Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation sanitaire dans notre pays est grave et s’aggrave. Nous sommes réunis pour la quatrième fois en huit mois afin d’étudier un texte d’exception ayant pour but d’adapter le droit existant à la crise sanitaire à laquelle nous devons faire face.
La situation est grave pour notre santé, mais ce type de projet de loi pourrait être également très grave pour nos libertés si nous n’y mettons pas les garde-fous nécessaires… Cela a été dit, le droit d’exception ne doit pas devenir le droit commun.
Peut-être devons-nous voter ce texte pour des raisons sanitaires, mais pas sans débat. Il y a toujours un risque à vivre libre. C’est à la représentation nationale d’en mesurer le prix et de définir l’éventuel périmètre de restriction que nous serions durablement prêts à consentir. Cela ne peut se faire par voie d’ordonnance ou de décret.
Or ce projet de loi permet au Gouvernement, jusqu’au 1er avril 2021, de poursuivre la prise de décret dans de nombreux domaines. Il prolonge également le régime du système d’information de cas contacts covid jusqu’au 1er avril 2021, soit cinq mois, alors que le premier texte, celui de juillet dernier, prévoyait une période transitoire de trois mois et demi. Du fait de sa longueur, cette durée est inappropriée.
Inappropriée en raison de la nature des mesures dérogatoires qui peuvent être prises. Inappropriée parce qu’elle exclut durablement le Parlement d’un débat nécessaire au sein d’une démocratie. C’est pourquoi nous sommes favorables à la proposition de notre rapporteur, votée par la commission, de raccourcir cette durée à trois mois. Ainsi, ce régime d’exception prendra fin en janvier ou, à tout le moins, ne pourra être prolongé sans débat.
De plus, vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, votre souhait de proposer un texte permettant de sortir du droit d’exception. Le plus vite sera le mieux. Une échéance à la fin janvier paraît tout à fait atteignable, voire souhaitable. Dans le pire des cas, nous prorogerons le délai en connaissance de cause et en fonction de l’inscription de ce projet de loi.
À propos de droit commun, je salue l’initiative de notre rapporteur visant à réécrire l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, ce qui permet de préciser le champ d’intervention du ministre de la santé en cas d’état d’urgence sanitaire.
Cette proposition vient consolider juridiquement ce régime de droit commun, qui était à la limite de la constitutionnalité et dont la situation sanitaire actuelle nous a montré l’utilité.
Ce texte comprend néanmoins des points positifs ! Je voudrais particulièrement souligner les apports de nos collègues de l’Assemblée nationale concernant les collectivités locales : la possibilité de réunir le conseil en dehors du lieu habituel, la limitation de l’accès au public, ainsi que les visioconférences, sont autant d’outils utiles pour garantir, à la fois, le respect des gestes barrières et la continuité de la démocratie locale.
En effet, il est préférable pour une collectivité de choisir le meilleur lieu afin de maintenir la tenue de son assemblée, gage de bon fonctionnement démocratique, tout en préservant la santé de ses conseillers.
Des conseils municipaux n’ont pu se tenir dans de bonnes conditions en septembre dernier, en raison du refus des préfectures d’autoriser le déplacement du lieu de réunion de l’organe délibérant. Des décrets permettaient de déroger à tout, mais pas à cela, ce qui semblait pourtant être une mesure de bon sens…
Si l’Assemblée nationale a apporté une touche positive à ce texte, la commission des lois a également permis de clarifier certains points. Par exemple, sur les fichiers de cas contacts de malades de la covid anonymisés, qui sont utiles pour les scientifiques dans la lutte contre l’épidémie, elle a prévu plusieurs garde-fous. Ceux-ci permettent de concilier l’intérêt médical de cet outil et le respect de la vie privée, qui ne doit pas être oublié, même en temps de crise.
Nous avons ainsi voté la « pseudonymisation » des coordonnées électroniques et téléphoniques, comme l’avait préconisé le Conseil constitutionnel le 11 mai dernier, ainsi que l’obligation de préciser, dans les décrets qui tendent à créer ces fichiers, une liste limitative de données pouvant être collectées, comme le recommande la CNIL.
Je voudrais enfin aborder un point qui n’a malheureusement pas pu être traité dans ce texte par voie d’amendement, et qui semble éloigné de notre sujet alors qu’il y est pourtant intimement lié : les plans d’occupation des sols, les POS, et plus largement la question des délais.
Lors de la loi Engagement et proximité, les POS en cours de transformation en plans locaux d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, ont été prorogés jusqu’au 31 décembre 2020. Malheureusement, les études en cours ont été interrompues par le confinement, et 520 POS n’auront pas « fait la bascule » dans les temps.
Ce sujet – je viens de le dire – ne pouvant être traité ici et maintenant, je remercie Françoise Gatel de la proposition de loi qu’elle a déposée à ce sujet. J’espère que celle-ci pourra être rapidement adoptée.
Les POS sont une première urgence, mais il est évident que les délais prévus dans diverses dispositions, comme dans la loi Mobilités, doivent être repensés. Je pense aussi aux modalités de vote : comment imaginer ne plus voter parce que la covid a encore cours ? Combien de temps nous priverions-nous de vote ?
En conclusion, le groupe Union Centriste souhaite revenir rapidement à un État de droit sans exception et, dans sa majorité, il valide cet effort de trois mois encore. Nous voterons donc le texte issu de la commission des lois du Sénat.