Intervention de Alain Richard

Réunion du 14 octobre 2020 à 15h00
Code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Mes chers collègues, nous revenons aujourd’hui sur la législation relative à la lutte contre le terrorisme.

Je n’ai rien à ajouter aux propos du ministre puis du rapporteur en ce qui concerne le poids de la menace et la nécessité de garder à l’esprit tous les points de vigilance que nous avons développés depuis cinq ans.

Alors que nous avons légiféré à bien des reprises depuis cinq ans en matière de lutte contre le terrorisme, nous débattons aujourd’hui d’une mise à jour de portée limitée.

Nous sommes en effet d’accord sur le contenu des quatre prérogatives spécifiques, qui ont été instaurées en 2017 à l’issue de l’état d’urgence, c’est-à-dire les visites domiciliaires, les mesures individuelles de contrôle administratif, les périmètres de protection et les fermetures de lieux de culte. Le projet de loi prévoit aussi la prorogation de l’utilisation, dans les conditions limitées que vient de décrire le président Christian Cambon, des algorithmes de tri de données permettant le repérage des menées terroristes.

Le Gouvernement nous propose de proroger l’application de ces mesures pour une durée d’un an, dans la perspective de textes de loi qui viendront les préciser ou les encadrer, et pour tenir compte du fait que la crise sanitaire a allongé le délai nécessaire à leur préparation.

Il existe une divergence entre la position de la commission et celle du Gouvernement, mais il me semble que celle-ci est surmontable.

En effet, nous souhaitons tous que soient introduites ultérieurement dans le code de la sécurité intérieure des adaptations procédurales aux quatre mesures dont j’ai parlé, notamment pour préciser – ce n’est pas si facile – la notion de lieu de culte, car les lieux dans lesquels se déroulent les activités qu’il convient de contrôler sont parfois complexes et multiples, mais également les conditions d’intervention du juge des libertés et de la détention en termes de délais et de facilité d’approche, parce que nous rencontrons des obstacles pratiques sur certaines parties du territoire.

Nous devons procéder à ces adaptations, mais nous devons également approfondir très sérieusement notre réflexion sur les critères et le cadre de fonctionnement des algorithmes de recherche de données.

Il faut bien le dire – M. le ministre y a fait allusion –, la préparation de ces mesures, disons, de « confortement » des algorithmes est rendue plus difficile par les récentes décisions de justice, qui confirment d’ailleurs une jurisprudence antérieure de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière, pour des motifs qui tiennent beaucoup plus à la protection du consommateur de services informatiques qu’à des préoccupations de sécurité publique et de nature régalienne, affirme que l’on ne peut pas imposer aux opérateurs eux-mêmes de conserver des données pour une durée indéterminée sur instruction des autorités de sécurité publique.

Le Conseil d’État aura bientôt à tirer les conséquences de cet arrêt sur la législation française dans les affaires dont il est saisi. Nous verrons que la position de la CJUE ne prive pas entièrement l’État de ses facultés d’intervention : il reste possible d’exploiter ces algorithmes, même en respectant la décision de la Cour de justice.

Le rapporteur Daubresse le soulignait : nous ne pouvons pas non plus rester sur l’échec collectif – il faut bien le dire, nous étions à peu près tous d’accord – qu’a représenté la censure par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté, alors que cette décision nous laisse la possibilité, là encore, de prévoir des mesures de sûreté, certes plus restreintes et plus limitées dans le temps, mais qui permettraient d’encadrer les mouvements des personnes sortant de détention après avoir été condamnées pour terrorisme.

Le groupe que je représente soutient plutôt la position du Gouvernement, c’est-à-dire une simple prorogation des mesures actuelles, puis l’examen d’un texte modificatif au cours la première moitié de l’année 2021, de sorte que la législation soit vraiment stabilisée. Toutefois, la position de la commission est proche.

J’ai eu le privilège de participer à toutes les discussions en matière de législation antiterroriste depuis 2015 : il y a toujours eu un accord entre le Gouvernement, la majorité sénatoriale et les autres groupes du Sénat. Il me semble que la concertation et le débat, qui se poursuivront lors de la réunion de la commission mixte paritaire, devraient nous permettre d’aboutir de nouveau à un texte opérationnel et respectueux des libertés.

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