Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, le service public de l’emploi, le SPE, est en pleine mutation, et il s’agit ici d’en améliorer l’efficacité.
Quelles que soient les rigidités affectant le marché du travail, le SPE a un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre le chômage. Or, c’est une nécessité, il doit être réformé. Son architecture générale ayant été élaborée à une époque de plein emploi, dans une économie encore protégée, elle est devenue obsolète.
Notre SPE n’est plus adapté aux caractéristiques du chômage français, à savoir un chômage de masse, de longue durée, affectant les jeunes, les seniors, les travailleurs peu qualifiés, dans une économie ouverte de plus en plus globalisée.
La nécessité s’impose à nous, comme à toutes les économies développées, de mettre en place un véritable système d’accompagnement des demandeurs d’emploi dans leurs recherches, tout en contrôlant mieux l’effectivité de ces dernières.
C’est aujourd’hui une évidence : le fait d’être demandeur d’emploi implique non seulement des droits, qui doivent être des droits effectifs, mais également des devoirs consistant à tout faire pour se réinsérer dans l’emploi, sans pour autant accepter n’importe quoi.
Il faut noter que l’utilisation du terme de « demandeur d’emploi » n’est pas neutre. Il procède d’une philosophie d’activation de l’indemnisation du chômage. Il signifie bien qu’une personne involontairement privée d’emploi n’est pas passive. Bien au contraire, il s’agit de quelqu’un d’actif qui agit pour retrouver un emploi correspondant à ses compétences et à ses prétentions salariales, et c’est à ce titre que lui est versée une indemnité.
C’est pour ces raisons que les deux principales évolutions qu’a récemment connues le SPE ont constitué, à nos yeux, de véritables avancées.
La première d’entre elles, M. le rapporteur l’a évoquée, est la mise en place par l’ANPE, depuis 2006, d’une politique de suivi individualisé des demandeurs d’emploi. Ce suivi a été formalisé dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Il est assuré par la désignation d’un « référent » pour tout demandeur d’emploi inscrit depuis plus de trois mois.
Afin que ce suivi puisse être mis en place, l’ANPE a vu ses moyens augmenter. Même si cette augmentation a été substantielle, il est permis de s’interroger sur le point de savoir si elle a été suffisante.
En effet, en dépit de la diminution du nombre de demandeurs d’emploi, les référents sont surchargés et ne peuvent assurer le suivi personnalisé dans les meilleures conditions. Toutefois, cette situation devrait beaucoup s’améliorer grâce à la seconde grande réforme entreprise. Je veux évidemment parler de la fusion entre l’ANPE et le réseau des ASSEDIC, opérée par la loi du 13 février 2008. La fragmentation du SPE constituait une entrave sérieuse à son efficacité. Nous nous réjouissons que cette fusion ait été engagée et s’achève au début de l’année prochaine.
Elle permettra de remédier, pour une partie, au manque de personnel que je viens d’évoquer, grâce à un redéploiement des moyens qui devrait faire baisser dans d’importantes proportions le nombre de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller.
Les chiffres avancés par le Gouvernement sont très encourageants, puisque le nombre de demandeurs d’emploi suivis par un conseiller devrait passer de cent quarante à trente.
Il ne nous paraît pas superflu d’affirmer clairement le contenu des droits et devoirs des demandeurs d’emploi. Mais, plutôt que de réformer les droits des demandeurs d’emploi, le seul objet du texte qui nous est soumis est de préciser le contenu des droits existants, en leur donnant, il est vrai, un caractère évolutif.
En effet, le présent projet de loi n’est pas, à proprement parler, une réforme ; c’est plutôt un ensemble de précisions. Elles sont de trois types.
Le premier type de précisions apportées concerne très généralement les relations entre les demandeurs d’emploi et le futur organisme issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.
En vertu, donc, de la nouvelle rédaction de l’article L. 5411-6 du code du travail, le nouvel opérateur se voit assigner la mission d’orienter et d’accompagner dans leur recherche les demandeurs d’emploi immédiatement disponibles à l’embauche.
Pour leur part, les demandeurs d’emploi ont l’obligation de participer à la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi, d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi et d’accepter les offres raisonnables d’emploi qui leur sont proposées.
Le deuxième type de précisions est relatif au contenu du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE. Il est précisé que ledit projet est élaboré conjointement par le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi.
Est ainsi créé, en quelque sorte, un devoir nouveau de la part du demandeur d’emploi : celui de participer à la mise en place de son projet personnalisé. Aussi, le PPAE énoncera la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, ainsi que la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu.
Nouveau devoir, mais nouveaux droits aussi, puisque le texte prévoit également que le PPAE retracera les actions que le nouvel opérateur s’engagera à mettre en œuvre dans le cadre du SPE, notamment en matière d’accompagnement et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de la commission tendant à souligner que le PPAE doit tenir compte de la formation, des qualifications, de l’expérience professionnelle, de la situation personnelle et familiale du demandeur d’emploi et de l’état du marché du travail local, pour déterminer non seulement la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, mais aussi la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu. Par rapport au texte initial, cela nous semble plus respectueux des équilibres entre droits et devoirs des demandeurs d’emploi.
Troisième type de précisions, présenté comme le plus important : celui qui est relatif à la définition de « l’offre raisonnable d’emploi ». Cette notion n’est pas vraiment nouvelle ; elle existe déjà sous une autre appellation dans le code du travail. Le projet en précise le contour et la rend évolutive. Il est vrai que ce n’est pas superflu. La notion est en effet assez floue et les partenaires sociaux ne l’ont pas précisée, ce qui a conduit à des interprétations disparates peu conformes à l’équité.
En vertu du présent texte, l’offre raisonnable d’emploi sera appréciée au regard de trois éléments : les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu.
L’apport de ce texte réside tout autant dans la détermination de ces critères que dans la dynamisation de deux d’entre eux, puisque la loi prévoit que leur appréciation évoluera dans le temps, ce qui semble logique. Il est bien naturel, en effet, d’élargir son champ de recherche géographique et de modérer ses prétentions salariales en cas de réelles difficultés à retrouver un emploi, le tout dans la limite du raisonnable, un raisonnable qui nous semble correctement apprécié par le texte.
Du point de vue du critère géographique, un demandeur d’emploi ne sera pas tenu d’accepter une offre lui imposant un trajet simple de plus d’une heure.
Du point de vue maintenant de la modération salariale, aucun demandeur d’emploi, fort heureusement, ne pourra être radié pour avoir refusé un emploi rémunéré à un niveau inférieur au montant de l’indemnité de remplacement.
Toujours au chapitre de la modération salariale, le texte précise que le salaire proposé ne pourra être inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et la profession concernées, et ne pourra contrevenir aux règles législatives et réglementaires relatives au salaire minimum.
Dernière protection louable du demandeur d’emploi : dans tous les cas, l’offre devra être compatible avec sa qualification.
En résumé, le dispositif qui fait le cœur même du projet de loi, la définition de l’offre raisonnable d’emploi, nous semble équilibré.
Le régime des sanctions prévu en cas de méconnaissance de ses devoirs par le demandeur d’emploi nous paraît également équilibré. Le texte ne le change d’ailleurs pas fondamentalement, si ce n’est pour l’assouplir.
La radiation ne pourra dorénavant être prononcée pour une durée de deux mois qu’en cas de refus sans motif légitime de deux offres raisonnables d’emploi, alors que, jusqu’ici, la radiation pouvait être prononcée dès le premier refus.
L’ensemble de ces précisions délivre un message clair : il faut agir. Ce message clair est aussi un message incomplet, car il peut laisser croire qu’une réforme des droits des demandeurs d’emploi est mise en route, ce qui est inexact.
Et pourtant, une telle réforme des droits des demandeurs d’emploi est indispensable. Elle est l’axe central de l’un des deux volets du diptyque que constituerait la mise en place, que nous appelons vivement de nos vœux, d’une véritable flexisécurité à la française.
Il est vrai que, cette flexisécurité, nous en approchons à petits pas. L’accord national interprofessionnel signé et la loi portant modernisation du marché du travail vont déjà dans ce sens.
Flexisécuriser nos politiques de l’emploi suppose de contrebalancer la nécessaire flexibilité du droit du travail par une véritable sécurisation des parcours professionnels. Tout cela ne peut se faire que dans le cadre d’une réforme approfondie des droits des demandeurs d’emploi.
Si nous nous inspirons, par exemple, de ce qui s’est fait aux Pays-Bas ou au Danemark, et qui a porté ses fruits, cette réforme devrait, en premier lieu, passer par une revalorisation substantielle de l’indemnisation de remplacement.
Le premier droit des demandeurs d’emploi pourrait être de toucher plus, quitte, en revanche, à ce que la durée d’indemnisation soit revue à la baisse.
Réformer les droits des demandeurs d’emploi, c’est aussi améliorer l’orientation et la transférabilité de leurs droits acquis. Pourrait être reconnu au demandeur d’emploi un droit à conserver ses droits. En sécurisant les parcours professionnels, on pourrait ainsi détacher les droits des travailleurs du statut de salarié.
Nous regrettons que ce projet de loi n’aille pas plus loin dans ce sens, même si nous comprenons le choix fait par le Gouvernement d’adopter une approche morcelée du dossier de l’emploi, parce que respectueuse des négociations engagées.
La négociation de la prochaine convention d’assurance chômage pourra sans doute infléchir notre système vers un modèle français de flexisécurité ; c’est du moins ce que notre groupe souhaite.
Considérant que ce projet de loi constitue déjà une avancée significative, le groupe UC-UDF est, dans l’état actuel du texte, favorable à son adoption.