Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ferons-nous du CESE ?
Vous souhaitez, monsieur le garde des sceaux, envoyer un message fort en direction de la jeunesse. Nous pourrions faire de cette institution l’un des multiples outils de la construction du monde d’après. La démocratie est en crise – abstention, mouvement des gilets jaunes, échec du grand débat qui s’est ensuivi, sentiment de colère montante au sein des différents mouvements sociaux, sociétaux et environnementaux – et la confiance envers les responsables politiques continue de s’effriter.
Dans ce contexte, il est louable de reconnaître, comme ce texte doit le faire, la nécessité de s’appuyer davantage sur l’expertise des corps intermédiaires et de renforcer la participation de la société civile et des citoyens ; mais, voilà, il y a loin de la coupe aux lèvres, monsieur le garde des sceaux : le texte dont nous discutons aujourd’hui ne donne pas corps à cette ambition.
En effet, discuter d’un texte sur ce sujet à droit constitutionnel constant est décevant ; cela réduit fortement notre champ des possibles. Des évolutions constitutionnelles seraient nécessaires pour renforcer la participation des citoyens et de la société civile, pour prendre en compte le long terme dans notre démocratie.
Le CESE est une institution essentielle, et nous ne pouvons nous passer de l’expertise des corps intermédiaires, mais il est, aujourd’hui, peu visible, trop peu écouté et rarement pris en compte dans la fabrique de la loi. Or ce projet de loi organique n’est pas suffisant pour lui donner pleinement la place que nous devrions lui permettre d’avoir, en le rénovant et en le renforçant. Nous proposerons donc des amendements pour rendre possible ce renforcement du CESE, tout en étant bien conscients, je le répète, qu’une réforme à droit constitutionnel constant ne nous permettra pas d’aller aussi loin que nécessaire.
La prise en compte du long terme, qui devrait être la marque de fabrique de cette institution et permettre à notre démocratie de donner enfin aux enjeux environnementaux la place qu’ils méritent dans l’agenda politique, doit clairement être le « label » du CESE.
Au-delà même de ce manque d’ambition, ce texte comporte des régressions démocratiques importantes, notamment dans sa version initiale, proposée par le Gouvernement et adoptée par l’Assemblée nationale. Je veux parler de la suppression des consultations obligatoires et du renforcement de la procédure simplifiée.
Sur le premier point, la commission des lois du Sénat a bien identifié le risque, en supprimant l’article 6. Nous nous opposerons bien entendu au rétablissement de celui-ci, sans quoi toute une série d’organismes qui ont apporté leur contribution ou marqué leurs réserves ne pourront plus le faire, puisque, tout simplement, ils ne seront plus consultés.
Sur le second point, la procédure simplifiée, la commission a limité la portée des modifications proposées dans le texte initial, mais nous préconisons de la supprimer totalement ; cette procédure est déjà peu utilisée et sans réelle efficacité.
Ce texte comporte donc, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, des reculs dangereux.
Toutefois, il est également porteur d’innovations bienvenues. Je veux parler du tirage au sort, qui est, selon nous, un moyen utile de compléter la démocratie représentative et de revitaliser le débat démocratique. Contrairement à ce qui a pu être avancé dans l’hémicycle et en commission, cette procédure ne nous paraît pas mener à une « démocratie de la courte paille ».
Sans vouloir remettre en cause la légitimité de la Haute Assemblée, il suffit d’un regard pour voir que nous ne sommes pas totalement représentatifs de la société française. S’appuyer, pour mener à bien notre mission de législateur, sur des assemblées de citoyens tirés au sort et représentant une diversité de points de vue enrichirait, selon nous, le processus de concertation et de prise de décision, et renforcerait notre légitimité de parlementaires, par le biais tant d’une amélioration de la qualité des décisions que du renouvellement du lien de confiance avec les citoyens.
La complexité des enjeux de société suppose davantage de démocratie dans l’élaboration des choix. Le citoyen éclairé est un nouvel acteur de la démocratie, la Convention citoyenne pour le climat en est la preuve. Nous défendrons donc des amendements visant à rétablir les processus de consultation par tirage au sort et de participation de personnes tirées au sort aux commissions du CESE. Bien sûr, pour que cet exercice réussisse, il faut des garde-fous : une information éclairée, des processus encadrés. Cela doit s’accompagner de fortes garanties, et nous avons déposé des amendements en ce sens.
Nous soutenons également les dispositions tendant à faciliter la saisine du CESE par voie de pétition, et ce dès 16 ans.
Enfin, nous souhaitons renforcer, au travers de ce texte, la place des enjeux environnementaux au sein du CESE. En effet, vous le savez tous, ces enjeux sont de plus en plus présents dans nos vies. Les effets du changement climatique se font très concrètement ressentir : tensions sur l’utilisation de la ressource en eau, difficultés agricoles et augmentation des catastrophes naturelles – le changement climatique est, selon une alerte de l’ONU datée de ce lundi 12 octobre, le principal responsable du doublement des catastrophes naturelles dans le monde en vingt ans. De même, la perte de biodiversité s’accélère.