Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 13 octobre 2020 à 22h10
Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux ce soir par la discussion d’un projet de loi dont l’intitulé comprend des termes devenus éminemment et tristement familiers, y compris pour les nouveaux collègues qui nous ont rejoints il y a peu, et que je salue. En effet, il est question du régime transitoire de sortie de l’urgence sanitaire et, par son biais, de la réponse publique à l’épidémie.

Ce régime transitoire, qui prenait la succession de la période si particulière de l’état d’urgence sanitaire, nous en avions discuté aux mois de juin et de juillet dernier. Nous n’avions à l’époque pas obtenu d’accord avec l’Assemblée nationale, alors que nous ne rejetions pas l’idée même d’un régime transitoire. En effet, il s’agit d’un dispositif dérogatoire du droit commun dans lequel le pouvoir exécutif conserve des prérogatives substantielles de nature à limiter certaines libertés.

Au regard de la situation sanitaire en juin et juillet derniers, alors en nette amélioration, l’ampleur des prérogatives dérogatoires ne nous avait pas semblé de nature à effectuer le bon arbitrage entre les exigences parfois contradictoires que sont l’impératif de protection de la santé publique et la garantie des libertés individuelles.

Cependant, nous avons malheureusement assisté depuis la fin de l’été à une dégradation plus ou moins continue de la situation sanitaire et à un rebond de l’épidémie de coronavirus. Signe de ce regain, 74 départements ont été placés sur la liste des zones de circulation active du virus.

C’est dans ces conditions que le Gouvernement a demandé à la représentation nationale de voter la prorogation jusqu’au 1er avril 2021 du régime transitoire, afin de pouvoir poursuivre la mise en œuvre des mesures et restrictions actuelles. Dans la foulée de cet allongement, l’exécutif a également sollicité une prolongation identique des dispositions créant le fameux système d’information dédié à la lutte contre le covid-19.

Notre commission s’est immédiatement saisie du sujet dès le commencement de ses travaux, et a reconnu les nécessités liées à l’évolution de la situation sanitaire.

Dans ces conditions, le régime transitoire semble plus à même de concilier les exigences de la santé publique et des libertés individuelles. Nous avons donc souscrit au principe de sa prorogation et de celle du système d’information, mais avec quelques ajustements.

Comme le rapporteur a pu le souligner, notre position a été différente sur la durée à donner de cette prorogation. Le Gouvernement suggérait que celle-ci aille jusqu’au 1er avril 2021, soit un allongement de près de cinq mois du dispositif. Cette mesure simplifierait certes la vie de l’exécutif, mais elle serait également de nature à limiter l’intervention régulière du législateur.

Or, quand il est question de libertés publiques, de données médicales et de la politique de la Nation face au péril de cette épidémie, nous considérons que faire l’économie de l’intervention de la représentation nationale n’est pas souhaitable. C’est donc à juste titre que notre rapporteur, le président Bas, a proposé de ramener à trois mois ce prolongement, qui durerait donc jusqu’au 31 janvier prochain. Cette position est d’ailleurs proche de celle exprimée par nos collègues députés du groupe Les Républicains.

En plus de ce choix raisonnable, le texte voté par la commission comprend aussi des aménagements et des améliorations des autres dispositions du projet de loi.

Ainsi, nous ne pouvons que nous montrer sensibles à la volonté de prolonger les dispositifs permettant d’adapter le fonctionnement des collectivités territoriales à cette période difficile.

Nos élus locaux ont montré tout au long de la crise leur réactivité, leur disponibilité et leur inventivité : il faut continuer à leur faire confiance. Faisons donc le pari de la souplesse à leur égard.

D’autres améliorations portent par exemple sur le système d’information, avec la sécurisation juridique de l’action des centres communaux d’action sociale, les CCAS, durant la période de l’épidémie, ou encore la reprise des préconisations de la CNIL concernant la fixation d’une liste limitative des types de données pouvant être collectées à des fins de recherche épidémiologique.

Enfin, le texte de la commission contient aussi un ajout significatif, qui reprend à l’identique une mesure déjà votée par le Sénat durant son examen de la loi du 9 juillet 2020.

Il s’agit de la clarification du régime de droit commun de la réponse aux situations sanitaires graves de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Ces dispositions demeurent trop vagues dans le texte actuel de la loi, ce qui requiert une consolidation, comme l’a d’ailleurs justement identifié le Conseil d’État. Nous espérons que la nouvelle rédaction pourra cette fois prospérer.

Face au rebond de l’épidémie, le texte ainsi amendé offre un équilibre plus satisfaisant, qui, je l’espère, pourra être conservé en commission mixte paritaire. Il est peut-être malheureux que le régime transitoire dure plus longtemps que l’état d’urgence sanitaire proprement dit, mais les outils qu’il offre, ainsi aménagés, semblent appropriés aux exigences de l’heure.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera le projet de loi dans sa version modifiée.

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