Intervention de Arnaud de Belenet

Réunion du 14 octobre 2020 à 21h30
Conseil économique social et environnemental — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Arnaud de BelenetArnaud de Belenet :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Président de la République confirmait le 29 juin dernier sa volonté de transformer le CESE en ce qu’il a appelé la « chambre des conventions citoyennes ». Lors du conseil des ministres du 7 juillet dernier, le ministre de la justice a présenté un projet de loi organique de réforme du CESE.

Le constat est partagé, la nécessité de cette réforme convenue.

Institution ancienne, le Conseil économique peine paradoxalement à trouver sa place dans notre corps institutionnel. Chargé depuis son origine, en 1925, comme le rappelait Nathalie Delattre, de représenter les forces économiques et sociales du pays, il est souvent critiqué pour le manque d’assiduité de ses membres, le peu de saisines dont il fait l’objet, le manque de visibilité de ses travaux, et parfois son coût. Autant de critiques qui soulignent l’éloignement de cette institution de sa finalité première, pourtant essentielle.

À cet égard, l’objet de ce projet de loi organique, confirmé par le garde des sceaux en commission à l’Assemblée nationale, est clair : le texte tend non pas à révolutionner le CESE, mais à l’adapter pour satisfaire l’objectif d’une participation citoyenne accrue.

Il n’est évidemment pas question d’en faire une troisième chambre – vous le rappeliez, monsieur le garde des sceaux. Seuls l’Assemblée nationale et le Sénat disposent de la légitimité conférée par l’élection au suffrage universel et peuvent exercer la souveraineté nationale au sens de l’article 3 de la Constitution.

Cela n’exclut cependant en rien qu’une place soit faite à la participation, bien au contraire. Cette instance offre la possibilité de consulter la société civile organisée. En cela, elle doit être perçue comme un atout, un outil qui apporte au débat démocratique, un outil d’appropriation et de légitimité d’une décision enrichie. Un outil malheureusement peu connu et mal employé.

Lutter contre la distanciation qui s’est opérée avec nos concitoyens, favoriser le débat public et la compréhension de la décision politique, voire son appropriation – sans même parler d’y adhérer –, en faisant de cette institution le « carrefour des consultations publiques », voilà la finalité première que le projet de loi organique poursuit ; de fait, notamment, il facilite la saisine du CESE et accélère ses procédures.

L’actualité sociale puis sanitaire nous prive de la réforme constitutionnelle dans laquelle aurait pu s’insérer le contenu de ce projet de loi organique.

Certains points de la version initiale du Gouvernement suscitaient le débat. Nous avons émis quelques réserves en commission sur le texte adopté par nos collègues députés.

La première concernait le risque d’interférences avec le fonctionnement des collectivités territoriales. En effet, l’article 1er prévoit notamment la possibilité pour le CESE de saisir, pour les encourager et les consulter, les conseils consultatifs créés auprès des collectivités ou groupements. On comprend la logique : dans un premier temps, conforter le rôle du CESE qui, en coopérant avec les instances locales, se verrait placé au cœur de sa mission, et lui permettre d’appuyer ses travaux sur une expertise territoriale.

Cependant, et contrairement à ce qui a pu être défendu par le rapporteur à l’Assemblée nationale, il paraît nécessaire de conditionner l’exercice de cette prérogative de consultation des instances consultatives par le CESE à l’obtention préalable d’un accord des collectivités territoriales et groupements concernés. Il s’agit pour le CESE de travailler en bonne intelligence avec les collectivités territoriales et non d’interférer avec le fonctionnement local. Nous avons soutenu l’amendement de la rapporteure allant dans ce sens et visant à rétablir la première mouture du projet de loi.

Permettre au CESE de donner son avis sur la mise en œuvre de dispositions législatives et sur les projets de loi portant sur son champ de compétences a suscité la crainte qu’il n’empiète sur le travail législatif du Parlement et qu’un pas ne soit fait vers le statut de troisième chambre. À cet égard, la commission a pris une position claire sur l’article 6.

Concernant la réduction de l’effectif du CESE, nous soutenons la suppression des 40 personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement. C’est sans doute cette composante qui prêtait le plus souvent le flanc à la critique.

La commission des lois a apporté plusieurs évolutions bienvenues. J’en profite pour saluer la qualité du travail pondéré, équilibré, opérationnel, réalisé par notre collègue Muriel Jourda.

Je terminerai mon propos en apportant un bémol aux orientations de la commission relatives au tirage au sort. Nous sommes à ce sujet assez ouverts et sans doute moins méfiants que certains membres de la commission.

Le recours au tirage au sort est impensable dans la désignation des membres votants d’une assemblée prévue par la Constitution. Ce serait là effectivement, la « démocratie de la courte paille ». En revanche, le tirage au sort est utile dans un processus consultatif, à côté de la consultation des experts, d’autant plus s’il n’est pas systématique. Il est peut-être même essentiel au moment où la légitimité de notre système pyramidal et, plus globalement, représentatif est contestée.

En effet, il participe à rendre notre organisation plus réticulaire. Comme il permet une appropriation des processus et de la complexité des sujets par un plus grand nombre, il contribue à renforcer la légitimité des avis et décisions qui en découlent.

Ce projet de loi organique donnant corps non pas à un énième chantier institutionnel sans fin, mais à une réforme intelligente du CESE, mon groupe soutiendra l’adoption du texte résultant des travaux de la commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion