premiers critères de l’impossibilité ne soulèvent pas de difficulté majeure, puisqu’il s’agit de l’état même de la personne.
En revanche, la formule ultime du projet de loi : « Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement », tout en répondant aux mêmes conditions en termes d’éloignement géographique, pourrait sembler faire l’impasse sur la carence due à l’état de l’économie, par insuffisance des emplois disponibles.
L’expérience le démontrera. Mais, finalement, peu importe, car le principe constitutionnel est respecté tant que le demandeur d’emploi auquel on ne peut rien reprocher continue à toucher un revenu de remplacement …
… correspondant à son «droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence », ainsi que le prévoit le préambule de la Constitution de 1946.
La question de garanties en termes d’indemnisation et, surtout, de formation et d’accompagnement sera déterminante pour assurer la bonne régulation du dispositif et faire d’un système acceptable, ce qui me semble être le cas aujourd’hui, un système également exemplaire, ce qu’il peut être demain.
Les dispositifs d’accompagnement pour le retour à l’emploi doivent s’articuler avec l’insertion sociale ou professionnelle et la formation. Le Centre d’études de l’emploi relève que les dernières étapes de la décentralisation ont bouleversé le partage des compétences dans ces domaines.
Dans le rapport sénatorial de 2007 sur la formation professionnelle, déjà cité, nous soulignions la nécessité de mettre en place une réorganisation importante pour mobiliser la formation professionnelle au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi, qui profitent très peu jusqu’à présent, comme certains l’ont déjà souligné, des crédits de la formation professionnelle.
Le succès de la réforme à laquelle vous êtes aussi attentif en matière de formation professionnelle, monsieur le secrétaire d'État, sera déterminant pour l’ensemble de la performance française en matière d’emploi. La réforme d’aujourd’hui en sera donc aussi tributaire.
Il faut également évoquer les maisons de l’emploi, qui paraissent dans ce contexte, et dans leur conception originelle, être des lieux de convergence des politiques publiques et des initiatives privées, même si leur création et leur fonctionnement sont liés aux ententes locales. Ces maisons de l’emploi participent à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, soutiennent la création d’entreprise et exercent des actions en matière de prévision des besoins de main-d’œuvre et de reconversion des territoires. Leur articulation avec le service rénové de l’emploi devra être précisée à la suite du rapport Anciaux.
Je voudrais enfin dire un mot sur les créations d’entreprises et, singulièrement, des très petites entreprises par des demandeurs d’emploi.
Cette fécondité de l’activité humaine me semble très prometteuse, ainsi qu’a régulièrement l’occasion de le préciser l’Association pour le droit à l’initiative économique, présidée par Maria Novak. Il faut impérativement que les agents du service public, ainsi que les agents issus d’entreprises privées spécialisées dans le placement et l’accompagnement qui y sont associés, soient formés pour accompagner les demandeurs d’emploi qui souhaiteraient créer leur entreprise. N’est-ce pas là une catégorie d’offre raisonnable d’emploi qui mérite d’être prise en compte ? C’est d’ailleurs ce que j’avais déjà souligné dans mon rapport intitulé Pour un contrat d’accompagnement généralisé, rendu après la mission que j’avais effectuée en 2003 auprès de François Fillon, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, j’apporte mon soutien à la réforme manifestement bien élaborée qui nous est aujourd’hui présentée, en espérant qu’elle n’est qu’une première étape d’une réforme plus vaste visant à réconcilier les dimensions économique et sociale de nos activités grâce à une véritable économie politique, celle que vous avez engagée, monsieur le secrétaire d'État. Son succès aura une portée considérable, car les demandeurs d’emploi ont besoin d’être soutenus dans cette précarité qui doit être provisoire. Ils doivent se sentir compris et aidés par la collectivité nationale. D’une manière globale, ce sont aussi tous les citoyens qui, grâce à cette réforme, doivent pouvoir être rassurés sur le sérieux et la solidarité qui existent, dans notre pays, en matière de justice sociale.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, le service public de l’emploi, le SPE, est en pleine mutation, et il s’agit ici d’en améliorer l’efficacité.
Quelles que soient les rigidités affectant le marché du travail, le SPE a un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre le chômage. Or, c’est une nécessité, il doit être réformé. Son architecture générale ayant été élaborée à une époque de plein emploi, dans une économie encore protégée, elle est devenue obsolète.
Notre SPE n’est plus adapté aux caractéristiques du chômage français, à savoir un chômage de masse, de longue durée, affectant les jeunes, les seniors, les travailleurs peu qualifiés, dans une économie ouverte de plus en plus globalisée.
La nécessité s’impose à nous, comme à toutes les économies développées, de mettre en place un véritable système d’accompagnement des demandeurs d’emploi dans leurs recherches, tout en contrôlant mieux l’effectivité de ces dernières.
C’est aujourd’hui une évidence : le fait d’être demandeur d’emploi implique non seulement des droits, qui doivent être des droits effectifs, mais également des devoirs consistant à tout faire pour se réinsérer dans l’emploi, sans pour autant accepter n’importe quoi.
Il faut noter que l’utilisation du terme de « demandeur d’emploi » n’est pas neutre. Il procède d’une philosophie d’activation de l’indemnisation du chômage. Il signifie bien qu’une personne involontairement privée d’emploi n’est pas passive. Bien au contraire, il s’agit de quelqu’un d’actif qui agit pour retrouver un emploi correspondant à ses compétences et à ses prétentions salariales, et c’est à ce titre que lui est versée une indemnité.
C’est pour ces raisons que les deux principales évolutions qu’a récemment connues le SPE ont constitué, à nos yeux, de véritables avancées.
La première d’entre elles, M. le rapporteur l’a évoquée, est la mise en place par l’ANPE, depuis 2006, d’une politique de suivi individualisé des demandeurs d’emploi. Ce suivi a été formalisé dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Il est assuré par la désignation d’un « référent » pour tout demandeur d’emploi inscrit depuis plus de trois mois.
Afin que ce suivi puisse être mis en place, l’ANPE a vu ses moyens augmenter. Même si cette augmentation a été substantielle, il est permis de s’interroger sur le point de savoir si elle a été suffisante.
En effet, en dépit de la diminution du nombre de demandeurs d’emploi, les référents sont surchargés et ne peuvent assurer le suivi personnalisé dans les meilleures conditions. Toutefois, cette situation devrait beaucoup s’améliorer grâce à la seconde grande réforme entreprise. Je veux évidemment parler de la fusion entre l’ANPE et le réseau des ASSEDIC, opérée par la loi du 13 février 2008. La fragmentation du SPE constituait une entrave sérieuse à son efficacité. Nous nous réjouissons que cette fusion ait été engagée et s’achève au début de l’année prochaine.
Elle permettra de remédier, pour une partie, au manque de personnel que je viens d’évoquer, grâce à un redéploiement des moyens qui devrait faire baisser dans d’importantes proportions le nombre de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller.
Les chiffres avancés par le Gouvernement sont très encourageants, puisque le nombre de demandeurs d’emploi suivis par un conseiller devrait passer de cent quarante à trente.
Il ne nous paraît pas superflu d’affirmer clairement le contenu des droits et devoirs des demandeurs d’emploi. Mais, plutôt que de réformer les droits des demandeurs d’emploi, le seul objet du texte qui nous est soumis est de préciser le contenu des droits existants, en leur donnant, il est vrai, un caractère évolutif.
En effet, le présent projet de loi n’est pas, à proprement parler, une réforme ; c’est plutôt un ensemble de précisions. Elles sont de trois types.
Le premier type de précisions apportées concerne très généralement les relations entre les demandeurs d’emploi et le futur organisme issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.
En vertu, donc, de la nouvelle rédaction de l’article L. 5411-6 du code du travail, le nouvel opérateur se voit assigner la mission d’orienter et d’accompagner dans leur recherche les demandeurs d’emploi immédiatement disponibles à l’embauche.
Pour leur part, les demandeurs d’emploi ont l’obligation de participer à la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi, d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi et d’accepter les offres raisonnables d’emploi qui leur sont proposées.
Le deuxième type de précisions est relatif au contenu du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE. Il est précisé que ledit projet est élaboré conjointement par le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi.
Est ainsi créé, en quelque sorte, un devoir nouveau de la part du demandeur d’emploi : celui de participer à la mise en place de son projet personnalisé. Aussi, le PPAE énoncera la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, ainsi que la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu.
Nouveau devoir, mais nouveaux droits aussi, puisque le texte prévoit également que le PPAE retracera les actions que le nouvel opérateur s’engagera à mettre en œuvre dans le cadre du SPE, notamment en matière d’accompagnement et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de la commission tendant à souligner que le PPAE doit tenir compte de la formation, des qualifications, de l’expérience professionnelle, de la situation personnelle et familiale du demandeur d’emploi et de l’état du marché du travail local, pour déterminer non seulement la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, mais aussi la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu. Par rapport au texte initial, cela nous semble plus respectueux des équilibres entre droits et devoirs des demandeurs d’emploi.
Troisième type de précisions, présenté comme le plus important : celui qui est relatif à la définition de « l’offre raisonnable d’emploi ». Cette notion n’est pas vraiment nouvelle ; elle existe déjà sous une autre appellation dans le code du travail. Le projet en précise le contour et la rend évolutive. Il est vrai que ce n’est pas superflu. La notion est en effet assez floue et les partenaires sociaux ne l’ont pas précisée, ce qui a conduit à des interprétations disparates peu conformes à l’équité.
En vertu du présent texte, l’offre raisonnable d’emploi sera appréciée au regard de trois éléments : les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu.
L’apport de ce texte réside tout autant dans la détermination de ces critères que dans la dynamisation de deux d’entre eux, puisque la loi prévoit que leur appréciation évoluera dans le temps, ce qui semble logique. Il est bien naturel, en effet, d’élargir son champ de recherche géographique et de modérer ses prétentions salariales en cas de réelles difficultés à retrouver un emploi, le tout dans la limite du raisonnable, un raisonnable qui nous semble correctement apprécié par le texte.
Du point de vue du critère géographique, un demandeur d’emploi ne sera pas tenu d’accepter une offre lui imposant un trajet simple de plus d’une heure.
Du point de vue maintenant de la modération salariale, aucun demandeur d’emploi, fort heureusement, ne pourra être radié pour avoir refusé un emploi rémunéré à un niveau inférieur au montant de l’indemnité de remplacement.
Toujours au chapitre de la modération salariale, le texte précise que le salaire proposé ne pourra être inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et la profession concernées, et ne pourra contrevenir aux règles législatives et réglementaires relatives au salaire minimum.
Dernière protection louable du demandeur d’emploi : dans tous les cas, l’offre devra être compatible avec sa qualification.
En résumé, le dispositif qui fait le cœur même du projet de loi, la définition de l’offre raisonnable d’emploi, nous semble équilibré.
Le régime des sanctions prévu en cas de méconnaissance de ses devoirs par le demandeur d’emploi nous paraît également équilibré. Le texte ne le change d’ailleurs pas fondamentalement, si ce n’est pour l’assouplir.
La radiation ne pourra dorénavant être prononcée pour une durée de deux mois qu’en cas de refus sans motif légitime de deux offres raisonnables d’emploi, alors que, jusqu’ici, la radiation pouvait être prononcée dès le premier refus.
L’ensemble de ces précisions délivre un message clair : il faut agir. Ce message clair est aussi un message incomplet, car il peut laisser croire qu’une réforme des droits des demandeurs d’emploi est mise en route, ce qui est inexact.
Et pourtant, une telle réforme des droits des demandeurs d’emploi est indispensable. Elle est l’axe central de l’un des deux volets du diptyque que constituerait la mise en place, que nous appelons vivement de nos vœux, d’une véritable flexisécurité à la française.
Il est vrai que, cette flexisécurité, nous en approchons à petits pas. L’accord national interprofessionnel signé et la loi portant modernisation du marché du travail vont déjà dans ce sens.
Flexisécuriser nos politiques de l’emploi suppose de contrebalancer la nécessaire flexibilité du droit du travail par une véritable sécurisation des parcours professionnels. Tout cela ne peut se faire que dans le cadre d’une réforme approfondie des droits des demandeurs d’emploi.
Si nous nous inspirons, par exemple, de ce qui s’est fait aux Pays-Bas ou au Danemark, et qui a porté ses fruits, cette réforme devrait, en premier lieu, passer par une revalorisation substantielle de l’indemnisation de remplacement.
Le premier droit des demandeurs d’emploi pourrait être de toucher plus, quitte, en revanche, à ce que la durée d’indemnisation soit revue à la baisse.
Réformer les droits des demandeurs d’emploi, c’est aussi améliorer l’orientation et la transférabilité de leurs droits acquis. Pourrait être reconnu au demandeur d’emploi un droit à conserver ses droits. En sécurisant les parcours professionnels, on pourrait ainsi détacher les droits des travailleurs du statut de salarié.
Nous regrettons que ce projet de loi n’aille pas plus loin dans ce sens, même si nous comprenons le choix fait par le Gouvernement d’adopter une approche morcelée du dossier de l’emploi, parce que respectueuse des négociations engagées.
La négociation de la prochaine convention d’assurance chômage pourra sans doute infléchir notre système vers un modèle français de flexisécurité ; c’est du moins ce que notre groupe souhaite.
Considérant que ce projet de loi constitue déjà une avancée significative, le groupe UC-UDF est, dans l’état actuel du texte, favorable à son adoption.
Applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l ’ UMP et du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, concernant ce projet de loi, la première question qu’il convient de se poser est la pertinence de son titre. En effet, la notion même de « droits et devoirs des demandeurs d’emploi » implique qu’il s’agit d’une catégorie de personnes qui auraient un statut bien particulier dans notre société.
Pourquoi ne pas légiférer de la même façon sur les droits et devoirs des dirigeants d’entreprise, des patrons ?
On pourrait ainsi réfléchir à leurs droits en matière de salaires exorbitants, ...
... à l’augmentation de leur salaire alors que le pouvoir d’achat de leurs salariés diminue, ...
... que certains vendent pour réaliser des bénéfices, alors que la société est en difficulté, à l’image de l’ancien président d’EADS, ...
On pourrait également s’interroger sur leurs devoirs en matière de formation, de gestion des licenciements, et sur leurs responsabilités concernant, par exemple, les délocalisations, le respect de l’environnement, la santé au travail, l’harmonisation fiscale et sociale à l’échelon mondial. Le titre même de cette future loi pose donc question.
Dans la crise sociale et économique que nous traversons, n’aurait-il pas été plus indiqué de légiférer sur la solidarité à l’égard des demandeurs d’emploi ?
Pourquoi donc nous proposer aujourd’hui un tel texte ?
On nous dit que c’est nécessaire, car un certain nombre d’emplois ne sont pas pourvus. L’argument reste très vague, et je n’ai pas trouvé d’étude sérieuse qui vienne l’étayer.
Il semblerait que, actuellement, les emplois difficilement pourvus relèvent de deux catégories : d’une part, les métiers très qualifiés, très spécialisés – je pense à la médecine ou encore à l’informatique – et, d’autre part, les métiers que l’on peut qualifier de pénibles, par exemple les métiers du bâtiment ou les métiers de bouche, dont les horaires et les salaires sont très peu attractifs.
Ce projet de loi ne s’adresse évidemment pas aux cadres et ingénieurs de haut niveau... Il concerne les personnes peu ou pas qualifiées, à qui l’on veut imposer une insertion professionnelle, quelle qu’elle soit, où qu’elle soit.
Monsieur le secrétaire d’État, cela pose la question du projet de société que l’on souhaite pour notre pays. Car ce texte répond évidemment à une logique politique qui veut aligner l’économie française et le monde du travail dans un système mondial néolibéral, un système qui est une immense régression en termes de salaires, de conditions de travail, de durée du temps de travail, notamment.
Cette logique est, bien sûr, le résultat d’une erreur d’analyse, erreur qui consiste à croire que le salut de l’économie française et la compétitivité avec les pays émergents nécessitent la remise en cause des droits sociaux en France et en Europe.
Une autre logique est possible, que je déclinerai en quatre points.
Premièrement, la remise en cause du productivisme comme dogme économique, à l’échelon mondial, avec son idéal archaïque d’une croissance toujours plus forte. Ce dogme est un non-sens écologique et une aberration économique si l’on considère que, dans un délai très court, la moitié de nos activités consistera en fait à réparer les dégâts du productivisme. Il serait temps de s’interroger sur les besoins réels et d’adapter ces besoins aux ressources. Sinon, nous courons à la catastrophe, à la fois économique, sociale et écologique.
Deuxièmement, la mise en œuvre d’une solidarité Nord-Sud et Est-Ouest s’impose. Cela signifie le développement d’une économie de proximité ; je pense particulièrement à l’agriculture et aux services.
Chaque pays doit trouver son propre développement, sans domination de l’un sur les autres. C’est la condition d’un développement harmonieux. Cela créera les conditions de la liberté de circulation des personnes et limitera, de fait, l’immigration économique contrainte.
Troisièmement, il est nécessaire que chacun puisse vivre décemment de son travail. L’objectif ne doit pas être, comme cela est sous-entendu dans ce projet de loi, de travailler beaucoup pour pas grand-chose ; il doit être de créer un monde du travail moins pénible, moins stressant, moins culpabilisant. C’est aussi une question de santé publique. En lieu et place d’une société inégalitaire, il faut créer les conditions d’une société équitable et solidaire, dans laquelle, par exemple, le salaire d’un patron ne pourrait pas être cinq cents fois supérieur – cinq cents fois, mes chers collègues, cinq cents fois ! - à celui de l’ouvrier !
Quatrièmement, enfin, il faudrait, bien sûr, revenir sur la notion de temps de travail, sur la place du travail dans la vie, et parler de la question de l’autonomie de la personne, de son développement personnel, et de l’utilité sociale du travail.
Il convient donc de réfléchir sereinement aux politiques qui doivent être mises en œuvre pour permettre à tous l’accès à un emploi.
C’est évidemment bien différent de la réflexion que vous nous proposez ! Vous, vous stigmatisez le demandeur d’emploi, que vous considérez essentiellement comme une personne coupable de ne pas travailler, accréditant ainsi l’image du « chômeur fainéant » responsable de sa situation !
Les « demandeurs d’emploi » décrits dans ce projet de loi sont des individus coupables, ...
... coupables de n’avoir pas été assez efficaces, pas assez productifs, ...
... coupables de ne pas avoir été assez combatifs hier pour conserver leur emploi, coupables de rechigner aujourd'hui à en chercher un nouveau !
À vous entendre, si le chômeur ne retrouve pas d’emploi, c’est parce que, au fond, il ne le veut pas !
Votre projet nie tout simplement les difficultés de la vie et la responsabilité de notre système économique.
Il faut cesser de diaboliser les chômeurs, de leur faire payer l’incapacité du marché du travail à leur fournir un emploi digne, correspondant à leurs attentes. Il faut arrêter d’en faire des boucs émissaires.
À défaut de réfléchir à la réforme du marché du travail, vous osez, avec ce projet de loi, demander aux demandeurs d’emploi de se justifier, de faire des efforts, de revoir à la baisse leurs ambitions de travailleurs, la décence de leurs salaires et la dignité de leurs conditions de vie.
Et en leur demandant de s’adapter toujours plus, d’accepter toujours moins, vous vous apprêtez à faire d’eux une sorte d’armée de réserve qui servira de main-d’œuvre d’ajustement à un marché de l’emploi toujours plus flexible et toujours moins sûr !
Telle n’est pas ma conception d’un accompagnement efficace vers l’emploi. Sanctionner, ce n’est pas aider. Sanctionner, c’est faire pression, précariser, exclure l’individu du système ; c’est se donner l’illusion de l’action. Sanctionner, c’est décharger l’État de sa responsabilité vis-à-vis des citoyens, dont il doit élever le niveau de formation et le niveau de vie. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements tendant notamment à la suppression du système de sanction.
Il serait plus juste et bien plus efficace – cela a été dit tant de fois ! – de former les chômeurs, de motiver la création et la répartition des richesses et des emplois, de dynamiser les bassins économiques délabrés.
Ainsi, l’élargissement géographique que vous préconisez pour la recherche d’emploi va aboutir à des situations ubuesques.
Prenons l’exemple d’un chômeur roubaisien qui s’est vu proposer une offre d’emploi dans le secteur du nettoyage à la gare de Lille, avec une journée de travail commençant à quatre heures du matin. Certes, la distance Lille-Roubaix est inférieure à trente kilomètres. Mais, à cette heure matinale, par quel mode de transport va-t-il s’y rendre ? Il n’a d’autre solution que la voiture. Que fera alors l’ANPE, ou la nouvelle agence X, si cette personne n’a pas les moyens de posséder une voiture, ou même simplement de l’alimenter en carburant ? La sanctionner ? La radier des listes pour refus d’une offre « raisonnable » ?
À quoi bon imposer au demandeur d’emploi un déplacement de trente kilomètres pour un salaire modique, alors que l’ANPE, ou la future entité encore innommée, ne pourra tout simplement pas constituer une liste d’offres raisonnables d’emploi ?
Prenons l’exemple de la métropole lilloise : 30 000 personnes sans emplois, dont 21 000 sont inscrites à l’ANPE, et des entreprises qui ferment chaque jour ! Comment l’ANPE va-t-elle pouvoir détecter un nombre suffisant d’« offres raisonnables d’emploi » dans un tel bassin ?
La question est posée !
Le système français de protection sociale contre la privation involontaire d’emploi a été créé à la fin de l’année 1958. Ce faisant, le général de Gaulle et les partenaires sociaux - ne les oublions pas - ont mis en place un régime fondé sur une logique assurantielle. Ce régime permet de prémunir chaque travailleur contre les incertitudes d’un marché du travail dont chacun est de plus en plus dépendant. Or c’est bien la philosophie assurantielle de tout notre système de protection en matière d’emploi qui est remise en cause par l’esprit de ce projet de loi !
Nous sommes décidés à combattre les sanctions ici prévues, qui visent à sortir un certain nombre de demandeurs d’emploi des statistiques. On se rendra très vite compte que le problème se reposera avec l’aide sociale, nécessaire à ceux qui seront en dehors du système. On aboutira donc à une paupérisation accrue, alors que la société française se doit, aujourd’hui, d’être solidaire.
Vous allez radier, radier et encore radier, et la pauvreté ne fera que s’accroître !
Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, si ce projet de loi est adopté, il condamnera deux millions de nos concitoyens à la précarité. Nous qui luttons pour une société plus solidaire, nous sommes décidés à combattre ce texte !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reprendrai pas l’intégralité des points qui ont été évoqués par les différents intervenants, que je remercie de leur contribution au débat.
Je souhaite toutefois apporter quelques éléments de réponse.
Je voudrais d’abord vous remercier une nouvelle fois, monsieur le rapporteur, de la qualité de votre travail. Au-delà de votre soutien à ce texte et à sa philosophie, qui sont évidemment essentiels pour le Gouvernement, votre rapport a permis d’apporter des clarifications utiles. Je pense notamment à la nature juridique du projet personnalisé d’accès à l’emploi, ainsi qu’à la meilleure façon d’enclencher sa signature dès le début de la démarche, point sur lequel vous nous avez considérablement aidés. Plusieurs amendements, qui s’inscrivent parfaitement dans la logique du texte, ont d’ailleurs été déposés au nom de la commission sur votre initiative.
Je tiens également à vous remercier, madame Debré, de votre soutien dynamique ; vous avez en effet évoqué un texte « équilibré, positif et incitatif ».
Je reviendrai également sur les exigences que vous avez évoquées en matière de formation professionnelle, qui sont parfaitement justifiées.
Je souhaite également remercier M. Seillier, qui a eu tout à fait raison de rappeler les principes du préambule de la Constitution de 1946, que chacun d’entre nous devrait relire, tant ce texte fonde les vrais principes d’une politique sociale et de solidarité.
Des remerciements pour la droite et pour le centre, mais nous ? Vous nous radiez ? (Sourires.)
Monsieur le sénateur, si l’archaïsme de vos idées vous conduit à être contre ces principes, cela pourrait bien vous arriver, en effet ! §(Nouveaux sourires.) Mais je n’ose même pas l’imaginer…
Madame Debré, vous avez notamment insisté sur la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC et sur les objectifs que nous nous sommes assignés dans ce domaine et que nous ne devons pas perdre de vue.
Derrière la mise en place du réseau de guichets uniques, il faut également voir la simplification des démarches, la rénovation de l’offre de services et l’accompagnement renforcé. Sur ce dernier point, et contrairement à ce que j’ai pu entendre ici, ce travail a commencé !
Nous n’attendrons par le 1er janvier 2009 pour entamer ce travail d’amélioration. Notre logique n’est pas abstraite, et nous ne nous contentons pas de sanctuariser les évolutions prévues dans des textes ! Le travail concret d’amélioration du service rendu aux usagers d’un service public se fait d’abord sur le terrain, et il suffit de pousser la porte des guichets de l’ANPE pour s’en rendre compte.
M. Seillier, qui connaît la réalité de la précarité, pour avoir œuvré sur ces sujets depuis de nombreuses années au travers de son engagement politique, a rappelé également, comme Mme David, les enjeux de la formation.
Ils sont effectivement essentiels. Or de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années, mesdames, messieurs les sénateurs, très peu ont eu le courage de s’attaquer à cette vache sacrée de la formation professionnelle.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. À vrai dire, ce gouvernement est le premier à ouvrir véritablement le dossier.
M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.
Je ne doute pas que nous bénéficierons à cette occasion d’un soutien actif et constructif de votre part, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, le but est, d’une part, de diminuer les dépenses qui n’aboutissent pas réellement à améliorer la formation sur le terrain, d’autre part, de mieux orienter les financements vers ceux qui en ont besoin, à savoir les demandeurs d’emploi, les salariés peu qualifiés, les seniors, les employés des PME ou des TPE, et, enfin, tous ceux, sur nos territoires, qui peuvent être frappés par une situation de reconversion industrielle douloureuse.
Vous avez raison de le souligner, ce gouvernement a entrepris dans le même temps d’améliorer la formation professionnelle. Un groupe de travail piloté par Pierre Ferracci a tenu mardi sa dernière réunion. Avec Christine Lagarde, nous organisons le 10 juillet prochain une réunion quadripartite pour lancer les négociations sur ce thème.
Monsieur Seillier, vous avez également évoqué les maisons de l’emploi. Il faut assurer leur complémentarité et leur articulation avec la colonne vertébrale que constitue le service public de l’emploi.
Vous avez enfin évoqué les créations d’entreprises par des demandeurs d’emploi. En 2007, sur 321 000 entreprises créées, un tiers sont le fait de demandeurs d’emploi. Et le Gouvernement n’a pas attendu les textes pour rendre ces améliorations opérationnelles ! Dans le projet de loi de modernisation de l’économie, le dispositif d’accompagnement du créateur d’emploi est considérablement renforcé.
J’en viens maintenant à l’intervention de Mme Le Texier, qui, par un sens de la pondération et de la modération, dont, je le sais, elle est coutumière, a retenu mon attention.
Sourires
Cherchant constamment à éviter la caricature, elle s’est placée dans une perspective très équilibrée, et j’y ai été sensible.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Je ne sais pas si c’est Descartes ou les farces de Molière qui ont le plus inspiré son discours truffé d’allusions littéraires. En tout état de cause, j’y ai vu la patte d’un certain Karl Marx, avec un raisonnement de facture très xixe siècle en termes de rapports de force.
Rires sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Plus sérieusement, permettez-moi de vous dire, madame la sénatrice, que j’ai été quelque peu choqué par votre présentation des emplois non pourvus ou des « métiers en tension ».
Je vous rappelle que 1, 8 million de personnes travaillent dans le secteur du BTP, notamment des artisans, qui croient à la valeur de leur métier. Que vous présentiez ces emplois comme sans avenir ou de second ordre m’a heurté.
La banque, l’assurance, le secteur informatique, ou celui des services à la personne, qui englobent d’autres « métiers en tension », peuvent-ils être caricaturés de cette manière ? Les ingénieurs méritent-ils la diatribe dans laquelle vous vous êtes lancée ? S’agit-il de domaines sans avenir, de métiers et d’emplois de seconde zone ?
Des millions de nos concitoyens construisent jour après jour leur avenir dans ces secteurs d’activité, et je pense qu’ils méritent notre considération.
Vous avez cité des chercheurs, notamment Carole Tuchszirer, laquelle n’est pas réputée pour son sens de l’ouverture. Personnellement, plutôt que des travaux de recherche, je préfère partir des réalités concrètes, que je connais mieux.
Au titre de ces réalités concrètes, je citerai tout d’abord la modernisation du service public de l’emploi, que nous avons entamée, avec d’abord la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, l’amélioration de l’offre de services pour les seniors, qui est opérationnelle depuis le 1er janvier et qui permet un meilleur accompagnement de ces demandeurs d’emploi, ou encore les progrès accomplis en termes de mobilité.
Je pourrais également citer la loi portant modernisation du marché du travail ou la loi relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Je regrette que vous n’ayez pas voté ces lois, qui permettent précisément des améliorations concrètes du service public de l’emploi.
Vous avez également fait allusion à l’équilibre du dispositif. Je le dis clairement, il s’agit de mieux accompagner chaque demandeur d’emploi par le biais du projet personnalisé qui sera défini avec lui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons effectivement l’intention de mieux contrôler les fraudeurs.
Je ne peux pas me contenter d’un discours qui consiste à dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! Laissons donc les abus se poursuivre. » Les fraudes, même si elles sont minoritaires, méritent notre attention ; c’est une exigence au regard de l’équité.
Enfin, vous avez écarté d’un revers de main toute comparaison européenne, considérant que ni la Suède, ni le Danemark, ni la Belgique, ni l’Espagne, ni l’Allemagne, ne méritaient la moindre attention de notre part. Pour vous suivre dans des métaphores littéraires qui vous sont chères – j’ai d’ailleurs pu apprécier à cette occasion votre sens de l’humour – il s’agit moins de L’Élégance du hérisson que du Syndrome de l’autruche !
Sourires
Il vaut mieux, de ce point de vue, s’ouvrir quelque peu aux réalités et aux frontières européennes, car nous ne pouvons pas nous contenter du discours de ceux qui ne veulent rien faire, rien changer. Une telle vision est trop conservatrice, alors que nous avons besoin d’adapter notre représentation de l’accompagnement du demandeur d’emploi.
Monsieur Desessard, …
M. Jean Desessard. Vous pouvez évoquer, en ce qui me concerne, le xviie siècle !
Rires.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Si cela vous remet sur le chemin des Lumières, ce sera avec plaisir, monsieur Desessard !
Nouveaux rires.
Vous avez tout d’abord fait allusion au contrôle sur les entreprises.
C’est vrai, il faut un meilleur encadrement des stock-options. Cela tombe bien, la loi TEPA y a contribué ! C’est vrai, nous devons continuer de travailler sur la question des parachutes dorés, parce qu’ils peuvent être très choquants aux yeux de nos concitoyens. C’est pour cette raison que Xavier Bertrand œuvre à la mise en place d’un meilleur encadrement de ces « parachutes ». Là encore, si la situation évolue, tel n’avait pas été le cas au cours de ces dernières années, quel que soit d’ailleurs le gouvernement en place.
S’agissant des offres d’emploi non pourvues aujourd’hui dans notre pays, vous m’avez demandé comment nous arrivons au total de 500 000. Sachez que nous nous appuyons sur deux évaluations. La première est effectuée à partir de bureaux tests de l’ANPE et des ASSEDIC, qui permettent de vérifier qu’un certain nombre d’offres d’emploi ne trouvent pas preneur. La seconde est tirée des déclarations relatives au contrôle des offres d’emploi, qui permettent de suivre les offres dans le temps.
Ces deux évaluations sont concordantes et confortées par une évaluation à l’échelle nationale conduite voilà quelques années. Elles permettent d’affirmer que 400 000 à 600 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues.
S’agissant des grands principes que vous avez posés, et que j’ai trouvés intéressants pour la réflexion intellectuelle, quand vous avez dénoncé la tendance au productivisme, affirmé la nécessité d’une meilleure solidarité Nord-Sud et Est-Ouest ou encore du développement d’une logique de travail pour tous, ils me semblent un peu éloignés des réalités de terrain, des réalités quotidiennes de chaque demandeur d’emploi.
Je me permets de vous le dire, nous avons effectivement besoin d’une vision politique, mais celle-ci ne peut pas se résumer uniquement à l’assistance pure, elle doit également reposer sur une conception de la solidarité fondée sur un meilleur équilibre entre les droits et les devoirs. Sinon, nous prenons collectivement le risque qu’un certain nombre de nos concitoyens, qui travaillent ou qui cherchent effectivement un emploi, perçoivent ce système, où l’on ne recherche jamais ceux qui abusent, comme profondément inéquitable.
Nous avons besoin de réintroduire cet équilibre, et de montrer à l’immense majorité des demandeurs d’emploi que nous reconnaissons leurs efforts, en refusant de cautionner les abus, fussent-ils le fait d’une minorité.
Madame David, vous avez rappelé que l’objectif était de revenir au plein emploi en 2012, date qui correspondra à la fin du mandat du Président de la République, c'est-à-dire de la période sur laquelle nous pouvons prendre des engagements. Comme M. le président de la commission le rappelait tout à l’heure, nous ferons alors le bilan de l’exercice pour lequel les Français nous ont fait confiance, et nous présenterons des résultats.
S’agissant des créations d’emploi, permettez-moi de rectifier le chiffre que vous avez donné, ce qui me permet de montrer à quel point la situation de l’emploi est meilleure qu’elle n’a jamais été : ce ne sont pas 300 000 emplois nouveaux qui ont été créés, mais bien 380 000, madame David.
Ces chiffres sont ceux de l’INSEE, confortés à la fois par l’ANPE et par les statistiques du Bureau international du travail.
Nous ne sommes pas d’accord sur tout, madame David, mais vos interventions étaient constructives et intéressantes sur au moins trois points.
S’agissant des comparaisons internationales, vous avez raison de souligner que l’Allemagne a adopté un système beaucoup plus dur que celui que nous proposons. C’est précisément pour éviter un certain nombre de déviations du système allemand…
…que nous avons choisi un dispositif beaucoup plus équilibré et plus proche de ce qui se pratique notamment dans des pays comme la Suède, la Norvège ou le Danemark.
Vous aviez déjà attiré mon attention au cours des auditions de la commission sur les offres d’emploi collectées, et je trouve que vous avez raison. Nous devons travailler conjointement sur ce point, dans le cadre du dialogue entre le service public de l’emploi et les entreprises, afin de veiller à ce que les offres d’emploi soient adaptées et ne soient pas fictives. À cet égard, il me semble que nous pouvons faire un bout de chemin ensemble.
Il faut, bien sûr, être attentif à la qualité des emplois qui sont proposés. Il est hors de question d’acheter une amélioration de l’emploi au prix de plus de précarité. Deux indicateurs, notamment, nous permettent d’en juger sur la base de résultats clairs, le nombre de CDD et le recours à l’intérim. Le nombre de CDD augmente-t-il ces dernières années ? Non ! Le recours à l’intérim s’est-il accru ces dernières années ? Non ! Donc, à ce stade, mais cela appelle toujours une grande vigilance de notre part, l’amélioration de l’emploi ne s’est pas traduite par plus de précarité.
Les propos de John Morley que vous avez cités sont intéressants, ils rappellent un principe de bon sens : il n’y a rien de pire pour quelqu’un que de ne pas avoir d’emploi. Nous devrions mûrir cette citation.
Enfin, je remercie Mme Dini de la précision et du caractère équilibré de son intervention, ainsi que du soutien qu’elle apporte au projet de loi. Le fait d’entamer courageusement la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC ouvre, vous avez raison, madame le sénateur, beaucoup de perspectives en termes d’amélioration du service public de l’emploi. Certaines sont déjà opérationnelles à l’heure où nous parlons.
Vous avez rappelé aussi à quel point l’effort budgétaire consenti par l’État et par la solidarité nationale, fût-ce par un dispositif d’assurance, est important. La dotation de l’État au budget pour l’ANPE est de 1, 5 milliard d'euros. Il est donc normal de demander en contrepartie des recherches d’emploi actives.
Vous avez rappelé à juste titre le principe de bon sens qui est au cœur de notre projet de loi, celui de l’équilibre des droits et des devoirs. Permettez-moi, pour conclure, de le résumer en ces termes : mieux accompagner les demandeurs d’emploi, mieux contrôler ceux qui profitent du système !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n° 4 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi (n° 390, 2007-2008) (urgence déclarée).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit pleinement dans votre volonté de modeler une nouvelle société, un nouvel État : vous souhaitez passer d’un État social à un État libéral et pénal. Ma collègue Annie David vous l’a déjà rappelé.
En effet, depuis un an, vous organisez la remise en cause systématique des droits des salariés au travers de vos réformes. Cette année, ce ne sont pas moins de cinq textes que vous aurez fait adopter au Parlement ; le dernier, et non des moindres, puisqu’il porte rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, sera examiné à la mi-juillet.
Soyez assurés que nous en discuterons !
Aujourd'hui, c’est aux salariés privés d’emploi que vous vous attaquez.
Je voudrais revenir sur les textes de référence de votre action. Le premier fut la recodification du code du travail, que l’on aurait pu intituler « l’histoire des droits amoindris ».
Vous avez manqué à vos engagements. Vous avez profité de cette recodification pour complexifier le code, en le faisant doubler de volume, et pour amoindrir la protection des salariés, en transposant certains droits du domaine législatif au domaine réglementaire, quand vous ne les avez pas tout simplement supprimés.
Ensuite, ce fut le tour de la privatisation rampante du service public de l’emploi, avec la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. On aurait pu croire à vos déclarations de bonnes intentions, si elles n’étaient pas contredites par le contenu même du texte de loi. Je pense, par exemple, au fait que, demain, les agents seront tout à la fois agent de placement et agent de contrôle ; le même agent étant tout à la fois celui qui inscrit, qui cherche et qui radie sera autrement dit juge et partie. C’est un débat de fond sur lequel nous reviendrons.
Puis vint votre prétendue modernisation du marché du travail. En fait de modernisation, ce que les salariés retiendront de ce projet de loi, c’est qu’il a été un outil supplémentaire dans la réduction du coût du travail et dans la réduction de leurs droits, mais aussi dans l’augmentation de leur précarisation.
À cet égard, je ne partage pas du tout votre interprétation, monsieur le secrétaire d’État. Nous attendons les conclusions du rapport de M. Seillier sur la pauvreté et la précarité, mais nous savons que, dans les pays européens développés, comme dans les pays anglo-saxons, la dernière décennie a été marquée par l’explosion de la précarité et de la pauvreté, notamment par la multiplication des personnes dont les ressources mensuelles sont comprises entre 500 et 1 000 euros.
Le quatrième texte, celui qui nous réunit aujourd’hui, s’inscrit dans votre logique libérale, mais il vous inflige un très mauvais point en matière de dialogue social, puisque vous avez décidé unilatéralement de passer outre l’avis des partenaires sociaux, après avoir mis un terme aux négociations.
Le cinquième texte est d’ores et déjà prévu à l’ordre du jour de nos travaux, mais pendant la session extraordinaire. Il s’agira pour vous de mettre fin aux 35 heures ! Bien sûr, vous vous en défendrez, mais vous préférez visiblement la semaine de 65 heures, avec vos amis libéraux européens, soit 13 heures de travail quotidien !
M. Jean Desessard s’exclame.
Ces réformes antisociales voulues par Nicolas Sarkozy et écrites par ses conseillers, mises en scène par M. François Fillon, promues pour une part par M. Xavier Bertrand et par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, seront lourdes de conséquences, particulièrement pour les plus fragiles de nos concitoyens.
Ce n’est pas votre campagne publicitaire de 4, 5 millions d’euros qui arrivera à convaincre l’ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens que vos réformes complexes amélioreront leur pouvoir d’achat, alors que la situation qu’ils vivent est tout autre.
Sans doute l’outre-atlantisme du Président de la République et de ses ministres vous conduit obstinément à rechercher votre modèle antisocial du côté des pays anglo-saxons, plus particulièrement aux États-Unis. Dans ce pays, le droit de licencier est très large et peut être mis en œuvre du jour au lendemain ; les malades les plus pauvres peinent à se soigner - 50 millions d’Américains ne bénéficient d’aucune protection sociale –, les aides sociales sont limitées.
Oui, réforme après réforme, vous imposez ce modèle dont nous ne voulons pas !
Monsieur le secrétaire d’État, les propos tenus jeudi dernier par M. Serge Dassault lors de votre audition par la commission des finances relative au référé de la Cour des comptes sur la fusion ANPE-ASSEDIC ne vous ont-ils pas alerté ?
Selon le sénateur de la majorité présidentielle, le problème tient au fait que l’assistance et les aides diverses aux chômeurs sont trop élevées. Et d’ajouter, avec la pondération qui est la sienne, qu’il serait plus efficace de réduire carrément les aides aux chômeurs pour les faire travailler plutôt que de leur donner de l’argent sur les deniers de l’État. Quant aux jeunes, ce même sénateur préconise de les mettre en apprentissage dès l’âge de quatorze ans !
Nous connaissons tous le sens de la mesure qui caractérise M. Dassault. Il s’était d’ailleurs déjà manifesté lors de l’examen de la loi portant modernisation du marché du travail.
Nous nous souvenons des échanges avec notre ancien collègue Roland Muzeau !
M. Dassault avait alors défendu une société totalement dérégulée, dans laquelle le droit de licencier ne devrait pas être encadré et où les contrats les plus précaires, les contrats de portage et de mission, devraient être généralisés à l’ensemble des salariés.
Vous me direz qu’il s’agit de propos excessifs qui n’engagent que celui qui les tient. Je crois au contraire qu’il s’agit de la traduction à voix haute et forte de ce que bon nombre de parlementaires UMP pensent, mais taisent.
Monsieur le secrétaire d'État, ces mots d’une rare violence sociale sont la conséquence de votre rhétorique de culpabilisation et de stigmatisation des demandeurs d’emploi.
Votre projet de loi part du présupposé selon lequel un chômeur trouverait plus facilement un emploi si on limitait et ses droits et ses indemnisations.
Pour prendre un exemple que je connais bien, celui de mon département, je m’oppose souvent à Michel Mercier en matière de minima sociaux, car tout le monde dans le Rhône est suspecté d’être un fraudeur. C’est une véritable chasse aux pauvres !
M. le rapporteur proteste.
C’est comme pour les chômeurs ! Le nombre de titulaires de minima sociaux est en train de baisser ; il serait intéressant de savoir pourquoi.
Rires
Quoi qu’il en soit, ces présupposés ne sont pas sans effets sur votre méthode de travail. La preuve en est le déni de démocratie sociale qui a prévalu dans l’élaboration de ce texte : aucune des cinq organisations syndicales représentatives des salariés n’a voulu parapher votre projet de loi. Toutes, au contraire, de la CFE-CGC à la CGT, vous ont fait part de leur mécontentement quant à la méthode utilisée et au contenu même du texte. Elles dénoncent toutes un texte d’affichage, de stigmatisation et de culpabilisation introduisant des dispositions qui risquent de faire peser la suspicion sur tous les chômeurs, ainsi que l’absence de droits nouveaux pour les demandeurs d’emploi. Nous y reviendrons à l’occasion de la défense de nos amendements.
Un collectif de syndicats et d’associations de précaires et de chômeurs a fait savoir qu’il s’opposait à ce projet de loi dont ils estiment qu’il rend les chômeurs responsables de leur situation.
Je remercie d’ailleurs M. Leclerc de le signaler dans son rapport. Je cite : « Les organisations syndicales ont exprimé leur opposition à ces dispositions. Elles regrettent que le Gouvernement ne leur ait pas laissé la possibilité de négocier sur ce sujet et estiment que le projet de loi jette une suspicion sur l’ensemble des demandeurs d’emploi ».
Mais M. Leclerc l’écrit….
Je m’inscris en faux contre l’argument selon lequel l’intervention du Gouvernement se justifie sous prétexte que les organisations syndicales ont refusé de négocier à deux reprises.
L’ensemble des organisations syndicales que ma collègue Annie David et moi-même avons auditionnées…
…le nient catégoriquement. Vous prenez en exemple la négociation sur le renouvellement de la convention d’assurance chômage en 2005. Il est assez facile de se faire l’écho d’une négociation passée dont les objectifs n’étaient pas ceux qui nous concernent aujourd’hui.
Quant à la référence faite à l’Accord national interprofessionnel, elle me laisse circonspect. Vous reprochez aujourd’hui aux partenaires sociaux d’avoir préféré écarter de la discussion une disposition qui, si elle avait été introduite, aurait hypothéqué la signature de l’accord que vous vous réjouissez par ailleurs d’avoir obtenue.
De plus, et vous le savez bien, les partenaires sociaux s’étaient accordés à l’occasion de l’ANI pour reporter l’examen de l’offre raisonnable d’emploi à la négociation de la convention d’assurance chômage, à la fin de l’année 2008… La ficelle est un peu grosse !
Vous nous dites que, face à ce refus de négocier, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Fera-t-il de même pour la négociation sur la pénibilité, bloquée par le patronat, qui pourtant, de l’avis même de nombreux spécialistes, devient indispensable et urgente ? Mais il est vrai qu’il s’agit non pas de satisfaire aux exigences du patronat mais de répondre aux attentes légitimes des salariés… Nous vous verrons à l’œuvre !
En outre, cette « prise de responsabilité » du Gouvernement est pour nous totalement incohérente par rapport au précédent texte organisant la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, puisque la nouvelle institution, qui aura pour mission de garantir les droits et d’imposer les devoirs des demandeurs d’emploi, ne sera mise en place qu’à compter du 1er janvier 2009.
L’incohérence est plus grande encore de vouloir faire adopter ce texte avant d’entamer les négociations avec les partenaires sociaux, plus particulièrement avec les organisations syndicales. Cependant, monsieur le secrétaire d’État, j’ai entendu les explications que vous avez apportées sur ce point dans votre réponse aux orateurs.
Tout cela, mes chers collègues, fait de ce projet de loi un texte profondément déséquilibré, au titre abusif, dans lequel les devoirs sont nombreux et les droits pratiquement absents. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’il comporte en réalité des reculs sans précédent pour les droits des demandeurs d’emploi.
Cela est d’autant plus vrai que la politique de bas salaires que le Gouvernement conduit – la politique d’« écrasement des salaires », devrais-je plutôt dire – produira inévitablement une baisse généralisée des salaires, …
…comme nous le constatons déjà avec le recours à l’intérim et aux contrats à temps partiel. De plus, avec les déclassements professionnels, qui deviendront monnaie courante avec ce texte instaurant la dégressivité des droits des demandeurs d’emploi jusqu’à les pousser à accepter un emploi inférieur à celui qu’ils occupaient précédemment, c’est au bout du compte les conditions sociales de l’ensemble des salariés qui seront aspirées vers le bas. Au nom de la lutte contre le chômage, vous allez multiplier le nombre de travailleurs pauvres !
Pour conclure, je voudrais aborder un point qui est complètement absent de votre texte, mais auquel mon groupe est très attaché. Il joue pourtant un rôle important dans la situation de l’emploi, je veux parler de la responsabilité sociale des entreprises, la RSE.
Cela fait quelques années qu’émerge dans la société un débat sur ce thème. Cette responsabilité sociale des entreprises vise à réintégrer ces dernières dans un contexte social de droits et de devoirs en direction des salariés comme de l’environnement. La Commission européenne lui donne d’ailleurs la définition suivante : « La RSE est l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ». En apparence, c’est un beau projet. Il existe même une charte de bonne conduite et des sociétés chargées d’évaluer le respect de ces engagements.
Autant vous dire que peu d’engagements sont tenus. Les entreprises ne cessent de poursuivre leurs politiques de réduction de la masse salariale, licenciant les plus anciens des salariés – ils sont plus coûteux –, faisant peser sur les sous-traitants le poids de leurs décisions économiques, refusant d’utiliser les crédits consacrés à la formation professionnelle, recourant aux stagiaires pour occuper des postes à temps plein, et j’en passe. En la matière, le MEDEF nous assourdit par son silence étonnant.
Il faut dire que les employeurs n’ont aucune raison de faire progresser leurs engagements, puisque l’État lui-même manque à ses obligations. Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, participe effectivement à un grand mouvement de déresponsabilisation, à l’image de votre proposition de réforme du FCAATA, dont la mesure phare, attendue par le patronat, sera de limiter leurs contributions et de piller la branche AT-MP.
On ne peut pas uniquement compter sur une charte, déclaration de bonnes intentions, pour protéger les salariés. C’est sur la loi, cette arme du faible contre les puissants, qu’il faut s’appuyer.
Tel n’est malheureusement pas le cas, et le texte d’aujourd’hui manque cruellement de mesure à cet égard.
Quant à la place de l’entreprise dans la société, elle est occultée. Les sénateurs communistes, comme d’autres d’ailleurs, ne sont pas, vous le savez, des partisans de l’époque – je l’ai connue pour ma part dans mon enfance – où les employeurs se comportaient en bon père de famille, avec un paternalisme parfois étouffant : ils possédaient la cité ouvrière, l’école, l’église, etc.
C’est mieux que les fonds financiers !
Mais il nous semble impératif de revenir à une situation où les salariés faisaient l’objet d’une réelle reconnaissance.
Hier encore, l’entreprise était responsable du salarié durant et après son activité. Ce temps est bien révolu. Je dois avouer qu’un certain François Fillon, ministre du travail en 2003, a bien participé à ce démantèlement – j’allais dire à cette « casse », mais ce mot ne vous plaît pas –, …
« Démantèlement », ce n’est pas mieux ; choisissez plutôt un autre terme !
… privant les salariés retraités de la participation des employeurs à leur mutuelle complémentaire d’entreprise.
En abordant la question du chômage et du retour à l’emploi, nous aurions pu, nous aurions dû, aborder également la place de l’entreprise dans la société.
En réalité, l’urgence vous est fort utile. Elle vous permet de contourner le débat qu’aurait légitimement dû faire naître votre projet de loi. Elle stigmatisera les titulaires de minima sociaux, les chômeurs, les précaires et tous ceux dont la vie est aujourd’hui « en bascule ».
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable, qui permettra au Gouvernement de redécouvrir le chemin du dialogue social.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Il n’est pas question de recommencer la discussion générale au cours de laquelle chacun a pu exprimer son opinion.
En outre, M. le secrétaire d’État a répondu aux principaux intervenants. Je serai donc bref.
Je veux tout de même faire trois remarques.
Premièrement, n’oubliez pas que ce texte s’inscrit dans une politique dynamique de l’emploi. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, il s’agit d’accompagner les demandeurs d’emploi dans le cadre d’une démarche personnalisée afin de faciliter leur retour à l’emploi dans les meilleurs délais. C’est une rupture par rapport aux approches précédentes. Dans cette optique, le facteur temps est essentiel : c’est avec le temps que la fatalité du chômage s’installe.
Mes chers collègues, je vous entends donner votre interprétation de notre approche du monde du travail. Pensez-vous savoir mieux que nous ce que nous ressentons quotidiennement face aux problèmes de ceux qui sont à la recherche d’un emploi, de ceux qui sont en difficulté ?
Je frémis lorsque vous dites que nous ne faisons que stigmatiser ceux qui n’ont pas de chance dans la vie ou que nous regardons les demandeurs d’emploi avec arrogance. Croyez-moi, tout le sens de notre engagement politique, et ce depuis des années, est de mettre fin à leur situation dramatique dans les meilleurs délais ! Je ne vois pas d’autres solutions.
Si nous avions l’arrogance et le mépris que vous nous prêtez, les électeurs auraient-ils la sottise de nous réélire échéance après échéance ? Et je pense en particulier à une commune qui ne compte même pas un cadre supérieur.
De grâce, un peu de modération dans l’interprétation de notre vécu et de nos personnes.
Deuxièmement, ce texte repose sur la performance dont saura faire preuve le nouvel opérateur né de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. Le demandeur d’emploi sera pris en charge par un conseiller référent – c’est le socle de la réussite – dans la logique d’un engagement réciproque.
Troisièmement, je me référerai à mon tour, après Bernard Seillier, au préambule de la Constitution de 1946, repris dans celle de 1958, dont le Sénat a beaucoup parlé ces derniers jours
Sourires.
En instaurant également des droits et des devoirs, nous nous situons dans cette continuité afin que chacun puisse s’insérer dans la société grâce à l’emploi.
La commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable, car il est essentiel que nous progressions en termes d’emploi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’UC-UDF.
Je veux brièvement expliquer pourquoi ce texte est important et pourquoi il faut que nous puissions en débattre rapidement.
Tout d’abord, il répond à un engagement fort du Président de la République. Il se fonde donc sur le contrat social qui a été passé avec les électeurs lors de l’élection présidentielle. Je pense que c’est un fait dont nous pouvons tous convenir.
Ensuite, nous avons laissé au dialogue avec les partenaires sociaux le temps de s’installer. Saisis du dossier depuis longtemps, les partenaires sociaux ont reçu, en juin 2007, un courrier du Premier ministre. Lors de la réunion que nous avons organisée le 6 mai dernier, ils ont eux-mêmes confirmé l’échec de leur négociation. Je comprends cet échec. Même si j’attends beaucoup du dialogue social, certaines décisions, telle la définition des droits et des devoirs des demandeurs d’emploi, peuvent difficilement, dans les faits, être prises par les partenaires sociaux. À chacun sa responsabilité : celle de la démocratie sociale appartient aux partenaires sociaux ; celle de la démocratie politique est la nôtre.
Je respecte totalement votre proposition, monsieur Fischer. Je sais que, au fur et à mesure du débat, nous aurons l’occasion d’approfondir nos positions respectives dans un respect mutuel.
S’agissant de la pénibilité, qui est un sujet qui me tient également à cœur, permettez-moi de vous apporter une bonne nouvelle provenant qui plus est d’un syndicat que vous connaissez bien, la CGT. Cet après-midi, cette organisation syndicale a salué la méthode du Gouvernement et de Xavier Bertrand, qui a su relancer cette question. Cela prouve que le volontarisme peut porter ses fruits. En l’occurrence, nous essayons d’appliquer la même méthode.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.
Je mets aux voix la motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
La motion n'est pas adoptée.
L'amendement n° 43, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé.
Après le troisième alinéa de l'article L. 3253-14 du code du travail, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institution en charge de la gestion de garantie contre le risque de non-paiement est composée de membre des organisations représentatives des salariés et des employeurs.
« Les conditions d'application de cette disposition sont définies par un décret pris en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Annie David.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 44 rectifié, qui a également trait à l’AGS, l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés.
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à déposer sur le Bureau du Sénat, au plus tard le 1er octobre 2008, un rapport sur la situation financière de l'Association de garantie des salaires mentionnée à l'article L. 3253-14 du code du travail, ainsi que sur le bien-fondé d'une augmentation des cotisations constituant son financement.
Veuillez poursuivre, madame David.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créée en vertu de la loi du 27 décembre 1973, l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés intervient en cas de redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises.
L’AGS est un organisme patronal, qui tire ses ressources des cotisations patronales assises sur les rémunérations servant de base au calcul des contributions d’assurance chômage. Le taux de cotisation des employeurs est défini par le conseil d’administration de l’AGS.
Or, depuis 1973, le conseil d’administration de cette association est resté inchangé dans sa composition et les organisations représentatives des salariés n’ont toujours pas accès aux postes de direction. L’AGS participe pourtant théoriquement à une délégation de mission consentie par l’UNEDIC dans le cadre d’un accord.
Dès lors, on comprend mal pourquoi le paritarisme qui existe à l’UNEDIC ne serait pas appliqué au sein d’une association assumant une partie des missions de cette dernière. Cette participation s’avère d’autant plus essentielle que l’AGS est en crise et connaît des difficultés financières importantes, lesquelles s’expliquent notamment par la baisse considérable du taux de cotisation, passé de 0, 45 % en septembre 2003 à 0, 15 % en décembre 2007. Cela, le Gouvernement l’a cautionné !
L’amendement n° 44 rectifié vise donc à demander au Gouvernement de déposer sur le bureau du Sénat un rapport sur la situation financière de l’AGS.
Quant à l’amendement n° 43, qui est un amendement d’appel, il est vrai, il tend à faire cesser la situation existante et à permettre aux salariés d’être représentés au sein de l’AGS, conformément au préambule de la Constitution de 1946, lequel dispose que les travailleurs participent, par le biais de la représentation, à la démocratie sociale de notre pays.
Le budget de l’AGS, association créée en 1974, repose uniquement sur des cotisations patronales. Pour rester dans cette logique, je ne vois pas en quoi il serait souhaitable de mettre en place un fonctionnement paritaire. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 43.
Quant à la situation financière de cette association, il a été décidé l’an dernier de ne pas changer le taux de cotisation. Il semblerait qu’il n’y ait pas de problème. Je ne vois donc pas pourquoi un rapport de plus devrait être déposé. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 44 rectifié.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Premièrement, ils n’ont rien à voir avec le projet de loi qui nous est soumis. La mission de l’AGS est de mettre en place un régime d’assurance obligatoire contre le risque de non-paiement des salaires. Les amendements ne s’inscrivent donc pas du tout dans la démarche qui est définie.
Deuxièmement, indépendamment du bien-fondé de la démarche, instituer une gestion paritaire reviendrait à remettre en cause l’équilibre institutionnel d’une association qui fonctionne très bien aujourd'hui.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
I. - L'article L. 5411-6 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 5411-6. - Le demandeur d'emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi est orienté et accompagné dans sa recherche d'emploi par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. Il est tenu de participer à la définition du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi et d'accepter les offres raisonnables d'emploi mentionnées à l'article L. 5411-6-2. »
II. - Après l'article L. 5411-6 du même code sont insérés quatre articles ainsi rédigés :
« Art. L. 5411-6-1. - Un projet personnalisé d'accès à l'emploi est élaboré conjointement par le demandeur d'emploi et l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1.
« Ce projet précise la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local. Il précise également la zone géographique privilégiée pour la recherche d'emploi et le niveau de salaire attendu.
« Le projet personnalisé d'accès à l'emploi retrace les actions que l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 s'engage à mettre en œuvre dans le cadre du service public de l'emploi, notamment en matière d'accompagnement et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité.
« Art. L. 5411-6-2. - Les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, sont constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi.
« Art. L. 5411-6-3. - Le projet personnalisé d'accès à l'emploi est actualisé périodiquement. Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi sont révisés notamment pour accroître les perspectives de retour à l'emploi.
« Lorsque le demandeur d'emploi est inscrit depuis plus de trois mois, est considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi compatible avec ses qualifications et rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu. Ce taux est porté à 85 % après six mois d'inscription. Après un an d'inscription, est considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement prévu à l'article L. 5421-1.
« Lorsque le demandeur d'emploi est inscrit depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d'emploi entraînant un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d'une durée maximale d'une heure ou une distance à parcourir d'au plus trente kilomètres.
« Art. L. 5411-6-4. - Les dispositions de la présente section et du 2° de l'article L. 5412-1 ne peuvent obliger un demandeur d'emploi à accepter un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et dans la profession et s'appliquent sous réserve des autres dispositions légales et des stipulations conventionnelles en vigueur, notamment celles relatives au salaire minimum de croissance. »
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fidèle aux desiderata du Président de la République et à la conception qu’il se fait de la solidarité nationale, cet article 1er ne cesse d’énoncer des devoirs précis pour les demandeurs d’emploi, mais reste muet sur leurs droits.
Avec cet article 1er, une notion nouvelle, celle d’offre raisonnable d’emploi, se substituant à l’offre valable d’emploi, serait intégrée dans le droit français.
J’en conviens, cette définition, reconnue en droit international par l’Organisation internationale du travail, méritait d’être précisée dans le droit français afin d’apporter aux salariés privés d’emploi une certaine stabilité juridique.
Cependant, comme nous pouvions nous y attendre, c’est avec rigidité et dogmatisme que le Gouvernement s’est attelé à la tâche, la conséquence étant que l’offre raisonnable d’emploi s’est trouvée décriée par tous.
Ainsi, M. Chérèque considère ridicule de vouloir imposer à tous les chômeurs une règle identique alors que les situations de chacun sont par essence différentes.
Mme Simon, représentante de la Confédération française des travailleurs chrétiens, la CFTC, a dénoncé une forte contradiction avec la fusion ASSEDIC-ANPE qui vise à accompagner les personnes en recherche d’emploi. Elle a d’ailleurs rappelé que les partenaires sociaux demandaient « que l’offre valable d’emploi soit négociée dans le cadre des négociations sur l’assurance chômage » et qu’elle soit « définie par contractualisation avec la personne référente du service public pour l’emploi ».
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, les partenaires sociaux sont tout à fait prêts à négocier, même lorsqu’il s’agit de créer des devoirs pour les demandeurs d’emplois !
Même si cette offre raisonnable d’emploi est associée à un projet personnalisé d’accès à l’emploi qui doit être élaboré conjointement, chacun sait que le demandeur d’emploi ne sera pas sur le même plan que l’institution !
En réalité, l’insertion dans notre code du travail de la notion d’offre raisonnable d’emploi n’est qu’un vecteur pour amplifier votre politique de culpabilisation des demandeurs d’emploi, pour porter sur chacune et sur chacun d’entre eux la suspicion. Il vous sera facile demain, plus qu’aujourd’hui encore, de pointer du doigt les demandeurs d’emploi radiés puisque, après tout, ils auront refusé une offre d’emploi plutôt très raisonnable !
Quant à la perception de ce qui est raisonnable, je dois dire qu’elle vous est toute particulière. Ce qui est raisonnable pour vous, à travers le seul prisme de la logique libérale, ne l’est pas nécessairement pour les salariés privés d’emploi auxquels vous voulez imposer, en cas d’inscription de plus d’un an au chômage, un salaire au moins égal au montant de l’indemnité de replacement. Cela signifie qu’il est raisonnable pour vous de contraindre un homme ou une femme de travailler pour un salaire de 447 euros par mois si la personne concernée bénéficiait du RMI !
En effet, dans cet article 1er, vous intégrez la dégressivité des droits, alors que cette solution n’est pas la bonne ; vous le savez d’ailleurs bien, même si vous prétendez le contraire. Monsieur le secrétaire d’État, est-il pour vous raisonnable de rémunérer à hauteur des minima sociaux un acte de travail contribuant à donner de la plus-value à l’objet ou au service, et nécessitant la force et le savoir d’un salarié, une implication, une volonté ?
Permettez-moi de vous lire la définition que donne le Larousse du mot raisonnable : « qui agit conformément au bon sens ». Le même dictionnaire précise, relativement à la raison, qu’il s’agit de « ce qui est conforme à la justice, à l’équité ».
Considérez-vous réellement que ce soit reconnaître sa pleine valeur au travail que de le brader contre un salaire indécent ? Si vous le pensez, laissez-moi vous dire que ce n’est pas le cas de bon nombre de nos concitoyens !
Ce qui vous importe réellement, ce n’est pas d’offrir aux demandeurs d’emploi un travail justement rémunéré, ni même correspondant à leurs qualifications puisqu’il suffira que l’emploi soit « compatible » avec ces dernières. Tout à l’heure, Mme Debré a dit qu’« un demandeur d’emploi devra accepter, après trois ou six mois de recherches infructueuses, l’emploi qui s’offre à lui et qui correspond à son expertise professionnelle ». « Un emploi qui correspond » et non un « emploi compatible », tel sera justement l’objet d’un de nos amendements. Peut-être le voterez-vous ? En tout cas, nous souhaitons réellement que soit considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi correspondant aux qualifications du demandeur d’emploi.
Quoi qu’il en soit, votre but est bel et bien de diminuer de manière drastique les aides sociales. Pour ce faire, vous n’avez qu’une seule méthode : attaquer les bénéficiaires.
Les entreprises du CAC 40, qui multiplient les profits et licencient leurs salariés, pourront, quant à elles, continuer leur politique de « casse », faisant peser sur la collectivité et les salariés le poids d’une politique industrielle dont la règle unique est la rentabilité à deux chiffres.
Ce projet de loi, dont l’article 1er est le fond, ignore complètement la notion de responsabilité sociale des entreprises, mais cela ne nous étonne pas !
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 5411-6 du code du travail :
Il participe à la définition du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1.
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement vise à modifier la rédaction proposée par l’article 1er pour l’article L. 5411-6 du code du travail.
En effet, la rédaction actuelle de cet article fait de la signature et de la réactualisation du projet personnalisé d’accès à l’emploi une obligation, puisqu’il est précisé que le demandeur d’emploi « est tenu » de participer à la définition du projet personnalisé.
Agissant ainsi, vous faites de la signature du projet personnalisé un préalable à l’ouverture et au maintien des droits. C’est précisément sur ce point que nos avis divergent.
Vous allez encore plus loin que pour le plan d’aide au retour à l’emploi, le PARE, ce qui est peu dire !
Plus grave encore, vous faites de ce projet personnalisé un outil de régulation du nombre des demandeurs d’emploi indemnisés. Quand on sait qu’à l’heure actuelle déjà un peu moins de la moitié des chômeurs sont indemnisés, il ne fait aucun doute que la sanction pour le demandeur d’emploi refusant de participer à la rédaction du projet personnalisé d’accès à l’emploi sera une radiation temporaire – il est question de deux mois – ou définitive, au titre d’un manquement à ses obligations.
En outre, affirmant cette règle autoritaire de l’obligation de participer à la rédaction de ce projet personnalisé, vous niez sa raison même d’être : soit le projet est personnalisé, soit il ne l’est pas, comme c’est d’ailleurs notre conviction ; mais s’il est personnalisé, le demandeur d’emploi devrait alors pouvoir rencontrer son conseiller, échanger avec lui, lui donner son point de vue, faire valoir ses droits et ses exigences et, le cas échéant, signer le PPAE si un accord est obtenu.
On peut même aller jusqu’à imaginer qu’un demandeur d’emploi fasse le choix de ne pas s’engager dans un processus de projet personnalisé, préférant d’autres voies. Je pense, par exemple, aux jeunes cadres ou aux jeunes diplômés de certaines grandes écoles de commerce pour lesquels le service public est malheureusement parfois insuffisamment efficient et qui comptent plutôt sur le tissu de leurs relations.
D’ailleurs, j’observe bien souvent que des jeunes à bac+9 ou à bac+10 ne disposant pas d’un « réseau » et d’un tissu de relations ne parviennent pas à trouver un emploi…Bien souvent, malheureusement, si la qualification est reconnue, la rémunération proposée ne suit pas !
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, nous avons déposé cet amendement.
L'amendement n° 5, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 5411-6 du code du travail, supprimer les mots :
et d'accepter les offres raisonnables d'emploi mentionnées à l'article L. 5411-6-2.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
L’article 1er contient toute l’ambiguïté de ce projet de loi et des intentions politiques du Gouvernement.
Le fait qu’un demandeur d’emploi immédiatement disponible soit orienté et accompagné dans sa recherche d’emploi est un point positif, certes, qui ne peut susciter la méfiance. Qu’il soit tenu de participer à la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi le concernant est également un point positif, même si vous estimez nécessaire de placer cette action sous la contrainte.
Cette contrainte n’est pas gênante dans la mesure où il est préférable, voire plus prudent pour lui, que le chômeur participe activement à la définition de ce programme. Cela peut être pour lui l’occasion de demander explicitement une action d’insertion ou de formation qui donnera un peu de contenu et de consistance au projet.
L’UNEDIC n’utilise d’ailleurs que la moitié des 203 millions d’euros dont elle dispose. Elle reconnaît que, sur les 2 millions de demandeurs d’emploi inscrits actuellement, seulement 5 % bénéficient d’un programme de formation financé par elle. Il y a donc beaucoup à obtenir de ce côté.
Cela peut être aussi, pour le chômeur, le moment de réaliser un bilan de compétences et d’infléchir son destin.
Mais inciter un demandeur d’emploi à accepter un emploi ou une formation nécessite un cheminement, qui demande du temps et doit avoir un sens.
Cet accompagnement doit permettre une palette de choix, avec la possibilité d’essais et d’erreurs. Les services d’accompagnement des chômeurs de longue durée le savent bien.
Cela permettrait peut-être que ce projet soit véritablement personnalisé, et non réalisé à partir de projets types en fonction de la qualification des chômeurs et des emplois qu’on veut leur faire accepter.
Vous dites ensuite que le demandeur d’emploi doit accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi. La mesure n’est pas nouvelle et semble de bon sens, à condition, bien entendu, que des emplois soient disponibles dans sa qualification, ce qui n’est pas acquis, à condition, également que ces emplois correspondent à la catégorie de contrat dont il a besoin, par exemple un CDI à temps plein ou un CDD à temps partiel ou à horaires morcelés.
Mais si le PPAE est une réalité et si le chômeur peut améliorer sa formation et acquérir une meilleure qualification, on reste dans l’épure d’une assurance chômage qui accomplit elle-même des actes positifs et répétés pour venir en aide aux chômeurs.
À ce point du texte, ce serait faire un procès d’intention que de voir des desseins cachés. Tout reste encore question de moyens mis en œuvre et d’interprétation.
Il convient toutefois d’apporter un bémol, une précision. Le rapport Boulanger, dont vous vous inspirez pour mettre en place la future institution, précise que « la recherche active d’emploi est la contrepartie de l’indemnisation et du service rendu par l’opérateur ».
C’est une regrettable confusion : la recherche active d’emploi est certainement la contrepartie du service rendu par l’opérateur si le service est réel. Mais l’indemnisation est fondée sur un droit acquis par le versement de cotisations.
C’est avec l’apparition de l’offre raisonnable d’emploi que l’édifice s’effondre définitivement et que les véritables intentions du Gouvernement apparaissent au grand jour.
Le chômeur sera tenu d’accepter ces offres qualifiées de raisonnables, et pas seulement d’y répondre, ce qui fait une énorme différence. Si par deux fois il refuse, son allocation sera suspendue, c'est-à-dire supprimée dans la plupart des cas.
En réalité, les droits du demandeur d’emploi sont à la fois réduits, contrôlés, et ils disparaissent en cas de refus d’accepter n’importe quel emploi.
En conséquence, c’est tout le dispositif mis en place par l’actuelle convention d’assurance chômage qui sera ébranlé et menacé dans les mois qui viennent par la négociation d’une nouvelle convention. Tout se tient dans votre politique !
On trouve d’abord la volonté de diminuer le montant des allocations chômage pour reverser les excédents de l’UNEDIC sur le financement des retraites sans augmenter les cotisations, car le patronat ne le veut pas.
On trouve ensuite la volonté de coupler le dispositif avec un traitement statistique du chômage en réorientant les chômeurs vers les secteurs en tension.
Chacun sait pourquoi les secteurs du bâtiment et de l’hôtellerie-restauration sont en tension : les horaires sont démentiels, les conditions de travail généralement pénibles, pour ne pas dire plus. Il y a peu de perspectives d’évolution.
D’ailleurs, ces secteurs représentent 20 % des offres d’emploi à l’ANPE, ce qui est démesuré par rapport à leur poids économique. C’est donc que le recrutement ne se fait pas facilement et favorise un turnover perpétuel.
Votre intention serait-elle de transformer les chômeurs en travailleurs pauvres ? Il est vrai que si l’on exerce une contrainte financière sur les gens qui sont en difficulté, ils seront bien obligés d’accepter ces emplois. Mais même pour des emplois non qualifiés, il n’est pas possible de s’engager dans un travail si celui-ci est dénué de sens, s’il n’entre pas dans une représentation positive de l’activité.
C’est un objectif que vous ne pouvez afficher et qui ne mérite certainement pas, ni politiquement ni socialement, l’adjectif « raisonnable ».
Comme l’a écrit l’économiste François Eymard-Duvernay, « faire l’impasse sur la dimension qualitative du travail, c’est revenir à une conception servile du travail ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
S’agissant de l’amendement n° 18, M. Fischer souhaite que le demandeur d’emploi ne soit plus tenu de conclure le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Une telle mesure est totalement à l’opposé de la philosophie du projet de loi et n’est pas conforme au vote exprimé par la commission.
En effet, je vous présenterai plus tard un amendement de la commission pour lequel il est indispensable qu’obligation soit faite au demandeur d’emploi – mais seulement dans quelques cas, j’en conviens – de finaliser, dans le cadre des droits et des devoirs, un projet personnalité d’accès à l’emploi.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 18.
J’en viens à l’amendement n° 5. L’offre raisonnable d’emploi est l’un des éléments essentiels de ce projet de loi. Les critères qui définissent l’offre valable d’emploi sont actuellement assez flous. Dans ce projet de loi, il est proposé que l’objectif défini sous « l’offre raisonnable d’emploi » soit élaboré conjointement entre le référent et le demandeur d’emploi.
Par conséquent, on ne peut qu’être défavorable à la volonté de supprimer cette offre raisonnable d’emploi.
Le Gouvernement est défavorable l’amendement n° 18 pour un motif complémentaire à celui que M. le rapporteur a avancé. En effet, l’adoption d’un tel amendement, monsieur Fischer, supprimerait même toute obligation de chercher un emploi.
Ah si, puisque l’article prévoit également l’obligation de chercher un emploi !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cet amendement va donc au-delà même de vos pensées, monsieur Fischer !
Sourires
Madame Jarraud-Vergnolle, je vous remercie de la présentation équilibrée que vous avez faite en relevant le caractère intéressant d’un certain nombre de points du dispositif proposé par le Gouvernement.
En revanche, vouloir qu’une offre d’emploi raisonnable puisse être refusée est à rebours – mais vous l’avez compris – de la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.
C’est pourquoi, en dépit du caractère équilibré de votre intervention, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 5.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
Il y aurait 2 % non pas de véritables fraudeurs aux ASSEDIC – les fraudeurs sont ceux qui font de fausses déclarations et que nous sommes tous d’accord pour combattre –, mais d’allocataires qui « se laissent aller » dans le système : ils vivent bien de leur allocation de chômage et refusent donc les emplois qu’on leur propose. C’est pour ces 2 % qu’est construit tout le texte !
M. le secrétaire d’État nous a dit qu’il y avait 400 000 emplois non pourvus. J’ai beau essayé de comprendre, je n’y arrive pas ! Ce sont 98 % de ces chômeurs prêts à travailler – vous nous avez dit, en effet, que 2 % n’étaient pas disposés à le faire – qui vont remplir les 400 000 postes non pourvus. Et l’on a fait tout cela pour les 2 % ! J’ai du mal à saisir, alors qu’il y a 98 % de chômeurs qui sont prêts à occuper ces 400 000 postes, comment ces 2 % vont les pourvoir. Depuis le début, je n’arrive pas à résoudre cette équation !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 19, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mes chers collègues, le II de cet article 1er concentre, sur cet article du moins, l’ensemble des dispositions que nous souhaitons voir disparaître : c’est la consécration de l’offre raisonnable d’emploi, la stigmatisation des chômeurs par des sous-entendus insupportables, à savoir qu’il suffirait de faire pression sur les demandeurs d’emplois en les menaçant d’une moindre indemnisation pour qu’ils se décident enfin à travailler.
Je regrette que le gouvernement de M. Fillon ait oublié de prendre connaissance du rapport du Conseil économique et social présenté en 2007 par Mme Edith Arnoult-Brill et intitulé Sécurisation des parcours professionnels, rapport que j’ai évoqué dans la discussion générale.
Il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que ce rapport prend le contre-pied du projet de loi que vous nous présentez. Cela est particulièrement vrai des dispositions qui prévoient une forme de dégressivité des droits des demandeurs d’emploi en ce qui concerne la nature et la qualité de l’emploi possiblement considéré comme étant raisonnable. Il apparaît à la « troisième chambre » que l’axe majeur devrait être un accroissement de l’indemnisation en direction des demandeurs d’emploi afin de leur assurer un revenu suffisant pour vivre en toute dignité. Nous en sommes loin.
Je ne résiste pas à l’envie de vous citer un court extrait de ce rapport : « le Conseil considère que la question des ressources, qui ne peut être traitée indépendamment de son coût, constitue un élément essentiel de la sécurisation des parcours professionnels. Le maintien pendant une durée adaptée d’un niveau de ressources proche du salaire antérieur peut être de nature à accroître l’acceptabilité par le salarié d’une mobilité professionnelle et faciliter sa recherche d’emploi ».
Je rappelle que ce document, que le Gouvernement feint de ne pas connaître, a été adopté à l’unanimité moins neuf abstentions. Reprendre quelques dispositions de ce rapport aurait permis d’envoyer un signal fort en direction des partenaires sociaux, mais il faut dire que, depuis quelque temps, le Gouvernement ne brille pas en la matière.
Il est vrai aussi que ce rapport du Conseil économique et social pose comme postulat essentiel l’impérieuse nécessité de changer la représentation que les concitoyens se font des demandeurs d’emploi eux-mêmes. Pour ce faire, encore faudrait-il que le Gouvernement lui-même et la majorité présidentielle cessent de recourir à des phrases assassines du type « remettre la France au travail » …
… ou de stigmatiser les demandeurs d’emploi.
Je regrette ainsi que M. Leclerc, dans son rapport, ou le Gouvernement lui-même n’ait pas une seule fois recouru à l’expression « salarié privé d’emploi ». En effet, les demandeurs d’emploi sont avant tout, ne vous en déplaise, des hommes et des femmes privés temporairement d’emploi, pour des motifs ne relevant que rarement de leur propre volonté. Les femmes et les hommes dont nous parlons aujourd’hui ne se complaisent pas dans l’assistanat. Ils demandent à travailler contre une juste rémunération, droit fondamental que le système libéral, sous prétexte de rentabilité, leur dénie chaque jour.
Or, si ce projet de loi conservait les dispositions que vous avez initialement prévues, cela reviendrait à faire peser sur les demandeurs d’emploi une présomption de non-recherche d’emploi.
C’est pourquoi nous vous proposons de voter en faveur de cet amendement.
Tout d’abord, madame David, je voudrais vous rassurer : nous avons la même perception des demandeurs d’emploi et de toutes les personnes qui sont privées de travail.
Cet amendement, en fait, reprend les deux amendements précédents.
On l’a répété, ce texte vise à créer une dynamique de l’emploi. Notre seule ambition est de favoriser le retour le plus rapide possible vers le monde du travail de personnes qui ont la malchance d’être privées d’un emploi.
Par conséquent, supprimer le PPAE et surtout l’offre raisonnable d’emploi, c’est aller à l’encontre d’une meilleure efficacité et de la démarche que nous mettons en œuvre de texte en texte. Je le répète, ces résolutions figurent actuellement dans les contrats d’objectifs de l’ANPE, et, depuis un certain nombre de mois, elles sont déjà mises en place. Pour nous, il s’agit d’avoir une performance, d’optimiser la démarche dans une approche personnalisée.
La commission est donc défavorable à cet amendement de suppression.
Madame David, je crains que votre amendement n’aille au-delà même de ce que vous souhaitez. En effet, en supprimant la totalité du II de l’article 1er, vous éliminez un point dont vous aviez pourtant souligné le caractère intéressant, à savoir l’élaboration conjointe du projet professionnel entre les agents du service de l’emploi et le demandeur d’emploi. Par conséquent, ne serait-ce que pour cette raison, j’y suis défavorable.
J’apporterai à M. Desessard deux éléments de réponse.
Le premier, qui a été souligné par Mme Annie Jarraud-Vergnolle elle-même, c’est que le dispositif proposé repose d’abord, et c’est sa principale utilité, sur l’approche personnalisée, dès le premier entretien, de ce que va être le champ privilégié pour la recherche d’emploi. Cela n’existe pas aujourd’hui.
Le second élément de réponse que je souhaite apporter a trait à la question de la sanction des abus. Au vu, notamment, des exemples étrangers, on peut évaluer ces derniers à environ 5 %.
Permettez-moi de vous donner trois exemples très concrets tirés de la réalité.
Le premier concerne un informaticien ayant travaillé dans une PME et refusant d’être intégré dans une entreprise où il serait chargé d’une hot line dans le domaine informatique. Le deuxième exemple est celui d’une personne ayant travaillé à l’accueil d’une clinique et refusant un emploi d’accueil dans un laboratoire. Le troisième intéresse une personne ayant travaillé sur Firminy et refusant un emploi sur Saint-Etienne, à vingt kilomètres de distance.
Ces trois exemples sont des cas concrets, illustrant ces 5 % de situations abusives qu’il n’est pas normal, selon nous, de laisser subsister sans s’y attaquer.
Je remercie M. le secrétaire d’État de m’avoir répondu. Mais sa réponse n’est que partielle.
À la question de savoir si l’offre d’emploi est pourvue, il répond en donnant des exemples. On se demande donc aussitôt pourquoi la personne refuse l’emploi. Il est question d’« offre raisonnable », de « projet personnalisé », mais le demandeur d’emploi lui-même n’est-il pas le mieux à même de savoir ce qui lui convient ?
Sachant que lorsqu’on ne travaille pas on gagne moins que lorsqu’on travaille, j’imagine que les personnes concernées choisiront plutôt de travailler. Par conséquent, si elles refusent un emploi, c’est qu’elles ont de bonnes raisons de le faire. Sinon, les raisons financières les pousseraient à travailler.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne récuse pas les trois exemples que vous avez donnés, mais l’essentiel est de savoir si les postes ont été pourvus par d’autres. Voilà la question qui est posée par l’opposition.
Vous croyez que, parce qu’une personne refuse un emploi, celui-ci est perdu par la France. Mais non ! Un grand nombre de personnes sont susceptibles de postuler à un même emploi. Si une personne le refuse et qu’une autre, qui habite plus près, à qui le poste convient davantage, l’accepte, au niveau économique, cela revient au même.
Il aurait donc fallu aller jusqu’au bout de votre démonstration et nous dire si ces trois postes avaient été pourvus. Peut-être ont-ils fait le bonheur de trois autres demandeurs d’emploi, qui, à travers un parcours personnalisé, ont jugé l’offre raisonnable ?
Vous ne m’avez donc répondu qu’à moitié, puisque, dans les trois cas que vous avez cités, nous ne savons pas si les postes ont été ou non pourvus par d’autres personnes.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail, remplacer les mots :
l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1
par les mots :
le service public de l’emploi
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Le Gouvernement, dans son désir de mettre en place sans attendre son offre coercitive d’emploi avant la négociation de la prochaine convention d’assurance chômage, confie une mission à un organisme qui n’existe que sur le papier.
L’institution nationale publique issue de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC n’est pas encore en état de fonctionner. Elle n’a même pas encore de nom.
L’instance provisoire chargée de sa mise en place est seulement en train d’organiser les services et de mettre en œuvre les procédures d’information et de consultation des personnels, ainsi que le prévoit l’article 6 de la loi relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Il serait d’ailleurs intéressant que M. le secrétaire d’État tienne informé le Parlement du suivi de ce dossier.
Votre institution nationale publique n’a aujourd’hui qu’une existence juridique formelle, mais en pratique seulement prospective. Il semble donc prématuré et hasardeux de lui confier la mission d’accompagner les demandeurs d’emploi. Notre amendement vise donc à en revenir à la mention explicite du service public de l’emploi.
L’amendement n° 1, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail par les mots :
ou, en liaison avec elle, par tout organisme participant au service public de l’emploi
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 6.
Le code du travail indique explicitement que le projet personnalisé d’accès à l’emploi doit être élaboré « par l’ANPE ou, en liaison avec elle, par tout autre organisme participant au service public de l’emploi ».
En pratique, nous le savons, l’ANPE travaille avec des organismes que nous fréquentons tous : l’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, les missions locales, le réseau Cap Emploi. Le projet de loi ne reprenant pas ces précisions, on pourrait croire que le nouvel opérateur aura le monopole de l’élaboration ainsi que, dans la dynamique, de l’actualisation du projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Afin de clarifier la rédaction du texte, l’amendement n° 1 vise à mentionner expressément la possibilité de confier l’accompagnement des demandeurs d’emploi à différents acteurs, y compris – pourquoi pas, à terme ? – à des opérateurs privés ; l’UNEDIC le fait déjà actuellement.
Mme Le Texier nous propose de substituer aux mots « institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » les mots « le service public de l’emploi ». Mais cette seconde notion est beaucoup plus large que la précédente, car le service public de l’emploi inclut les directions du travail et de l’emploi, les organismes de la formation professionnelle, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, etc., qui font tous partie du service public de l’emploi. Tous ces organismes ont-ils vocation à établir le projet personnalisé d’accès à l’emploi ? Non !
Nous proposons que l’ANPE aujourd’hui ou le nouvel opérateur à partir du 1er janvier 2009 puissent, eux seuls, dans le cadre du service public de l’emploi, établir avec le demandeur d’emploi ce fameux projet personnalisé d’accès à l’emploi, fondé sur la notion d’offre raisonnable d’emploi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 6 soulève deux questions tout à fait pertinentes portant, d’une part, sur les organismes associés au projet personnalisé d’accès à l’emploi et, d’autre part, sur la période intermédiaire.
S’agissant du second point, le Gouvernement a déposé un amendement n° 51, qui viendra en discussion à la fin du débat, pour préciser que, pendant la période intermédiaire, l’ANPE assure la mise en œuvre de la réforme. Madame Le Texier, je me permets donc de vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, puisque l’amendement n° 51 du Gouvernement permettra de répondre à votre préoccupation de façon sans doute plus précise juridiquement.
S’agissant du premier point, l’amendement n° 6, en faisant référence au service public de l’emploi, comme l’a dit M. le rapporteur, embrasse un ensemble d’organismes trop large. La notion de service public de l’emploi englobe des organismes qui n’ont pas vocation à définir le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Pour ces mêmes raisons, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1, qui est plus précis.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 21, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le demandeur d’emploi peut, s’il le souhaite, se faire accompagner le jour de la signature de son projet personnalisé de retour à l’emploi, par la personne de son choix.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement a pour objet de permettre au demandeur d’emploi de bénéficier, s’il le souhaite, du soutien d’une personne de son choix le jour de la signature de son projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Cet accompagnement, nous le concevons comme un outil au service du demandeur d’emploi, pour lui permettre de bénéficier des conseils et du recul dont chacun d’entre nous peut manquer, dès lors qu’il s’agit de sa propre situation.
Le projet personnalisé, s’il revêt les caractéristiques que vous prévoyez, pourrait être lourd de conséquences pour le demandeur d’emploi et pour l’évolution de sa situation. Il nous paraît donc légitime d’autoriser ce dernier à être assisté, si tel est son souhait.
La rédaction que nous proposons précise que le demandeur d’emploi peut être accompagné « s’il le souhaite ». C’est volontairement que n’avons pas instauré un mécanisme particulier, qui n’aurait pas manqué d’ajouter une lourdeur supplémentaire pour l’institution et de la complexité pour le demandeur d’emploi, alors que nous voulons, au contraire, lui permettre de trouver de l’aide.
De la même manière, nous ne souhaitons pas préciser la qualité de l’éventuel accompagnant, afin de permettre au demandeur d’emploi de se faire assister par un proche, comme par un militant des organisations de chômeurs ou de précaires.
Je crois pouvoir l’affirmer ici, cet amendement est très équilibré. Il apporte un « plus » aux demandeurs d’emploi, et je n’ose imaginer que le Gouvernement, qui prétend vouloir renforcer les droits de ces derniers, puisse rejeter notre proposition.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi entraînant la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, nous étions intervenus en séance pour défendre un certain nombre d’amendements visant à créer des droits similaires en faveur des demandeurs d’emploi. Nous étions sans doute en avance d’un texte, ce que je veux bien admettre puisqu’il s’agissait alors de définir les modalités de la fusion elle-même ; mais aujourd’hui, nous discutons bien d’un projet de loi qui veut définir les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi. Cet amendement s’inscrit donc pleinement dans la logique de droits nouveaux accordés aux demandeurs d’emploi : cette fois-ci, il s’agit du bon texte !
Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse du bon texte.
En effet, vous vous inspirez, dans cet amendement, des dispositions applicables à l’entretien préalable de licenciement ou à l’entretien préalable à la rupture conventionnelle du contrat de travail pour nous proposer que le demandeur d’emploi puisse se faire assister par une personne de son choix.
À mon sens, le parallèle est très difficile à soutenir, car l’élaboration du projet personnalisé d’accès à l’emploi et l’entretien préalable à un licenciement sont totalement différents.
Dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le demandeur d’emploi n’est pas confronté à une personne dont les intérêts divergent des siens. Au contraire, il élabore son projet avec un référent qui doit le conseiller et l’accompagner dans sa recherche d’emploi. Je ne vois pas pourquoi, en l’occurrence, le demandeur d’emploi aurait besoin d’être assisté pour cet entretien, car il est en présence d’une personne qui a pour mission de le guider, de le conseiller et de l’accompagner. La commission émet donc un avis défavorable.
Je comprends les préoccupations de Mme David : dans certains cas, les demandeurs d’emploi sont accompagnés de façon tout à fait informelle, par exemple par un membre de leur famille.
Ce qui me gêne dans l’amendement n° 21, c’est qu’il place l’agent du service public de l’emploi en position d’accusateur : le demandeur d’emploi aurait besoin d’être assisté pour se défendre contre une accusation. Or le rôle de l’agent du service public de l’emploi n’est pas d’accuser, et ce serait presque faire insulte à la vocation de ce service. Il consiste à accompagner et à aider le demandeur d’emploi à définir son projet personnalisé, ce qui n’a rien à voir !
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 21.
Je ne voudrais pas que l’on me fasse dire ce que je n’ai absolument pas dit ! Si je relis le texte proposé par cet amendement – « le demandeur d’emploi peut, s’il le souhaite, se faire accompagner le jour de la signature de son projet personnalisé de retour à l’emploi, par la personne de son choix » –, j’observe qu’il n’est pas question d’accuser qui que ce soit !
Simplement, les demandeurs d’emploi, dans l’élaboration de leur projet personnalisé, se trouvent tous dans des situations différentes. Ils ne se présentent pas à un entretien dans le même état d’esprit lorsqu’ils viennent d’être licenciés depuis quelques semaines ou trois ou quatre mois – c’est à peu près le délai dans lequel le projet personnalisé doit être établi – ou lorsqu’ils sont au chômage depuis plus longtemps, qu’ils ont perdu confiance en eux, qu’ils se sont sentis dévalorisés à plusieurs reprises et ont le sentiment de ne plus pouvoir y arriver.
L’accompagnement que nous proposons n’est pas une quelconque mise en accusation de l’agent qui préparera le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Il ne s’inscrit pas non plus, contrairement à ce que disait M. le rapporteur, dans la même logique que l’assistance à l’entretien préalable au licenciement : la personne qui accompagne est là non pas pour informer le salarié sur ses droits, mais pour conseiller le demandeur d’emploi qui peut se trouver démuni, dans une situation d’incompréhension face à ce que lui propose l’agent de l’institution. L’accompagnant n’étant pas lui-même concerné, il bénéficiera d’un plus grand recul pour donner des conseils au demandeur d’emploi.
Ce projet de loi prétend créer de nouveaux droits et de nouveaux devoirs à l’intention des demandeurs d’emploi : il ne peut pas créer uniquement des devoirs sans créer de droits. Or se faire accompagner lors d’un entretien est un droit tout à fait légitime. Songez qu’une personne procédant à un achat important a le droit de se faire conseiller, et même de se dédire ! Dans le cas présent, notre amendement permettrait d’équilibrer les dispositions de ce projet de loi pour accorder enfin de vrais droits nouveaux aux demandeurs d’emploi. En aucun cas, notre intention n’est d’accuser qui que ce soit !
Je réadapte mes chiffres, monsieur le secrétaire d’État : 95 % des demandeurs d’emplois cherchent réellement du travail et 5 % auraient besoin d’être un peu « poussés ». Je m’étais trompé en disant que la proportion était de 98 % contre 2 %. Je resterai sur ces chiffres jusqu’à la fin du débat !
Mme David pose en fait la question de la radiation, à terme, car le projet personnalisé d’accès à l’emploi, en fin de compte, remplit une double fonction.
La première fonction consiste en une aide apportée au demandeur d’emploi pour formuler sa demande. Je suppose qu’on l’informera également des offres d’emploi existant dans la région parce qu’on ne le laissera pas exprimer ses vœux sans l’informer de ce qu’il est possible de faire. Je comprends tout à fait qu’on aide le chômeur à s’orienter. On peut d’ailleurs se demander pourquoi cette démarche n’a pas été engagée plus tôt !
J’ai travaillé avec des associations de chômeurs : M. le rapporteur disait qu’il avait une longue expérience des demandeurs d’emploi, mais moi aussi ! J’ai même fait quelques manifestations avec eux ; nous avons remporté de petites victoires, mais nous n’avons pas résolu le problème du chômage ! Au moins, nous nous sommes battus pour défendre la dignité des chômeurs. Je peux donc vous dire que la majorité d’entre eux sont malheureux d’être sans emploi et que l’on ne peut pas leur reprocher de refuser le travail. Peu importe !
La première fonction du projet personnalisé d’accès à l’emploi est donc, je le répète, d’aider le chômeur. Puisque cela n’a pas été fait plus tôt, il faudra nous expliquer pourquoi on le fait maintenant. Je ne m’y attarde pas.
Mais ce projet personnalisé a une seconde fonction : à terme, il sera l’instrument qui permettra de prononcer la radiation du chômeur. C’est pourquoi Mme David, dans son intervention, vous demande d’établir un parallèle entre le droit social et les droits des chômeurs, parallèle que vous refusez.
C’est là le cœur du problème : vous dites que le chômeur a des droits. Si on prononce une radiation, pourquoi le chômeur ne serait-il pas assisté ? Le chômeur a tendance à se sentir coupable, à se demander s’il a bien fait d’accepter ou non l’offre d’emploi. Une personne extérieure peut l’informer objectivement sur ses droits de demandeur d’emploi et l’aider à faire échec à la radiation.
De fait, l’agent de l’ANPE ou de la structure que vous allez mettre en place a un double rôle : d’un côté, il aide le demandeur d’emploi et, de l’autre, il le sanctionne s’il refuse un poste. C’est d’ailleurs pourquoi les associations de chômeurs refusaient le guichet unique et la fusion des instances : ceux qui aident ne doivent pas être ceux qui sanctionnent.
Là, nous sommes en pleine contradiction ! Le projet personnalisé d’accès à l’emploi constitue non seulement une aide à l’égard du chômeur, mais aussi un outil en vue de sanctionner ce dernier.
Monsieur le rapporteur, vous ne voulez pas que le demandeur d’emploi soit accompagné lors de l’établissement du projet personnalisé. Mais, en cas de radiation, je suppose que vous accepterez que le chômeur soit assisté par une personne chargée de le défendre.
Je souhaite simplement conforter les propos tenus par Mme David et M. Desessard. En tant qu’élus, notamment élus de villes dans lesquelles un taux important de chômage est enregistré, nous parlons d’expérience : nous sommes nombreux à constater les difficultés que peuvent rencontrer les chômeurs. Je pense plus particulièrement aux jeunes pour lesquels les missions locales et différentes institutions et associations sont amenées à intervenir.
L’amendement n° 21 vise à donner au demandeur d’emploi la simple possibilité se faire accompagner, et rien ne dit que cette dernière sera systématiquement utilisée. Mais, par exemple, il n’est pas si facile qu’on pourrait le croire de remplir les imprimés permettant de bénéficier de l’expérimentation du RSA, et cela demande une certaine réflexion.
J’ajoute que la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC soulève aussi le problème de la productivité exigée des personnels. Je me suis toujours opposé aux conditions de travail des ASSEDIC et de l’UNEDIC qui rendent impossible l’établissement d’une relation de qualité entre le chômeur, qui se trouve être en difficulté, et le personnel, auquel il est d’ailleurs très difficile d’accéder.
Dans l’amendement n° 22, que je vais vous présenter dans un instant, nous pousserons cette réflexion plus avant.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 22, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le demandeur d'emploi bénéficie, entre la rédaction de son projet personnalisé d'accès à l'emploi et la signature de celui-ci d'un délai de dix jours ouvrés durant lequel il bénéficie d'un droit à rétractation et peut demander à rencontrer son conseiller afin de procéder à la rédaction d'un nouveau projet personnalisé de retour à l'emploi.
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement tend à instaurer un droit de rétractation. Ce qui sous-tend le plan personnalisé d’accès à l’emploi, c’est cette volonté manifestée d’établir un contrat. La lecture de l’exposé des motifs de ce projet de loi, tout comme celle du rapport de M. Leclerc, donne l’impression que le Gouvernement a voulu construire – M. le secrétaire d’État l’a d’ailleurs indiqué – une véritable relation contractuelle entre le salarié privé d’emploi et la nouvelle institution.
Certains diront qu’il s’agit là d’une conséquence de l’inspiration « nordique » de ce projet de loi. Il faut dire que la droite gouvernementale, après avoir cherché son inspiration en Grande-Bretagne et en Irlande, suit maintenant de près la Suède ou le Danemark, toujours cités comme des pays emblématiques.
Nous nous y sommes régulièrement rendus avec la commission pour suivre ce qui s’y passe. Ne perdons tout de même pas de vue que comparaison n’est pas raison.
Pour notre part, nous craignons fort qu’il ne s’agisse plutôt là d’une manifestation de l’individualisation des relations sociales et de l’interdépendance que le Gouvernement vise à établir entre le droit privé général et le droit du travail, qui en est une branche particulière.
Depuis l’élection de M. Sarkozy à la présidence de la République, cette théorie se développe, quitte à oublier qu’employeurs et salariés, ou bien institutions et demandeurs d’emploi, ne sont pas sur un pied d’égalité. Les travailleurs sont dépendants de leurs employeurs pour gagner leur vie, ce qui entraîne entre eux des rapports particuliers, et les chômeurs sont dépendants de l’institution pour tenter de retrouver un emploi ou de conserver les indemnités nécessaires à leur subsistance. Nous remarquons d’ailleurs souvent que les personnes les plus démunies et les chômeurs ne connaissent pas l’ensemble des droits dont ils peuvent bénéficier et, par conséquent, ne les font pas valoir.
Aussi, il semble clair que le projet personnalisé, dès lors qu’il nécessite l’acceptation du demandeur d’emploi et de l’institution à travers l’agent qui la représente, revêt un caractère fondamental en droit contractuel : l’échange des volontés.
Nous n’imaginons pas que vous puissiez rejeter cet amendement qui, d’une certaine manière, s’inscrit dans cette optique.
Naturellement, nous dénonçons ce glissement, particulièrement lorsqu’il a pour conséquence d’individualiser les relations de travail et donc de retirer à l’entreprise et à l’employeur toute responsabilité sociale.
Il nous apparaît toutefois insupportable que les salariés, les retraités et les demandeurs d’emploi soient contraints de subir tous les effets néfastes – ils sont parfois nombreux – sans jamais bénéficier d’un seul des avantages liés à la relation contractuelle.
Si l’objectif est de créer une véritable relation contractuelle, le droit de rétractation devrait figurer dans le texte dont nous discutons.
Mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que le PPAE est, d’abord et avant tout, un engagement réciproque. Et il faut bien mesurer tout le sens du terme « engagement ».
Le nouvel opérateur doit accompagner le demandeur d’emploi dans un projet personnalisé qui peut évoluer dans le temps. Nous ne sommes plus du tout dans un cas de figure conflictuel, comme peut l’être la rupture du contrat de travail. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement précédent, comme elle le fera pour celui-ci.
Monsieur Fischer, vous nous interrogez sur ce que nous avons fait dans le passé. Le contrat de progrès conclu entre l’État et l’ANPE date de 2006. Nous avons déjà demandé à l’ANPE, et nous procéderons de la même manière demain avec le nouvel opérateur, de cibler davantage son action vers les publics sensibles, qui sont les jeunes et les seniors, et de fournir un accompagnement individualisé.
Les performances de l’ANPE progressent. Pour autant, je n’ai jamais entendu parler de « productivité ».
Nous exigeons simplement de meilleurs résultats, ce qui, selon moi, relève tout de même d’une logique normale : il s’agit d’amener, dans les meilleurs délais, nos concitoyens qui n’ont pas la chance de faire partie du monde du travail vers un emploi.
Pour répondre à vos questions, je trouve tout à fait logique de demander aujourd'hui à l’ANPE, demain au nouvel opérateur, plus de professionnalisation.
Enfin, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous avons la chance d’avoir un million de demandeurs d’emploi en moins et 55 % d’augmentation des moyens financiers. Le rapport l’indique clairement, notre objectif est de diminuer le nombre de demandeurs d’emploi dont l’agent référent doit s’occuper afin que ce dernier puisse être au plus près d’eux et les recevoir de façon régulière, au moins une fois par mois, contre une fois tous les quatre mois actuellement. Là encore, pourquoi vouloir instaurer un droit de rétractation alors que nous nous inscrivons, au-delà de l’aspect humain, dans une démarche professionnelle ? La commission émet donc un avis défavorable.
Je suis défavorable à cet amendement pour les raisons avancées par M. le rapporteur, et pour celles que j’ai déjà mentionnées sur le précédent amendement et qui vaudront pour le prochain. Nous ne partageons pas du tout la même conception du projet personnalisé d’accès à l’emploi, qui n’est ni une mise en accusation ni un contrat.
M. le rapporteur nous l’a précisé, le projet personnalisé d’accès à l’emploi est un engagement : c’est justement la raison pour laquelle il faut que les parties prenantes soient certaines de vouloir le signer, et ce en toute connaissance de cause. Tel était l’objet de notre amendement précédent qui portait sur l’accompagnement.
L’amendement n° 22 tend, quant à lui, à permettre au demandeur d’emploi qui s’aperçoit, en rentrant chez lui ou en discutant avec des proches, qu’il lui sera finalement impossible, malgré toute sa bonne volonté, de tenir son engagement de retourner voir son agent référent pour l’informer de son erreur.
Ce droit de rétractation est très souvent accordé. Dans le commerce, lorsque vous achetez à crédit un meuble ou une télévision, vous avez la possibilité de vous rétracter. Ainsi donc, on pourrait le faire pour l’achat d’un objet quelconque, mais pas pour la signature d’un projet personnalisé ! Ce dernier est pourtant un engagement mutuel fort qui, s’il n’est pas respecté par le demandeur d’emploi, peut conduire à la radiation de ce dernier.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez qu’il n’a jamais été question d’amélioration de la productivité. Néanmoins, assistant jeudi dernier, à l’invitation de la commission des finances, à l’audition de M. le secrétaire d’État et de M. Roux de Bézieux, le nouveau patron de l’UNEDIC, j’ai bien entendu ce dernier parler d’une amélioration de la productivité de son institution. Je l’ai interrogé sur la manière dont il comptait procéder pour aboutir à ce résultat, mais je n’ai pas obtenu de réponse véritable. Nous sommes donc très inquiets au sujet de cet engagement que devra prendre un demandeur d’emploi alors qu’il ne dispose pas de la possibilité de se faire accompagner ou de bénéficier d’un délai de rétractation. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. Jean Desessard. L’un des points forts du Président de la République, c’est qu’il défend la culture du résultat. Il va d’ailleurs jusqu’à noter les ministres ! Nous, parlementaires, allons devoir travailler jusqu’à la fin du mois de juillet pour « produire » des textes !
Rires
Il y aura donc des critères objectifs. Le premier l’est assurément, et porte sur la productivité : combien de demandeurs d’emploi vont être mis au travail ? Le second, qui l’est un peu moins, permet de montrer que les dossiers sont bien suivis : combien de personnes auront-elles été sanctionnées ? Le Gouvernement travaille donc forcément dans un état d’esprit qui est influencé par le signal fort envoyé par le Président de la République sur la nécessaire productivité.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, pourquoi refusez-vous cette commission de recours ? Pourquoi un chômeur sur le point d’être radié ne disposerait-il pas d’une possibilité de s’expliquer ?
Nous ne savons même pas qui décidera de la sanction : l’agent qui a établi le projet personnalisé avec le chômeur ? Son supérieur hiérarchique ? Qui prendra la décision de ne plus indemniser un demandeur d’emploi, de ne plus lui permettre de payer son loyer, d’assurer l’éducation de ses enfants ? Qui en fera une personne sans ressources qui sera obligée d’aller pointer au bureau de l’aide sociale de sa mairie ? Qui donc aura ce pouvoir ?
La réponse sera apportée par le vote, puisque la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis !
Je mets aux voix l'amendement n° 22.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Philippe Richert remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.
L'amendement n° 23, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Est créée une commission de recours gracieux qui reçoit les recours des demandeurs d'emplois à l'encontre d'une décision de sanction. Des représentants des demandeurs d'emploi, des représentants des salariés, des représentants des employeurs, et à titre consultatif, les représentants de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail siègent dans cette commission.
« La commission compétente pour recevoir les demandes de recours gracieux se réunit au moins une fois par moins dans chacun des départements. Les demandeurs d'emplois qui exercent un recours gracieux peuvent se faire accompagner par la personne de leur choix. L'autorité compétente pour prononcer la sanction est tenue d'appliquer la décision adoptée par la commission des recours gracieux. La commission de recours gracieux communique sa décision sous un délai de sept jours.
« Cette commission est compétente pour connaître des litiges nés à l'occasion de la conclusion du projet personnalisé d'accès à l'emploi.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement complète parfaitement les deux précédents.
En effet, après avoir offert au demandeur d’emploi la possibilité de bénéficier à la fois d’un accompagnement et d’un délai de réflexion et de rétractation pour la signature de son projet personnalisé d’accès à l’emploi, nous souhaitons à présent qu’il puisse contester éventuellement ce projet si ce dernier ne correspond pas à ses souhaits initiaux.
Au vu de ce qui m’a été répondu précédemment, je ne me fais pas trop d’illusions sur le sort qui sera réservé à cet amendement. Néanmoins, je tenais tout de même à le présenter, d’autant que, comme les deux amendements précédents, il n’a rien de révolutionnaire.
À une époque, obtenir les congés payés, c’était révolutionnaire ! Il ne faut pas avoir peur d’être révolutionnaire !
Cet amendement vise simplement à permettre aux demandeurs d’emploi de bénéficier d’un recours gracieux qui présenterait un double avantage.
D’une part, ce dispositif permettrait aux personnes concernées de contester une décision qui leur semblerait injustifiée, sans avoir à passer par une procédure plus lourde, souvent judiciaire.
D’autre part, contrairement à la procédure actuellement en vigueur, les demandeurs d’emploi pourraient contester une décision tout en évitant l’effet suspensif de l’allocation.
En outre, comment ne pas imaginer que la conclusion des projets personnalisés d’accès à l’emploi ne puisse jamais donner lieu à contestation ?
C’est pourquoi il nous semble important de trouver un outil utile et souple, tant pour les demandeurs d’emploi que pour la nouvelle institution.
Tout comme les deux amendements précédents, cet amendement vise à prévoir pour les demandeurs d’emploi de nouveaux droits, ces derniers étant pour l’heure bien minces, pour ne pas dire inexistants, dans le texte qui nous est proposé.
M. Desessard avait déjà, me semble-t-il, anticipé sur cet amendement. À présent, Mme David anticipe sur le débat que nous aurons à propos de l’article 2, relatif au régime des sanctions. Dans les deux cas, nos collègues n’ont peut-être pas totalement écouté ce que j’avais expliqué durant la discussion générale.
Comme je l’avais alors rappelé, l’article 2 reprend à 90 % ce qui figure déjà dans le code du travail. La seule innovation apportée par cet article réside dans son 2°, aux termes duquel un demandeur refusant à deux reprises, sans motif légitime, une offre raisonnable d’emploi fera l’objet d’une sanction. Pour le reste, toutes les dispositions contenues dans l’article 2, y compris les procédures de recours, existent déjà actuellement.
À ce propos – nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau dans quelques instants –, je précise que ces procédures sont de deux sortes.
Dans un premier temps, la démarche s’effectue auprès du directeur départemental délégué. Puis, il peut y avoir un recours auprès du préfet. C’est à ce dernier qu’il appartient de prononcer une sanction, après avoir recueilli l’avis, certes consultatif, d’une commission tripartite composée de la direction du travail et des partenaires sociaux, c'est-à-dire des représentants des salariés et des employeurs.
Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas pertinent d’introduire dans la loi le dispositif que cet amendement vise à instituer, d’autant qu’il serait impossible de le faire à l’article 1er. Quant à l’article 2, je pense avoir répondu par avance à d’éventuelles futures questions.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Comme M. le rapporteur vient de le souligner, cet amendement porte essentiellement sur la question des sanctions, qui relève de l’article 2, et non de l’article 1er.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le projet personnalisé tient compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications et de ses compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles.
« Le demandeur d'emploi précise également dans son projet personnalisé la nature, la durée d'engagement et la forme contractuelle de l'emploi qu'il recherche.
La parole est à Mme Annie David.
Comme nous avons eu l’occasion de le préciser durant la discussion générale ou en présentant nos précédents amendements, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ne sont pas opposés par principe à l’élaboration, avec le demandeur d’emploi, d’un projet personnalisé qui lui permettrait de bénéficier d’un retour plus rapide dans le monde du travail.
En revanche, et vous l’aurez compris, notre profond désaccord porte sur les finalités du projet personnalisé que vous concevez, ainsi que sur son contenu.
De notre point de vue, la rédaction actuelle du projet de loi, qui prévoit d’intégrer les notions de « zone géographique privilégiée » et de « marché du travail local », vient contredire le principe pourtant énoncé par le Gouvernement de projet personnalisé. Comment ce projet pourrait-il être personnalisé si, à chaque demande du salarié privé d’emploi, vous lui opposez la situation du marché local de l’emploi ?
Notre amendement vise donc à substituer la rédaction actuelle par deux alinéas.
Le premier alinéa que nous proposons précise que le projet personnalisé tient compte des qualifications et des compétences acquises par le demandeur d’emploi lors de ses expériences professionnelles passées. Notre volonté est de tenir compte des expériences passées et acquises par le salarié en exercice mais n’ayant pas fait l’objet d’une procédure de validation des acquis de l’expérience. Cette disposition pourrait constituer un avantage certain pour les salariés privés d’emploi ayant travaillé longuement dans une même entreprise, mais à des postes différents, et n’ayant pas pu bénéficier pendant leur temps de travail d’une telle validation.
Le second alinéa que nous proposons fera, je le crois, l’objet d’un bien moindre consensus, si tant est que le premier fasse l’objet d’un consensus, ce qui n’est à mon avis pas certain.
Nous souhaitons permettre au demandeur d’emploi de préciser le type de contrat espéré, sa nature et sa durée lors de l’élaboration du projet personnalisé.
Vous l’aurez toutes et tous compris, cet amendement, auquel les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont très attachés, vise à limiter un risque qui nous semble grand, compte tenu de ce que nous avons entendu, à savoir le fait d’imposer au demandeur d’emploi toute offre proposée.
C’est la fameuse logique libérale, selon laquelle mieux vaut un emploi à temps partiel ou un emploi mal payé que pas d’emploi du tout.
Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur les propos qu’avait tenus M. Xavier Bertrand lors de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail, propos qu’il a répétés à de nombreuses reprises dans les médias. À l’entendre, il voudrait limiter les temps partiels subis. Autant vous dire que c’est également notre cas !
L’amendement n° 24 concerne précisément cette situation, puisque le demandeur d’emploi qui refuse de subir un contrat à temps partiel ou un contrat à durée déterminée pourrait le faire préciser dans son projet personnalisé.
Les organisations syndicales, qui ont toutes refusé de parapher ce projet de loi, ont d’ailleurs regretté un point : tant dans les négociations que dans la rédaction de l’avant-projet de loi, le Gouvernement ignore la question pourtant cruciale de la nature du contrat que pourrait constituer l’offre raisonnable d’emploi et que le chômeur pourrait se voir contraint d’accepter.
Le risque est grand que l’une des principales missions de la nouvelle institution soit, demain, de proposer aux demandeurs d’emploi des bad jobs, ces emplois à temps très partiels, physiques, sous-payés et sans évolution de carrière.
Le patronat, quant à lui, ne s’y est pas trompé. L’ensemble des organisations représentant les employeurs n’ont pas oublié de vous apporter leur soutien, ces derniers étant trop contents de pouvoir bénéficier d’une main-d’œuvre à moindre coût, tout en évitant d’aborder la question de la rémunération et des conditions de travail.
L'amendement n° 2, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail :
« Ce projet précise, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local, la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée pour la recherche d’emploi et le niveau de salaire attendu.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de modifier la rédaction proposée par le projet de loi pour le deuxième alinéa de l’article L. 5411-6-1 du code du travail.
Actuellement, le projet de loi fixe trois critères pour l’offre raisonnable d’emploi, en l’occurrence la zone géographique, le niveau de salaire et la nature de l’emploi.
La commission propose de préciser que ces critères sont définis en tenant compte de la formation, de la qualification, de l’expérience et de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur d’emploi.
Le projet personnalisé d’accès à l’emploi ne définit pas simplement l’emploi recherché ; il doit mettre l’accent sur la formation à suivre pour l’obtention de cet emploi, car nombre de demandeurs d’emploi attendent une telle formation.
L'amendement n° 25, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, remplacer les mots :
des emplois recherchés
par les mots
de l'emploi recherché
La parole est à Mme Annie David.
Nous avons coutume de dire que « le diable se cache dans les détails ». Le texte de votre projet de loi en offre une nouvelle illustration.
Ainsi, la rédaction proposée pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail affirme que le projet personnalisé précise les caractéristiques des emplois recherchés. J’ai bien dit : « des emplois » ! Vous utilisez le pluriel pour qualifier les objectifs de ce projet personnalisé. Pour nous, ce n’est pas sans signification. Plus précisément, ce n’est pas sans traduire la position qui est la vôtre en matière de retour à l’emploi.
En réalité, votre ambition est non pas de permettre au salarié privé d’emploi de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée à temps plein, mais tout simplement de le faire sortir des statistiques du chômage par tout moyen, le cas échéant en le contraignant à accepter plusieurs emplois, sur la durée et la rémunération desquels nous n’avons aucune garantie.
Avec cette rédaction, nous comprenons bien que votre seul objectif est l’« employabilité », terme bien barbare, et non la qualité de l’emploi. D’ailleurs, vous n’êtes plus en capacité de garantir celle-ci, tant les politiques libérales que vous menez conduisent à un affaiblissement général des droits pour les demandeurs d’emploi, comme pour l’ensemble des salariés.
Je vous entends déjà nous rétorquer que nous avons des a priori à l’égard du Gouvernement et de sa majorité. Soit, mais le recours au pluriel ne peut pas nous laisser indifférents. Et s’il ne s’explique pas par votre volonté de pouvoir imposer aux demandeurs d’emploi le cumul de deux emplois précaires, il est lié – et ce n’est guère mieux – à la faible confiance que vous portez en la capacité de la future institution à replacer durablement un demandeur d’emploi dans un parcours professionnel classique.
Si vous ne croyez pas vous-même en cela, raison pour laquelle l’institution aurait à proposer « des emplois », et non pas « un emploi », c’est que vous connaissez les limites de votre politique, faite de trappes à bas salaires, de dérégulation des dispositions protectrices d’emploi et d’absence de volonté de doter la France d’outils législatifs pérennisant l’emploi lorsque les sociétés installées sur notre territoire multiplient les profits.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, après le mot :
recherchés
insérer les mots :
ainsi que la catégorie et la durée du contrat de travail
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Nos amendements sur cet alinéa portent sur deux éléments constitutifs de la relation de travail : la nature du contrat et la rémunération du salarié.
En effet, la « nature » et les « caractéristiques » des emplois recherchés constituent une définition assez vague, et M. le rapporteur a d’ailleurs ressenti la nécessité de préciser les termes.
Selon M. Leclerc, le projet personnalisé d’accès à l’emploi « indiquera quel métier ou quel type de fonction recherche le demandeur d’emploi, mais aussi s’il souhaite un CDD ou un CDI, un emploi à temps plein ou à temps partiel ; ces précisions seront opposables à l’opérateur qui ne pourra sanctionner un demandeur d’emploi qui refuserait un emploi ne répondant pas à ces critères ». Il ne paraît pas inutile d’inscrire de telles précisions dans la loi.
M. le rapporteur soulève également la question de l’opposabilité. Elle va de soi tant que l’offre dite « raisonnable » n’entre pas vraiment en scène, c'est-à-dire à l’issue des trois premiers mois de chômage. Mais, après six mois ou un an, lorsque le demandeur d’emploi doit accepter un emploi rémunéré au niveau de son allocation, même si le poste ne correspond pas à sa qualification et est éloigné de son domicile, cette opposabilité existe-t-elle encore ?
En d’autres termes, si, après six mois ou un an de chômage, un employeur propose un contrat à durée déterminée à temps partiel rémunéré au SMIC à vingt-cinq kilomètres du domicile du demandeur d’emploi sans transport en commun, donc entrant parfaitement dans le cadre défini par l’article L. 5411-6-4, le fait que le demandeur d’emploi ait demandé dans son projet personnalisé un contrat à durée indéterminée à temps plein fait-il qu’on ne peut l’obliger à accepter l’emploi proposé ? L’interprétation que propose M. le rapporteur est-elle permanente ou temporaire ?
En outre, la question intéresse d’autant plus le chômeur que, comme vous le savez, pour les contrats courts, les aides à la mobilité géographique de l’ANPE sont distribuées avec parcimonie. Actuellement, le problème est crucial en raison du prix des carburants. Les zones rurales seront donc particulièrement pénalisées.
Nous souhaiterions par conséquent entendre la réponse précise de M. le secrétaire d'État à la question précise que nous lui posons, afin qu’elle puisse figurer parmi les travaux préparatoires de la loi.
L'amendement n° 26, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, après les mots :
expérience professionnelle,
insérer les mots :
des connaissances et compétences acquises par le salarié au cours de son parcours professionnel,
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L'amendement n° 27, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le mot :
familiale
supprimer la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Les amendements n° 26 et 27, qui pourraient s’apparenter à des amendements de repli, visent à insérer dans le présent projet de loi des dispositions auxquelles les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont attachés. En effet, ils visent à insérer dans le projet de loi deux dispositions prévues dans un amendement précédent que le Sénat a rejeté.
L’amendement n° 26 constitue, en quelque sorte, un amendement de la seconde chance pour la majorité UMP du Sénat, afin que soient prises en compte dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi les compétences et les techniques acquises par le salarié au cours des emplois qu’il a précédemment exercés mais qui n’auraient pas bénéficié du dispositif de validation des acquis de l’expérience.
L’amendement n°27, quant à lui, tend à supprimer la référence à la situation du marché local de l’emploi, qui est un véritable frein à l’initiative des salariés privés d’emploi puisqu’elle pourrait avoir pour conséquence de limiter le contenu du projet personnalisé et, par là même, les offres d’emploi que la nouvelle institution serait amenée à proposer dans le cadre de ce dispositif.
Votre texte nous apparaît contradictoire avec l’idée même de « projet personnalisé », puisque vous interdisez au demandeur d’emploi de se projeter dans une situation professionnelle radicalement différente de celle dans laquelle il se trouve en ce qui concerne tant son activité professionnelle que le lieu géographique et, par conséquent, le marché local de l’emploi.
Cette disposition, bien qu’elle contredise les annonces du Gouvernement, est cohérente avec votre idéologie. Une fois encore, vous vous placez non pas dans la situation du demandeur d’emploi, mais dans celle du patronat et de la réponse à moindre coût que vous pourrez lui apporter dans les métiers sous tension.
Votre souci est non pas de permettre au demandeur d’emploi de retrouver une activité professionnelle correspondant à ses attentes et rémunérée à sa juste valeur, mais de permettre aux employeurs de bénéficier d’une main-d’œuvre disponible sur un territoire donné.
Comment ne pas mettre en relation cette disposition avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, qui prévoit une régionalisation des diplômes et un financement des universités par les entreprises installées à proximité ? Or, on le sait, ces dernières auront des exigences en matière de formations proposées. Nous ne sommes donc pas à l’abri de diplômes sur mesure pour une activité professionnelle donnée ou un bassin d’emplois, autrement dit correspondant au marché local de l’emploi.
Et que deviendront les jeunes ou les demandeurs d’emploi que vous voulez cantonner dans un marché local de l’emploi, alors qu’il n’est pas sûr que, à la fin de leurs études, les emplois soient toujours là pour permettre l’embauche des jeunes diplômés ? Je pense aux secteurs de la chimie, de la papeterie, mais aussi à l’industrie de l’électronique vers laquelle nombre de nos jeunes ont été orientés alors qu’elle déserte le territoire national pour s’installer là où elle pourra prospérer sans obstacle !
Voilà pourquoi il nous semble important de supprimer cette référence au marché du travail local.
L'amendement n° 28, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, remplacer le mot :
privilégiée
par les mots :
déterminée par le demandeur d'emploi
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement vise à remplacer la notion de zone géographique privilégiée par celle de zone géographique déterminée par le demandeur d’emploi.
Vous l’aurez compris, cet amendement s’inscrit dans la logique de corédaction du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE, au sujet duquel nous vous avons dit que nous étions opposés non pas sur la forme, mais quant au fond et à son contenu.
Nous considérons que la réorientation du projet personnalisé en direction des besoins des demandeurs d’emploi est nécessaire pour constituer un véritable outil de lutte contre le chômage.
Or le projet de loi que vous nous proposez d’adopter prend le contre-pied total de ce besoin impératif, transformant le PPAE en outil au service des employeurs et du « précariat », cette forme particulière de précarité qui affecte les salariés.
L’exemple donné par cette référence à la zone géographique privilégiée vient s’ajouter à une liste déjà longue, comprenant notamment le terme « emplois » au pluriel, la situation du marché du travail local.
Quelle réalité se cache-t-elle derrière cette formule ? On imagine très bien un demandeur d’emploi préciser qu’il recherche, pour des motifs personnels, un emploi dans l’Isère, par exemple – je cite mon département, mais il est agréable d’y penser quand on est à Paris !
Sourires
Le demandeur d’emploi ne pourrait alors pas opposer à cette proposition une violation du projet personnalisé, puisque la zone géographique mentionnée par lui n’a, en définitive, qu’une valeur indicative, car « privilégiée » et non « déterminée ».
C’est ici une nouvelle manifestation du sort que vous réservez réellement aux demandeurs d’emploi.
L'amendement n° 29, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
recherche d'emploi
supprimer la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail.
La parole est à M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite rappeler, par cet amendement, qu’il n’appartient pas au salarié de proposer le montant du salaire espéré, mais que la fixation de la rémunération doit être le fait de la nouvelle institution, en collaboration étroite avec l’employeur.
Cet amendement est inspiré de notre expérience : nous avons constaté qu’il devenait courant de voir, sur des sites Internet ou des supports privés, des offres d’emplois formulées de façon très détaillée, mais jamais accompagnées de l’indication de la rémunération, si ce n’est des mentions « à débattre » ou « selon expérience », un peu comme les annonces pour les biens immobiliers figurant dans les dernières pages du…
Rires
Tel n’est pas le cas des annonces déposées par les employeurs à l’ANPE – il s’agit là, précisément, de l’une des différences entre le secteur public et le secteur privé –, les agents de cette dernière considérant qu’une offre d’emploi bien rédigée est l’une des conditions d’un bon placement.
La rédaction que vous nous proposez a pour conséquence, comme trop souvent d’ailleurs, d’appliquer au service public les règles en vigueur dans le secteur privé. Vous nous aviez pourtant assuré, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du service public de l’emploi, qu’il s’agissait de renforcer le service public et de le rendre plus performant.
Selon nous, vous vous contredisez en retirant au service public de l’emploi l’une de ses caractéristiques, qui représentait d’ailleurs un plus pour le demandeur d’emploi.
Si notre amendement n’était pas adopté, il en serait fini de cette époque où les salariés privés d’emploi étaient tous sur un pied d’égalité et où seules les compétences – et éventuellement les impressions ou le ressenti – pouvaient différencier deux candidats.
L’employeur disposera, demain, d’un critère supplémentaire, profondément inégalitaire et dangereux : celui du montant de la rémunération. Or on sait que, pour bon nombre d’employeurs, le coût du travail est une obsession, à laquelle vous répondez d’ailleurs partiellement en multipliant les exonérations de charges sociales.
Si cet amendement n’était pas adopté, la nouvelle institution serait immanquablement transformée en une bourse où l’emploi se vendrait sous la forme d’enchères inversées – je caricature, mais est-ce si loin de la vérité ? –, où ce qui est cédé serait la force de travail du demandeur d’emploi et où l’enchère serait remportée par celui qui propose le prix le plus faible. Telle est notre conviction.
Mais vous caressez toujours le rêve, que vous n’hésitez d’ailleurs pas à exposer dans les débats publics, d’une société sans code du travail dans laquelle chaque salarié négocierait son temps de travail, sa rémunération, sa protection sociale, ses congés.
On le voit avec les soixante-cinq heures ; on le verra prochainement lors de l’examen d’un texte qui nous occupera une quinzaine de jours.
Si vous maintenez cette disposition, il en résultera, selon nous, un affaiblissement de tous les droits des salariés.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, remplacer le mot :
attendu
par les mots :
correspondant aux qualifications du demandeur d'emploi
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Nous souhaitons, par cet amendement, apporter une précision au texte.
Dire qu’un salaire est « attendu » n’est pas une formule juridique très précise, chacun en conviendra. Le salaire « attendu » peut être aussi irréaliste du côté du demandeur d’emploi que le salaire proposé par l’employeur éventuel.
Selon votre projet de loi, le salaire attendu sera évolutif avec le PPAE, pouvant descendre jusqu’au montant de l’allocation.
Il est donc capital pour le demandeur d’emploi de préciser, dès le départ, que le salaire qu’il attend correspond à sa qualification, ce qui permet une correspondance précise avec les grilles de classification des branches professionnelles.
Cette précision est également indispensable pour éviter que le chômeur en situation de désarroi ne se laisse conduire, dans la précipitation, vers un emploi qui ne correspondrait pas au salaire qu’il est en droit d’obtenir légitimement.
Cet amendement permettra d’offrir une garantie réciproque pour le demandeur d’emploi comme pour son référent, afin d’éviter des difficultés ultérieures.
L’amendement n° 24 exprime, dans une rédaction plus longue, des idées figurant déjà de façon synthétique dans le projet de loi. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 52 me paraît satisfait, car l’article 1er prévoit que « le projet personnalisé d’accès à l’emploi retrace les actions que l’institution mentionnée […] s’engage à mettre en œuvre dans le cadre du service public de l’emploi, notamment en matière d’accompagnement et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité ». Par conséquent, la disposition proposée est déjà inscrite dans l’article, à l’alinéa suivant celui qui est visé par le sous-amendement. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 25, qui vise à substituer « de l’emploi recherché » à « des emplois recherchés », a donné lieu à un large débat en commission. Il nous a semblé, dans un premier temps, que l’utilisation du pluriel était plus large et plus adaptée à l’esprit du texte, le demandeur d’emploi ayant vocation à se voir présenter plusieurs offres d’emploi et non pas une seule. En définitive, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Quant à l’amendement n° 7, il nous a paru plutôt inutile, car il est, lui aussi, satisfait par le projet de loi, qui prévoit – et cela a été souligné à plusieurs reprises – que le PPAE mentionne la nature et les caractéristiques des emplois recherchés. Cela signifie qu’il appartient au demandeur d’emploi d’indiquer s’il recherche un CDI, un CDD, un emploi à temps partiel ou à temps plein. Il n’est donc pas nécessaire d’alourdir la rédaction de la disposition. La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 26 deviendrait logiquement sans objet si l’amendement n° 2 était adopté, puisqu’il a été clairement dit que la notion d’expérience professionnelle faisait naturellement référence aux connaissances et aux compétences acquises par le salarié au cours de sa carrière.
La rédaction du texte étant assez synthétique en la matière, la précision proposée paraît inutile. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 27, la référence au marché local du travail, qui n’est pas nouvelle, nous semble constituer une garantie pour les salariés dans la mesure où elle permettra d’éviter qu’un demandeur d’emploi ne se voie imposer un travail éloigné de son domicile. Aussi, pourquoi supprimer cette mention, qui est cohérente avec les critères de temps et de distance servant à déterminer l’offre raisonnable d’emploi ? La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 28 vise à supprimer la référence à la zone géographique privilégiée lors de la recherche d’un emploi. Là encore, à la condition que le demandeur d’emploi l’accepte, pourquoi faudrait-il repousser une offre intéressante faite par le référent au motif que celle-ci s’écarte de la zone géographique initialement déterminée dans le PPAE ? La commission émet un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 29, je précise que le PPAE définit le niveau de salaire attendu par le demandeur d’emploi, niveau qui s’apprécie en regard non seulement du bassin d’emploi, mais surtout du salaire antérieurement perçu par le demandeur d’emploi. La commission émet un avis défavorable.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 8 visant à préciser que le salaire attendu correspond aux qualifications du demandeur d’emploi. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 24 qui vise à supprimer la prise en compte de la situation personnelle et familiale du demandeur d’emploi ainsi que celle du marché du travail local. Ce serait en effet une régression.
L’amendement n° 2 de la commission est intéressant, car il vise fort utilement à prendre en compte l’ensemble de la situation personnelle et familiale dans la définition du projet personnalisé. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Comme M. le rapporteur l’a dit, le sous-amendement n° 52 est satisfait par le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411–6–1 du code du travail. Cela étant, nous partageons la même préoccupation que M. Desessard.
Concernant l’amendement n° 25, au risque de surprendre Mme David, qui me voit comme un ultralibéral le couteau entre les dents, …
M. Guy Fischer. Vous nous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'État !
Rires.
… j’ai le plaisir de vous annoncer que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. C’est aussi une manière très claire, pour moi, de valider votre raisonnement.
Bien que j’aie tendance à penser que l’amendement n° 7 soit quelque peu redondant, je m’en remets, comme M. le rapporteur, à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 26. La référence aux connaissances et aux compétences acquises par le salarié au cours de son parcours professionnel ne soulève aucun problème particulier, même si la rédaction, là encore, me semble quelque peu redondante.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 27. En effet, il serait malvenu de supprimer la référence à la situation du marché du travail local, qui constitue une bonne garantie pour le demandeur d’emploi.
S’agissant de l’amendement n° 28, le Gouvernement n’est pas favorable au remplacement du mot « privilégiée » par les mots « déterminée par le demandeur d’emploi ». Le projet personnalisé d’accès à l’emploi doit être défini conjointement par le demandeur et le référent.
La suppression de la référence au niveau du salaire attendu, proposée à l’amendement n° 29, serait défavorable aux demandeurs d’emploi. En effet, ces derniers ont au contraire tout intérêt à préciser eux-mêmes le niveau de salaire qu’ils considèrent comme raisonnable.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 8, qui vise à préciser que le salaire attendu doit correspondre aux qualifications du demandeur d’emploi. Si tel était le cas, la marge de manœuvre de ce dernier dans la définition de son projet s’en trouverait restreinte.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 52.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je rectifie l’amendement n° 2 de la commission afin d’intégrer la proposition de Mme David.
M. Guy Fischer applaudit.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission, ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail :
« Ce projet précise, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local, la nature et les caractéristiques de l'emploi recherché, la zone géographique privilégiée pour la recherche d’emploi et le niveau de salaire attendu.
Monsieur Desessard, le sous-amendement n° 52 est-il maintenu ?
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 25, 7, 26, 27, 28, 29 et 8 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 30, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail précise dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi les actions qu'elle s'engage à mettre en œuvre dans le cadre de ses missions de service public.
« L'institution détermine l'accompagnement qu'elle apporte au demandeur d'emploi, l'aide à la mobilité, ainsi que les formations auxquelles le demandeur d'emploi a droit.
« Le demandeur d'emploi qui estime que l'institution a manqué aux obligations mentionnées aux deux alinéas précédents peut demander à rencontrer son conseiller. Si à l'issue de cette rencontre le demandeur d'emploi estime que l'institution manque à ses obligations, il peut saisir la commission de recours.
La parole est à M. Robert Bret.
Chacun d’entre nous connaît l’adage selon lequel il n’y a pas de devoirs sans droits.
M. le rapporteur nous disait à l’instant qu’il fallait des engagements réciproques. Pourquoi pas ? Or si l’on distingue bien les devoirs qui pèsent déjà sur les salariés privés d’emploi et qui pèseront encore plus lourdement demain, on peine à deviner les quelques droits dont ils pourraient jouir.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, n’y voyez pas un tropisme du groupe communiste républicain et citoyen, puisque ce fut également l’une des nombreuses critiques exprimées par les syndicats. Je précise bien que toutes les organisations syndicales ont alerté le Gouvernement sur ce sujet, lequel est malheureusement resté sourd, trop pressé d’en finir avec ce qui reste de solidarité et trop pressé d’adresser à son aile la plus radicale des signes de fermeté.
Le Gouvernement a procédé, dans la précipitation, à un certain nombre de réformes relatives aux demandeurs d’emploi, ne se souciant ni de leur cohérence ni de leur interaction les unes avec les autres.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez créé une institution nouvelle avant même d’avoir entamé avec les partenaires sociaux les discussions relatives à la future convention d’assurance chômage. C’est un peu comme si vous aviez choisi un outil, sans vous préoccuper des travaux qui seront à réaliser ! En conséquence de quoi, nous nous retrouvons aujourd’hui avec une institution devant théoriquement garantir des droits aux demandeurs d’emploi, lesquels droits ne seront définis, au mieux, qu’à la fin de décembre.
D’ailleurs, le rapport de M. Boulanger, qui a largement inspiré la rédaction de ce projet de loi, n’est guère plus prolixe, puisqu’il affirme la nécessité de développer une offre de services en direction des demandeurs d’emploi, sans jamais formuler une seule proposition.
Le présent amendement vise donc très modestement à équilibrer un texte qui, monsieur le secrétaire d'État, mérite de l’être.
Les propositions que nous formulons visent à renforcer les obligations de l’institution à l’égard des demandeurs d’emploi. Pour qui connaît la réalité de ce qu’ils vivent, elles apparaîtront comme étant de bon sens et répondront à une partie de ce que les salariés privés d’emploi attendent du service public de l’emploi.
Nous vous proposons de préciser, par exemple, que l’institution détermine, dans le projet personnalisé les mesures d’accompagnement qu’elle entend mettre à la disposition du demandeur d’emploi. Cela participe pleinement de la démarche de personnalisation des droits que vous dites vouloir instaurer, monsieur le secrétaire d'État.
Naturellement, par souci du parallélisme des formes, nous proposons que le demandeur d’emploi puisse rencontrer son conseiller et demander que soit modifié son projet personnalisé d’accès à l’emploi si l’accompagnement proposé se révèle inadapté ou si l’institution ne met pas en œuvre les missions qu’elle s’était engagée à réaliser.
Il serait en effet illogique d’imaginer des révisions à date fixe du projet personnalisé d’accès à l’emploi, sur l’initiative de l’institution, sans jamais autoriser le demandeur d’emploi à faire reconnaître ses droits.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter cet amendement, mes chers collègues.
L'amendement n° 9, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
service public de l'emploi
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail :
en matière d'accompagnement, de formation et d'aide à la mobilité.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Nous considérons que les mots « notamment », d’une part, et « le cas échéant », d’autre part, sont des obstacles majeurs à la clarté d’une loi et à l’efficacité de son application. Nous proposons donc de les supprimer du projet de loi.
Pour que le projet personnalisé d’accès à l’emploi débouche véritablement sur un emploi de qualité, il faut que toutes les possibilités offertes par l’institution future soient exploitées. Si des restrictions sont imposées aux actions d’accompagnement, de formation et d’aide à la mobilité, certains pourraient imaginer que le PPAE n’est qu’une sorte d’affichage et que le cœur du projet de loi est l’offre dite « raisonnable » d’emploi. Celle-ci ne serait alors que la manifestation de la volonté d’obliger le chômeur à accepter n’importe quel emploi afin de faire baisser les statistiques et permettre à l’assurance chômage de réaliser des économies.
L’accompagnement et la formation, particulièrement pour les chômeurs peu qualifiés, sont pourtant la véritable porte de l’emploi, comme le montrent les documents de l’UNEDIC.
Parmi les demandeurs d’emploi qui ont bénéficié d’une formation à l’embauche, qui sont encore trop peu nombreux, 70 % ont trouvé un emploi dans les trois mois qui ont suivi ; ce taux est de 50 % parmi ceux qui ont suivi une formation conventionnée.
Il est donc clair que c’est la formation qui permet de mettre enfin en adéquation les offres d’emploi qualifié non satisfaites et les demandes des chômeurs.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de précision.
L'amendement n° 31, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, supprimer les mots :
et, le cas échéant
La parole est à Mme Annie David.
La rédaction proposée pour l’article L. 5411–6–1 du code du travail est pour le moins très inquiétante dans la mesure où la formation du demandeur d’emploi est non plus un droit, mais une simple possibilité, matérialisée par les mots « le cas échéant ».
Deux lectures sont possibles, monsieur le secrétaire d'État.
Première lecture possible, l’expression « le cas échéant » signifierait que, s’il en fait la demande, le salarié privé d’emploi peut bénéficier d’un projet de formation. Si tel est le cas, je dois dire que la rédaction proposée est malvenue et qu’elle crée une ambiguïté qui desservira les demandeurs d’emploi. Il aurait été alors plus logique de recourir à une autre formulation, qui aurait pu être la suivante : « Si le demandeur d’emploi en fait la demande ».
Seconde lecture possible – et c’est ce que nous redoutons –, la formation ne serait qu’une option dont le déclenchement serait incertain, en quelque sorte conditionné par l’on ne sait quels facteurs.
On avait pourtant cru comprendre, à la lecture de ce projet de loi, que ce dernier visait à garantir aux demandeurs d’emploi certains droits. Vous en conviendrez, la formation professionnelle devrait être l’un de ceux-ci. Chacun des orateurs qui se sont succédé à la tribune lors de la discussion générale l’a dit : la formation est un droit pour les demandeurs d’emploi.
Or, depuis quelques mois, le Gouvernement et sa majorité ne cessent d’attaquer la formation professionnelle, à l’exemple de MM. Carle et Seillier, qui la mettent quelque peu à mal dans leur rapport.
Certes, je partage l’analyse, à laquelle tous se sont livrés, selon laquelle la formation professionnelle ne bénéficie pas à l’ensemble des salariés, particulièrement aux ouvriers et à celles et à ceux qui en auraient le plus besoin. Trop souvent, elle est considérée par le patronat comme un coût pour l’entreprise plutôt que comme un investissement.
Raisonner ainsi, c’est faire fi du besoin proprement humain de progresser, mais aussi des besoins structurels d’évolution des entreprises.
Le monde change, les techniques évoluent. Comment pourrait-il en être autrement ?
Il faut donc que les employeurs conçoivent la formation professionnelle comme un outil de développement et de perfection, plus que comme une charge. Mais cela est rarement le cas, et l’inversion tragique de la répartition entre capital et investissement ne manque pas d’affecter la formation professionnelle.
Le Gouvernement tire donc toutes les conséquences des critiques formulées par le MEDEF à cet égard et impose aujourd’hui aux demandeurs d’emploi ce qu’il compte exiger demain de l’ensemble des travailleurs. C’est en quelque sorte un ballon d’essai, à ceci près que, ce faisant, vous jouez contre votre camp.
Nous savons pertinemment que le Gouvernement se désengagera de toute sa responsabilité, et cela aura pour conséquence de s’en remettre aux négociations de branches, rompant ainsi avec le principe de solidarité et d’égalité de tous les travailleurs. Vous aurez alors tout loisir, comme pour les 35 heures, de jouer l’opposition des salariés entre eux : diviser, pour mieux régner !
Mais derrière tout cela se cache une obsession : en finir enfin et durablement avec l’obligation qui pèse aujourd’hui sur les employeurs de participer à la formation des salariés. Votre proposition d’instituer des droits mutables ou portatifs aurait pu être un avantage. Elle se révèle en fait comme une étape de plus dans la responsabilisation des employeurs qui entendent bien en profiter pour diminuer considérablement leur participation financière.
Je tiens à renouveler notre opposition au transfert des personnels de l’AFPA vers la nouvelle institution, véritable prélude à un démantèlement de l’Agence.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter notre amendement.
L’amendement n° 30 tend à stigmatiser les agents de l’ANPE et à mettre en doute leur professionnalisme.
Il vise à permettre au travailleur de saisir la commission de recours dont on imagine mal quels pourraient être le rôle et les pouvoirs. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Ensuite, je ne vois pas quelle garantie supplémentaire l’amendement n° 9 apporte aux demandeurs d’emplois. Sa rédaction est plus restrictive que celle du projet de loi. La commission y est donc également défavorable.
Enfin, je ne comprends pas pourquoi il faudrait systématiquement proposer une offre de formation aux demandeurs d’emploi, comme le prévoit l’amendement n° 31. La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 30 fait référence à la commission de recours qui a été écartée lors de la discussion d’un précédent amendement. Pour les raisons qui ont alors été exposées, je suis défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 9 vise, grâce à une nouvelle rédaction de la fin de l’article, à supprimer le terme « notamment » et l’expression « le cas échéant ».
Une telle suppression ne serait pas favorable aux demandeurs d’emploi, car elle restreindrait les actions qui pourraient être engagées aux trois cas que vous mentionnez. L’utilisation du mot « notamment » vise précisément à nous permettre d’engager d’autres actions d’accompagnement et, par conséquent, à ne pas restreindre le champ des mesures qui pourront être proposées. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 31, mon argumentation est comparable. La suppression de l’expression « le cas échéant » nous empêcherait d’étendre le champ de notre action et d’y incorporer des dispositifs complémentaires.
Pour que les choses soient claires, je réaffirme ma volonté que le Gouvernement assume ses responsabilités en matière de formation. Sur la réforme qui sera engagée, et vous pourrez le constater, je veillerai à ce que l’État maintienne un pilotage national de la formation.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 31.
Tout à l’heure, j’ai soutenu un amendement visant à souligner la nécessité de mettre en œuvre des formations. M. le rapporteur m’a alors répondu que les obligations que j’évoquais figuraient dans le projet de loi, à l’alinéa suivant ; nous y sommes maintenant.
Mme David souhaite la suppression, dans cet alinéa, de l’expression « et, le cas échéant », s’agissant des actions à mettre en œuvre en matière de formation.
La rédaction du projet de loi peut à mon avis se comprendre de deux façons.
D’une part, il ne serait pas utile de donner une formation à une personne qui n’en a pas besoin, qui est prête à travailler tout de suite et peut, sans délai, conduire son projet. Je le conçois.
D’autre part – et c’est ainsi que j’ai compris la demande de Mme David –, un demandeur d’emploi voulant suivre une formation pourrait-t-il se la voir refuser ? C’est toute la question. En effet, une personne peut avoir peur de rencontrer des difficultés, avoir du mal à se situer. Plutôt que d’accepter pour deux mois ou trois mois un travail peu intéressant, avec une rémunération inférieure à son salaire précédent, elle peut souhaiter, eu égard à son âge, à sa formation initiale, suivre une formation de quelques mois qui lui permettra de trouver un travail assorti d’une rémunération cette fois-ci supérieure à son ancien salaire.
Quelle sera alors la réponse des agents de l’ANPE ? Lui accorderont-ils le droit de suivre cette formation qui lui permettra d’être plus performante ? Mme David craint que non. Peut-être faudrait-il trouver une autre rédaction ?
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai pris acte de votre volonté d’être vigilant et de maintenir la responsabilité du Gouvernement dans la formation professionnelle, donc dans la formation des demandeurs d’emploi.
Néanmoins, nous considérons que l’expression « le cas échéant » peut conduire à refuser à un demandeur d’emploi une formation qui serait, par exemple, sans lien avec le marché du travail local.
Or, un demandeur d’emploi peut souhaiter changer d’orientation et suivre une formation débouchant sur un métier qu’il exercera à l’autre bout de la France, par exemple, et qui n’existe ni sur le marché local du travail ni dans sa zone géographique privilégiée. Il serait injuste de lui refuser une telle formation. Cela reviendrait à restreindre les droits des demandeurs d’emploi.
Monsieur le secrétaire, vous avez manifesté votre volonté de rester vigilant en matière de formation professionnelle. Nous appelons donc votre attention sur les effets négatifs induits par l’expression « le cas échéant ».
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante,
Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a modifié l’ordre du jour prioritaire de nos séances des jeudi 26 et vendredi 27 juin 2008 en inscrivant, dès la fin de soirée de demain 26 juin, deux conventions internationales en forme simplifiée et la suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves.
L’ordre du jour de ces séances s’établira donc comme suit :
Jeudi 26 juin :
À 9 heures 30 et l’après-midi, après les questions d’actualité au Gouvernement :
– Projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles pendant le temps scolaire obligatoire ;
À 21 heures 30 :
– Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Livre blanc sur la défense ;
– 2 conventions internationales, examinées selon la procédure simplifiée :
accord relatif aux services de transport aérien avec Madagascar,
et accord multilatéral relatif à la création d’un espace aérien commun européen ;
– Suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles pendant le temps scolaire obligatoire.
Éventuellement, vendredi 27 juin :
À 9 heures 30 et à 15 heures :
– Suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles pendant le temps scolaire obligatoire.
Acte est donné de cette communication.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 10 au sein de l’article 1er.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 10 est présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 32 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-2 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 10.
Nous proposons la suppression du futur article L. 5411-6-2, qui définit l’offre dite raisonnable d’emploi.
Cette définition ne recoupe pas le contenu du projet personnalisé d’accès à l’emploi, ce qui pose évidemment question.
Ont disparu de la définition la formation du demandeur d’emploi, ses qualifications, son expérience professionnelle, sa situation personnelle et familiale, de même que la situation du marché du travail local. Ne subsistent donc que les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu.
Il est bien évident que, si la situation personnelle et familiale n’est plus prise en compte, la zone géographique privilégiée devient extensive. La disparition de la situation du marché du travail local va dans le même sens. Il devient facile d’expliquer qu’il n’y a pas de travail dans la zone la plus accessible, ce qui implique la mobilité du demandeur d’emploi.
Mais quelles seront les conditions de cette mobilité pour, par exemple, une mère célibataire qui doit faire garder ses enfants et payer le transport pour se rendre à son nouvel emploi en CDD à temps partiel payé au SMIC horaire ? Cela fait un peu Zola ? Pourtant, on rencontre des milliers de situations comme celle que je viens de décrire !
Quelles seront les conditions d’éducation des jeunes laissés à eux-mêmes parce que leurs parents doivent travailler à plusieurs heures de transport ou occuper deux emplois sous-payés ?
L’élimination de l’expérience, de la formation et des qualifications implique la dévalorisation du demandeur d’emploi sur le marché du travail. Et l’on peut se demander, si l’on réfléchit en termes de gestion macro-économique, dans quel but la nation a financé les études du demandeur d’emploi !
Il est économiquement incohérent d’obliger une personne qualifiée à accepter un emploi déqualifié. À moins, bien entendu, que le salaire proposé ne soit aussi en baisse et que le chômeur ne soit contraint, du fait de la définition de l’offre raisonnable d’emploi, de l’accepter. Les employeurs peuvent y trouver leur compte, mais pas les salariés, ni les contribuables.
Faire aussi peu de cas des qualités professionnelles du demandeur pour le contraindre à accepter n’importe quel emploi est également une erreur économique. Les emplois qualifiés qui ne sont pas pourvus aujourd’hui ne le seront pas demain si la formation n’est pas développée. C’est une nécessité pour notre pays.
Le demandeur d’emploi qui sera pris à ce piège subira une baisse de son revenu, donc de son pouvoir d’achat. C’est tout l’intérêt de caractéristiques d’emplois et de salaires dont l’évolution se fera dans le sens de la chute libre.
Ce qui est inscrit dans la loi est donc en contradiction avec la campagne publicitaire actuelle sur le pouvoir d’achat, dont je serais tentée de dire qu’elle est, au-delà de son coût, un tout petit peu mensongère.
La partie de ce projet de loi que nous proposons de supprimer est relative à la définition même de l’offre raisonnable d’emploi, que le Gouvernement rattache artificiellement au projet personnalisé.
Or la greffe prend mal, et l’on aurait très bien pu concevoir un projet personnalisé de retour à l’emploi sans l’enfermer dans un carcan dans lequel les aspirations des demandeurs d’emplois sont limitées face à un omniprésent « marché du travail local ».
Il semble clair que le Gouvernement a tranché entre les aspirations des femmes et des hommes qui composent notre pays et l’économie. Encore une fois, rien de surprenant : avec Nicolas Sarkozy, c’est l’économie qui l’emporte.
En effet, ce qui importe, nous affirme-t-on, c’est de « remettre la France au travail ». Comme si elle avait cessé d’y être ! Comme si les Français n’étaient pas parmi les salariés les plus productifs d’Europe ! Comme si la France n’était pas le deuxième pays en termes d’installations d’entreprises, juste derrière l’Irlande – que je salue et félicite pour le « non » de son peuple au traité de Lisbonne, prononcé pour tous les peuples que vous privez de référendum.
L’ambition de votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, est de faire croire que tout va mal. Vous auriez alors tout loisir d’imposer vos prétendues recettes miracles, faites de rigueur et de sacrifices – mais pas pour tout le monde, n’ayez crainte, pas pour les patrons du CAC 40, dont les rémunérations, salaires et stock-options confondus, sont parmi les plus importantes d’Europe : ceux-là dormiront tranquilles ! Les sanctions sont pour les demandeurs d’emplois, ceux-là même que l’économie spéculative rejette et plonge dans la misère.
Les sénatrices et sénateurs communistes dénoncent cette situation. Non, les hommes et les femmes ne sont pas de simples variables d’ajustement dans les plans comptables des entreprises ! Ce que les demandeurs d’emploi veulent, c’est simple : c’est un CDI, et, la plupart du temps, ils le souhaitent à temps plein et, surtout, rémunéré à la hauteur de leur engagement.
C’est tout l’inverse de ce que vous leur proposez. C’est pourquoi nous défendons cet amendement de suppression du texte proposé pour l’article L. 5411-6-2 du code du travail.
L’amendement n° 33, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-2 du code du travail :
La nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché sont constitutifs…
La parole est à M. Guy Fischer.
Le Gouvernement a affirmé au cours des débats que ce projet de loi représentait une avancée pour les demandeurs d’emploi, qu’il serait en quelque sorte une garantie supplémentaire pour eux, et non un outil supplémentaire dans la liste déjà longue des mesures précarisantes. M. le secrétaire d’État nous a assuré que la pauvreté, la précarité n’augmentaient pas – je n’en crois pas un seul mot !
L’amendement que nous vous proposons d’adopter devrait donc rencontrer – légitimement – l’assentiment de la majorité gouvernementale et du secrétaire d’État, puisqu’il a pour seul objet d’autoriser le demandeur d’emploi à spécifier la durée, la nature et le type de contrat qu’il recherche.
Sans cette précision, rien dans le projet de loi ne protégerait le demandeur d’emploi d’éventuelles sanctions si, d’aventure, il refusait une offre considérée comme raisonnable, mais consistant, en fait, en un ou plusieurs contrats précaires. On sait qu’aujourd’hui bon nombre de nos concitoyens sont obligés, pour assurer certains contrats, de travailler très tôt le matin ou très tard le soir. C’est vrai dans le commerce, notamment dans les grandes surfaces, mais aussi dans l’hôtellerie, dans la restauration, etc.
Cette précision, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, est très importante, car elle contribuera à protéger les demandeurs d’emploi des offres les moins raisonnables.
Elle est également importante pour les organisations syndicales, auxquelles, lors de votre dernière rencontre au Conseil d’orientation pour l’emploi, vous avez affirmé qu’un chômeur ne pourrait être sanctionné s’il refusait un temps partiel ou un contrat atypique, comme Mme Marie-Claire Carrère-Gée en avait assuré la commission lors de son audition.
Nous proposons donc au Gouvernement de confirmer ces propos et lui offrons la possibilité de le préciser dans le texte, considérant que, si sa position n’a pas varié, cela ira mieux en le disant et, surtout, en l’écrivant dans la loi !
Sourires
Est-il raisonnable de nous proposer de supprimer tous les éléments qui, justement, constituent l’offre raisonnable d’emploi ? La commission ne le pense pas et a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques n° 10 et 32.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 33, qui tend à ajouter une précision inutile puisque, cela a été indiqué, c’est à la demande du demandeur d’emploi que le PPAE indiquera s’il cherche un temps plein ou un temps partiel, en CDD ou en CDI.
M. le président. Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d’État, de vous saluer – j’ai quelques raisons particulières de le faire !
Sourires
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Pour des raisons purement républicaines et de proximité géographique, ce plaisir est réciproque, monsieur le président : enfin, un vrai département prend le pouvoir…
Nouveaux sourires.
M. Jean Desessard. Pour nous présenter un projet de loi qui propose des lentilles aux chômeurs, monsieur le maire du Puy-en-Velay !
Rires
Mais il y a longtemps qu’on a enlevé les cailloux des lentilles, monsieur Desessard, et les lentilles sont devenues un plat de choix !
Monsieur le président, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n° 10 et 32, pour les raisons indiquées par M. le rapporteur.
S’agissant de l’amendement n° 33, monsieur Fischer, je pense au contraire – mais nous en avons déjà discuté – que c’est une garantie que de garder la définition de la zone géographique et le salaire attendu. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 10 et 32.
J’aurais souhaité, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous apportiez une précision.
J’ai cru comprendre que le Gouvernement comptait dans ses rangs un haut-commissaire qui est chargé de réfléchir à la lutte contre la pauvreté et qui a pour projet d’instaurer un revenu de solidarité active, ou RSA.
Puisque l’urgence a été déclarée sur ce projet de loi, je suppose, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez réfléchi à la façon dont les différents dispositifs s’articuleront, notamment comment s’exécutera le passage entre l’indemnisation et le RSA et que vous avez déjà préparé les instructions que vous donnerez au service – dont on ne connaît pas encore le nom – qui naîtra de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC. Pourriez-vous nous en faire part ?
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Je rappelle que ces amendements devaient faire l’objet d’une discussion commune avec les dix suivants, mais que, à la demande de M. le président de la commission, il a été décidé de les traiter séparément.
L’amendement n° 11 est présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 34 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, je crains que mes origines, mon enfance et mes allées fréquentes en Haute-Loire ne suffisent pas à attirer votre bienveillante et positive attention sur l’amendement que je vais présenter !
Sourires
Cet amendement de suppression concerne la redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi.
Après la définition plus ou moins carencée de l’offre raisonnable d’emploi vient la définition en forme de nœud coulant.
Les qualités et les souhaits du demandeur d’emploi ne sont progressivement plus pris en compte Le projet personnalisé d’accès à l’emploi part en fumée. Le demandeur d’emploi devient un chômeur trop coûteux à placer immédiatement là où on le peut. Cet article est la parfaite illustration de l’épée de Damoclès.
Il n’est en effet pas difficile de comprendre ce qui va se passer. Le demandeur d’emploi va, lors de l’élaboration de son projet personnalisé, présenter un certain nombre de souhaits. On lui expliquera qu’il doit être réaliste, parce que le temps va passer vite et que ses souhaits ne pourront bientôt plus être pris en compte. L’offre raisonnable d’emploi, avant même d’être en œuvre au troisième mois, va être le vecteur d’une pression sur le chômeur.
Des emplois lui seront peut-être proposés très vite, si toutefois il y en a. Le chômeur risque de se résigner à accepter par crainte qu’il n’y en ait pas d’autre. On est dans le schéma d’une forme d’autocensure imposée au demandeur d’emploi par rapport à ses prétentions légitimes et à ses qualifications.
Si cette première phase de trois mois n’aboutit pas, l’offre dite « raisonnable d’emploi » se déploie pleinement. On peut dire qu’elle a vocation à vampiriser le PPAE, jusqu’à réduire à néant les espérances du demandeur d’emploi.
Le PPAE est actualisé, c’est-à-dire révisé à la baisse dans tous ses éléments. La situation s’aggrave progressivement et, au bout de six mois, le chômeur doit accepter un emploi non compatible avec sa qualification, avec un temps de trajet important et un salaire de 15 % inférieur au salaire antérieurement perçu. Les caractéristiques du contrat demandé disparaissent pour faire place aux contrats à durée déterminée, au temps partiel imposé et même morcelé, voire aux contrats saisonniers.
Au bout d’un an, le chômeur est contraint d’accepter un salaire équivalent à son allocation, ce qui est l’exacte définition de la coercition. Il n’a en effet aucun intérêt pécuniaire à accepter cet emploi, sauf pour éviter la sanction dont il est menacé.
Cette disposition est tout bonnement une trappe à bas salaires.
Le dernier alinéa de l’article précise que le demandeur d’emploi ne peut être contraint d’accepter un salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et dans la profession. Cette garantie est en fait un trompe-l’œil. Le SMIC est, comme vous le savez, calculé sur un taux horaire.
Un salaire normal dans la région et dans la profession peut parfaitement concerner un CCD à temps partiel contraint de vingt heures par semaine rémunéré au SMIC.
Je rappelle que le SMIC net à temps plein est de 1027, 99 euros. Je suggère à ceux qui considèrent cela comme convenable d’essayer de vivre et de faire vivre une famille avec cette somme.
Vous êtes tout simplement en train d’augmenter délibérément le nombre des travailleurs pauvres. Mais ils pourront toujours, il est vrai, devenir auto-entrepreneurs en plus de leur emploi salarié et faire ainsi concurrence aux artisans. C’est ce qui se passe déjà.
Le projet de loi ne garantit même pas que, dans cette hypothèse, le demandeur d’emploi bénéficiera d’une aide à la mobilité ou d’une éventuelle formation. Il s’agit donc bien d’obliger la personne à accepter n’importe quel emploi précaire sous-payé et dans n’importe quelles conditions.
Cet article n’offre aucune perspective de développement personnel, ni de développement économique pour notre pays. Il est socialement choquant. Il est politiquement démagogique. Il est dangereux dans la situation instable que notre pays traverse. Nous y sommes donc tout à fait opposés.
Nous sommes désolés d’être si peu nombreux en séance pour un débat qui revêt une si grande importance à nos yeux.
Peut-être que le match de football retient-il certains de nos collègues, …
… mais je trouve un peu dommage que nous ne soyons pas plus nombreux.
Je rejoins les propos de Mme Le Texier et je souhaite ajouter plusieurs éléments qui vont abonder dans le même sens.
L’amendement n° 34 rectifié vise donc à supprimer une disposition qui nous semble inacceptable.
En effet, votre postulat est le suivant : pour inciter les demandeurs d’emploi à reprendre une activité, il faut progressivement, mais sûrement, diminuer l’une des composantes de l’offre raisonnable d’emploi, la composante très importante du salaire. Ainsi, vous croyez que, faisant planer la menace d’une moindre rémunération, les salariés privés d’emploi seraient plus prompts à accepter une première offre puisque celle-ci aurait une rémunération au moins égale à 95 % du salaire précédent.
Cela témoigne de votre défiance à l’égard des demandeurs d’emploi que nous ne cessons de dénoncer.
C’est aussi considérer que les salariés privés d’emploi ont une responsabilité dans leur situation que de penser que, si l’on fait pression sur le salaire constituant l’offre raisonnable d’emploi, ils retourneront plus vite au travail.
Telle n’est pas notre position ; c’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
Je note, tout d’abord, que la position du Gouvernement est en contradiction avec les propos que nous venons d’entendre à propos de notre amendement visant à supprimer la disposition qui prévoit que le demandeur d’emploi précise le salaire attendu. En effet, l’intéressé peut prétendre au salaire qu’il veut, ses prétentions ne dureront qu’un temps puisque ce sera très vite le retour à l’automaticité de la sanction.
Là encore, vous innovez. Le discours sur la valeur travail est décidément bien enterré du côté du Gouvernement, puisque vous faites du salaire un outil de sanction. Vous vous en servez pour sanctionner les demandeurs d’emploi trop exigeants quant à leur devenir. C’est tout de même un comble ! Le salaire est non plus un outil de reconnaissance, mais un outil de pression et de sanctions, ce que nous ne saurions tolérer.
Le risque est d’ailleurs grand de voir s’instaurer progressivement une situation dans laquelle les employeurs, informés de la situation de l’emploi, joueront la montre pour pouvoir embaucher le salarié à moindre rémunération. Le salaire deviendrait alors pour l’employeur un outil de spéculation et de précarisation. Le Gouvernement aura dès lors beau prendre une quatrième, une cinquième, une sixième loi sur le pouvoir d’achat ou lancer une campagne publicitaire, cela n’y changera rien.
Je voudrais enfin vous dire ma grande inquiétude à l’égard des seniors, pour qui le retour à l’emploi est le plus compliqué.
Quel paradoxe ! Votre gouvernement annonce qu’il veut revenir progressivement sur les dispenses de recherche d’emploi, alors que le niveau d’emploi des seniors n’a jamais été aussi faible. Pour ces salariés licenciés en raison de leur âge ou que l’on refuse d’embaucher pour les mêmes raisons, ce sera une double peine : l’accroissement du sentiment d’inutilité que crée cette situation et une diminution de leurs droits.
Vous ferez donc payer aux seniors les fautes commises par les employeurs. C’est original mais logique : vous avez bien supprimé la contribution Delalande qui sanctionnait financièrement un employeur licenciant précisément un senior.
Donc, d’un côté, vous exonérez et, de l’autre, vous sanctionnez ! C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement et nous vous invitons, mes chers collègues, même peu nombreux, à le voter.
Avec la définition des critères précis et évolutifs dans le temps permettant d’apprécier si l’offre d’emploi correspond ou non au profil établi dans le cadre du PPAE et est donc raisonnable, nous sommes vraiment au cœur du projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons : on touche un des cœurs du dispositif.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 35, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail :
« Art. 5411 -6 -3. - Le projet personnalisé d’accès à l’emploi est actualisé périodiquement. Le demandeur d’emploi peut demander qu’à l’occasion de cette actualisation, soit procédé à une modification de son projet personnalisé.
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi correspondant à la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché ainsi qu’a ses qualifications ou équivalente à l’emploi précédemment occupé. La rémunération proposée ne peut être inférieure au salaire antérieurement perçu ou, si celui-ci était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, elle doit être au moins équivalente au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit depuis plus de douze mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi correspondant à la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché ainsi qu’a ses qualifications ou équivalente à l’emploi précédemment occupé. L’offre proposée ne peut entraîner un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, supérieur à une heure, ou un trajet au moins égal à une distance à parcourir de trente kilomètres. La rémunération proposée ne peut être inférieure à 85 % du salaire antérieurement perçu ou, si celui-ci était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, elle doit être au moins équivalente au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit depuis plus de vingt-quatre mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi correspondant à la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché ainsi qu’a ses qualifications ou équivalente à l’emploi précédemment occupé. L’offre proposée ne peut entraîner un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, supérieur à une heure, ou un trajet au moins égal à une distance à parcourir de trente kilomètres. La rémunération proposée ne peut être inférieure au revenu de remplacement prévu à l’article L.5421-1 si celle-ci est inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance. À défaut, elle doit être au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à M. Robert Bret.
Je défendrai en même temps les amendements n° 35 et 37, qui ont tous les deux le même objet.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis étonné – si tant est qu’on puisse encore l’être après vous avoir écouté – de voir comment le Gouvernement ne voit rien d’immoral à sanctionner les demandeurs d’emploi alors même que l’offre est rare et parfois même inadaptée. Et, disant cela, je ne vise pas l’offre inscrite récemment à l’ANPE proposant un travail en Inde pour un salaire de misère. Cela ne s’invente pas !
Nous serions dans une situation de plein-emploi, le débat pourrait être différent. Lorsque je parle de situation de plein-emploi, je ne parle pas de votre conception du plein-emploi composé de temps partiels ou éclatés. Lorsque je parle de plein-emploi, il faut comprendre CDI et à temps plein.
L’amendement n° 35 que nous vous proposons d’adopter apporte un certain nombre de modifications qui nous semblent substantielles et dignes d’intérêt.
Tout d’abord, nous proposons de transformer la révision périodique du projet personnalisé actuellement automatique en une faculté ouverte au demandeur d’emploi s’il en exprime le besoin. Cela n’est pas anodin puisque nous entendons renforcer l’idée de co-rédaction et nous nous opposons à l’idée selon laquelle, à l’occasion de cette révision, la nouvelle institution pourrait renforcer les sanctions, sous forme d’une obligation de dégressivité dans les conditions de retour à l’emploi.
On s’étonnera d’ailleurs du fait que le projet soit personnalisé, alors que les sanctions sont automatiques et générales, un peu comme si vous n’aviez qu’un reproche à faire aux demandeurs d’emploi dans leur ensemble, celui de se complaire dans l’assistanat.
En outre, bien qu’opposé au principe de la dégressivité des droits en règle générale, nous proposons de modifier les paliers afin d’éviter de priver les demandeurs d’emploi des indemnités auxquelles ils ont droit à l’heure actuelle.
Vous me direz que la question de l’indemnisation n’est pas mentionnée ici, et c’est vrai. Elle n’en est pas moins concernée dans la mesure où le palier final du projet personnalisé, qui conditionne l’indemnité, est fixé à douze mois.
Mes chers collègues, il serait tout de même paradoxal de limiter les droits à indemnité, alors même que nous examinons un projet de loi censé renforcer les droits et les devoirs des salariés privés d’emploi.
Quant à l’amendement n° 37, il vise à modifier le palier de trois mois prévu au second alinéa de l’article L. 5411-6-3. En effet, la durée initialement prévue de trois mois n’est pas suffisante, selon nous, pour mesurer les effets de ce projet personnalisé.
Au lieu de votre empressement à punir, il nous semble plus important, avant toute chose, de donner une réelle chance au demandeur d’emploi comme à son projet personnalisé. Autant de raisons et d’arguments, mes chers collègues, qui devraient vous inciter à voter nos deux amendements.
L’amendement n° 20, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement a pour objet de permettre à ce que vous nommez « projet personnalisé d’accès à l’emploi » d’accomplir réellement la mission que son intitulé semble prédire.
En effet, la phrase que nous entendons supprimer est ainsi rédigée : « Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi sont révisés notamment pour accroître les perspectives de retour à l’emploi. »
En une seule phrase, vous mettez à bas toute votre rhétorique selon laquelle le « projet » conclu entre la nouvelle institution et le demandeur d’emploi repose sur une base claire : la personnalisation. Il s’agirait non pas, à vous écouter, d’un document type qui prendrait la forme d’un contrat de gré à gré, mais bel et bien d’une co-rédaction.
La rédaction d’un réel projet personnalisé nécessite une approche, un contenu et une finalité radicalement différents, et elle ne peut être intégrée à un projet de loi !
Autant nous aurions pu voter pour l’idée de la conclusion d’un tel projet, la rédaction du PPAE étant laissée aux personnes concernées, à savoir l’agent de la nouvelle agence et le demandeur d’emploi, comme le demandent d’ailleurs les partenaires sociaux, autant nous ne pouvons accepter la proposition que vous faites.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, cette modification qui nous semble être le minimum acceptable pour voter le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Cet amendement pourrait d’ailleurs trouver un écho favorable auprès de nos collègues soucieux de faire du sur-mesure plutôt que du prêt-à-porter !
Sourires
L’amendement n° 37, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail, remplacer les mots :
plus de trois mois
par les mots :
plus de six mois
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 36, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail, remplacer les mots :
compatible avec
par les mots :
correspondant à
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement n’est pas moins important que les autres dans la mesure où l’on ne peut contraindre un demandeur d’emploi à accepter un travail dans le même champ d’intervention, mais avec une moindre qualification et donc, nécessairement, une moindre rémunération. Or c’est souvent ce qui se passe.
Je connais des doctorants titulaires d’un diplôme qui, avec cette qualification, ont été obligés d’accepter un emploi en étant sous-rémunérés.
De même, pourrait-on imaginer un ingénieur contraint d’accepter un poste de technicien, puisqu’il serait compatible avec sa formation. Compatible certes, mais pas identique !
Avec cette mesure, tout ce qui vous importe, c’est de faire sortir de la liste des demandeurs d’emploi le plus grand nombre possible de salariés, en appliquant la règle devenue incontournable de l’employabilité.
Je me souviens même avoir entendu en commission l’un de vos amis, monsieur le secrétaire d’État, dire qu’il ne voyait pas d’inconvénient à prévoir un tel dispositif, puisque le demandeur d’emploi retrouverait ainsi un travail. Dès lors, pourquoi le refuserait-il ?
À notre sens, un problème se pose, et ce à plus d’un titre.
Tout d’abord, contrairement à l’idée que vous vous faites du travail, il s’agit non pas d’une simple occupation, mais de l’échange d’une rémunération contre une activité, un savoir-faire et des compétences. À ce titre, nous nous devons d’être clairs : n’importe quel travail ne remplace pas un emploi.
Ensuite, la disposition que vous défendez pose également problème au regard de votre politique. Une fois encore, elle permet à votre gouvernement d’éviter de répondre aux exigences légitimes du droit au maintien dans l’emploi.
Enfin, pour en revenir à l’exemple de l’ingénieur, en répondant très partiellement à la situation de ce dernier, on aggrave celle du technicien, qui doit, lui-même, se rabattre, par un effet de dominos, sur un poste à qualification inférieure. Cet escalier sera particulièrement vicieux pour ceux qui, en raison de leur formation, seront en bas des marches.
Je ne résiste d’ailleurs pas à faire mien le célèbre dicton provençal : « Si les chats gardent les chèvres, qui attrapera les souris ? »
Sourires
Nouveaux sourires.
Enfin, et plus sérieusement, il s’agit là d’un bien mauvais signal envoyé aux salariés désireux de se former et de progresser dans l’entreprise. À quoi bon une formation professionnelle si les compétences acquises n’ont, en cas de perte d’emploi, que peu d’intérêt puisqu’elles ne seront pas reconnues comme telles et que les salariés se retrouveront déqualifiés.
L’amendement n° 38, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail, remplacer les mots :
à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu
par les mots :
par un salaire au moins identique au salaire antérieurement perçu ou, si celui-ci était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, par un salaire au moins équivalent au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à Mme Annie David.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 38 et 39.
L’amendement n° 38 vise à préciser que la rémunération, caractéristique essentielle de l’offre raisonnable d’emploi, doit impérativement correspondre au salaire antérieurement perçu par le salarié ou être au moins égale au SMIC si le salarié percevait une rémunération inférieure à ce niveau.
Nous doutons fort que vous adoptiez cet amendement de justice sociale, mes chers collègues, dans la mesure où vous utilisez, depuis un an, tous les moyens pour parvenir à réduire le coût du travail : contrat de portage, allongement des périodes d’essai, ou encore amoindrissement des droits en matière de licenciement.
Il paraissait tout de même important aux membres du groupe CRC de préciser que d’autres voies que celles qui sont défendues par le MEDEF et le Gouvernement sont possibles.
Pour bon nombre de salariés de notre pays, la réalité professionnelle est synonyme de précarité, de petits boulots et de temps partiel. Cette réalité se conjugue d’ailleurs trop souvent au féminin, car elle est devenue le seul mode, ou presque, d’organisation du travail parmi les métiers de service ou de la grande distribution. Elle concerne également les publics les moins formés. En somme, la précarité s’ajoute à la précarité.
L’article 1er que vous nous proposez d’adopter, monsieur le secrétaire d’État, aurait pour effet de rendre l’offre d’emploi opposable au salarié dès lors que la rémunération proposée serait égale à 95 % du salaire antérieurement perçu. Outre le fait que vous prenez ainsi acte de la nécessité de réduire le montant du salaire pour permettre le retour à l’emploi et donc, indirectement, que vous vous rangez à l’idée défendue par le patronat selon laquelle le coût du travail est trop élevé en France, vous aggravez considérablement les conditions de vie de nos concitoyens, qui ont à connaître des temps partiels : 95 % d’un salaire à temps partiel revient à percevoir 95 % de pas grand-chose !
L’amendement n° 39 vise donc à remettre un peu d’égalité dans un projet de loi qui en manque cruellement. Nous proposons de reconstituer le temps partiel en un temps plein pour y appliquer cette règle des 95 %.
Outre le fait que cette suggestion améliorerait les conditions de vie de nos concitoyens, elle limiterait également le risque, déjà grand, de voir cette mesure peser sur l’ensemble des salaires et conduire immanquablement à une baisse généralisée. On devine d’ailleurs que les organisations patronales ont trouvé là raison à sa signature.
Pour conclure, j’aimerais, à mon tour, citer quelques chiffres fournis par l’INSEE.
Dans une étude publiée le 19 décembre 2006, l’INSEE notait que le nombre de salariés ayant vécu un déclassement socioprofessionnel avait plus que doublé en vingt ans, passant de 3 % au début des années quatre-vingts à 7 % dans les années deux mille. Très rare entre 1980 et 1985, le phénomène n’est plus marginal entre 1998 et 2003. Cette étude précise d’ailleurs que le fait de descendre l’échelle sociale intervient souvent à la suite d’un passage par le chômage ou l’inactivité, cette mobilité descendante constituant un moyen de conserver un emploi ou, pour les chômeurs, d’en retrouver un plus rapidement.
Dans cette course à l’abîme, ce sont les femmes, les ouvrières qualifiées, qui sont les plus mal loties des salariés, puisque 11, 8 % d’entre elles ont connu un déclassement entre 1998 et 2003. Il s’agit principalement de femmes travaillant dans l’industrie qui, touchées par la diminution du nombre d’emplois, ont migré vers un emploi dans les services de niveau de qualification inférieur, tel que celui d’aide-ménagère.
Pour notre part, nous ne voulons pas de cette mobilité descendante que le Gouvernement propose de pérenniser et, en quelque sorte, d’institutionnaliser.
Le principe de dégressivité entraînera une baisse de revenu non seulement pour les demandeurs d’emploi, mais également pour l’ensemble des salariés.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ces deux amendements.
L’amendement n° 39, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail par les mots :
reconstitué, le cas échéant, sur la base d’un équivalent temps plein
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 40, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail :
Ce taux est porté à 85 % au bout de douze mois d’inscription.
La parole est à M. Robert Bret.
Monsieur le secrétaire d’État, en faisant passer de 95 % à 85 % le montant de la rémunération acceptable, vous transformez votre offre raisonnable en une offre dégradable dans le temps, mais également dans les conditions. Or cette mesure qui revient, au final, à rabattre d’abord 5 %, puis 15 %, sur le montant de la rémunération aura des effets dramatiques non seulement sur le demandeur d’emploi, mais aussi sur l’ensemble des salariés.
Votre gouvernement fait comme si – vous ne pouvez le nier, monsieur le secrétaire d’État – des situations conjoncturelles particulières pouvaient justifier durablement une diminution de la rémunération. Autrement dit, vous prenez pour prétexte un coût du salaire prétendument trop élevé, alors que la France est devenue un pays de bas salaires, pour satisfaire une fois de plus les exigences d’un patronat qui cherche toujours à augmenter ses marges de rentabilité et ses profits.
Ainsi, l’argent que vous prenez au salarié, anciennement demandeur d’emploi, vous le mettez immédiatement dans la poche du patronat ! Ne nous y trompons pas, les entreprises ne manqueront pas d’élaborer des stratégies d’entreprise et de management pour disposer de salariés aux prix les plus bas.
Alors que tout le monde reconnaît que les revenus du travail ne sont pas assez élevés par rapport aux minima sociaux, vous aggravez encore la situation. D’après ce que nous savons du projet de loi de modernisation de l’économie, vous voulez développer demain le hard discount, mais, dès aujourd’hui, vous inventez le « hard travail ». Autant dire que c’est en décalage total avec le discours du Président de la République, qui voulait revaloriser le travail en le rémunérant à sa juste valeur. Or, monsieur le secrétaire d’État, votre proposition tend à faire croire que la rémunération est soluble dans le temps ! Voilà une bien curieuse conception !
La situation de l’emploi est telle que nous ne pouvons nous satisfaire des dispositions prévues dans ce projet de loi. Chaque jour, une entreprise ferme et délocalise non par manque de rentabilité, mais parce que des actionnaires voraces ne se satisfont pas d’une rentabilité à 9 %, qu’ils jugent insuffisante. Pour eux, la seule rentabilité qui vaille est une rentabilité à deux chiffres !
Pour notre part, nous nous refusons à plonger plus encore le salarié dans la précarité après six mois d’inscription comme demandeur d’emploi. Cette mesure est d’autant plus scandaleuse que vous aggravez le processus de dégressivité, qui intervient à l’heure actuelle tous les quatre mois.
Voilà autant de raisons de voter l’amendement n° 40, mes chers collègues.
L’amendement n° 41, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail :
Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’emploi dont la rémunération est égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à Mme Annie David.
Monsieur le président, je souhaite présenter en même temps les amendements n° 41 et 42 dont la finalité est similaire.
Nous avons déposé un certain nombre d’amendements relatifs au principe de dégressivité des droits des demandeurs d’emploi pour vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la finalité de cette mesure et sur ses risques.
Il ne fait pas de doute que vous cherchez, sous couvert de renforcer les droits et devoirs des demandeurs d’emploi, à satisfaire le patronat dans son désir ancien, mais toujours réaffirmé, de réduire le coût du travail, qui serait, selon Mme Parisot, l’obstacle à toutes les évolutions de salaire et limiterait l’emploi.
Or, telle n’est pas notre conception, et je dois dire que bon nombre de publications, y compris gouvernementales, viennent nous conforter dans notre position. J’en veux pour exemple le rapport remis, en octobre 2007, par la Conférence « Emploi-Pouvoir d’achat ».
Dans son troisième chapitre, intitulé « Coût du travail », qui procède à une étude comparée sur le sujet en droit international, on découvre une phrase complexe, quoique claire : « Le coût du travail élevé n’est pas un handicap majeur à la compétitivité extérieure de l’économie française vis-à-vis des pays développés. » On y lit encore : « De manière générale, les pays ayant un coût du travail élevé sont également ceux dont la productivité moyenne du travail est élevée, et la France occupe à cet égard une position médiane au sein des pays de l’OCDE. »
Un autre document, publié par l’INSEE en 2006, confirme ce dernier point et prouve, schéma à l’appui, que le coût du travail en France est plus que médian. Ainsi est-il même inférieur, si l’on compare le revenu brut mensuel moyen des salariés à temps complet dans l’industrie et les services, à celui qui est pratiqué en Autriche, en Finlande, en Suède, en Belgique, voire en Allemagne, pays que vous prenez souvent en exemple.
La preuve en est faite : la question du coût du travail n’est pas une cause de développement du chômage, elle n’est qu’une exigence du patronat, soucieux d’accroître les bénéfices accordés à leurs actionnaires.
La question de la baisse progressive du salaire de référence constituant l’offre raisonnable d’emploi apparaît alors comme une véritable sanction, alors même que l’institution censée présenter au moins deux offres raisonnables d’emploi ne peut s’engager à le faire. Là encore, la situation actuelle est éloquente. Combien d’offres d’emploi sont proposées alors qu’elles ne correspondent pas à la situation des demandeurs d’emploi ?
C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter ces deux amendements.
L’amendement n° 17, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail par les mots :
, sous réserve que des moyens de transports en commun existent pour ce trajet aux horaires de début et de fin de l’emploi en question
La parole est à M. Jean Desessard.
Le projet de loi enjoint aux demandeurs d’emploi inscrits depuis plus de six mois d’accepter des offres d’emploi dans un périmètre géographique étendu imposant jusqu’à deux heures de transports journaliers.
Or, il est nécessaire de se pencher sur les conditions matérielles de ces déplacements. La mobilité des travailleurs est une exigence du marché du travail, mais elle ne peut être imposée hors de toutes considérations économiques et écologiques. Vous le savez, nous sommes particulièrement attentifs à ces aspects.
Il nous faut permettre aux demandeurs d’emploi de conserver le libre choix de leurs modes de transports, tout le monde ne pouvant se permettre d’avoir un véhicule individuel ! Les demandeurs d’emploi doivent donc pouvoir refuser une offre dont l’embauche est si matinale qu’ils ne peuvent utiliser les transports en commun pour se rendre au travail.
De même, ils doivent pouvoir refuser une offre si l’emploi est éloigné de leur domicile – quelle que soit la distance – et que le réseau de transports en commun, insuffisamment développé dans leur localité, ne leur permet pas d’effectuer le trajet domicile-travail.
Vous me direz, monsieur le rapporteur, qu’ils n’ont qu’à acheter une voiture. Mais rendez-vous compte du coût que cela représente pour quelqu’un ayant, par exemple, un emploi pour trois mois, emploi qu’il n’est pas sûr de conserver. L’investissement est très important.
Pour cette raison, le présent amendement conditionne l’acceptation de l’offre d’emploi à la possibilité d’utiliser les transports en commun pour aller au travail.
L’amendement n° 50, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Les frais de trajet occasionnés par le déplacement domicile — travail ne devront pas excéder 10 % du salaire net proposé par l’offre d’emploi.
La parole est à M. Jean Desessard.
En cohérence avec le précédent amendement, nous nous devons d’anticiper les exigences imposées par ce projet de loi dans la réalité quotidienne des demandeurs d’emploi.
Il faut en effet penser aux conséquences financières de l’obligation faite aux chômeurs d’accroître leur mobilité dans la recherche d’emploi. Il serait pour le moins désinvolte de leur imposer cela sans prendre en compte le coût des déplacements et le coût de la vie ! Ce coût, les demandeurs d’emploi, eux, ne peuvent se permettre de le négliger, d’autant qu’il augmente ! Le prix des carburants est en hausse constante. Et, je peux vous l’assurer, comme je le faisais déjà il y a quelques années : ce n’est pas fini.
Il est donc impératif d’encadrer financièrement l’exigence de déplacement imposée aux demandeurs d’emploi. C’est pourquoi nous réclamons que soient plafonnés les frais occasionnés par le transport à 10 % du salaire net proposé dans l’offre d’emploi.
Les amendements n° 35 et 37 ont presque le même objet : ils proposent de remplacer tous les critères retenus pour l’offre raisonnable d’emploi par des critères beaucoup moins exigeants. Or, nous avons déjà expliqué que les critères définis par le projet de loi nous semblent tout à fait raisonnables, voire beaucoup moins rigoureux que ceux qui existent dans des pays voisins tels que l’Allemagne. Modifier le dispositif comme vous le proposez, c’est l’affaiblir. Par conséquent, la commission est défavorable à ces deux amendements.
L’amendement n° 20 concerne l’évolution de l’offre d’emploi dans le temps. Vous proposez de supprimer cette disposition, alors qu’il me semble tout à fait normal que les critères soient réévalués de façon périodique, et cela, bien sûr, uniquement dans l’objectif d’élargir le champ de la recherche si celle-ci n’a pas abouti dans un premier temps. L’avis de la commission est également défavorable.
L’amendement n° 36 vise à restreindre le champ de recherche en interdisant à l’ANPE de proposer des offres d’emploi ne correspondant pas rigoureusement à la qualification du demandeur d’emploi. Or, nous le savons, il faut justement que le demandeur d’emploi puisse évoluer vers un métier peut-être légèrement différent de celui auquel il postulait et qu’il avait exercé jusqu’à présent, tout en restant bien sûr compatible avec les qualifications et les compétences retenues dans le PPAE. Je ne peux donc que donner un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 38 propose, lui aussi, de modifier un critère de l’offre raisonnable d’emploi. Là encore, certains équilibres, constituant le cœur du projet de loi, doivent être conservés. Est-il choquant de demander à une personne inscrite depuis un certain temps à l’ANPE d’accepter un emploi rémunéré à hauteur de 95 % de son salaire antérieur ? Là encore, l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 39 a pour but de rendre inopérante l’hypothèse où un demandeur d’emploi, employé auparavant à temps partiel, rechercherait, en vertu d’un choix personnel, un autre emploi à temps partiel. Dans ce cas, l’idée d’offre raisonnable ne trouverait plus à se concrétiser. L’avis est donc, évidemment, défavorable.
L’amendement n° 40 propose, encore une fois, de retenir des exigences moindres par rapport à la définition de l’offre raisonnable d’emploi donnée par le projet de loi. Il a donc reçu également un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 41, vous verrez, si vous prêtez bien attention, qu’il est bien écrit, à la fin de l’article 1er, qu’on ne peut pas obliger quelqu’un à accepter une offre d’emploi dont le niveau de rémunération serait inférieur au SMIC. Cela signifie que le SMIC, bien évidemment, s’impose !
L’amendement n° 42 porte, lui aussi, sur la référence au SMIC. Je le répète : il n’y a aucune ambiguïté dans le projet de loi. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Pour ce qui est des amendements n° 17 et 50, monsieur Desessard, il est certain que les propos que vous avez tenus en les défendant prennent une acuité particulière dans le contexte actuel. Toutefois, le texte propose une définition de ce que peut raisonnablement accepter le demandeur d’emploi.
De plus, vous savez que le Gouvernement a récemment annoncé qu’il prendrait des dispositions de soutien et d’aide aux transports pour permettre aux salariés de faire face, dans des conditions acceptables, aux dépenses qui y sont liées.
Il est évident que, pour ceux qui réintègrent le monde du travail, cette mesure revêt une importance particulière. M. le secrétaire d’État évoquera peut-être le sujet. L’avis sur ces deux amendements est défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 35, nous sommes défavorables au décalage de la périodicité qu’il propose. En effet, nous risquerions ainsi de laisser s’installer progressivement le risque d’un chômage de longue durée.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur l’exemple qui a été évoqué tout à l’heure. L’offre d’emploi à laquelle il a été fait référence pouvait donner lieu, dans le cadre législatif actuel, à une sanction envers un demandeur d’emploi qui ne l’aurait pas acceptée ; ce ne serait plus possible en revanche avec notre dispositif de l’offre raisonnable d’emploi. Voilà qui illustre le bien-fondé des critères que nous avons retenus pour définir une offre raisonnable d’emploi.
En ce qui concerne l’amendement n° 20, il ne me semble pas raisonnable de supprimer la mention de l’actualisation périodique. Cette actualisation du parcours est importante, comme le prouvent d’ailleurs certains de vos amendements tendant au même but.
L’amendement n° 37 a le même objet que l’amendement n° 35. J’y suis défavorable pour les mêmes raisons.
Dans l’amendement n° 36, pourquoi avons-nous préféré les mots « compatible avec » à « correspondant à » ? Un exemple pris en Haute-Loire – ce que M. le président appréciera certainement – me permettra de l’expliquer.
À la suite d’une procédure de licenciement collectif, une jeune femme de quarante-cinq ans, qui réceptionnait des sacs plastiques, avait certes pour qualification d’avoir travaillé dans une PME, mais elle aspirait à devenir aide-soignante par le biais d’une formation. Cet emploi ne « correspondait » pas strictement à ses qualifications, mais – et c’est tout l’intérêt du projet personnalisé – une formation lui a permis de rebondir et de réorienter sa carrière.
Encore un mot sur cet exemple : en Haute-Loire, ce ne sont pas les chats qui gardent les chèvres, peut-être parce que nous sommes plus raisonnables qu’en Provence, monsieur Fischer…
Sourires
L’amendement n° 38 propose de supprimer un des éléments d’évolution de l’offre raisonnable. Pour les mêmes raisons que précédemment, nous y sommes défavorables.
L’amendement n° 39 risquerait, je le crains, d’aboutir à des situations ubuesques : alors qu’une personne occupait préalablement un emploi à mi-temps, le calcul proposé aboutirait à ce que l’on ne puisse lui proposer qu’un emploi à mi-temps avec un salaire horaire deux fois plus important qu’avant !
Sur l’amendement n° 40, pour les mêmes raisons que sur les amendements n° 35 et 37, l’avis du Gouvernement est défavorable.
S’agissant du SMIC, il est très important de préciser – je réponds aux interrogations de Mme David – que les règles qui lui sont relatives sont évidemment respectées, ce qui nous prémunit de façon importante contre le dumping salarial. Je tenais à vous en apporter ici la garantie pour que cet engagement puisse être ensuite, le cas échéant, opposé à la politique du Gouvernement.
Le texte prévoyant explicitement à la fin de son article 1er le respect des règles relatives au SMIC, les amendements n° 41 et 42 sont inutiles.
J’en viens à l’amendement n° 17. Monsieur Desessard, effectivement, un problème de mobilité peut se poser à certains demandeurs d’emploi ayant l’opportunité de retrouver un travail ; nous ne devons pas le sous-estimer.
Nous avons, d’ores et déjà, commencé à améliorer les aides à la mobilité par un accès facilité au permis de conduire et par des aides permettant de bénéficier dans un premier temps, notamment par le biais d’associations, de systèmes de prêts d’automobiles. Ces aides permettent de rouvrir l’accès au travail.
Vous soulevez donc un vrai problème, mais je crois que nous le résoudrons surtout par des aides de terrain et par une amélioration des dispositifs d’aide à la mobilité, qui, aujourd’hui, ne sont pas satisfaisants ; je suis d’accord avec vous sur ce point.
À propos de l’amendement n° 50, je dirai que c’est en raison des coûts liés à la mobilité que nous n’avons pas voulu mettre en place un dispositif qui, à l’image de ce qui existe dans la plupart des pays européens, impose une mobilité beaucoup plus importante. Grâce au système envisagé, les coûts resteront raisonnables.
Vous nous garantissez que les demandeurs d’emploi ne seraient pas obligés d’accepter un emploi en dessous du SMIC. Mais pourquoi, dans ce cas, est-il dit : « Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement prévu à l’article L. 5421-1. » ?
En somme, d’un côté, on prévoit qu’après un an de chômage, un demandeur d’emploi devra accepter un emploi rémunéré à hauteur d’un minima social, par exemple le RMI ou l’ASS, et, de l’autre, vous dites qu’il ne sera pas obligé d’accepter un emploi rémunéré en dessous du SMIC.
Il y a là quelque chose de difficile à comprendre : à deux alinéas d’écart, le texte diffère. Le sens de nos amendements est donc de lever le doute en disant qu’on ne peut pas demander à un salarié de travailler pour l’équivalent d’un minima social, que son revenu doit être au moins égal au SMIC. Sur ce point, il semble que nous soyons d’accord, mais la rédaction actuelle n’est pas claire.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 36.
Si j’en juge par la réponse du président About, un demandeur d’emploi à qui l’on proposera un travail à temps partiel rémunéré à hauteur d’un minima social sera obligé de l’accepter. Or, depuis le début de la discussion, nous dénonçons précisément la précarité à outrance que ce texte va favoriser.
Pas forcément puisqu’il est bien précisé : « Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement prévu à l’article L. 5421-1 ». Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est écrit dans le texte ! Le demandeur d’emploi sera donc bien obligé d’accepter un temps partiel.
Madame David, d’abord, le demandeur d’emploi ne sera nullement obligé d’accepter une proposition de temps partiel si cela ne correspond pas aux caractéristiques de l’emploi définies conformément à ses souhaits dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Pour expliciter le deuxième point, le meilleur parallèle que je puisse faire – ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre ! – est celui de l’ordre social tel qu’il est défini, notamment, dans les différentes conventions imbriquées dans le droit du travail.
Ainsi, il est un socle auquel on ne peut pas toucher, c’est la définition du SMIC. Personne ne pourra donc forcer le demandeur d’emploi à accepter un travail dont la rémunération sera inférieure au SMIC.
Au SMIC horaire, bien sûr !
Ainsi, s’agissant du revenu de remplacement, on considère que le demandeur d’emploi qui percevait, par exemple, une allocation chômage de 1 600 euros pourra accepter un emploi rémunéré à hauteur de 85 % de cette somme. Cela est très clair également.
Le demandeur d’emploi aura toujours la garantie du SMIC et sera prémuni de tout salarial destiné à tirer les salaires par le bas grâce à la comparaison avec le salaire normalement pratiqué dans la région et la profession pour le type de qualification concerné.
Bref, et je comprends que, pour vous, ce point soit le plus important, on ne forcera aucun demandeur d’emploi à accepter, s’il ne le souhaite pas, un travail à temps partiel. C’est très clair : je ne veux pas d’un outil qui deviendrait une « trappe à temps partiel ».
M. Jean Desessard. Monsieur le secrétaire d’État, je connais la longévité des ministres !
Sourires
Cela s’appelle la continuité de la République !
Bien que n’étant pas sénateur depuis longtemps, j’en ai quand même vu passer un certain nombre ici ! Chaque fois, le discours est le même : ils nous assurent qu’ils vont résoudre le problème, mais le ministre suivant présente une mesure nouvelle, oubliant celle qui précédait…
Monsieur le secrétaire d’État, mieux vaut un texte de loi précis. Pourquoi ne pas inscrire dans le projet qu’il s’agit d’un SMIC mensuel ? Est-ce bien ce que vous voulez dire ?
Je l’ai clairement affirmé, c’est du SMIC horaire qu’il est question ! Il n’y a aucune ambiguïté.
Par ailleurs, monsieur Desessard, ce n’est pas le ministre qui compte, c’est la loi qui est votée et la continuité de la République.
La loi ne précise pas, me semble-t-il, que c’est le SMIC mensuel qui est garanti !
Mais il n’est précisé nulle part que le demandeur d’emploi peut refuser un travail à temps partiel !
Si, parce que l’offre d’emploi doit être conforme à ce qui figure dans le projet personnalité d’accès à l’emploi.
Mais vous pouvez en faire ce que vous voulez du PPAE ! On rétorquera au demandeur d’emploi que huit ou neuf heures de travail par semaine, c’est toujours mieux que rien. Puis viendra se greffer le RSA ! Vous verrez, cette histoire n’est pas terminée…
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 38.
Je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, la discussion que nous avons eue en commission, puis lors du repas auquel nous avons participé. Mme Collomp, présidente de la chambre sociale de la Cour de Cassation, qui était présente, nous a bien recommandé d’adopter des textes de loi clairs, afin d’éviter par la suite les contentieux.
Or le texte de l’article n’est pas clair. Monsieur le secrétaire d’État, vous me répondez que le demandeur d’emploi ne sera pas obligé d’accepter un temps partiel si cela n’est pas prévu dans son PPAE. Mais celui-ci sera actualisé périodiquement !
De plus, lors de l’actualisation, les éléments seront révisés et il s’ensuivra une dégressivité des droits !
Cela me ramène aux amendements que j’ai déposés tout à l’heure afin de permettre aux demandeurs d’emploi d’être accompagnés, d’avoir un recours et de disposer d’un délai de rétractation.
Le demandeur d’emploi verra son salaire réduit un peu plus à chaque révision et finira par être obligé d’accepter la proposition qui lui sera faite sous peine d’être radié…
Je trouve assez étrange l’appellation de ce projet personnalisé, car, à l’exception des jeunes qui accèdent au marché du travail, il concerne des salariés qui, pour la plupart, sont privés d’emploi. Il est donc malvenu de leur parler d’accès à l’emploi. C’est plutôt un projet personnalisé de retour à l’emploi qu’il conviendrait de proposer à ces personnes qui sont déjà des travailleurs.
J’en reviens au temps partiel. Le fait que le texte ne soit pas plus précis est une porte ouverte aux contentieux, car il faudra bien que les tribunaux tranchent ! Du travail en perspective pour le Conseil d'État ! Il aura encore bien des arrêts à rendre en matière de droit social !
Il est parfaitement normal que nous ne soyons pas d’accord. En revanche, je ne veux pas que subsistent des ambiguïtés sur la façon dont sera appliqué le dispositif législatif, afin que le Conseil d'État n’ait aucun problème avec les décisions des juridictions.
Après trois mois de chômage, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré à hauteur de 95 % du salaire antérieurement perçu par le demandeur d’emploi. Après six mois de chômage, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré à hauteur de 85 % du salaire antérieurement perçu et situé au plus à trente kilomètres ou à une heure en transport en commun du domicile du demandeur d’emploi. Après un an de chômage, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré à hauteur du revenu de remplacement, tout en répondant aux mêmes conditions en termes d’éloignement géographique.
En revanche, la nature du contrat ne peut pas être imposée aux demandeurs d’emploi. Ainsi, un demandeur d’emploi qui ne le souhaite pas n’est pas tenu d’accepter un contrat à temps partiel. Pourquoi cela ne figure-t-il pas dans la loi ? Parce que nous avons fait le choix d’y inscrire seulement les obligations qui sont imposées aux demandeurs d’emploi.
Le étant utilisé pour interpréter les textes de loi, j’insiste donc sur ce point que j’ai déjà expliqué devant la commission des affaires sociales, afin que ne subsiste aucune ambiguïté. Je ne veux pas que ce type de dispositif puisse servir de biais pour imposer un temps partiel. Je ne peux pas être plus clair !
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. La précision était utile.
Je mets aux voix l’amendement n° 38.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 41.
En vérité, je souhaite poser une dernière question au Gouvernement.
Au bout d’un an, le demandeur d’emploi qui aura refusé les propositions de travail se retrouvera avec un emploi rémunéré à hauteur de l’ASS, soit 463 euros par mois ?
Si on lui propose un emploi du même niveau, il est obligé de l’accepter.
Je souhaite que vous me répondiez, monsieur le secrétaire d’État, car c’est un sujet trop sérieux et qui concerne les personnes les plus démunies, ceux qui se trouvent confrontés au problème de l’emploi !
La clarification est utile, vous avez donc la parole, monsieur le secrétaire d’État.
Si, dans le projet personnalisé, le demandeur d’emploi a prévu de n’accepter que des contrats à temps plein, non seulement on ne pourra pas, au bout d’un an, lui imposer un contrat à temps partiel, mais la rémunération du contrat à temps plein ne devra pas être inférieure au SMIC. Par conséquent, personne ne l’obligera à accepter un contrat dont la rémunération sera celle de l’ASS !
Si on ne lui propose aucun contrat, il est évident que l’offre raisonnable d’emploi ne jouera pas !
Que les choses soient bien claires : ce dispositif ne constituera pas un levier pour déroger à la règle du SMIC. Cela figure explicitement dans le projet de loi et aucune ambiguïté ne subsiste.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 42, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-4 du code du travail :
« Art. L. 5411-6-4. - Les dispositions de la présente section et du 2° de l’article L. 5412-1 ne peuvent obliger un demandeur d’emploi à accepter un niveau de salaire inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
Cet amendement a précédemment été défendu.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l’amendement n° 42.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 1 er est adopté.
L’amendement n° 45, présenté par M. Cointat et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° de cet article.
La parole est à Mme Annie David
Malgré cet échange fort intéressant, j’avoue que je ne suis pas vraiment convaincue !
J’en viens à l’amendement n° 45.
La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres, selon la formule consacrée. Nous en inspirant, nous pourrions également dire que les droits des uns trouvent leur origine dans les devoirs des autres ; cela s’appelle la responsabilité sociale et fonde tout notre système républicain depuis qu’au sortir de la guerre de 1939 nos constituants ont décidé de faire de notre société une république sociale reposant sur des droits collectifs importants et sur une notion qui fait notre spécificité : la solidarité nationale.
Il s’agit d’une solidarité des jeunes à l’égard des plus âgés, des biens portant à l’égard des malades, des travailleurs en direction des salariés privés involontairement d’emplois. Mais il s’agit également des devoirs des entreprises à destination des travailleurs sur le fondement d’un principe simple : les travailleurs participant au développement et à la richesse de l’entreprise, celle-ci doit, en retour, donner au salarié les moyens de vivre et de s’épanouir.
Or, si vous renforcez les obligations des demandeurs d’emplois par ce texte, vous ne renforcez aucun de leurs droits et n’en créez pas de nouveaux, malgré tous les amendements que nous avons déposés.
Celui que nous vous proposons d’adopter vise à créer, à l’égard des employeurs, une obligation de dépôt des offres d’emploi à la nouvelle institution.
Il serait en effet injuste de condamner les demandeurs d’emploi, alors que seuls 30 % des offres d’emplois font l’objet d’une transmission à l’ANPE, la grande majorité des offres d’emplois échappant au service public pour, soit être déposées sur des structures privées, notamment dématérialisées – je pense à Internet en l’occurrence –, soit reposant sur les connaissances. À exigences importantes à l’égard des demandeurs d’emploi, droits importants, aurais-je envie de dire !
Mais il est vrai qu’avec la réforme du service public de l’emploi vous avez pris une autre option : privilégier les structures privées contre les structures publiques.
Il y a de cela quelques mois, M. Jean-Marc Boulanger, inspecteur général des affaires sociales, remettait à Mme Lagarde un rapport, ou plus précisément une « Contribution à la préparation de la convention tripartite entre l’État, l’UNEDIC et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008 ».
Cela ne vous étonnera guère, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne partagent pas les conclusions de ce document, conclusions qui, semble-t-il, ont très largement inspiré votre projet de loi. J’en veux pour exemple la proposition faite de tripler le nombre de demandeurs d’emploi dont le placement serait confié à des organismes de droit privé.
Sans vous renvoyer à nos débats sur le projet de loi relatif à la modernisation du marché du travail, je voudrais dire que les craintes que nous avions alors formulées de privatisation rampante de la mission de service public se confirment malheureusement.
Vous n’hésitez d’ailleurs pas à vous contredire, à l’image de M. Boulanger, qui préconise le recours aux sociétés privées de placement, tout en précisant, je le cite : « Il n’existe pas de preuve générale que le secteur privé soit plus efficace que le secteur public. » Vous comprendrez donc pourquoi nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement.
Par cet amendement, vous souhaitez réintroduire une disposition qui a disparu lors de l’adoption de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, à savoir le monopole de l’ANPE.
À ce propos, je souhaite revenir sur la notion d’engagement réciproque, qui lie le demandeur d’emploi, mais aussi le nouvel opérateur. Il n’a jamais été question d’imposer à ce dernier une productivité plus grande ! En revanche, il existe une obligation de résultat, et c’est une exigence que l’on trouve partout. Si nous voulons réussir à réinsérer le plus rapidement possible nos demandeurs d’emploi dans le monde du travail, il faut que le nouvel opérateur soit à la hauteur de sa mission et se plie à cette contrainte. C’est d’ailleurs l’objet de la grande réforme visant à faire fusionner l’UNEDIC et l’ANPE. C’est peut-être nouveau, mais cela représente à nos yeux l’un des aspects essentiels du service public.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 45.
Indépendamment de ce que l’on peut penser sur le fond, une convention de l’OIT, l’Organisation internationale du travail, nous interdit de rétablir le monopole de placement.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que cette nouvelle institution doit être « à la hauteur ». Or, justement, je propose qu’elle puisse recueillir, pour être à la hauteur, un maximum d’informations sur les offres d’emploi proposées par les employeurs. Dans le meilleur des cas, cette nouvelle institution devra regrouper l’ensemble des offres. Celles-ci pourront ensuite être réparties là où elles doivent l’être. C’est le moins que l’on puisse exiger pour que les demandeurs d’emploi soient informés de toutes les offres disponibles.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article L. 5412-1 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 5412-1. - Est radiée de la liste des demandeurs d’emploi, dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d’État, la personne qui :
« 1° Soit ne peut justifier de l’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise ;
« 2° Soit, sans motif légitime, refuse à deux reprises une offre raisonnable d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-6-2 ;
« 3° Soit, sans motif légitime :
« a) Refuse de suivre une action de formation ou d’aide à la recherche d’emploi proposée par l’un des organismes mentionnés à l’article L. 5311-2 et s’inscrivant dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi ;
« b) Refuse de répondre à toute convocation des services et organismes mentionnés à l’article L. 5311-2 ou mandatés par ces services et organismes ;
« c) Refuse de se soumettre à une visite médicale auprès des services médicaux de main-d’œuvre destinée à vérifier son aptitude au travail ou à certains types d’emploi ;
« d) Refuse une proposition de contrat d’apprentissage ou de contrat de professionnalisation ;
« e) Refuse une action d’insertion ou une offre de contrat aidé prévues aux chapitres II et IV du titre III du livre Ier de la présente partie ;
« 4° Soit a fait de fausses déclarations pour être ou demeurer inscrite sur cette liste. ».
La parole est à Mme Annie David, sur l’article. Vous êtes très en verve, ce soir, ma chère collègue !
Pour moi, ce projet de loi est très grave, monsieur le président. C’est pourquoi je suis très opiniâtre ce soir. J’ai beaucoup de choses à dire, non seulement au nom de mon groupe, mais aussi au nom de toutes ces femmes et ces hommes que nous évoquons et qui sont malheureusement bien souvent démunis et privés de leurs droits.
Monsieur le secrétaire d’État, l’article 2 participe de ce que nous n’avons cessé de dénoncer, à savoir la stigmatisation des demandeurs d’emplois. Vous prétendez inciter les demandeurs d’emplois à retourner au travail. C’est dire la conception qui est la vôtre ! Pour vous, les demandeurs d’emploi ont une responsabilité dans la situation qui est la leur. Vous pensez qu’en renforçant les sanctions le retour à l’emploi sera plus rapide. Votre analyse démontre à quel point vous faites peu confiance aux chômeurs.
Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen regrettent que cet article ne prévoie aucune mesure visant à sanctionner les manquements éventuels de la future institution à l’égard des salariés privés d’emploi. Par ailleurs, aucune sanction n’est également prévue pour les entreprises, lesquelles manquent pourtant parfois à leurs obligations envers les demandeurs d’emploi. Tel est par exemple le cas des entreprises qui discriminent les salariés en fonction de leurs origines, des employeurs qui refusent systématiquement d’embaucher les demandeurs d’emploi envoyés par l’ANPE ou qui déposent des annonces telles qu’elles ne pourront jamais être pourvues.
Vous me répondrez qu’il s’agit là d’une très grande minorité, je vous le concède. Mais, curieusement, vous n’hésitez pas à faire adopter un projet de loi visant à durcir les sanctions pour les demandeurs d’emploi qui refuseraient volontairement toutes les offres qui leur sont faites, alors même – les chiffres l’attestent – que ce cas de figure ne concerne pas plus de 2 % des inscrits.
Pour les demandeurs d’emplois, il faudrait donc durcir les sanctions, alors que, pour les employeurs indélicats, il faudrait au contraire être plus « coulant » !
Je ne reviens pas sur la proposition défendue par vos amis et visant à dépénaliser le droit des affaires. Ils vont jusqu’à proposer de supprimer les peines prévues en cas d’abus de bien sociaux !
Vous faites donc comme si la responsabilité de leur situation incombait aux demandeurs d’emploi eux-mêmes, sans mentionner à aucun moment la rareté des offres, appuyant votre raisonnement sur les métiers en tension !
Ainsi, il faudrait que ces femmes et ces hommes acceptent de travailler dans des métiers qu’ils n’ont pas choisis, parce que ceux-ci sont en tension ! Vous êtes-vous posé la question de savoir pour quelles raisons ces métiers, justement, sont dans une telle situation ? N’y a-t-il pas des problèmes de conditions de travail ? Et je ne pense pas qu’aux seules conditions salariales ! À l’heure où de plus en plus de spécialistes parlent de stress au travail et de dangers pour la santé, alors que le drame de l’amiante éclate au grand jour, ne croyez-vous pas que c’est de ce côté-là qu’il faut chercher la solution ? Cessons d’imaginer que les chômeurs, qui seraient des assistés, ou je ne sais quoi d’autre, sont à l’origine de leur propre situation ! C’est en tout cas ce que pense M. Dassault, qui prononçait en commission, jeudi dernier, des paroles très graves ! C’est d’ailleurs à ce moment-là que le patron de l’UNEDIC a évoqué le problème de la productivité, je suis désolée de vous le rappeler, monsieur le rapporteur !
C’est à croire que vous menez, plus qu’aucun autre gouvernement, une politique de classes : des lois d’exceptions pour les puissants et des sanctions pour les plus faibles !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Desessard applaudit également.
Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 16, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 2, qui prévoit, comme vient de l’expliquer parfaitement Mme David, la création de sanctions à l’égard des chômeurs. Or nous estimons que ces derniers sont déjà suffisamment sanctionnés, isolés et exclus.
Nous souhaitons supprimer la possibilité de radier les demandeurs d’emploi des listes sur la base de la notion d’« offre raisonnable d’emploi ». Cette logique de sanction est fondée sur un postulat inexact et insultant, à savoir que le chômeur qui ne trouve pas d’emploi est en faute et donc responsable de la situation dans laquelle il se trouve.
Vous ne cessez de répéter, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, que la majorité des chômeurs recherche un emploi. C’est évident, ils aspirent à travailler ! Il faut donc cesser de brandir comme un épouvantail la figure du chômeur « paresseux ». Ce n’est d’ailleurs pas seulement pour des questions financières que le demandeur d’emploi veut travailler, mais aussi pour jouer un rôle dans la société, pour exister, pour être utile. Il ne s’agit pas seulement d’une reconnaissance financière, mais aussi d’une reconnaissance sociale.
Nous avons eu dans cet hémicycle un débat sur les stagiaires, qui travaillaient trois mois, six mois, un an, deux ans, voire trois ans, pour accéder au marché de l’emploi, tout en étant rémunérés 300 euros par mois ! Nous avons pris quelques mesures, certes, mais de portée très limitée. L’exemple des stagiaires le montre bien, les gens aspirent à travailler pour pouvoir s’insérer socialement et gagner leur vie.
Par conséquent, l’idée selon laquelle les chômeurs ne veulent pas travailler est très relative ! Nous refusons d’entrer dans votre logique de culpabilisation des demandeurs d’emploi et de désengagement de l’État.
Si vous voulez faire travailler les gens, monsieur le secrétaire d’État, il existe une solution toute simple ! Vous pourriez dynamiser les bassins économiques dévastés, lancer un grand plan national d’emploi dans les hôpitaux, dans l’éducation et la justice ! N’y a-t-il pas besoin de personnel pour traiter tous les dossiers en retard ? Lancez un appel, et vous verrez que nombreuses seront les personnes qui souhaiteront travailler dans la santé, la justice ou l’éducation !
Nous refusons de contraindre les chômeurs à accepter des emplois à n’importe quelle condition, à dévaluer leurs compétences et leurs aspirations, à hypothéquer leurs conditions de vie. Nous refusons de nourrir la spirale de la précarité !
Faites-vous la différence, monsieur le secrétaire d’État, entre un diplôme et un concours ? Normalement, quand on travaille, on a toutes les chances d’obtenir son diplôme, bien que celui-ci soit peut-être destiné, au bout du compte, à éliminer des candidats : en éliminant 10 % à 15 % des postulants, on peut penser en effet qu’on relève le niveau.
Un concours, c’est totalement différent, puisque deux cents candidats peuvent se présenter pour deux places ! Si tous se mettent à travailler, cela ne change rien au fait que seules deux places sont accessibles.
Le problème de l’emploi s’apparente à celui du concours. On peut certes demander aux chômeurs de parcourir des kilomètres supplémentaires et d’accepter de percevoir des salaires moindres, cela ne changera pas le nombre d’emplois disponibles ! On dit : « Travaillez plus, faites des efforts, gagnez moins, faites davantage de kilomètres, vous aurez plus de chances ! » En réalité, c’est imposer des conditions plus pénibles, pour toujours aussi peu de chances de trouver satisfaction.
L’amendement n° 12, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 5412-1 du code du travail, après les mots :
Conseil d’État
insérer les mots :
pris après avis des organisations syndicales de salariés et des organisations d’employeurs
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Par cet amendement, nous proposons simplement le maintien d’une clause qui existe aujourd’hui dans le code du travail à l’article L. 5412-1 et qui a inexplicablement disparu dans le projet de loi.
Il semble pourtant de bon sens que le décret précisant les conditions de radiation de la liste des demandeurs d’emploi soit pris après avis des représentants des organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Le retrait d’une telle disposition répond-il à une demande de la part de certains d’entre eux ou a-t-il d’autres motifs ? Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur ce point ?
L’amendement n° 46, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° du texte proposé par cet article pour l’article L. 5412-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Les dispositions que nous entendons supprimer par cet amendement sont celles qui prévoient la possibilité de radier un demandeur d’emploi si celui-ci « ne peut justifier de l’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise ».
Tout d’abord, nous entendons marquer notre opposition à cette énième disposition traduisant la méfiance du Gouvernement à l’égard des demandeurs d’emplois. Autant vous dire que celle-ci est infondée, car je ne connais personne qui puisse se satisfaire d’une rémunération de 420 euros mensuels, particulièrement dans le contexte inflationniste que nous connaissons aujourd’hui.
Le dispositif que vous nous proposez d’adopter – il est déjà en vigueur, je le reconnais – permet de radier un demandeur d’emploi non pas parce que ce dernier n’aurait pas effectué des actes positifs et répétés de recherche d’emploi, mais tout simplement parce qu’il ne parviendrait pas à en fournir la preuve.
Comment un salarié privé d’emploi peut-il faire la preuve d’actes répétés de recherche ? Une simple copie des courriers envoyés suffira-t-elle ? Je ne le crois pas ! Après tout, un demandeur d’emploi pourrait très bien rédiger des courriers sans jamais les envoyer… Faudra-t-il alors que le demandeur d’emploi fasse la preuve de cet envoi par le biais d’un accusé de réception ? À près de 4 euros la missive, cela fait cher l’offre de service, surtout avec des indemnisations aussi basses !
Et que dirait l’employeur s’il devait recevoir, comme première approche, une lettre avec accusé de réception ? Je ne suis pas convaincue que cela serve les intérêts des demandeurs d’emplois ! Faudra-t-il alors faire la preuve de ces démarches par les réponses adressées par les entreprises aux demandeurs d’emplois ? Cela pourrait être une piste si les employeurs répondaient aux lettres envoyées par les demandeurs d’emploi, ce qui est loin d’être systématiquement le cas, vous en convenez vous-même, monsieur le secrétaire d’État.
En réalité, l’obligation que vous faites peser sur les demandeurs d’emploi aurait mérité la création de droits nouveaux. Je pense notamment soit à une obligation de réponse des employeurs, soit à un droit d’envoi par le biais de la nouvelle institution, à charge pour cette dernière de recevoir la lettre du demandeur, d’en faire copie, d’expédier le courrier, et de restituer au demandeur d’emploi un récépissé attestant de l’envoi. Mais cela, vous ne l’avez pas imaginé, préférant contraindre les seuls demandeurs d’emplois, tout en conservant, et ce n’est pas anodin, un outil très flexible de radiation, puisque non défini par principe.
Quant à la reprise d’une entreprise, il serait temps pour la majorité de cesser d’en faire miroiter l’illusion. Aux demandeurs d’emploi, aux seniors et aux jeunes des villes de périphérie, vous dites : « Créez votre entreprise ! »
Le projet de loi de modernisation de l’économie que nous aurons à examiner prochainement est prolixe en la matière. Il faut dire que cette proposition a une fois encore l’avantage de renvoyer à la réaction individuelle et de limiter les tentations légitimes de faire appel à une solidarité nationale qui l’est de moins en moins.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 47 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° du texte proposé par cet article pour l’article L. 5412-1 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 13.
Nous proposons la suppression de cet alinéa, qui est le centre véritable de ce projet de loi. Celui-ci est d’ailleurs rédigé de manière ambiguë : la personne qui refuse à deux reprises une offre raisonnable d’emploi sans motif légitime est radiée. Il eût été plus clair d’écrire que le chômeur peut être radié après avoir refusé deux fois une offre dite « raisonnable » d’emploi.
Nous ne sommes pas là pour vous aider à rédiger votre texte, …
… mais il est rédigé de telle manière que l’on se demande si le demandeur d’emploi est radié au moment où il refuse la deuxième offre d’emploi qu’il juge inacceptable, ou bien après.
Vous ne laissez en fait aucune marge d’appréciation aux agents du service public de l’emploi, ni aux agents des autres organismes privés ou publics.
Cette rédaction impérative montre que vous éprouvez des doutes sur le zèle des agents chargés du placement, mais aussi du contrôle et de la mise en place des conditions de la radiation. Heureusement, vos doutes sont justifiés.
Ce qu’il est advenu dans la pratique de la loi de 2005, qui prévoyait déjà la suspension de l’allocation et la radiation, a montré que les agents de l’ANPE avaient agi avec humanité et discernement en présence de situations difficiles. Il faut leur rendre hommage pour cela.
La question se pose également de ce que l’on peut entendre par motif légitime. Il est en effet clair que la définition de l’offre raisonnable d’emploi est rédigée de façon à ne laisser aucun motif au chômeur pour refuser n’importe quel emploi.
Après six mois, a fortiori après un an, il est clairement tenu d’accepter un emploi sous n’importe quelle catégorie de contrat, n’importe quelle durée, n’importe quelle qualification ou plutôt absence de qualification, à une heure de transport s’il en existe ou à trente kilomètres de son domicile, sans tenir compte de sa situation personnelle et familiale, et pour un salaire dérisoire.
Le texte évoque un motif légitime après en avoir supprimé méthodiquement toutes les possibilités.
De par cette rédaction, le demandeur d’emploi et le conseiller référent ne disposent d’aucune liberté, sauf à contourner les textes.
L’offre « raisonnable » d’emploi que vous nous proposez d’adopter ne revêt aucune des véritables caractéristiques qui pourraient permettre aux salariés privés d’emploi de s’engager de manière éclairée dans cette voie.
Nous pensons qu’elle ne sera pas la résultante de la co-élaboration d’un projet personnalisé d’accès à l’emploi entre la nouvelle institution et le demandeur d’emploi, puisque celui-ci ne sera pas – ne vous en déplaise – en situation d’égalité avec l’institution.
Elle ne sera pas raisonnable non plus. Où est la raison quand vous entendez contraindre un chômeur à accepter une offre d’emploi dont la rémunération est, par exemple, inférieure au SMIC ?
Je me souviens avoir dénoncé ici, face à Mme Lagarde, le nombre trop important de grilles salariales débutant en dessous du SMIC. Triste caractéristique de notre pays, le nombre de ces grilles salariales a explosé. Je me souviens également de l’obstination avec laquelle elle affirmait qu’en ce cas les salariés seraient payés en dessous du SMIC.
Telle est la réalité ! C’est par ce biais que la précarité s’institutionnalise et que nous connaissons une véritable explosion de la pauvreté.
Parfois, malheureusement, on préférerait avoir tort. Tel est le cas en l’occurrence car, si votre disposition était adoptée, il pourrait y avoir des milliers de salariés rémunérés en dessous du SMIC, voire très en dessous puisque vous autorisez une rémunération égale au salaire de remplacement perçu par le salarié privé d’emploi.
Un débat très intéressant s’annonce sur le revenu de solidarité active, le RSA. Nous en avons discuté avec Martin Hirsch. La volonté du Gouvernement de faire disparaître les minima sociaux au profit du RSA peut paraître légitime, et nous souhaitons que cette évolution réussisse, mais les dispositions dont nous débattons sont au cœur de la question. Monsieur le secrétaire d’État, à plusieurs reprises, vous m’avez « taclé »…
… en affirmant que la précarité n’augmentait pas, citant les statistiques relatives aux emplois à temps partiel, etc. Pour notre part, nous craignons d’assister, avec les dispositions que vous proposez, à une véritable explosion de la précarité et de la pauvreté.
Vous comprendrez donc que, très logiquement, conformément à ce que nous avons défendu, Annie David et moi, nous ne puissions tolérer qu’une sanction soit prononcée en raison du refus de deux offres d’emplois.
Là, vous êtes clairement en mission pour le Président Sarkozy, …
M. Sarkozy et Mme Parisot, le couple indissociable ! Ils sont pacsés pour tacler !
À partir de là, il s’agit d’améliorer les statistiques de l’emploi et d’obtenir un taux de chômage de 5 % en 2012.
L’amendement n° 3, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant le deuxième alinéa (a) du 3° du texte proposé par cet article pour l’article L. 5412-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
«…) Refuse de définir ou d’actualiser le projet personnalisé d’accès à l’emploi prévu à l’article L. 5411-6-1 ;
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à prévoir que le refus du demandeur d’emploi de participer à l’élaboration du PPAE, ou à son actualisation, puisse être sanctionné par une radiation.
Nous l’avons dit et répété, le PPAE est la clé de voûte de ce nouveau dispositif d’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi. Il est bien évident que le service public de l’emploi doit disposer de moyens de pression au cas où le demandeur d’emploi ferait preuve de mauvaise volonté et refuserait d’élaborer un PPAE, même si cela se produit rarement.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 48 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le d et le e du 3° du texte proposé par cet article pour l’article L. 5412-1 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 14.
Par cet amendement, nous proposons de supprimer les refus d’apprentissage, de professionnalisation et d’action d’insertion comme motifs de radiation.
En effet, la formation, sous tous ses aspects, est un élément essentiel en faveur de l’emploi. Elle doit être accessible à tous les demandeurs d’emploi, mais elle ne doit pas être pour autant une obligation, ni surtout un prétexte pour radier un demandeur d’emploi.
Vous nous citez souvent les pays étrangers en exemple, monsieur le secrétaire d’État, mais il ne faut pas faire l’impasse sur les problèmes auxquels ils sont parfois confrontés et, surtout, sur la façon dont ils les résolvent.
Le Danemark est souvent cité, à juste titre, comme un modèle en matière de parcours professionnel et de formation. Quelques-uns d’entre nous ont pu rencontrer, voilà tout juste quelques jours, le ministre de l’emploi, M. Claus Frederiksen. Celui-ci nous indiquait que certains chômeurs, des jeunes notamment, ont d’abord besoin de retrouver un emploi, d’être réinsérés, valorisés, de reprendre confiance en eux-mêmes par un travail rémunéré. La formation n’est pas rejetée, mais elle vient dans un second temps, dans le cadre d’une formation continue, en adéquation avec l’emploi occupé. Le travail, dans sa dimension concrète, est une première étape indispensable.
M. Frederiksen nous expliquait qu’ils rencontraient un problème que nous connaissons bien, celui des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme. Ils résolvent la difficulté en les mettant d’abord au travail, et ensuite seulement en formation. Il est vrai que, lorsque nous suggérons à ces jeunes sans qualification de se rendre à la mission locale, ils refusent souvent, au motif que l’on va encore leur proposer une formation et qu’ils veulent un emploi.
En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous plaidons pour davantage de souplesse et de prise en considération des personnes, qui ne doivent pas être traitées comme des objets statistiques.
Les dispositions prévues aux paragraphes d) et e) de cet article attestent ce que nous dénonçons depuis le début de nos débats, à savoir le risque de précarisation étendue que fera peser votre projet de loi.
Ainsi prévoyez-vous de pouvoir légalement radier un demandeur d’emploi si ce dernier refuse une action d’insertion ou, pire, un contrat d’apprentissage.
Pour mémoire, je rappelle que le salaire de l’apprenti de première année âgé de plus de vingt et un ans représente 53 % du SMIC, soit 693 euros et 71 centimes. C’est dire le droit que vous accordez aux demandeurs d’emplois : celui de brader leur force productive contre un salaire de misère.
Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez affirmé qu’un salarié ne sera pas contraint d’accepter un emploi payé en dessous du SMIC. Or, s’il refuse un contrat d’apprentissage, il risque d’être radié !
Vous me direz que le salaire de l’apprenti est évolutif, mais, au bout de la troisième année, l’apprenti ne perçoit toujours que 78 % du SMIC, soit 1 020 euros.
Lorsque l’on connaît les difficultés grandissantes qu’éprouvent nos concitoyens pour boucler leurs fins de mois, lorsque l’on sait que les frais fixes, ceux dans lesquels on ne peut tailler – le transport, le logement, la nourriture – prennent chaque mois une part plus importante, comment se satisfaire d’une possible rémunération aussi basse ? Les personnes concernées sont souvent, de surcroît, chargées de famille.
Je ne vous ferai pas l’affront de mettre cela en corrélation avec les récentes déclarations relatives aux dépenses de l’assurance maladie, ni avec les conséquences que la réalisation de ces propositions aura sur les plus modestes.
Mais, si les demandeurs d’emplois n’y trouvent pas leur compte, le patronat, lui, est certainement satisfait. Il peut l’être à plus d’un titre, puisque les employeurs qui auraient recours à une telle procédure seraient gagnants sur deux tableaux. D’une part, ils n’auraient à consentir qu’une rémunération à moindre coût : 690 euros, ce n’est vraiment pas grand-chose. D’autre part, et c’est sans doute le plus grave, ils bénéficieraient d’une exonération totale de charges sociales.
Vous noterez tout de même le paradoxe qu’il peut y avoir à annoncer sans cesse que les caisses sont vides, à appliquer des plans de rigueur pour renflouer les comptes de la sécurité sociale, alors que, parallèlement, vous prenez des mesures qui participent à cet appauvrissement ! Il en va de même pour les contrats de professionnalisation, puisque, là encore, les employeurs sont exonérés de charges sociales et les indemnités vraiment très faibles.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que les sénatrices et les sénateurs communistes républicains et citoyens ne puissent accepter cette disposition, que nous vous demandons de supprimer.
Au travers de l’amendement n° 16, notre collègue Jean Desessard veut s’opposer au dispositif de radiation lié à l’offre raisonnable d’emploi. Or l’objet du projet de loi est précisément de passer de l’offre valable d’emploi à l’offre raisonnable d’emploi, par l’introduction de critères précis et évolutifs, acceptés dans le cadre d’un contrat entre l’opérateur public et le demandeur d’emploi.
Cet engagement réciproque, conforté par l’offre raisonnable d’emploi, apporte donc des droits supplémentaires au demandeur d’emploi.
Quant aux sanctions, on l’a dit et répété, elles sont déjà prévues par le code du travail. Elles figurent très précisément à l’article L. 5412-1 ; le projet de loi ne fait que les reprendre. La seule nouveauté que nous introduisons, c’est le 2°, qui dispose que le demandeur d’emploi est radié en cas de refus à deux reprises d’une offre raisonnable d’emploi.
J’aimerais que nous soyons très précis sur un point : qu’entend-on par sanction ?
Tout d’abord, s’il y a un premier manquement, la durée de la radiation est de quinze jours. En cas de manquements répétés liés à l’obligation de recherche active d’emploi, de refus de suivre une action de formation – j’en reparlerai en abordant les autres amendements –, de refus d’une action d’insertion, d’une proposition de contrat de professionnalisation, la radiation peut aller de un à six mois.
Lorsque le demandeur d’emploi se réinscrit, il retrouve l’intégralité de ses droits à indemnisation. En fait, cette indemnisation est reportée dans le temps. Nous sommes donc bien dans un processus très graduel.
Ensuite, il existe une possibilité de recours. Comment s’exerce-t-elle ?
Les demandeurs d’emploi qui entendent contester la décision peuvent former un recours devant le directeur délégué de l’ANPE. Avant de prononcer une sanction, ce dernier peut saisir pour avis la fameuse commission départementale, qui comprend des représentants des employeurs et des représentants des salariés ainsi que l’inspection du travail
Enfin, il existe plusieurs catégories de motifs de radiation selon qu’il s’agit d’un premier manquement ou de manquements répétés liés au refus d’une action d’insertion, de suivre une action de formation, de répondre aux convocations, de se soumettre à la visite médicale, etc.
Vous le voyez, le dispositif est encadré et personnalisé. En outre, le processus est graduel.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 12 est superfétatoire, car la consultation du comité supérieur de l’emploi est obligatoire pour tous les décrets relatifs à la politique de l’emploi. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 46 vise à supprimer l’obligation d’accomplir des actes de recherche d’emploi. Or il s’agit là d’une obligation minimale. Dans la grille des motifs de radiation, cette mesure figure même dans la catégorie numéro 1. C’est vraiment une démarche élémentaire. La commission a donc émis un avis défavorable.
Les amendements n° 13 et 47 tendent à supprimer la possibilité de radiation du demandeur d’emploi en cas de refus, sans motif légitime, à deux reprises, d’une offre raisonnable d’emploi. Cette obligation doit bien entendu être assortie d’une sanction. La commission a donc émis un avis défavorable.
Je reviens un instant sur l’amendement n° 3 de la commission. Si je l’ai présenté, c’est à la suite des propos que m’ont tenus les responsables locaux d’antennes ANPE et de mes rencontres au sein de la direction départementale du travail.
Les cas visés seront sans aucun doute rarissimes. Les demandeurs d’emploi perçoivent, en contrepartie d’une situation que l’on déplore tous et qui est sûrement très inconfortable, un revenu de remplacement qu’ils n’ont certainement pas l’intention de perdre en refusant de façon obtuse de participer à l’élaboration de leur propre PPAE. Mais cela peut arriver. Cet amendement s’insère donc au sein de l’article 2, qui vise les motifs de sanction.
En ce qui concerne les amendements n° 14 et 48, je répéterai que les sanctions liées au refus d’une proposition de contrat de professionnalisation, d’une offre de contrat aidé ou d’une action d’insertion figurent déjà dans le code du travail. Supprimer ces dispositions irait bien entendu à l’encontre de l’esprit du texte. La commission a donc émis un avis défavorable.
Le Gouvernement émet bien entendu un avis défavorable sur l’amendement n° 16, qui vise à supprimer une partie du dispositif. Je ne me lancerai pas aujourd’hui dans une dissertation sur l’esprit de l’éducation républicaine selon Jules Ferry, mais nous pourrons peut-être en discuter en d’autres occasions…
S’agissant de l’amendement n° 12, le Gouvernement aurait plutôt tendance à s’en remettre à la sagesse du Sénat.
La rédaction antérieure, issue de la loi du 20 décembre 1993, vous l’avez mentionnée, madame Le Texier, prévoyait explicitement la concertation avec les partenaires sociaux.
Depuis la loi du 31 janvier 2007, le Gouvernement a l’obligation de consulter les partenaires sociaux sur les décrets relatifs à l’emploi. Il est donc superfétatoire de le préciser dans le présent projet de loi.
Supprimer la radiation pour absence d’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, vous l’avez dit vous-même, madame David, et je vous remercie de votre honnêteté, équivaudrait à un retour en arrière par rapport au droit existant. Dans ces conditions, vous vous doutez bien que le Gouvernement ne peut être favorable à l’amendement n° 46.
À propos des amendements n° 13 et 47, je dirai que nous n’avons pas de doute sur la bonne application du dispositif par les agents du service public de l’emploi. C’est juste pour la clarté que le dispositif est ainsi expliqué. Monsieur Fischer, surtout un jour comme aujourd’hui, il n’est pas question de vous tacler.
Sourires
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 3. Il s’agit d’un apport intéressant de la commission, qui permet d’éclaircir la manière dont le dispositif fonctionnera au début.
Les amendements n° 14 et 48 visent à supprimer des dispositions qui existaient avant la rédaction de ce projet de loi. Comme sur l’amendement n° 46, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
En ce qui concerne l’amendement n° 12, la commission souscrit-elle à l’avis de sagesse du Gouvernement ?
La commission considère que cet amendement n’est pas nécessaire, puisque le comité supérieur de l’emploi est de toute façon saisi pour avis. Pour la beauté des textes, elle préfère éviter d’ajouter des dispositions redondantes. Elle persiste donc dans son avis défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
Le Gouvernement n’aurait pas dû en appeler à la sagesse du Sénat, mais à sa raison !
L’amendement n’est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.
J’ai eu l’occasion de le dire cet après-midi, on voit là en quoi consistera le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
M. le rapporteur estime que les cas visés par son amendement seront rarissimes. Or, avant même que le dispositif ne soit en place, pour une ou deux personnes qui ne voudraient pas s’engager dans le PPAE, on prévoit déjà des sanctions.
C’est l’une des raisons pour lesquelles ce texte me choque.
Vous nous reprochez de faire des procès d’intention. En l’occurrence, c’est vous qui en faites à l’ensemble des demandeurs d’emploi. Qu’ils recherchent un emploi depuis longtemps ou depuis peu, vous les mettez tous dans le même sac !
De plus, M. le secrétaire d’État considère que cet amendement est un apport intéressant au fonctionnement du futur PPAE.
Décidément, je ne parviens pas adhérer à la philosophie de ce texte.
L’amendement est adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’article 2 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur concomitamment à la mise en œuvre de la nouvelle offre de service par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et au plus tard douze mois à compter de sa promulgation.
La parole est à Mme Annie David.
Nous considérons que le projet personnalisé d’accès à l’emploi ne peut en aucun cas être efficient s’il n’est pas couplé avec l’offre de service qui sera proposée par la nouvelle institution et dont le contenu dépend de la conclusion de la négociation relative à l’assurance chômage.
Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, nous avons du mal à comprendre que le présent texte puisse entrer en application alors même que la nouvelle institution ne verra le jour qu’à compter du 1er janvier 2009. Certes, le Gouvernement et la commission nous disent qu’il ne faut pas perdre de temps et mettre tout de suite ce texte en route pour aller dans le sens qu’ils souhaitent. Cette manière de procéder n’en est pas moins paradoxale.
Il convient donc de préciser que les dispositions de la loi entreront en vigueur concomitamment à la mise en œuvre de la nouvelle offre de service par le nouvel opérateur et, afin de ne pas risquer de priver d’efficacité des dispositions législatives, au plus tard douze mois à compter de sa promulgation.
L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Jusqu’à la date de création de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et prévue par l’article 9 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, l’Agence nationale pour l’emploi se substitue à l’institution susmentionnée pour l’application des dispositions de la présente loi.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 49.
L’amendement n° 51, qui répond d’ailleurs à une interrogation de Mme Le Texier, a pour objet d’organiser la période transitoire durant laquelle le nouvel opérateur ne sera pas encore en charge de l’application du dispositif.
Sur l’amendement n° 49, le Gouvernement émet un avis défavorable pour une raison sur laquelle nous avons eu l’occasion de nous expliquer en commission. En effet, le nouvel opérateur ne va pas naître du big-bang. Il ne suffira pas, le 1er janvier 2009, comme par magie, d’allumer la lumière.
Durant la période transitoire, on n’arrêtera pas bien évidemment de s’occuper des demandeurs d’emploi. Des améliorations concrètes ont déjà été mises en place, et le dispositif doit continuer à se perfectionner petit à petit.
La commission a émis le même avis défavorable que le Gouvernement sur l’amendement n° 49. L’ANPE dispose de tout le savoir-faire. Les contrats de progrès qu’elle a signés avec l’État en 2006 préfiguraient déjà certaines mesures contenues dans le projet de loi.
Quant au petit hiatus juridique qui aurait pu exister entre aujourd’hui et le 1er janvier 2009, l’amendement n° 51 vise à y remédier. La commission a donc émis un avis favorable.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’amendement n° 51.
Je souhaite poser une question.
Monsieur le secrétaire d’État, au travers de cet amendement, vous proposez que l’ANPE se substitue provisoirement à l’organisme qui sera chargé de mettre en application cette loi.
Je souhaite simplement vous interroger sur le fait que les personnels de l’ANPE qui accompagnent actuellement les demandeurs d’emploi prennent en charge environ 90 personnes, s’agissant des demandeurs d’emploi de plus de quatre mois qui sont les seuls à bénéficier d’un suivi un peu personnalisé, et près de 130 à 140 personnes si l’on inclut tous les demandeurs d’emploi qui ont affaire à eux.
Or il ne s’agit pas uniquement de suivre les demandeurs d’emploi. Il me semble également indispensable que les conseillers aient des contacts avec les entreprises, et pas uniquement des contacts téléphoniques. Ils ne doivent pas se contenter de classer les offres d’emploi. Ils doivent se rendre sur place, voir ce qui est proposé, à quoi ressemblent les postes, etc.
Ce n’est pas la peine que je développe plus longuement mes propos. Il doit paraître évident à chacune et à chacun d’entre nous que ce que vous proposez dans ce texte de loi ne peut pas être réalisé par un conseiller, qui a en charge 130 ou 140 demandeurs d’emploi.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous me précisiez votre façon de voir les choses.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie D